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La gestion des déchets ménagers en milieu urbain: les atouts de la redevance incitative et du compostage collectif à  Besançon

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par Victor Bailly
Université de Bourgogne - Master 1 sociologie 2012
  

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Chapitre 3. Besançon

Afin de mieux comprendre le contexte institutionnel dans lequel s'ancre la gestion des déchets à Besançon, il est nécessaire de retracer son cheminement historique. Ensuite, nous étudierons les logiques aujourd'hui à l'oeuvre dans ce domaine afin de les rapprocher des politiques de « développement durable urbain »40 des métropoles françaises. « L'action publique en développement durable s'inscrit dans des espaces de contraintes, qui ne correspondent pas uniquement à des variables socio-politiques (tel le portage des dossiers par les élus) mais aussi à des éléments morphologiques ou socio-économiques, portant la trace d'un certain passé, de longue durée, qui imprègne le territoire. La configuration socio-spatiale de chaque localité influe ainsi sur les conditions de faisabilité de la ville durable »41. Avant d'aborder l'historique de la gestion des excréta urbains à Besançon depuis l'époque romaine jusqu'à aujourd'hui, nous pouvons repérer certains traits caractéristiques non exhaustifs qui dessinent l'ethos de la ville en matière de développement durable et rendent compte des politiques menées au niveau de la gestion des déchets :

- Le rattachement tardif au Royaume de France (1678) qui semble alimenter aujourd'hui encore une logique de distinction chez certains bisontins42 ;

- La tradition socialiste de la mairie de Besançon a permis d'assurer un « continuum politique » favorable au développement de projets fédérateurs et novateurs en matière de développement durable43 ;

- Le rapport très singulier de la ville de Besançon à l'environnement : avec ses sept collines verdoyantes et le Doubs, Besançon est résolument une ville ouverte sur la nature qui promeut son statut de « première ville verte de France » accordé à diverses reprises par des enquêtes de quotidiens français ;

- La proximité de la Suisse, où la redevance incitative est très développée, n'est pas sans influence ;

- La forte tradition de luttes sociales à Besançon qui autorise un investissement militant de la part de certains élus ou de la part d'associations prestataires.

En fait, à travers l'instauration de la redevance incitative, nous assistons aussi à la démonstration de l'exemplarité et à l'affirmation de l'identité singulière de la commune de Besançon.

40 HAMMAN Philippe, BLANC Christine, op. cit., 260 p.

41 Ibid., p. 195.

42 Jean nous parle du « chauvinisme bisontin ». Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.

43 La redevance incitative au volume du bac a été instaurée en 1999 lorsque Robert Schwint était maire (1977-2001) et Jean-Louis Fousseret a pris la relève et même prolongé la démarche entamée sous son prédécesseur.

1. « La propreté à Besançon au fil des âges »44

Les travaux de Denis Guigo sur « La propreté à Besançon au fil des âges »45 nous ont permis de retracer le cheminement historique de la gestion des excréta urbains à Besançon depuis l'époque romaine jusqu'au début des années 1990. Nous ne nous intéresserons pas à l'industrie de la récupération mais plutôt à l'émergence et à la structuration d'un SPED.

1.A. De l'époque romaine à la résurgence des enjeux de salubrité publique au

XVIIIe siècle

Avec la conquête de Vesontio46 par Jules César en 58 avant J.-C., cet oppidum gaulois se transforme en capitale romaine en raison de sa position stratégique tant au niveau militaire qu'au niveau commercial. Durant cet âge d'or de la ville, les Romains réalisent de nombreux aménagements dont la construction d'un aqueduc de 10 kms qui transporte de l'eau potable depuis la source d'Arcier (en amont du Doubs) jusqu'à l'intérieur de la Boucle47, ainsi qu'un réseau hydrique constitué de thermes, de fontaines et d'égouts. A partir du IVe siècle après J.-C., le déclin de l'empire romain laisse ces infrastructures à l'abandon et l'aqueduc, pièce maitresse du système romain de salubrité publique, est partiellement détruit au Ve siècle.

Jusqu'au XVIIe siècle, la gestion des excréta urbains s'opère sur le mode du « tout à la rivière », sauf, évidemment, pour les matières qui peuvent faire l'objet d'une réutilisation (boues et vidanges pour l'agriculture, déblais de construction pour l'aménagement des rives du Doubs, etc.). L'entretien de la voirie est à la charge des bisontins qui doivent désormais déposer leurs immondices au-delà des remparts mais, comme pour le Royaume de France, le manque de zèle des riverains entraine une multiplication stérile des édits imposant l'obligation de balayage.

Au XVIIIe siècle, Besançon cherche à faire face aux « problèmes du manque d'eau potable en ville et de l'évacuation des eaux usées » qui demeurent jusque là sans solutions depuis l'époque romaine, malgré l'existence de quelques fontaines publiques alimentées par la source de Fontaine-Argent depuis 1457 et par celle de Bregille un siècle plus tard. Finalement, la solution retenue pour sortir de « l'ère du goutte-à-goutte »48 sera la même que celle mise en place 17 siècles plus tôt sous l'empereur romain Marc-Aurèle : la réalisation d'un aqueduc reliant la source d'Arcier à la Boucle qui s'achève en 1854, conjointement à la constitution d'un réseau d'égouts. C'est également au début du XVIIIe siècle, plus exactement en 1713, que nait l'ébouage municipal pour les trois artères

44 GUIGO Denis, « La propreté à Besançon au fil des âges », in Les Annales de la Recherche Urbaine, Décembre 1991 : n° 53, p. 46-57.

45 Ibid.

46 Nom latin de Besançon.

47 Centre historique de Besançon entouré par un méandre du Doubs et la colline de la Citadelle.

48 Ibid., p. 50.

principales de la ville qui dessinent un axe Nord-Sud (Grande Rue, rue des Granges, rue St Vincent [actuellement rue Megevand]). « Les habitants des voies concernées [...] sont toujours chargés de balayer devant chez eux mais ils n'ont plus qu'à laisser les déchets en tas au milieu du pavé, le mercredi et le samedi avant dix heures du matin; ils seront ramassés par les tombereaux de "l'entrepreneur du netoyement des rues". »49. Cette mesure se généralise à toute la ville intra muros en 1741.

1.B. La structuration de l'ébouage municipal : passage d'une logique

d'adjudication à une logique de régie

A partir de la fin du XVIIIe siècle, des femmes indigentes et parfois des enfants sont employés de façon informelle par la Ville au balayage des places publiques. Avec ce développement timide d'un service de nettoyage des espaces publics, des contraintes budgétaires commencent à être palpables : « la Ville encaisse des rentrées de plus en plus limitées lors de l'adjudication de la "ferme des boues", divisée en lots ; en revanche, les dépenses engagées pour balayer sur les places et devant les bâtiments communaux augmentent. [...] En effet, la présence de cendres et de déchets inertes rend la gadoue urbaine moins intéressante pour les agriculteurs, qui refusent bientôt de payer pour l'enlever puis exigent d'être rémunérés, et de plus en plus cher. On combine donc la régie et l'adjudication pour contenir le prix demandé par les agriculteurs, depuis la fin des années 1860 jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. »50.

Face à la dégradation de la qualité des boues urbaines, un ingénieur-voyer bisontin préconise en 1876 la séparation des matières inertes et des matières organiques. Dans ce prolongement, l'arrêté du 24 novembre 1896 instaure un système de poubelles avec double récipient : « une caisse pour les déchets aptes à servir d'engrais ; une autre pour les débris de vaisselle, de verre, de poterie et les écailles d'huîtres. »51. Cependant, ces diverses tentatives d'application du tri à la source se sont toujours heurtées à la difficile collaboration des bisontins.

Cette nouvelle organisation de la gestion des excréta urbains se formalise en 1876 avec la municipalisation du balayage des espaces publics : « sous la surveillance de trois gardes de la voirie, neuf cantonniers cordonneront désormais le nettoiement et l'arrosage intra muros »52 tout en conservant une main d'oeuvre indigente qui ne fait pas partie du personnel municipal. « Les riverains sont toujours chargés de nettoyer devant chez eux et d'ajouter leurs ordures en tas avant 8 ou 9 heures selon la saison ; quatorze auxiliaires balayent le reste du territoire et seize autres chargent les immondices sur les tombereaux qui les enlèvent. ». Dès la fin du XIXe siècle, la ville

49 Ibid., p. 51.

50 Ibid., p. 52.

51 Ibid., p. 53.

52 Ibid., p. 52.

envisage de se substituer intégralement aux riverains dans la tâche de nettoiement de la chaussée, grâce à la création d'une taxe de balayage, mais ce projet n'aboutit pas.

Au début du XXe siècle, le service de gestion des excréta urbains se technicise (achat d'une balayeuse-automobile et d'une arroseuse-automobile) et souhaite rationaliser le nettoiement de la ville grâce à une nouvelle tentative d'instauration d'une taxe de balayage : « Le Conseil prévoit pour cela de concéder au privé l'enlèvement des ordures ménagères ; une entreprise locale de transport, la société des Monts-Jura, a d'ailleurs proposé en 1921 de prendre en charge l'enlèvement des ordures ménagères, ainsi que le nettoiement de la ville, pour 485 000 F par an. L'importance de la somme - près de 10 % du budget - fait reculer la municipalité qui décide finalement de concéder pour quinze ans aux Monts-Jura l'enlèvement des ordures ménagères par camions-bennes avec couvercle à charnières. Le coût de la prestation, évalué à 185 000 F par an, y compris l'entretien d'une décharge, aurait été couvert par une taxe perçue par poubelle : 50 F par an pour une poubelle de 15 litres correspondant aux besoins d'un ménage (la poubelle étant fournie par la Ville). Mais ce projet ne fut pas mis à exécution ; les variantes proposées ensuite par d'autres sociétés non plus. Pendant encore 25 ans, l'enlèvement des détritus a été assuré par des charrettes non couvertes, tirées par des chevaux et dont le contenu était vidé en décharge ou - de plus en plus rarement - utilisé comme engrais. »53. Bien que la taxe de balayage soit toujours restée un voeu pieux, « une taxe d'enlèvement des ordures ménagères [TEOM] a été instaurée dès 1927, en application de la loi du 13 août 1926 »54 qui autorise désormais les communes à prélever le contribuable pour assurer la propreté.

1.C. La modernisation du SPED de l'après-guerre à aujourd'hui

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le service municipal de gestion des déchets
se modernise enfin avec l'achat de « sept modernes camions-bennes électriques, dont quatre bennes-
tasseuses de 15m3 ». Le gisement des ordures, composé d'une quantité croissante de matières
inertes, ne peut plus faire l'objet d'une valorisation dans l'agriculture et est traité par une mise en
décharge. La décharge municipale s'apparente à une décharge sauvage sur laquelle on brûle les
ordures afin de gagner de l'espace, ce qui faisait dire à Jean Minjoz, alors maire de la ville, que ce
brasier produit « un panache de fumée qui permettait aux aviateurs et à beaucoup d'autres voyageurs
de localiser la ville de Besançon »55. En 1966, le site est transformé en « décharge contrôlée », ce
qui consiste à entreposer les ordures par couches successives entre lesquelles on dispose de la terre.
En 1971, Besançon ouvre sa première usine d'incinération, ce qui conduit à un transfert
d'une partie des tonnages de la mise en décharge vers ce nouveau procédé de traitement. Cette unité

53 Ibid., p. 53.

54 Ibid., p. 53.

55 Ibid., p. 54.

d'incinération valorise la chaleur produite par la combustion des ordures bisontines en chauffage urbain qui alimente le jeune quartier de Planoise56 et, à partir de 1984, l'hôpital. Avec la loi de 1975, la ville de Besançon poursuit la modernisation de son SPED en uniformisant les conteneurs, jadis très disparates car le choix des récipients était laissé à l'appréciation des riverains. Ces conteneurs modernes sont loués aux usagers et permettent un gain de temps sur les circuits de collecte grâce au système de basculement dans les camions-bennes. La location de bacs aux usagers constitue en quelque sorte les prémices de la redevance incitative puisque le prix de location varie en fonction du volume choisi par l'usager. La modernisation du SPED marque l'intronisation d'un « "service complet" : l'éboueur prend le conteneur dans la cour ou le jardin de l'immeuble, le vide puis le remet en place. »57.

Cependant, Denis Guigo souligne que « le progressif déchargement du citadin de ses obligations de propreté urbaine, au profit des professionnels, ne signifie pas qu'il n'a plus de rôle à jouer dans l'intendance de la cité » tout en décrivant les orientations données par la ville de Besançon à la problématique de la salubrité urbaine au début des années 1990 : sensibilisation des usagers sur les enjeux de cette problématique ; réflexion intercommunale sur « le traitement des déchets, les réseaux d'eau, l'assainissement »58 (avec la création du Conseil des Communes du Grand Besançon en 1990) ; développement d'un réseau de déchèteries (la première a été ouverte en 1984). Denis Guigo conclue en soulevant un problème qui constitue un invariant historique dans la gestion des déchets et qui caractérise encore les difficultés rencontrées aujourd'hui : « N'est-ce pas un enseignement analogue que nous livre l'histoire de la longue réticence du citadin à empoigner le balai dans l'espace public : l'individu rechigne à s'occuper des déchets d'autrui. Il convient donc d'agir à la source, en combinant l'information, l'individualisation et l'incitation financière. »59. La promotion de ces principes d'information, de territorialisation et d'incitation financière s'adjoint d'une critique visionnaire de la TEOM qui débouche sur la suggestion de solutions alternatives : « Peut-être réformera-t-on plus tard le mode de calcul de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, basée actuellement sur la valeur locative de la propriété et non sur le nombre d'occupants ni sur le volume des ordures traitées ? On pourrait identifier et peser automatiquement les conteneurs au moment de leur déchargement dans la benne, grâce à des techniques modernes utilisées déjà dans l'industrie. »60. Cette vision se concrétisera en 1999 avec l'instauration d'une

56 Le quartier est principalement constitué de barres d'immeubles et de tours, construites à partir des années 1960 sur une zone qui, jusque-là, avait un caractère champêtre. Il est aujourd'hui considéré comme le quartier le plus sensible de Besançon.

57 Ibid., p. 54.

58 Ibid., p. 57.

59 Ibid., p. 57.

60 Ibid., p. 57.

redevance incitative au volume du bac.

2. La redevance incitative à Besançon

2.A. L'instauration de la REOM au volume du bac (1999)

Besançon fait figure d'exception dans le paysage français de la gestion des déchets ménagers puisque c'est la seule ville française d'une telle taille qui ait adopté la redevance incitative. Ce choix s'est appuyé sur de nombreuses motivations mais s'est cependant heurté à différentes limites, aussi bien avant qu'après sa mise en place.

2.A.a. Motivations du passage à la REOM

A Besançon, la décision du passage d'une TEOM à une REOM en 1999 pour le financement du SPED est directement liée à la volonté de réduire les investissements dans des mises aux normes environnementales de plus en plus onéreuses des usines d'incinération. Clairement, il faut trouver des alternatives à l'incinération et, dans un contexte marqué par la mise en place d'une collecte sélective (1999), le recyclage semble promis à un bel avenir. L'enjeu est donc de transférer une partie des tonnages de l'incinération vers le recyclage afin de maîtriser les coûts croissants de traitement auxquels est confronté le service municipal en charge des déchets. Cependant, le recyclage ne permettant pas de traiter un volume important d'ordures ménagères, surtout dans les premières années de la collecte sélective, la construction d'un nouveau four est nécessaire, d'autant plus que le premier qui a été construit en 1971 arrive en fin de vie. En 2002, la nouvelle Unité d'Incinération des Ordures Ménagères (UIOM) entre en fonctionnement et la plus ancienne est arrêtée.

En 1999, la loi dite « Chevènement » élargit les compétences de l'intercommunalité, ce qui constitue un moment opportun pour mutualiser la réflexion et les décisions avec les territoires voisins concernant les solutions de traitement à privilégier. C'est ainsi qu'est créé un Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) en charge du traitement des déchets (déchèteries, tri, compostage, ressourceries, incinération) : le Syndicat mixte de Besançon Et sa Région pour le Traitement des déchets (SYBERT). Cette coopération intercommunale renforce l'impératif de transparence des coûts du SPED, et notamment du traitement. Seul un système de REOM peut assurer cet objectif de transparence via la création d'un budget annexe61.

Enfin, l'instauration de la REOM implique un changement de statut du SPED, qui passe d'un Service Public Administratif (SPA) prélevant le coût de la prestation sur les contribuables à un Service Public Industriel et Commercial (SPIC) facturant cette charge aux usagers. Dès lors, il est

61 Cf. partie « Objectifs », p. 69.

nécessaire de définir un système de « compteur » qui puisse mesurer la quantité de déchets produite par chaque ménage afin de servir d'assiette de facturation et de mettre en place un système pour recenser l'ensemble des futurs redevables, deux conditions difficiles à satisfaire et qui sont des freins majeurs à l'instauration de la redevance incitative. Or, la ville disposait déjà d'un fichier des redevables puisqu'elle avait gardé la maîtrise du parc de conteneurs en louant les bacs aux particuliers depuis 1975 et facturait cette location en fonction du volume du bac. C'est donc assez naturellement que la solution d'une redevance incitative au volume du bac fut retenue tout en combinant cette variable au nombre de levées62.

2.A.b. Réticences et compromis

Cependant, ce basculement vers la redevance incitative n'était pas sans poser un certain nombre de problèmes.

Tout d'abord, comme nous l'avons vu précédemment, la redevance incitative pénalise les familles nombreuses et précaires et s'est donc heurtée, pour cette raison, à la réticence de certains élus. « La Ville de Besançon avait ainsi étudié la possibilité de mettre en place une redevance directement proportionnelle au volume du bac. Elle n'a pas retenu cette possibilité et a choisi une grille tarifaire forfaitaire par type de bacs. Comme le montre le graphique 4 ci-après, la REOM équivalente en €/litre est nettement dégressive »63 afin de ne pas pénaliser les familles nombreuses résidant en logement social, d'autant plus que cette décision trouve une justification : la collecte en habitat vertical nécessite moins de temps d'intervention grâce à la taille et au regroupement des conteneurs, ce qui la rend moins coûteuse que la collecte en habitat pavillonnaire.

Graphique 4 : Grille tarifaire de la REOM pour l'année 2000. Ville de Besançon.

Source : DIRECTION DES ETUDES ECONOMIQUES ET DE L'EVALUATION ENVIRONNEMENTALE DU
MINISTERE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE, op. cit., p. 61.

62 Nombre de fois où le bac est vidé par les ripeurs dans le camion-benne.

63 DIRECTION DES ETUDES ECONOMIQUES ET DE L'EVALUATION ENVIRONNEMENTALE DU MINISTERE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE, op. cit., p. 61.

Certaines réticences vis-à-vis de l'instauration d'une redevance incitative étaient également dues à la crainte des retombées politiques de l'adoption de ce nouveau système à deux ans des prochaines élections municipales. Cependant, cet écueil est évité car le passage à la redevance incitative est décidé à l'unanimité et fait l'objet d'un puissant portage politique64.

Le dernier facteur d'incertitude reste l'implication des bisontins dans ce nouveau dispositif. Pour s'assurer de leur participation, une campagne de communication est lancée dès 1998 et s'appuie sur divers supports de communication : dossiers publiés dans les bulletins municipaux et la presse locale, lettres d'information, fascicules informatifs et modes d'emploi pour le décryptage de la facture distribués à tous les ménages, réunions publiques.

2.A.c. Des débuts difficiles qui nécessitent des mesures correctives

Les premières factures envoyées aux usagers ont entrainé une explosion des réclamations, notamment de la part de l'habitat individuel qui voit sa contribution au financement du SPED augmenter jusqu'à 50 voire 100 %. Le standard téléphonique et l'accueil du service gestion des déchets sont débordés et la presse locale relais le mécontentement de certains bisontins. Face à ces critiques, des mesures correctives sont prises :

- Introduction d'un petit bac (60 L) adapté aux foyers de 1 ou 2 personnes ;

- Adaptation de la fréquence de collecte ;

- Modification du mode de calcul de la Redevance ;

- Mise en oeuvre de contrats de regroupement qui permettent à plusieurs propriétaires d'utiliser en commun un même bac sous un seul contrat, ce qui leur permet de bénéficier du régime favorable aux bacs de plus grande capacité ;

- Mise en place d'une communication d'accompagnement (bulletin municipal, lettres d'accompagnement explicatives avec les factures).

C'est une réelle épreuve de force qu'ont dû surmonter les élus et les techniciens pour parvenir à rendre efficient ce nouveau mode de financement du SPED. Assurément, ces derniers ont acquis un savoir-faire important et ont su redonner leurs lettres de noblesse au service de gestion des déchets qui a désormais pour mission de responsabiliser l'usager en vue d'en faire un « éco-citoyen ».

64 « De façon récurrente, les techniciens et les administratifs rencontrés soulignent que l'engagement des élus est décisif pour la concrétisation des opérations de DD urbain. [...] On peut alors faire l'hypothèse selon laquelle il faut que l'enjeu du DD se politise localement pour qu'il "prenne" ». HAMMAN Philippe, BLANC Christine, op. cit., p. 91.

2.B. 2012 : Instauration de la redevance incitative avec pesée embarquée

2.B.a. La redevance incitative avec pesée embarquée pour réduire la part de l'incinération

A la fin des années 2000, la capacité de traitement par incinération paraît une nouvelle fois menacée par l'arrivée en fin de vie du four construit en 1976. Afin d'éviter le remplacement de ce four65 qui demanderait encore un investissement conséquent, la préférence est accordée à la réduction à la source et à la valorisation matière conformément aux orientations du Grenelle de l'environnement. Afin d'atteindre cet objectif il est nécessaire d'accentuer le levier incitatif pour détourner une part des déchets incinérés vers la collecte sélective, le compostage et les déchèteries. Cette solution paraît d'autant plus justifiée que le Grenelle de l'environnement consacre l'intégration d'une part incitative dans le mode de financement du SPED : le service de gestion des déchets de la Communauté d'Agglomération du Grand Besançon (CAGB) possède donc une longueur d'avance et compte bien continuer à montrer la voie au niveau national. C'est dans ce contexte qu'est prise la décision d'instaurer une redevance incitative avec pesée embarquée, première expérience de ce type sur un secteur urbain aussi important.

2.B.b. Une redéfinition de la redevance incitative ?

Il est d'ailleurs significatif d'observer le déplacement sémantique opéré par les élus et techniciens de la CAGB quant à la définition de la « redevance incitative ». En effet, la REOM au volume du bac instaurée depuis 1999 ne mérite plus, selon eux, l'appellation « incitative » car elle ne traduit que grossièrement la quantité de déchets produits par chaque ménage. Ainsi, seule l'intégration de la variable « poids » grâce un système de pesée embarquée reflète fidèlement le niveau de consommation du SPED par chaque ménage et peut avoir une portée incitative significative sur le comportement de ces derniers. Nos observations de terrain ont d'ailleurs confirmé que, même chez les bisontins les plus concernés par la question des déchets ménagers (guides composteurs, membres de Trivial Compost), le caractère incitatif de l'ancienne tarification au volume du bac n'était pas vraiment perçu.

2.B.c. L'éternel casse-tête de l'habitat collectif

Si, au niveau de l'habitat collectif, le passage à la redevance incitative au volume du bac en 1999 avait finalement posé moins de problèmes que ce qui était redouté, l'instauration d'une redevance incitative avec pesée embarquée donne un poids primordial à la question de l'habitat collectif. En effet, les conteneurs étant partagés dans ce mode d'habitation, il n'y a aucun moyen qui puisse permettre d'individualiser la facture de chaque ménage, ce qui remet en cause la portée

65 Comme ce fut le cas en 2002 avec l'arrêt du plus vieux four (construit en 1971) et la mise en marche d'un nouveau.

incitative du dispositif. Ainsi les objectifs fixés par le Grand Besançon sont différenciés en fonction du mode d'habitat : la diminution de la quantité d'ordures ménagères résiduelles devra être de 35 % en habitat pavillonnaire et de 12 % en habitat collectif à l'horizon 2014.

La faible influence du levier incitatif en habitat collectif invite à rechercher d'autres facteurs pouvant favoriser l'adoption de bonnes pratiques en termes de tri des matières recyclables et de compostage au sein de ce mode d'habitat. Cette problématique sera probablement au coeur de notre travail de Master 2.

3. Logiques du développement durable urbain au niveau de la gestion des déchets

Dans cette partie nous tenterons de saisir en quoi la gestion des déchets s'inscrit plus largement dans le champ des politiques de développement durable urbain, à partir des travaux de Philippe Hamman et Christine Blanc66. Toutefois, il est impératif d'apporter, au préalable, un éclairage sur ce que recouvre la notion de développement durable. Il s'agit, en effet, d'un concept flou, d'un « mot valise »67 si nous songeons à la définition donnée par le rapport Brundtland - « répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs »68 - ou au diagramme situant ce concept à l'intersection des dimensions écologiques, économiques et sociales (présenté ci-après). Finalement, le développement durable est une thématique transversale qui entraine des dimensions « multi-échelles » et « multi-acteurs » et s'intègre aux politiques publiques sur le mode de l'expérimental puisque, sa définition restant large et théorique, il n'existe aucune application pratique préétablie. Cependant, la production d'expertises sur les différentes politiques publiques menées en matière de développement durable vise à systématiser ces pratiques afin de dégager des modèles susceptibles d'être étendus.

 

Schéma 2 : Le diagramme du développement durable

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Développement_durable (page
consultée le 17 mai 2012)

66 HAMMAN Philippe, BLANC Christine, op. cit., 260 p.

67 Ibid., p. 20.

68 BRUNDTLAND Gro Harlem, Notre avenir à tous, Rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement de l'ONU, 1987, p. 14.

3.A. Dimensions « multi-échelles » et « multi-acteurs »

Selon Philippe Hamman et Christine Blanc les politiques publiques de développement durable se caractérisent par des dimensions « multi-échelles » et « multi-acteurs » que nous retrouvons de façon prégnante dans la politique de gestion des déchets du Grand Besançon. En effet, la mise en place d'actions publiques de développement durable nécessite une collaboration accrue entre divers acteurs qui agissent à des échelles différentes et influent sur la définition locale d'une politique de gestion des déchets ménagers. Voici une présentation synthétique de ces échelles qui s'imbriquent.

· Au niveau « macro », plutôt stratégique, nous trouvons :

- Le niveau européen avec l'établissement de directives fixant des orientations à retranscrire dans le cadre juridique de chaque pays membre de l'Union Européenne ;

- Le niveau national avec l'adoption de législations précisant les orientations de la politique nationale de gestion des déchets ménagers (loi de 1975, loi de 1992, Grenelle de l'environnement) ;

- Le niveau régional avec les directions régionales de l'ADEME qui appuient les collectivités dans la mise en place de solutions techniques favorisant la réalisation des objectifs fixés au niveau national ;

- Le niveau départemental avec l'établissement de Plans d'Élimination des Déchets Ménagers et Assimilés (PEDMA) qui définit pour les années à venir les objectifs de valorisation et de réduction des déchets produits ainsi que les moyens d'une gestion des déchets durable et respectueuse de l'environnement ;

· Au niveau « micro », plutôt opérationnel :

- Le niveau intercommunal large avec, pour l'exemple de Besançon, le regroupement de 198 communes (représentant 225 000 habitants) au sein d'un EPCI en charge du traitement des déchets ménagers, le SYBERT ;

- Le niveau intercommunal restreint avec le regroupement de 59 communes (représentant 176
000 habitants) au sein d'un EPCI en charge de la collecte des déchets ménagers, la CAGB ;

- Le niveau communal avec le ville de Besançon (117 000 habitants) qui n'a plus la compétence de la gestion des déchets ménagers mais s'attèle quand même à promouvoir des opérations de réduction ou de tri des déchets au sein de ses différents services grâce à ses chargés de mission développement durable (exemple : Lancement, en 2012, de l'expérimentation de compostage dans les restaurants scolaires de Besançon avec la direction éducation) et à travers l'adoption d'un plan d'action consigné dans l'Agenda 21

local69 (qui est en partie commun avec la CAGB);

- Le niveau du quartier avec les Conseils consultatifs d'habitants qui sont des relais souvent sollicités pour favoriser l'implantation de composteurs en pied d'immeuble.

Ces exemples montrent l'imbrication des enjeux de développement durable qui s'intègrent aux politiques publiques par le biais de compétences obligatoires (par exemple, l'obligation de prise en charge des déchets ménagers par les communes), de compétences partagées ou déléguées (par exemple, la constitution d'EPCI pour la collecte et le traitement des déchets), voire d'aucune compétence puisque « la définition du développement durable urbain reste suffisamment "ouverte" pour permettre aux différentes collectivités de s'y inscrire »70 (par exemple, la direction éducation de la mairie de Besançon et les Conseils consultatifs de quartier).

Cependant, Philippe Hamman et Christine Blanc montrent que c'est le niveau intercommunal qui a un rôle moteur en matière de développement durable et qui s'affirme de plus en plus face à la ville. Toutefois, ce constat est à nuancer puisque la ville-centre, qui concentre la majorité du poids socio-démographique et économique, est souvent à l'origine et au coeur du regroupement intercommunal. Ainsi, c'est la ville de Besançon qui a impulsé une dynamique novatrice dans la gestion intercommunale des déchets ménagers.

3.B. Des pratiques expérimentales

Le cas bisontin de la gestion des déchets ménagers confirme que « les projets de DD urbain s'inscrivent d'abord dans des pratiques expérimentales, à petite échelle et marquées par la dimension processuelle de leur concrétisation. [...] La notion d'expérimentation renvoie à la fois au droit à l'erreur, au développement de projets temporaires et à la mise en oeuvre sur des échelles réduites. Elle est au centre d'un grand nombre d'actions en DD urbain : ce serait là un mode pertinent d'application de projets, quand bien même on peut y voir une bifurcation par rapport à une politique de plus grande ampleur. [...] C'est cette expérimentation territorialisée qui permettrait une mise en place concrète du DD, au-delà des grands principes. [...] Cette démarche implique d'élaborer, au fil des questions qui se posent, des solutions techniques »71.

Afin d'en rendre compte, nous allons désormais focaliser notre analyse sur la politique de prévention des déchets menée par le SYBERT depuis 2010 et notamment le compostage en habitat collectif. Tout d'abord, notons que, contrairement aux solutions d'élimination classiques

69 « Le "Sommet de la Terre" de Rio en 1992 a débouché sur l'adoption par 173 pays de la démarche d'Agenda 21 (pour le 21e siècle), dont les Agendas 21 locaux sont une déclinaison territoriale, à travers un certain nombre de plans d'action portés par les collectivités. Ces démarches se sont multipliées ces dernières années, en tant que telle ou via des chartes s'en rapprochant ». Cependant, les Agendas 21 locaux constituent plus un support de débat public qu'un outil opérationnel. HAMMAN Philippe, BLANC Christine, op. cit., p. 135.

70 Ibid.., p. 30.

71 Ibid., p. 139.

(incinération, décharge) qui dessinent des modèles d'action stabilisés, voire figés, les actions de prévention (compostage, éco-gestes, etc.) sont diversifiées et se développent de façon processuelle72 à travers des pratiques expérimentales.

Ainsi, « au printemps 2009, le SYBERT a lancé une étude stratégique, SYBERT 2025, afin de trouver une alternative au vieux four d'incinération dans une logique de réduction des déchets résiduels. L'objectif principal porte sur le détournement de la matière organique (déchets de cuisine et autres déchets fermentescibles) de l'incinération et sa valorisation sous forme de compost et/ou de biogaz. »73. Au terme de cette étude stratégique, diverses solutions se profilent, notamment l'instauration d'une collecte sélective des bio-déchets pour un traitement par méthanisation ou par compostage industriel. Finalement, il s'avère que les solutions techniques avancées nécessitent des investissements importants qui risquent de faire exploser le coût du service pour l'usager. Le SYBERT réoriente alors sa politique en s'appuyant sur l'instauration de la redevance incitative pour chercher des pistes alternatives74 répondant à l'objectif de prévention.

La solution finalement retenue concernant les déchets organiques possède un caractère expérimental : il s'agit de développer la gestion de proximité dans un contexte urbain où le compostage en habitat collectif est un pari osé au vu du peu de retours d'expérience disponibles sur ce type d'actions75. En effet, seules quelques villes pionnières telles que Rennes se sont à l'époque lancées dans la promotion du compostage en pied d'immeuble et cette solution technique est encore à l'état embryonnaire. Affichant des objectifs de valorisation organique exigeants à moyen terme, il s'agit dès lors pour le SYBERT de contribuer à l'expérimentation d'un nouveau modèle d'action en vu de sa systématisation.

72 Comme le soulignent Philippe Hamman et Christine Blanc « l'opérationnalisation du DD urbain passe par des pratiques graduelles, où l'on distingue de véritables cheminements de concrétisation. [...] Cette progressivité du raisonnement sur le plan technique se conjugue qui plus est avec des évolutions normatives courantes qu'il s'agit à chaque fois d'intégrer ». Ibid., p. 142-143.

73 SYBERT, Lettre aux élus, mars 2010, p. 3.

74 La recherche de pistes alternatives répond aux objectifs suivants :

- écarter les investissements lourds ;

- réduire massivement la quantité de déchets par la prévention ;

- gérer localement les bio-déchets ;

- développer de nouvelles filières ;

- trouver des solutions alternatives pour l'excédent d'ordures résiduelles (exportation vers des incinérateurs voisins) ;

- optimiser et mutualiser les outils existants ;

- utiliser au mieux les financements publics ;

- créer des emplois locaux.

75 Hormis la thématique des bio-déchets, nous retrouvons cette démarche expérimentale dans le domaine de la promotion des éco-gestes via une communication basée sur une « expérience réalité » intitulée « Le ménage presque parfait de Besançon et sa région », opération consistant à suivre une dizaine de foyers dans l'adoption de pratiques quotidiennes destinées à réduire la production de déchets ménagers. Un site Internet permet aux participants de faire part de leur expérience, d'échanger des conseils ou des pratiques, tout en constituant un support pédagogique d'information pour la population bisontine.

3.C. Dépasser l'expérimentation grâce à l'expertise

Dans cette perspective, « la constitution de l'expertise apparaît nécessaire pour produire des instruments et outils »76 qui servent à la fois à évaluer, orienter et consolider l'action menée. Cet impératif se traduit par le renforcement du service valorisation organique du SYBERT via le recrutement d'un maitre composteur et de la personne actuellement en charge de ce service. Le SYBERT organise des formations de guides composteurs dès novembre 2010 reprenant un modèle et une terminologie qui se sont répandus et standardisés au sein du monde associatif durant les années 199077, avant de s'intégrer aux politiques publiques de prévention des déchets ménagers. Ce phénomène se rattache à ce que Philippe Hamman et Christine Blanc nomment la « stabilisation de "modèles" d'action en développement durable » et qui s'opère par des échanges entre collectivités et associations.

En effet, les collectivités n'ont pas le monopole des questions techniques et « les compétences constituées "à l'interne" ne sont [...] pas toujours suffisantes sur des problématiques qui se complexifient, d'où l'appel à des prestataires externes. [...] En parallèle, se renforce aussi un pôle associatif expert sur les questions de DD urbain, en direction des acteurs publics. »78. Tel est le cas avec l'attribution du marché d'accompagnement des copropriétés à un prestataire externe : l'association Trivial Compost.

76 HAMMAN Philippe, BLANC Christine, op. cit., p. 109.

77 Le « concept » de maître composteur apparaît en 1989 au Canada (Toronto). « En 1991, l'organisme à but non lucratif Nature-Action Québec traduit les manuels de Compost Ontario et réfléchit à un centre de démonstration sous l'impulsion de sa présidente Edith Smeesters, biologiste belge expatriée. L'organisme propose dès 1992 des formations de maîtres composteurs d'abord sur la base du bénévolat puis, depuis 1995, grâce à des subventions d'Environnement Canada. Le programme de formation québécois a été copié par la Belgique en 1996 » avant de s'exporter en France quelques années plus tard. « En conclusion, cette nouvelle activité est relativement standardisée du Canada à la France et on suppose qu'il existe un langage et des messages communs à travers ce mouvement international. ». PHILIPPOT Véronique, Approche ethnologique de la pratique du compostage collectif citadin. Les vertus citoyennes à l'épreuve de l'enquête., 2011, p. 97, Mémoire de master « Évolution, patrimoine naturel et sociétés » au Museum national d'histoire naturelle en cohabilitation avec AgroParisTech.

78 HAMMAN Philippe, BLANC Christine, op. cit., p. 110.

Partie 3. Pistes d'analyse sociologique sur le

compostage collectif à Besançon

Chapitre 1. Trivial Compost ou « faire de nécessité vertu »

Après une brève présentation de l'association Trivial Compost, nous tenterons de comprendre dans quel modèle d'action s'inscrit le développement du compostage collectif à Besançon, pour ensuite en esquisser quelques limites.

1. Genèse de l'association

1.A. Des idées à l'action

En 2009, un groupe d'amis bisontins, étudiants en sociologie et animés par les thématiques en rapport avec le développement durable, l'Économie Sociale et Solidaire et la démocratie participative, en a assez de refaire le monde et décide de mettre ses convictions en pratique, de passer d'une réflexion théorique à une action de terrain. Ils cherchent alors un domaine d'action qui puisse leur permettre de promouvoir les valeurs et les idées qu'ils portent. Convaincus que les offres d'emplois dans le domaine du développement durable ne correspondent pas à leurs aspirations, certains membres de ce groupe ont pour projet de créer une activité économique suffisamment rémunératrice pour permettre un investissement total dans l'association qui soit à la fois salarié et militant. Plusieurs pistes d'actions sont alors envisagées : création d'une monnaie locale et solidaire, promotion et diffusion des couches lavables, opération de compostage en pied d'immeuble.

Jean, qui se trouve au coeur de la réflexion collective, est informé des expériences de compostage collectif menées dans d'autres villes françaises et la démarche de ce type de projet le séduit : il s'agit d'« amener des gens qui ne sont pas forcément des écolos convaincus à cette pratique. »1. Le compostage est un bon moyen de concilier une action locale à une réflexion globale puisque des valeurs ou conceptions, qui ont une portée plus générale - telles que la préservation des ressources naturelles (retour des principes fertilisants à la terre), le mode d'alimentation (pour faire du compost il ne faut pas manger des plats tout préparés) ou le lien social (la gestion partagée d'un site de compostage peut être vectrice de convivialité au sein d'un espace d'habitation collectif) -, sont susceptibles d'être véhiculées à travers cette activité.

Ce projet associatif rentre alors en résonance avec la réflexion que mène le SYBERT sur la

1 Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.

valorisation organique et le choix de privilégier un système décentralisé de traitement des biodéchets. Pour ce faire, le SYBERT a besoin d'un prestataire externe qui joue le rôle de relai de terrain. Cette opportunité conforte la future association dans sa démarche en faveur du compostage collectif et l'oblige à se positionner rapidement sur cette thématique afin de pouvoir bénéficier d'un éventuel partenariat avec le SYBERT. Celle-ci commence alors à se structurer en prenant un premier nom très représentatif de l'esprit qui anime ses membres : « Utopya and Co »2. L'objectif fixé est de défendre des valeurs pouvant paraître utopiques à travers l'adoption de gestes concrets qui s'ancrent dans le quotidien. La jeune association compte se professionnaliser3 en acquérant une compétence reconnue en matière de compostage collectif4, tout en gardant une démarche militante promouvant un changement global. Après un nouveau brainstorming, le nom définitif de l'association est finalement trouvé : Trivial Compost qui signifie, comme l'explique Jean, que « le compostage c'est trivial, ou du moins ça doit le devenir. Et, via le compost, il faudra qu'on arrive à véhiculer ce pourquoi on a monté cette association et toucher un maximum de thématiques. »

1.B. Des désillusions qui forgent l'expérience

Les statuts de l'association sont déposés le 10 mars 2010 et Trivial Compost se lance dans des animations grand public sur le compostage pour le compte du SYBERT. Cette même année, le SYBERT émet un appel d'offre pour le marché d'accompagnement des copropriétés dans le compostage en pied d'immeuble. Trivial Compost, faisant figure de « petit poucet »5, souhaite initier une coopération avec les autres associations bisontines d'éducation à l'environnement afin d'apporter une réponse commune qui soit crédible, complète et fédératrice. Malheureusement, cette expérience se solde par un échec en raison de la difficile convergence des différents points de vue réunis. Les associations les plus expérimentées ont insisté pour gonfler le devis présenté au SYBERT et c'est la Fabrique des Gravottes (entreprise qui conçoit et assemble les composteurs) qui est finalement retenue pour assurer l'accompagnement des projets de compostage en pied d'immeuble. La tournure légèrement polémique que prend finalement ce louable projet de coopération inter-associative déflore la conception idéaliste du monde associatif qui était alors celle

2 Le « Co » est synonyme de « concret, coopération, compostage, etc. ».

3 « Au sein du monde associatif, la professionnalisation désigne, soit l'importation de méthodes se voulant professionnelles, par opposition à un amateurisme associé aux bénévoles, soit l'embauche de spécialistes ou de professionnels dûment formés aux techniques utiles dans les « fonctions » de l'entreprise comme le marketing, la communication, les ressources humaines, etc. Ou encore, dans un troisième sens assez différent, le statut salarié de ceux qui n'exercent pas de manière bénévole (par exemple, les pompiers professionnels, opposés aux pompiers volontaires). » UGHETTO Pascal, COMBES Marie-Christine, « Entre les valeurs associatives et la professionnalisation : le travail, un chaînon manquant ? », in Socio-logos. Revue de l'association française de sociologie, 2010 : n°5.

4 Deux membres de l'association partent en Belgique suivre une formation de maîtres composteurs auprès de l'organisme qui fait figure de référence en matière de compostage, le Comité Jean Pain

5 Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.

de Trivial Compost.

Jean : « Et puis bon, à travers ces réunions on s'est rendus compte que c'était la guerre entre toutes les associations d'éducation à l'environnement. Et puis là, quelque part, on a perdu notre virginité. L'associatif c'est ultra-concurrentiel, c'est à couteaux tirés quoi. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

Trivial Compost tire des enseignements de cette expérience avortée et décide de répondre seul à l'appel d'offre du SYBERT l'année suivante, ce qui se traduit cette fois ci par un succès. Dès lors, le statut de prestataire du SYBERT donne du crédit et une viabilité économique à l'association qui peut progressivement employer des salariés (principalement via des contrats aidés) et acquérir des moyens logistiques (local, véhicule utilitaire, etc.). Toutefois, ce nouveau statut est source de tensions entre les objectifs de base de l'association et les objectifs inhérents à son statut de prestataire du SYBERT. Sa mission d'accompagnement des copropriétés dans la mise en place d'opérations de compostage collectif l'oblige à accorder la priorité au compostage sur d'autres thématiques qui lui tiennent à coeur.

Jean : « Bon, là on est deux ans après, et c'est vrai que le "via le compost", à part dans le discours, c'est difficile de le trouver palpable parce qu'on a voulu trouver une viabilité économique pour qu'on soit une association et qu'on ait aussi des permanents. Et ben, ouais, là on est dans le compost la tête dans le guidon et prestataire du SYBERT. Ça c'est clair et net. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

Trivial Compost se confronte au dilemme des associations environnementales6 qui se traduit par la difficulté de concilier une dimension militante à une dépendance vis-à-vis des financeurs. L'association, faisant de nécessité vertu, compose dans un entre-deux qui, nous le verrons, est à la fois un frein et un moteur pour l'action associative.

Notons au passage que les deux stratégies défendues par Trivial Compost pour avoir une influence à un niveau plus global sont le recrutement de nouveaux alliés dans une population qui n'est pas acquise à la cause écologique et la convergence des pratiques et réflexions alternatives via la coopération et la mutualisation des forces associatives positionnées dans ce domaine7.

6 « En fin de compte, soit les associations canalisent leur capacité mobilisatrice vers la construction d'un relais d'influence qui tend à les assimiler à une structure parapublique, soit elles préservent leur capacité mobilisatrice autonome, au prix d'une faible institutionnalisation et du maintien d'une concurrence, souvent difficile à tenir avec les associations participatives et les groupes politiques traditionnels. Mais sans doute est-il préférable de ne pas analyser cette configuration en termes de dilemme participation-intégration/autonomie-protestation et de considérer que le système d'action caractéristique des associations de défense de l'environnement s'organise en tension entre ces deux polarités, la plupart d'entre elles combinant dans leur registre d'action, selon les moments et les enjeux, l'une et l'autre démarche. » LASCOUMES Pierre, L'éco-pouvoir, Paris : La Découverte, 1994 cité in LHUILIER Dominique, COCHIN Yann, op. cit., p. 42.

7 Cette conception des leviers pour atteindre un changement systémique est véhiculée par les acteurs promouvant une « décroissance soutenable », projet dans lequel s'inscrit Trivial Compost : « La difficulté est de dégager des capacités pour mettre en synergie des actions intervenant sur des plans ou dans des registres différents. Comment créer structurellement les conditions d'une participation collective ? Les dynamiques de réseaux, et plus particulièrement de mise en réseau d'expérimentations diverses (comme les systèmes d'échanges locaux [SEL], les

2. Le modèle de développement du compostage collectif à Besançon 2.A. L'acceptation des projets de compostage collectif en Assemblée Générale

de copropriété

Pour qu'un projet de compostage collectif voit le jour au sein d'un immeuble, il faut que l'initiative émerge d'un ou plusieurs habitants8 et que celle-ci soit acceptée par l'Assemblée Générale de copropriété ou par l'organisme logeur lorsqu'il s'agit de logements HLM. Cette étape est décisive étant donné que le choix d'un traitement de proximité des déchets organiques est censé garantir une meilleure acceptabilité sociale des infrastructures nécessaires à ce traitement. Cependant, l'approbation des copropriétaires à l'installation d'un composteur collectif n'est pas spontanée. Au contraire, pour l'obtenir il est nécessaire de rationaliser les réticences de certains résidents grâce à un argumentaire bien ficelé. Les motifs de refus soulevés par les copropriétaires sceptiques concernent soit les nuisances potentielles (odeurs, insectes et rongeurs susceptibles d'être attirés par les résidus organiques), soit les voisins indisciplinés et incapables de participer à une telle action, soit le droit de se désinvestir de la gestion de ses ordures sous prétexte d'une contribution financière déjà élevée au coût du SPED.

2.A.a. Les motifs de réticence

Une peur irrationnelle des nuisances ?

L'exemple de Vincent et Émeline, qui avaient proposé l'installation d'un composteur en pied de leur immeuble avant que le SYBERT instaure une politique d'accompagnement à la mise en place de projets de compostage collectif, rend bien compte des peurs suscitées par les nuisances potentielles de ce type d'installation.

Émeline : « En fait quand je suis arrivée dans la copro en 2007, à la première AG qu'il y avait eu, j'avais proposé qu'on fasse du compostage et là j'avais fait flop quoi, un gros flop. [...] Donc, en gros, vraiment personne n'était intéressé. Après ils [les autres copropriétaires] avaient commencé à dire "Oh non, ça va ramener des bêtes, il y aura des rats, et puis ça va puer" ». (Entretien avec Vincent et Émeline, guides composteurs, le 6 mars 2012.)

D'une part, le compostage suscite des représentations négatives, cette pratique étant associée chez
certains copropriétaires à la décomposition, la putréfaction, la puanteur, la prolifération d'insectes et
rongeurs qualifiés de nuisibles. La disqualification du compostage de proximité par certains

Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne [AMAP]...), peuvent se présenter comme une piste et leur développement conjoint mérite donc d'être regardé plus attentivement. Un changement à un niveau systémique, comme celui promu sous le label de la « décroissance soutenable », ne peut effectivement se faire sans une forme de coordination entre un large ensemble d'acteurs et une mise en commun, voire une synergie, de ressources et de compétences. ». RUMPALA Yannick, « La décroissance soutenable face à la question du « comment ? » », in Mouvements, 3/2009 : n° 59, p. 163-164.

8 Ces habitants deviennent les référents du compostage au sein de leur immeuble et acquièrent le titre de « guide composteur » après avoir suivi une formation d'un jour auprès du SYBERT.

résidents s'apparente à ce que les spécialistes des déchets nomment le phénomène NIMBY et qui s'exprime par un rejet des installations de traitement des ordures par les riverains en raison des nuisances potentielles que ces dernières peuvent impliquer. D'autre part, en plus d'être repoussante, la matière organique est assimilée pour certains au fumier, parfois nauséabond, produit dans les campagnes. Le compostage urbain peut alors paraître rétrograde en allant à l'encontre de leur définition subjective du progrès.

Des voisins indisciplinés ?

L'autre argument fréquemment avancé concerne le comportement des voisins face à leurs déchets. Ces derniers sont soupçonnés d'être peu attentifs à la gestion de leurs ordures. Rappelons que les conteneurs sont stockés dans des parties communes et que cette cohabitation temporaire des déchets de tous les voisins au sein des conteneurs, avant qu'ils ne soient enlevés par le camionbenne, soumet les détritus de chacun à la vue de tous. Ceci permet à certains résidents de porter un jugement sur le comportement de leurs voisins qui se fonde sur divers signes tels que l'état des poubelles ou la qualité du tri.

Vincent : « Plus ceux qui disaient aussi "il y en a déjà plein qui trient pas - comme quoi c'est un tout - et quand les gens ils commenceront à trier alors on l'installera". » (Entretien avec Vincent et Émeline, guides composteurs, le 6 mars 2012.)

Cette caractérisation des voisins comme individus indisciplinés assimile toute velléité d'installation d'un composteur collectif à une utopie tant que l'ensemble des résidents de l'immeuble n'aura pas démontré sa capacité à opérer les bons gestes en termes de tri. A cela s'ajoute la contrainte de la réciprocité en habitat collectif, c'est-à-dire que l'investissement consenti par chacun dans la vie de la copropriété (qui comprend aussi la bonne gestion de ses déchets ménagers) ne doit pas être en asymétrie avec l'investissement consenti par l'Autre, le voisin. Autrement dit, il est inenvisageable pour certains copropriétaires « d'en faire plus » tant que d'autres copropriétaires continueront « d'en faire moins ».

Le SPED : un service total ?

Jean résume très bien le dernier argument mentionné par les copropriétaires réticents : « Pourquoi on nous demande de faire des efforts ? Si on paye pour la gestion des déchets c'est pas à nous de le faire. »9. Dans ce cas, le SPED est considéré comme ayant la charge intégrale de la gestion des déchets et chaque individu reste cantonné au rang de consommateur d'un service qui doit rester total. Cette conception du SPED se rapproche de celle qui fut promue et adoptée en France par la majorité des acteurs concernés (pouvoirs publics, industriels et ménages) des années

9 Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.

1970 jusqu'aux années 1990 et le développement de la collecte sélective. Elle peut, à ce titre, être considérée comme une survivance de cet ancien modèle. Ce point est d'ailleurs l'une des limites de la redevance incitative : le glissement de certains habitants vers une « consommation » totale du service de gestion des déchets risque de les rendre hermétiques aux incitations financières, comme le souligne Christian :

Christian : « Quand on discute avec des gens qui ne sont pas convaincus, ils disent "de toute manière on paye déjà assez cher", donc ça les dérange pas d'en payer un peu plus. » (Entretien avec Christian, guide composteur, le 8 mars 2012.)

2.A.b. Trivial Compost : la médiation d'un expert du compostage

Ces trois lignes argumentatives redondantes ont été très vite saisies par Trivial Compost qui a su riposter lors de ses interventions auprès des copropriétés. En effet, l'association passe dans chaque immeuble avant la présentation du projet en AG afin de décider des modalités techniques de la future installation et d'exposer un point de vue d'expert qui rassure les copropriétaires, ce qui lui a permis de se forger une expérience et de bâtir une contre-argumentation solide face aux réticences exprimées.

Émeline : « Et puis vraiment il y a plein de préjugés en fait et donc c'est vraiment bien qu'ils passent avant l'AG pour casser tout ces préjugés. Le truc c'est que moi, de l'intérieur, je n'arrivais pas à casser les préjugés, les gens ne me croyaient pas. Il fallait quelqu'un de l'extérieur qui... je sais pas, qui fasse un petit peu sérieux. » (Entretien avec Vincent et Émeline, guides composteurs, le 6 mars 2012.)

Une position d'expert qui permet de rationaliser les peurs liées aux nuisances

Trivial Compost s'appuie sur sa qualité d'expert pour affirmer qu'un site de compostage bien géré ne génère pas de nuisances. Son discours est d'autant plus crédible que le compostage collectif est en pleine expansion et est une réussite sur la quasi-totalité des sites qui ont démarré depuis 2010. Ce travail de rationalisation des représentations des ménages permet facilement de contourner les réticences liées à la peur des nuisances. Une information de proximité permet d'atteindre un très bon niveau d'acceptabilité sociale.

Jean : « Tous les préjugés qu'ils peuvent avoir autour du compost, nous on peut les écarter assez facilement parce qu'on a un retour d'expérience à faire valoir. Et c'est de plus en plus facile. Au début, bon ben voilà, les premières copros c'est sûr que là... Maintenant on n'a plus de refus. Généralement il n'y a plus de refus. Au début c'était plus compliqué. Bon après on a rodé un discours aussi. On sait que, voilà, on a 40 copropriétés, il y a pas un problème. C'est déjà plus facile d'argumenter. [...] C'est là qu'on peut jouer un peu sur la position d'experts même si on n'aime pas du tout cette position. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

Cette position d'expert est à la fois avantageuse et inconfortable pour Trivial Compost qui la rejette tout en s'appuyant dessus lorsque c'est nécessaire. En effet, ce titre d'expert s'oppose à la conception du compostage que l'association promeut : si composter doit devenir un geste trivial, le

savoir inhérent à ce geste ne doit pas être monopolisé par des professionnels et doit devenir un savoir populaire. Trivial Compost jongle dans un entre-deux : d'un côté, l'association revendique son statut d'expert pour convaincre les copropriétaires réticents et légitimer sa position de prestataire du SYBERT ; de l'autre, elle défend une conception du compostage comme étant un savoir pratique et universalisable qui n'est l'apanage de personne. Les contradictions inhérentes à la position de « professionnel-militant » de Trivial Compost, qui pourraient être handicapantes, sont au contraire transformées en atout qui permet d'adopter une large gamme de positions discursives selon les situations et les interlocuteurs rencontrés.

Un argumentaire moins étoffé face aux autres motifs de réticence

Alors que les réticences liées aux nuisances s'appuient sur des angoisses exacerbées qu'il suffit de rationaliser, les autres motifs de refus sont plus complexes à contrecarrer.

En ce qui concerne les copropriétaires qui sont sceptiques quant à la participation des habitants de l'immeuble au compostage, l'argument avancé par Trivial Compost se fonde moins sur sa qualité d'expert que sur une conception de l'action collective et de l'enrôlement de nouveaux alliés : il s'agit pour chaque copropriétaire participant au compostage de faire preuve d'exemplarité pour emporter l'adhésion des non-participants.

Jean : « Et puis nous ce qu'on constate quand même tous les jours sur les AG, sur nos visites et autres, c'est "Ah, mais pourquoi moi je m'investirais alors que les autres ne s'investissent pas". Non, c'est pas ça la question. C'est "Investis toi déjà et puis après on verra si les autres participent ou pas. Mais si toi tu ne fais pas le premier pas, n'attends pas que ton voisin le fasse.". » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

Pis, face à des copropriétaires qui considèrent que le SPED doit être un service total excluant toute participation du citoyen, le dialogue semble bloqué puisque les discours des deux parties sont antithétiques. Néanmoins, cette population est largement minoritaire, ce qui signifie que les arguments techniques, économiques et écologiques avancés par Trivial Compost atteignent la plupart des copropriétaires.

L'importance de Trivial Compost en AG

Lorsque l'installation de composteurs en pied d'immeuble est sujette à débats, voire à polémiques, les copropriétaires qui ont initié le projet restent relativement en retrait et ce sont principalement les opposants au projet qui s'expriment. Malgré un discours relativement hostile qui émerge en AG de copropriété, le vote décisionnel est presque systématiquement favorable au projet. Le retrait des copropriétaires référents du débat (afin de laisser Trivial Compost argumenter à leur place) donne une dimension désintéressée et inoffensive à leur initiative alors que l'animosité des opposants peut paraître suspecte.

Jean : « Majoritairement, ceux qui prennent la parole ce sont ceux qui sont contre. Pas tout le temps, mais dans la grand majorité des cas, les gens qui prennent la parole ce sont les gens qui sont contre. Il y a très peu de manifestations : ''Oui on est pour !''. C'est nous qui portons les arguments pour. Même les référents, les gens qui nous ont appelés, se positionnent rarement en AG parce que c'est prendre un risque de se positionner comme porteur du changement.

Victor : Oui et puis ça peut créer un conflit dans l'immeuble et faire capoter le projet.

Jean : Ça peut créer un conflit. Donc on a peu de manifestations d'intérêt verbales, de gens qui prennent position. Après, quand il y a le vote, bon ben généralement il y a la majorité qui est pour. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

2.A.c. D'autres leviers qui favorisent l'acceptabilité sociale du compostage

Cependant, l'action de Trivial Compost n'est pas le seul levier qui facilite l'acceptation des projets de compostage collectif en AG de copropriétés. Les gérants de syndics10 et les pouvoirs publics sont deux acteurs qui octroient une légitimité renforcée aux projets de compostage collectif.

Les représentants du syndic

Rappelons qu'en habitat collectif, les copropriétaires délèguent généralement la gestion technique et financière de leurs déchets au syndic. Cette délégation de compétence donne donc une dimension centrale à l'opinion du gestionnaire quant à l'opportunité d'installer des composteurs au sein de la copropriété puisque celui-ci est censé prendre des décisions qui vont dans l'intérêt de la copropriété. Notons qu'avec la multiplication des sites de compostage collectif, les gestionnaires de copropriétés ont eu accès à de nombreux retours d'expériences, la plupart du temps positifs, ce qui leur donne de plus en plus un rôle clé dans la promotion du compostage collectif.

Jean : « Ben on a des personnes qui s'occupent des syndics qui sont vraiment relais, qui vont en parler en conseil syndical, qui vont amener l'idée. Et donc ça pose une autre légitimité parce que ce sont des gens qui ne sont pas directement intéressés par le compostage. Et donc là les copropriétaires prêtent un peu plus attention. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

Émeline : « Il y a eu une réunion du conseil syndical, et donc j'ai voulu relancer le sujet. Et le gars qui s'occupait du syndic avait changé [l'ancien gérant s'était opposé au projet de compostage]. Donc là quand j'ai relancé l'idée, c'est pareil, il y en a qui ont commencé à dire ''oui, mais il y a des animaux et tout ça''. Et, en fait, le mec du conseil syndical a dit ''Ah, mais attendez, moi dans d'autres copropriétés il y en a qui l'ont installé, il n'y a pas du tout d'animaux, il n'y a pas d'odeurs. C'est vrai que c'est vachement bien et il va y avoir la redevance incitative.''. Et donc en fait, le fait qu'il y ait cette tierce personne qui paraissait un peu neutre [a fait] que tout les voisins se sont dit ''ah ben ouais, ben pourquoi pas !''. Parce qu'en fait moi j'étais un peu passée au début pour l'écolo de service quoi. Donc j'étais un peu plus discréditée. » (Entretien avec Vincent et Émeline, guides composteurs, le 6 mars 2012.)

10 « Dans le droit de la copropriété "le syndic"est la personne physique ou morale désignée par l'assemblée générale des copropriétaires dont la fonction consiste à assurer l'administration de l'immeuble dépendant de la copropriété. Sa gestion est contrôlée par un "Conseil syndical" formé de copropriétaires élus par l'assemblée des copropriétaires. » Source : http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/syndic.php (page consultée le 04/06/2012)

Comme le mentionne Émeline, l'instauration de la redevance incitative avec pesée embarquée a aussi été un facteur déterminant dans la promotion du compostage collectif par les représentants des syndics : des frais maîtrisés de gestion des déchets ne sont-il pas le signe d'une bonne administration de la part du gestionnaire ? Ceci signifie donc que, au-delà des négociations au sein de chaque immeuble, l'acceptabilité sociale du compostage de proximité dépend aussi du caractère incitatif des politiques locales de gestion des déchets.

Un effet redevance incitative ?

L'instauration de la redevance incitative avec pesée embarquée à Besançon est donc un levier opportun qui facilite l'acceptation des projets en Assemblée Générale de copropriété, bien que cet argument soit rarement une des premières raisons avancées par les guides composteurs ayant initié le projet de compostage dans leur copropriété. Les motivations exprimées par ces derniers, nous le verrons, sont plus de l'ordre des valeurs, des convictions. La redevance incitative produit un effet d'aubaine11 chez les guides composteurs et la rationalité économique n'est pas au coeur des initiatives de compostage collectif. Assurément, l'effet d'aubaine présuppose que d'autres motifs incitaient déjà les guides composteurs à passer à l'action avant que le levier économique ne soit actionné. L'argument économique peut donc amener certains copropriétaires à composter mais n'est presque jamais directement à l'origine de l'initiative des guides composteurs. Ainsi, Jean interprète la recrudescence des demandes de compostage en pied d'immeuble, depuis l'annonce de la mise en place de la redevance incitative, comme la concrétisation opportuniste d'une action qui était déjà pensée et envisagée par la plupart des nouveaux guides composteurs.

Jean : « L'effet redevance incitative c'est un argument en plus pour les gens qui voulaient déjà lancer le compostage. Il y a une bonne partie des guides composteurs qui sont des gens qui partagent tout ce dont je suis en train de te parler depuis tout à l'heure : des valeurs concomitantes, sous-jacentes au compostage. Il y en a ça faisait une fois, deux fois qu'ils proposaient [et c'était] jamais validé. Là il y a la redevance, donc ils ont un argument en plus. [...] Donc c'est bien joué de la part de nos élus. C'est bien joué parce que là, encore une fois, on retrouve le truc : via l'argument économique on va toucher des personnes qui étaient pas rompues à la pratique éco-citoyenne et, via ce poids qui arrive, tous les éco-citoyens ont des arguments en plus pour convaincre les gens qui ne l'étaient pas. Là-dessus c'est fort. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

Pour Trivial Compost, la redevance incitative conforte sa stratégie de recrutement d'alliés puisqu'elle permet de sensibiliser aux questions écologiques des copropriétaires qui s'investissent simplement dans le compostage pour réaliser des économies financières.

11 « Lorsqu'un acteur économique s'efforce d'inciter les autres acteurs à agir de telle manière, il les appâte en général en leur offrant un avantage s'ils se comportent de la façon souhaitée: par exemple baisse de prix, prime, cadeau, etc. Il y a effet d'aubaine si l'acteur qui bénéficie de cet avantage avait eu, de toute façon, l'intention d'agir ainsi même si l'avantage n'avait pas été accordé. »

Source : http://www.alternativeseconomiques.fr/Dictionnaire_fr_52__def609.html (page consultée le 04/06/2012)

2.B. L'accompagnement et le suivi des projets

L'accompagnement et le suivi des projets de compostage collectif sont destinés à assurer un soutien opérationnel aux guides composteurs. Ces actions concrètes se doublent d'une production discursive en direction des guides composteurs qui fait office de répertoire des différentes justifications. Ces derniers peuvent mobiliser les différents arguments avancés par Trivial Compost pour défendre la nécessité de la pratique du compostage.

2.B.a. Un suivi opérationnel

La formation de guide composteur, qui s'apparente plus à une introduction à la pratique du compostage, ne suffit pas à rendre autonomes les personnes référentes au sein de chaque copropriété. Ces dernières ont besoin de l'assistance de Trivial Compost et du SYBERT pour répondre à certaines questions techniques ou organisationnelles qui concernent le « comment composter ? ». Ces questions peuvent autant concerner l'équilibre du compost12 et l'approvisionnement en broyât de bois13 que les moyens de sensibiliser les copropriétaires. Les experts de Trivial Compost visitent régulièrement les sites de compostage collectif et donnent ainsi des conseils techniques aux guides composteurs. Finalement, à travers un accompagnement prévu pour un an, les guides composteurs prolongent leur formation grâce à l'expérimentation personnelle et aux conseils distillés par l'association. Ils acquièrent ainsi un statut de quasi-experts et doivent prouver leur capacité à gérer leur site de compostage de façon autonome.

2.B.b. Donner du sens à la pratique du compostage

Trivial Compost, grâce à sa posture militante, va plus loin que ce simple suivi opérationnel en tentant de donner du sens à la pratique de compostage, ce qui revient à répondre au « pourquoi composter ? ». A travers ses différentes visites sur les sites de compostage, les salariés de l'association discutent longuement avec les guides composteurs et leur délivrent des informations qui justifient leur investissement personnel dans le compostage et, en même temps, les invitent à s'impliquer sur d'autres thématiques connexes.

Jean : « Il y a des guides composteurs qui vont rentrer dans le compostage parce que c'est la gestion des déchets en proximité et que ça a un impact sur la redevance payée par chacun. Mais nous quand on va les voir, forcément le débat il se déporte sur d'autres choses et on leur donne de l'information, plus largement sur l'agriculture, l'environnement, le système de production, la surconsommation. On fait de l'éducation populaire. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

Cependant ce léger débordement des compétences déléguées à Trivial Compost n'est pas toujours

12 La gestion du compost nécessite une bonne connaissance des processus chimiques qui président à la décomposition de la matière, tels que le rapport carbone-azote.

13 Pour respecter le rapport carbone-azote et aérer le compost il est nécessaire d'apporter une matière structurante carbonée.

vu d'un bon oeil par le SYBERT qui craint que l'association affiche de façon trop prononcée sa démarche militante, ce qui pourrait ainsi discréditer l'apparente neutralité de la politique de compostage de proximité14.

2.C. Les limites du modèle bisontin de compostage collectif

Afin de pouvoir atteindre un taux de valorisation des déchets organiques honorable, les sites de compostage collectif doivent se multiplier. Mais certaines contraintes mettent en relief les limites de ce modèle.

2.C.a. Le recrutement des guides composteurs

Si de nombreux bisontins résidant en habitat collectif se sont mobilisés pour installer un site de compostage au sein de leur copropriété, l'initiative reste pour le moment marginale. Pour l'étendre il faut réussir à recruter un plus grand nombre de guides composteurs. Or, nous avons vu que ce sont principalement les convictions et les valeurs des guides composteurs qui les poussent à passer à l'action et à inscrire celle-ci dans le temps. Le recrutement de guides composteurs en habitat social est une question délicate dans un milieu où la gestion des déchets ménagers est souvent négligée, ce qui redouble la nécessité de trouver des personnes référentes déterminées et influentes. A ce titre, Jean émet une critique virulente de la logique technocratique à partir du projet d'installation d'un pavillon de compostage collectif dans le quartier sensible de Planoise. Cette logique prend peu en compte les caractéristiques du contexte local et préfère développer un modèle d'action stéréotypé considérant que l'installation d'un site compostage suffit à motiver les habitants.

Jean : « On était là : "Mais arrêtez d'halluciner ! Si vous croyez que parce que vous avez pris la décision et puis que vous avez l'autorisation des espaces verts pour installer votre pavillon, ça va fonctionner, vous planez complet !". Ça c'est la logique technocratique, bureaucratique. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

L'imposition d'un site de compostage dans un immeuble où aucun copropriétaire n'a

démontré sa motivation à s'investir remet en cause le paradigme sur lequel s'appuie le modèle bisontin en transférant le pouvoir d'initiative des habitants aux pouvoirs publics : on passe d'un modèle volontariste à un modèle directif. De nouveaux problèmes risquent d'apparaître (faible taux de participation, mauvais entretien du site, abandon, etc.) et l'autonomie de l'immeuble dans la gestion de son site de compostage risque d'être précaire. Ainsi, la seule action pérenne envisageable pour favoriser le développement du compostage collectif à Besançon réside dans un

14 En effet, les choix techniques opérées ne sont jamais neutres et s'apparentent à des « projets socio-techniques », au sens donné à cette expression par Michel Callon (Cf. partie « Opposer une alternative au modèle allemand pour préserver l'industrie », p. 45). Ainsi, parmi les membres du bureau du SYBERT, nous remarquons que beaucoup d'entre-eux ont une sensibilité écologique accrue : le président est affilié au parti Europe Ecologie Les Verts et la vice-présidente au parti Les Alternatifs. Derrière la solution technique que représente le compostage de proximité se cache aussi un projet social.

accompagnement public ou associatif qui appuie l'émergence d'initiatives locales.

2.C.b. Quelle relève pour les guides composteurs ?

Un autre point tout autant sensible du système des guides composteurs réside dans le remplacement à prévoir en cas de départ ou de « démission » du guide composteur de la copropriété et paraît menacer le modèle sur le long terme. Pour illustrer le problème posé Christian prend l'exemple très parlant du monde associatif.

Christian : « Mais, en même temps, je dirais que c'est très fragile. Parce que, pour avoir fait plusieurs associations, quand vous montez une association vous êtes la partie qui tire l'association et celle-ci fonctionne. A partir du moment où celui qui a mis en place l'association disparaît, l'association disparaît aussi. On remarque que pendant deux ans, grand maximum, il y a des gens qui disent "ah ben on peut pas laisser tomber, on va reprendre !" mais 9 fois sur 10 ça meurt derrière. Donc ce qui veut dire qu'on retrouve la même situation avec les guides composteurs... Bon, moi j'ai 68 ans, dans quelques années je pourrais peut-être plus forcément m'occuper de tout ça. Mais, en même temps, indépendamment de l'âge, je peux être amené à déménager, je peux... Ce qui veut dire que le compostage va disparaître quoi. » (Entretien avec Christian, guide composteur, le 8 mars 2012.)

L'initiative citoyenne est donc à la fois une force et une faiblesse du système. La question qui se pose pour faire face à cet écueil est la suivante : Comment canaliser et consolider le système des guides composteurs sans adopter une démarche directive ?

2.C.c. Des contraintes foncières

La dernière difficulté se pose en termes d'espace disponible pour l'installation de sites de compostage collectif.

Jean : « Mais, après les difficultés c'est des difficultés de foncier aussi : il faut quand même des espaces verts. Ou même si il y a pas d'espaces verts on peut quand même installer, mais bon, on cassera peut-être un petit peu de bitume. Et puis il faut pas non plus que ce soit trop en vis-à-vis. Ça dépend vraiment des personnes, des habitants, de la configuration spatiale de l'immeuble. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

Ce problème est particulièrement aigu dans le centre historique de Besançon où la solution semble se trouver dans l'installation de sites de compostage collectifs sur l'espace public (rues, parcs, espaces verts). Or, les quartiers de la Boucle et de Battant sont des secteurs sauvegardés et les services municipaux paraissent réticents à l'idée d'installer des composteurs dans ces zones. Ce blocage administratif est l'occasion pour Trivial Compost de sortir de sa position de prestataire des collectivités publiques pour engager une action militante de lobbying qui sous-entend qu'avec un minimum de volontarisme politique les problèmes liés au foncier peuvent être facilement résolus.

Jean : « Là on lance les hostilités sur Battant qui était le deuxième quartier sur lequel on voulait s'investir au
départ, qui est un quartier historique, donc secteur sauvegardé. Les architectes des bâtiments de France,
l'urbanisme, le service des domaines, tout le monde est réticent sur l'installation de compostage collectif. Donc

nous on a essayé de faire jouer les élus, on a pris contact avec pas mal de services - les espaces verts, etc -, pas mal de gens. C'est tout le temps non. Alors que nous on a énormément de gens qui habitent Battant et on sait qu'il y a plein de gens motivés. Donc là on va rentrer sur un peu plus les fondamentaux de l'association, c'est-à-dire faire du lobbying quoi. Militants, et arrêter de prendre la voie administrative, la voie institutionnelle. L'idée c'est de faire une pétition pour peser. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

Cette action de lobbying coordonnée par Trivial Compost permet à l'association d'exprimer son ambition militante en sortant de la tutelle du SYBERT. Elle est très représentative de la position particulière qu'occupe l'association vis-à-vis des institutions, position qui oscille entre la méfiance et la coopération. Trivial Compost exprime un point de vue souvent critique, même vis-à-vis de la mairie de Besançon ou de la CAGB, tout en accordant du mérite à ces institutions qui ont su prendre des décisions innovantes et courageuses.

Jean : « Ça c'est une grande chance pour nous. Le compostage on s'est dit : "Là c'est énorme, c'est tout simplement énorme. On a des élus qui sont ultra-motivés, qui y croient à fond : sur la participation des habitants, sur le fait qu'on ne prenne pas une grande structure industrielle, pas sur l'investissement matériel mais sur de l'investissement humain. On va mettre la redevance incitative. Besançon ville pilote au niveau français." » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)

Afin d'initier une réflexion collective capable de trouver des solutions aux limites précédemment exposées et de pérenniser le modèle de compostage collectif bisontin, Trivial Compost met actuellement en place un réseau des guides composteurs regroupant tous les guides composteurs désirant partager leur expérience avec leurs homologues ou s'investir davantage dans la promotion du compostage et d'autres pratiques éco-citoyennes. A terme, ce réseau devrait être une structure capable de dynamiser les projets de compostage collectif grâce à la mise à disposition de solutions techniques et d'éviter l'isolement des guides composteurs après l'année d'accompagnement. Cette initiative est aussi une stratégie de l'association pour gagner en force bénévole et ainsi élargir le champ d'action de l'association en s'intéressant à d'autres thématiques liées à l'éco-citoyenneté. Nous avons pu assister à la première réunion du réseau, ce qui nous a permis de rencontrer des guides composteurs avec lesquels nous avons pu nous entretenir. Ces entretiens semi-directifs étaient destinés à cerner quelques caractéristiques sociales, motivations et représentations qui définissent la population des guides composteurs, ainsi que la façon dont ces derniers s'approprient leur rôle au sein de la copropriété.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery