PROBLEMATIQUE
Dans tous les pays où règne un retard
considérable de développement, la majeure partie de la population
n'a pas accès aux services financiers traditionnels, plus
particulièrement au crédit bancaire. Cette situation est
vraisemblablement dü au fait qu'une grande partie de ces populations
vivent dans des situations d'extrêmes précarités et de
pauvreté et que les institutions financières traditionnelles
imposent des conditions « draconiennes » pour accéder au
crédit dans le but de couvrir le haut niveau de risque liés
à l'investissement dans ces pays.
En Haïti, ces conditions sont très rigides, compte
tenu surtout des troubles sociopolitiques, des catastrophes naturelles et de la
mentalité anti-changement dont fait montre certains de nos concitoyens.
Ces contraintes font du pays l'un des endroits des Caraïbes où le
niveau de risque est le plus élevé en matière
d'investissement privé et, par conséquent, un endroit où
le crédit est très restrictif où la forte
régulation du système bancaire ne facilite point le financement
de projet risqué. A titre d'exemple, en 2005 seulement 27.5 milliards de
gourdes étaient accordées au secteur privé sous forme de
crédit par le secteur bancaire traditionnel, selon les données de
la BRH. En 1997, seulement 400.000 des demandeurs de crédit ont
été satisfaits (PNUD, BIT 1997). Selon la PNUD seulement 133
clients sur les 400.000 détenaient les 2/3 de la totalité du
crédit bancaire de cette même année. De même, selon
la BRH, le volume moyen de crédit bancaire annuel était de 28.5
milliards de gourdes entre 1995 et 2000 (BRH, Rapport annuel 2007). Ces
données montrent que Le crédit s'avère être un
casse-tête en Haïti ; ainsi, des projets prometteurs souffrent dans
les tiroirs, faute de financement.
Pour certains donc, le crédit est un luxe, il est
discriminatoire, sélectif. « Le haut niveau de risque en est la
cause, » affirment habituellement les banquiers et autres responsables
d'institutions financières. Il faut ajouter à tout cela
l'incapacité d'un grand nombre de demandeurs de crédit de
répondre aux exigences des banques commerciales, même tout niveau
de risque pris en compte.
Il faut donc, à cela trouver une alternative, si l'on
veut toucher certains des problèmes économiques auxquels font
face le pays. Considérant qu'avec le principe du «
multiplicateur des crédits »5, ce dernier est
le moteur du développement de l'entreprise privée, qui peut aider
grandement le pays à se lancer sur la voie du développement
économique et social. Il devient donc urgent que la problématique
du crédit soit posée, tout en considérant ses multiples
aspects. Certains pays du tiers-monde ont bien compris ce fait et ont
trouvé des alternatives à des problèmes similaires dans la
micro finance, qu'ils ont appelé finances pour les
pauvres, par opposition aux services financiers qu'offrent les
institutions financières traditionnelles qui sont pratiquement
destinés à ceux qui possèdent déjà un
certain capital.
Haïti quant à elle, ne fait l'expérience de
cette alternative qu'en 1939, date où les premières lois sur les
coopératives ont été publiées6. Au fait,
depuis cette date et face à un grand besoin de financement de
l'économie, la micro finance, à travers principalement les
coopératives, s'est vite propagée dans le pays. En 2002, parmi
les bénéficiaires du crédit, 100,000 l'étaient des
institutions de micro finance qui étaient alors au nombre de 79, avec un
portefeuille de 1.235 milliards de gourdes nous dit la ANIHM. En 2007, la micro
finance sert 108,778 micros entreprises avec une nette augmentation du
portefeuille, avec des taux de croissance respectifs de 18 et de 23% par
rapport à 2002. La micro finance, joue donc un rôle non
négligeable dans l'activité économique, mais la
détermination de ces impacts réels est aujourd'hui encore l'objet
de controverses.
5 Une banque détenant un excédent de
liquidité sous forme de monnaie central cherche à le rentabiliser
l'utilisant pour accorder du crédites prêts. Mais comme les
bénéficiaires des crédits accordés ne conservent
eux même qu'une fraction de leur avoir sous forme de monnaie centrale,
les banques peuvent distribuer des crédits pour un montant
supérieur à celui de leur liquidité excédentaire
La micro finance a de toute évidence des limites,
cependant elle a contribué entre 1995-2010 à faire augmenter
considérablement le niveau de crédit dans l'économie
haïtienne, elle lui a donné une bouffée d'oxygène,
mais le gros du travail semble reste à faire. Cette augmentation du
crédit coïncide, selon les données de l'association
nationale des institutions haïtiennes de micro finance(ANIHM), à
une augmentation considérable des micros entreprises, surtout
commerciales à Port-au-Prince. Alors, il semblerait qu'il y existe une
relation, mais il n'Ya aucune évidence. De là vient la question
centrale de la problématique : Quel est l'impact global de la
micro finance sur le secteur informel à travers l'amélioration
des conditions de vie des marchands bénéficiaires ?
De cette question principale découlent des
préoccupations secondaires telles :
· La micro finance est-elle capable, dans sa philosophie
actuelle, de promouvoir réellement la croissance économique ?
· A quel niveau a-t-elle contribuée à
réduire le problème du crédit en Haïti ?
· Dans quelle mesure peut-on faire de la micro finance un
pilier de l'économie haïtienne ?
De là, toute une série de questions que nous
proposons de répondre, afin de pouvoir, à la fin du travail,
confirmer ou infirmer nos hypothèses qui présupposent une
relation positive entre microcrédit, accroissement de micro-entreprises
commerciales et amélioration des conditions de vie à Port-au-
Prince pendant la période sous étude.
Voici, les affirmations provisoires que nous supposons.
Les H
H1
La micro finance à un impact positif sur
l'économie haïtienne, en particulier dans la réduction
du chômage pendant la période 1995-2010.
H2
La micro finance en finançant le petit commerce a
contribué à un niveau micro, à résoudre le
problème de financement dans le secteur informel en Haïti entre
1995- 2010.
H3
La micro finance peut constituer un fer de lance dans la
lutte contre la pauvreté en Haïti.
Afin de pouvoir vérifier ces hypothèses, nous nous
proposons de poursuivre tout au long de ce travail les objectifs suivants :
Objectif général du travail :
Faire ressortir la relation qui existe entre le microcrédit et
l'amélioration des conditions de vie des dans le secteur informel entre
1995-2010.
Toutefois, cet objectif sera soutenu simultanément par les
objectifs spécifiques suivants :
Objectif spécifiques :
> a) Etudier le poids du microcrédit dans le
petit commerce formel et informel.
> b) Faire ressortir l'impact du microcrédit dans la
création du pouvoir d'achat des petits marchands à
Port-au-Prince.
> c) montrer que la micro finance peut être un vecteur
de développement socio-économique pour le Pays.
A cette fin, ce travail de recherche s'articule autour de deux
(2) parties et de quatre (4) chapitres.
Une première partie théorique qui comprend les
trois premiers chapitres : Vers une meilleur compréhension de Micro
finance, rôle de la Micro finance Micro finance en Haïti et Impacts
de la PEG à Port-au-Prince.
Et une deuxième partie empirique, qui comprendra le
quatrième chapitre qui sera l'objet d'une étude de cas et de la
présentation des résultats de notre enquête qui nous
permettra de confronter théories économiques et
réalités haïtiennes.
Une annexe des tableaux, graphes et outils d'entretiens
apparaitra à la fin du document afin de faciliter une meilleure
compréhension du travail.
Eléments de méthodologies
Comme l'exige le processus ou la démarche scientifique,
ce travail comprendra d'abord une partie théorique qui, constituera,
après élaboration des objectifs et des hypothèses,
à faire une revue critique de la littérature existante avec une
analyse documentaire des publications des institutions compétentes. Ce
qui nous aura permis d'élaborer une problématique avec une
question centrale qui sert de fil conducteur au déroulement du travail.
Cette partie englobera toute la partie théorique du travail. Elle est
suivie de la partie empirique qui comprendra un travail de terrain qui aura
pour mission, via des entretiens, de collecter des informations sur un
échantillon aléatoire de petits marchands
bénéficiaires du microcrédit à Port-au-Prince, ce
qui nous a permis d'étudier la véracité de notre
première hypothèse. Nous avons présenté, par
ailleurs à l'aide des variables qualitatives et quantitatives nos trois
institutions de Micro finance, ainsi que les résultats de notre
enquête menée dans la zone métropolitaine de Port-au
prince.
L'approche dans ce travail sera donc à la fois une
approche qualitative et quantitative même si l'analyse qualitative
dominera compte tenu de la nature qualitative de nos principales variables, un
accent sera également mis sur l'analyse comparative,
généralement utilisée en sciences humaines et
sociales7.
Limite du travail
Ce travail s'inscrit dans un cadre spatio-temporel bien
défini. Il porte sur les institutions de micro finance non
coopérative à Port-au-Prince pendant la période 1995-
2010. Nous voulons par-là guider notre étude sur les institutions
de micro finance non coopératives sans oublier la composante
coopérative de la micro finance qui est toute aussi importante mais qui
peut être l'objet d'une autre étude, comme c'est
déjà le cas dans pas mal de travail antérieur au notre.
7 Madeleine G. op.cit.
D'autre part, trois IMF nous servent d'échantillons
pour notre étude de cas, en raison bien sür, de leur importances
dans le secteur, cet échantillon pouvait être bien sûr
exhaustif, mais exigerait beaucoup plus de temps et de moyens matériels
que nous ne disposons pas dans le cadre de ce travail.
Trente (30) petits marchands bénéficiaires nous
servent d'échantillon pour nos entretiens, là encore on pouvait
augmenter la taille, mais étant donné que ceux-ci sont choisis de
manière aléatoire et reflètent en qualité nos trois
institutions, nous jugeons acceptable cet échantillon.
Ainsi, cette étude doit être toujours
circonscrite dans l'espace sur lequel elle est réalisée. Elle
doit être toujours analysée à l'intérieur de cet
espace-temps car tout débordement temporel risque de conduire à
des jugements erronés à l'égard du travail.
Nous n'avons, pour tous dire, nullement la prétention
de tout dire sur ce thème, d'autant plus que la dynamique scientifique
veut que rien n'est totalement acquis et que spécifiquement, le
débat sur le rôle de la micro finance dans les pays du Sud est un
débat actuel. Tandis que nous mettons sous presse, il peut y avoir de
nouvelles avancées et de nouveaux paradigmes qui sont peut-être en
train d'être mis sur pied dans ce vaste champ d'étude qu'est la
micro finance.
Tout compte fait, nous pouvons rentrer d'emblée dans le
vif du sujet, c'est vers une meilleure compréhension de la micro finance
que nous dirigeons.
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