4.5 Enjeux et défis
du capital risque en Tunisie
L'introduction du Capital Risque dans un pays donné
s'est toujours fait lentement (25 ans aux Etats Unis et 20 ans en Europe) et a
demandé par conséquent une adaptation de l'environnement
institutionnel et culturel. Contrairement en Tunisie, bien qu'il soit un
instrument relativement récent et qu'on ne saurait faire une
appréciation objective de son impact, la cadence avec laquelle nombre de
SICAR - surtout celles fondées par des banques et d'institutions
financières - se sont créées était plutôt
rapide.
Les analystes financiers observent cet engouement avec
prudence, et craignent qu'il ne cache un objectif non avoué à
savoir l'avantage du dégrèvement fiscal qui pourrait conduire
à la création de SICAR ne maîtrisant pas suffisamment ni
les principes ni les techniques du capital risque. En effet, Il paraît
pour nombres d'observateurs que le secteur s'écarte aujourd'hui de sa
vocation originelle et risque de devenir un sous produit de l'activité
bancaire. Par exemple, la quasi totalité des SICAR bancaires et une
grande majorité d'autres SICAR exigent le `portage' dans leur
intervention (participation sous forme assimilée à du
crédit, durée de participation et taux des plus values
étant fixé d'avance). Quelques unes continuent d'exiger des
garanties réelles des promoteurs en contrepartie de leur
participation.
Le capital risque a un rôle crucial à jouer dans
l'optique du développement économique, de par son implication
dans toutes les phases de création et de développement de
l'entreprise, commençant par l'identification et le soutien des
créneaux considérés à très haute valeur
ajoutée et d'une importance majeure pour l'économie,
jusqu'à la maturité des entreprises et leur éventuelle
introduction à la bourse locale et pourquoi pas aux bourses
internationales, ou leur acquisition par des entreprises multinationales.
Nous rappelons, que le capital risque est une nouvelle
culture, et son introduction dans un pays donné requiert au niveau de
tous les intervenants de nouveaux réflexes et de nouvelles règles
du jeu, qui devraient être pro-risque, et pro-innovation.
Du côté du promoteur, le capital risque exige une
bonne créativité, et une bonne agressivité sur le plan
identification de l'idée innovatrice qui pourrait contribuer à
apporter un plus à la compétitivité technologique et
économique de son pays. Ici le rôle de l'élite Tunisienne,
aussi bien en Tunisie qu'à l'étranger, chercheurs,
ingénieurs, et enseignants est vital pour fonder une nouvelle
génération d'entrepreneurs innovateurs, pour créer un
noyau de projets à haute valeur ajoutée et combler un vide
technologique chronique au pays.
L'imposition aux SICAR d'investir 30% de leurs ressources dans
les ZDR et/ou les nouvelles technologies particulièrement, ne pourrait
être réussie dans son aspect technologique qu'en collaboration
avec cette élite. Par ailleurs le capital risque exige du promoteur plus
de transparence et un esprit de partenariat qui conduit à associer la
SICAR dès le départ dans les différentes phases de
développement et gestion du projet.
Du coté des banques, dont les exigences des garanties
réelles constituent un facteur handicapant pour les promoteurs, les
experts du domaine suggérait d'aller progressivement et outre
l'intervention du Fonds National de Garantie vers un système
d'assurance-crédit qui sécuriserait davantage les banques
essentiellement quand il s'agit de leurs concours à de nouveaux
promoteurs ou à des projets initiés dans les Nouvelles
Technologies.
Du côté des investisseurs, les praticiens
s'accordent sur le fait que c'est un métier difficile parce qu'il exige
de leur part un rôle actif de prospection, un savoir-faire poussé
des créneaux ciblés, un traitement des plus diligent des dossiers
sélectionnés, et un engagement vis à vis de l'entreprise
dans toutes ses phases de développement.
L'exemple américain prouve la viabilité de cette
attitude qui est tout aussi justifiée pour le cas tunisien surtout chez
les entreprises en phase de démarrage qui au delà de l'apport en
capital requièrent une aide à la gestion et des conseils assez
cruciaux dans l'élaboration de leur stratégie de
développement et de la survis de leurs projets.
En épilogue, les défis que rencontre le secteur
du capital risque en Tunisie se résument dans les points
suivants :
§ L'absence de Fonds d'Amorçage ou de Business
Angels pour le lancement des projets technologiques dans leurs premiers
stades ;
§ Un soutien bancaire des moins évidents, qui
entrave l'activité des SICAR non filiales de banques
particulièrement,
§ Une attitude de Risk-free envers le projet et de
credit-man envers le promoteur de la part de la majorité des SICAR de la
place particulièrement celles filiales de banques ;
§ Un problème de liquidité pour les SICAR
non conventionnées avec la BEI ;
§ Des perspectives de sortie à la bourse ou par
acquisition de groupe industriel des plus difficiles mais avec
l'établissement en 2007 du marché financier alternatif ce
problème sera partiellement non handicapant ;
§ Un déficit accru de promoteurs dans les
nouvelles technologies, et un manque d'expertise dans l'évaluation, la
validation et même le suivi des projets technologiques ;
§ Une vision d'affaires trop locale, dans un monde qui se
globalise.
La figure suivante illustre bien l'écosystème du
secteur de capital Risque en Tunisie. Les acteurs ou variables en vert
représente la réalité du secteur en Tunisie, alors que les
acteurs et variables en rouge représentent ce qui doit être
présent pour l'amélioration de l'environnement
socio-économique du secteur susceptible de développer cette
industrie afin qu'elle joue son rôle dans l'économie.
Figure 4.1 - Un
écosystème de Capital Risque en Tunisie encore immature
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