II. Contributions antérieures liées aux
impayés dans les IMF
Des études théoriques ont été
réalisées autour du phénomène d'impayés et
de leurs manifestations au sein des Institutions de Microfinance.
A) Etudes théoriques
Certains auteurs ont abordé partiellement ou totalement
les problèmes que nous évoquons dans le cadre de ce travail. Ils
ont fait les analyses et des conclusions auxquelles que nous allons retracer.
Nous présentons également les différents travaux qui
tentent d'expliquer les manifestations des impayés dans les IMF.
Selon Joanna LEDGERWOOD (1999), la gestion des impayés
nécessite un examen complet des méthodes de
crédit3, des procédures opérationnelles et de
l'image institutionnelle de l'IMF.
Les problèmes d'impayés sont le plus souvent le
résultat d'une mauvaise conception des produits de prêt et des
procédures d'octroi de crédit. Il existe aussi les impayés
volontaires. Ce sont des
3 Joanna LEDGERWOOD « Manuel de Microfinance: Une
perspective institutionnelle et financière » Washington
cas où l'individu disposant des sommes dues,
préfère en prolonger unilatéralement la durée de
leur usage car, conscient qu'un remboursement immédiat n'offre pas
automatiquement l'opportunité d'un renouvellement immédiat de
crédit. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les
remboursements retardés sont aussi dangereux que les créances
irrécouvrables. Non seulement il est associé au retard de
remboursement des coûts de recouvrement mais également, il fausse
la programmation financière et peut entrainer la panique des
déposants des SFD or, ces derniers, contrairement aux banques classiques
ne sont pas généralement reliés à un préteur
de dernier ressort qui pourrait les refinancer.
Par ailleurs, HONLONKOU et al. (2001), dans une étude
réalisée sur la problématique de remboursement de
crédits dans les SFD4, aboutissent à des conclusions
dont les plus illustratives révèlent que la performance des IMF
en matière de remboursement est liée aussi bien aux
caractéristiques des caisses (caractéristiques du gérant,
supervision adéquate après l'obtention du crédit), aux
activités financières qu'aux caractéristiques des clients
(sexe, proximité géographique de la caisse, type de garantie,
volume d'activité, expertise accumulée dans l'activité
à financer, la taille de l'emprunt).
ELEGBEDE (1999), SOGLOHOUN et LONTCHEDJI (2000), dans leurs
recherches sur les problèmes de remboursement dans le réseau
FECECAM, ont identifié plusieurs causes d'impayés parmi
lesquelles ont peut citer la pression exercée par les membres
élus sur les techniciens (le gérant et son personnel) pour les
obliger à octroyer des prêts à des clients ne remplissant
pas toutes les conditions de solvabilité, le manque de suivi des projets
financés , l'insuffisance des montants de crédit pour financer
les projets, les périodes de décaissements inappropriées,
le détournement des crédits pour la consommation ou le
remboursement des usuriers et la perception du financement public dit «
argent froid ».
Selon le Professeur Magloire LANHA (2002), le taux de
recouvrement des créances augmente chez les clients ayant une
ancienneté de zéro à quatre ans. Mais à partir de
la cinquième année, on constate une baisse du taux de
remboursement. Cela est dû au manque d'exigence de la part des
gérants et aux saturations du marché au niveau de
l'activité du client.
DENAKPO et DEGBO, dans une étude sur la sélection
des projets suivis et risque d'insolvabilité au niveau des CLCAM en
République du Bénin, ont montré que les taux
d'impayés sont plus élevés au niveau des prêts
individuels qu'au niveau des prêts cautionnés par les groupes
de
4 Albert N. HONLONKOU, Denis H. ACCLASSATO, Célestin
Venant C. QUENUM « Problématique de remboursement des
crédits dans les systèmes financiers décentralisés
et garantie de prêts aux petits opérateurs économiques au
Bénin », Cahier de Recherche ELIFID 00-2, Septembre 2001
solidarité ou les prêts au niveau des groupements
coopératifs. Dans cette même étude, ils ont montré
que les emprunteurs ne bénéficient qu'une partie du crédit
demandé. Mais ils n'ont pas abordé dans leur étude
l'approche genre et l'influence du délai de remboursement sur le
remboursement des crédits.
S'intéressant à l'importance du taux de
recouvrement pour les SFD, GENTIL D. et FOURNIER Y. (1993) affirment qu'il
constitue un outil de connaissance et de jugement qui permet de définir
les orientations des systèmes de financement et doit donc concerner
l'ensemble des agents impliqués. Il apporte des informations sur des
activités d'épargne et de crédit et sur la gestion des
caisses locales et de l'ensemble du réseau qui peut être
évaluée par l'analyse du compte d'exploitation et de
l'équilibre financier.
B) Manifestations des impayés au sein des IMF
1. Impayés et groupe solidaire
Gueye (1999) démontre que le risque de
défaillance d'un membre est amplifié lorsque le groupe est de
petite taille. Néanmoins, la taille du groupe ne doit pas être
trop élevée car l'application du contrôle par les pairs y
serait plus difficile. En effet, la défaillance d'un membre conduisant
au non renouvellement des crédits pour tout le groupe, les autres
membres ne voudront pas rembourser même s'ils en ont la capacité
(Basley et Coate, 1995 ; Paxton, Graham et Thraen, 2000). Bratton (1986)
soutient cette thèse en affirmant qu'un individu accepterait de
rembourser son crédit si et seulement si le groupe a une réelle
chance de maintenir un bon crédit. Ce mécanisme n'échappe
pas aux risques exogènes qui sont dus aux incertitudes globales qui
caractérisent les projets financés. Une mauvaise récolte,
une chute des cours mondiaux d'un produit dominant chez les emprunteurs peuvent
annihiler tous les records de remboursement. Les controverses autour de la
caution solidaire font que certaines IMF optent pour de nouvelles formes de
garanties réelles, le warrantage et les fonds de garantie.
Par contre, Paxton et al. (2000), dans une étude
réalisée sur les « Mécanismes internes aux groupes au
Burkina », ont identifié une augmentation de la probabilité
des impayés avec le cycle de prêt. Ceci sous-entend que, plus le
groupe développe de l'expérience en matière de
crédit, plus il a tendance à devenir défaillant à
cause d'un contrôle moins soutenu des officiers de prêt.
Quant à Basley et Coate (1995) dans leur modèle
de défaillance stratégique, ils montrent que les bons
emprunteurs décident de ne pas rembourser s'ils observent que les autres
sont défaillants et qu'ils ne bénéficient plus de
prêts. Dans ce cas, si les prêts étaient individuels, ces
bons
emprunteurs auraient remboursé. Les prêts de
groupe sont beaucoup plus risqués que les prêts individuels. De
plus, lorsque la gestion des impayés n'est pas optimale, le
défaut de certains emprunteurs dans le groupe entraine une
réaction des autres emprunteurs avec un effet domino (Paxton et al.
2000) ou des risques de collusion entre emprunteurs (Armandariz de Aghion et
Morduch, 2005).
2. Impayés et asymétries
d'information
Les principaux facteurs influençant les impayés
sont liés aux asymétries d'information, aux chocs négatifs
auxquels sont confrontés les emprunteurs ou encore à la mauvaise
qualité de certaines institutions (Godquin, 2006). Varian (1990) atteste
que l'asymétrie de l'information apparait lorsqu'un agent
économique est plus informé qu'un autre sur ses propres risques
et les actions qu'il va entreprendre. Ces asymétries créent des
problèmes d'anti-sélection (attribution de prêts aux
emprunteurs très risqués) ainsi que des problèmes
d'aléa moral (situation où l'emprunteur agit d'une manière
non-appropriée en faisant peu d'effort ou des efforts insuffisants pour
faire fructifier son prêt ou en l'utilisant de manière
non-appropriée). Les problèmes d'anti-sélection et
d'aléa moral augmentent la proportion d'emprunteurs qui ne peuvent
rembourser leur prêt à la date d'échéance car le
rendement de l'utilisation de leur prêt ne leur permet pas de le faire.
Pour Desaii et Meller (1993) cités par Honlonkou, Acclassato et Quenum,
les facteurs liés à la sélection adverse trouvent leurs
origines dans la croissance rapide du portefeuille, le mauvais ciblage des
clients, le sous-financement des activités et le
rééchelonnement inadéquat des crédits. Par
ailleurs, les emprunteurs qui ont assez d'argent pour rembourser peuvent
toutefois décider de faire défaut sur le remboursement.
3. Impayés et mauvaise politique de
crédit
Selon EDMOND P. (1994), une trop grande spécialisation
du crédit pour les campagnes agricoles et la non-couverture des besoins
financiers pour les acteurs socio-économiques entrainent le
détournement des crédits de la part des clients. Pour ADJIMAVO H.
(2002), les causes des impayés sont : le manque de professionnalisme des
administrateurs, la mauvaise volonté de certains clients de ne pas
rembourser, la non prise en compte des avis des techniciens et le
détournement de l'objet de crédit.
4. Impayés et période de
prêt
Selon Chao-Beroff (1999), la période où le
prêt est octroyé est un facteur à prendre
en considération car elle pourrait affecter le remboursement. En
effet, si l'IMF tarde à accorder le
prêt à causes des formalités
administratives trop contraignantes, le crédit pourrait être
octroyé à un moment où le client n'en manifestera plus le
besoin réel. Le crédit serait alors inefficacement
utilisé, ce qui pourra occasionner d'éventuels impayés.
Zeller (1998) montre que lorsque le crédit est
accordé à temps, son impact sur les taux de remboursement est
positif.
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