CHAPITRE II : DES ENSEIGNEMENTS SUR LA CATASTROPHE
HUMANITAIRE
La situation humanitaire en Somalie, dix ans après la
fin de la mission d'imposition de la paix de l'ONUSOM II, reste toujours
préoccupante. Le sort de la population civile n'a guère
changé. La guerre civile est loin de connaître son
épilogue, l'anarchie perdure encore dans ce pays livré totalement
à la loi des seigneurs de guerre qui ont du mal à trouver un
terrain d'entente susceptible d'aboutir à la réintégration
de la république.
L'intervention internationale en Somalie après avoir
suscité un réel espoir s'est soldée par un échec
cuisant qui apparaît comme la cause de la persistance de la catastrophe
humanitaire en Somalie. Au plan terminologique, la crise somalienne a
marqué l'existence de nouveaux rapports entre le droit, l'assistance et
l'ingérence humanitaire.
Section 1ère Les causes de la persistance de la
catastrophe humanitaire
La persistance de la catastrophe humanitaire en Somalie
résulte de l'échec de l'intervention internationale dans le pays.
L'élan de solidarité en faveur de ce pays a tourné
paradoxalement au drame. Le commandement de la mission d'imposition de la paix,
les chefs de guerre locaux se partagent équitablement la
responsabilité de ce désastre injustifiable autrement que par les
considérations politiques qui ont guidé l'action de chaque
partie.
Dans ses conditions, les violations graves
évoquées plus haut, bien qu'elles portent atteinte à la
dignité humaine, n'ont pu interpeller la conscience du commandement des
parties au conflit qui de surcroît ont bénéficié
d'une malveillante mais consacrée impunité.
Paragraphe 1er L'impunité des auteurs de crimes
graves
Les membres de l'ONUSOM II ont violé plusieurs
dispositions du droit humanitaire, des violations graves de la CG IV et au PAI.
Ces infractions peuvent être énumérées comme
suit :
- mesures de représailles contre la population civile,
interdites à l'article 33 de la CGIV.
- attaques sans discrimination contre la population civile, en
violation de l'article 51 du PAI.
- atteintes à la vie telles l'homicide intentionnel,
atteinte à la dignité de la personne humaine notamment les
traitements humiliants et dégradants, particulièrement sur les
enfants, en violation des articles 75 et 77 du PAI.
Les membres des factions rivales somaliennes se sont
également rendus coupables d'infraction grave à la CG IV et au
PAI.
Elles peuvent être énumérées comme
suit :
- violations de la disposition de l'article 23 relatives
à l'envoi de médicaments de vivres et vêtements en vue de
la protection des populations contre les effets de la guerre.
- violations de dispositions de l'article 70 et 71 du PAI,
relatives aux actions de secours ainsi qu'à son personnel.
Ces infractions graves sont qualifiées de
« crimes de guerre » en droit international. Selon la
Convention des Nations Unies du 26 novembre 1968 sur les crimes de guerre et
des crimes contre l'humanité, elles sont imprescriptibles.
En dépit de l'ampleur de ces crimes, ni les auteurs ni
leurs responsables hiérarchiques n'ont pas été poursuivis
selon les dispositions des articles 146, 147 et 148 de la CG IV, et les
dispositions des articles de la section II du titre V du PAI relatives à
la répression des infractions.
Les conditions n'étaient pas réunies. L'absence
d'une autorité légale et effective, et la portée de la
mission internationale en Somalie ont favorisé l'abandon de toute
idée de mise en oeuvre de la répression des infractions.
L'absence de sanctions a permis d'une part la poursuite de la guerre civile,
donc la perénisation de la crise humanitaire, et d'autre part le retrait
des Nations Unies du processus de paix dans le pays. La République de
Somalie, si ce pays mérite toujours cette appellation, est
livrée à elle même, ses populations à l'anarchie des
seigneurs de guerre, face à l'impuissance de la communauté
internationale qui n'est plus intervenue directement dans le pays.
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