Paragraphe 2 : La barbarie des seigneurs de guerre
Outre l'acharnement contre la force multinationale
présente sur leur territoire, les milices somaliennes ont fait
échouer le gigantesque effort humanitaire mobilisé par la
communauté internationale en solidarité au peuple meurtri par la
famine et la misère. Le montant de l'assistance humanitaire a
été évalué à 3,5 milliards de dollars
américains.
Les acteurs de cette assistance étaient à la
fois militaires, membres de la mission d'imposition de la paix, et organisation
non gouvernementales internationales. Si les soldats ont été
plusieurs fois attaqués puis assassinés, les organisations
humanitaires ont fait face à différentes formes d'intimidation de
nature à décourager l'esprit de charité de compassion de
sacerdoce qui fonde l'action humanitaire.
A défaut de mettre fin à l'indicible souffrance
des populations, les chefs de guerre et leur milice n'ont pas cru devoir
favoriser l'acheminement de l'aide humanitaire. Ils ont à cet effet
adopté une cynique stratégie à deux volets : le
bouclage de zones censées contenir les victimes de la famine et la
rupture des lignes l'approvisionnement.
Dans leur tentative, empreinte de fatalité à
tout risque, à parvenir aux bénéficiaires de l'aide, ces
organisations ont été rançonnées, pillées et
mêmes violentées. Dans ces conditions d'insécurité,
la grande majorité des ONG n'a pu mener ses activités. Pour
exemple, 4 000 tonnes de riz offertes par des écoliers français
informés de la catastrophe somalienne n'ont pu être
déchargées dans le port de Mogadiscio.
Par leur stratégie, les milices somaliennes ont
réussi à isoler davantage le pays pour opérer dans une
sorte d'enclos en toute impunité, loin des projecteurs de
l'actualité.
Pour opérer sur place, certaines ONG ont dû
apprendre à négocier le passage en acceptant de verser une partie
de l'aide humanitaire à leur bourreau. C'est une dérive grave de
l'humanitaire.
Pour briser ces obstacles, d'autres organisations
confrontées aux mêmes conditions d'insécurité ont
appelé à un « protectorat des Nations
Unies », un appel de secours nécessaire à
l'exécution de l'assistance humanitaires.
Dans ce pays où le succès des opérations
de secours humanitaires est sans équivoque mitigé, il convient de
retracer l'action du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le
plus important, et reconnu comme tel, organisme de secours humanitaire en
période de conflit armé.
Déjà un an après l'éclatement de
la guerre civile, le CICR lançait en direction de la Somalie une des
plus grandes actions d'assistance alimentaire de son histoire. 180 000 tonnes
de nourritures distribuées en 14 mois, 1680 tonnes de semences, un
programme de vaccination pour plus de 500 000 têtes de bétail. Il
fournissait également une aide médicale, des médicaments
et du matériel chirurgical aux hôpitaux et dispensaires de
plusieurs villes. En 1992, 3600 patients ont été admis à
l'hôpital chirurgical de Mogadiscio. Plus de 250 puits ont
également été creusés dans tous les lieux où
se sont regroupés des populations vulnérables.
Pour parvenir à ce résultat, le CICR a dû
négocier la sécurité de ses convois alimentaires entre les
multiples clans rivaux et contre le banditisme. Du nord au sud, ses convois
étaient placés sous l'escorte de différents groupes
armés.
Le compromis forcé cherché par les organisations
humanitaires a conféré une importance capitale aux groupes
armés qui ont gagné en notoriété et en
crédibilité auprès d'une population civile sans
défense.
|