Les difficultés rencontrées par les
éleveurs ont été de divers ordres et pourraient être
expliquées par des défaillances dans le choix des villages et des
éleveurs, dans la formation aux techniques d'élevage de cette
espèce et dans le suivi des élevages. En effet, pour le suivi,
l'inexpérience des populations associé au fait que la phase
préparatoire a été courte montrent que les producteurs
n'avaient pas réalisé l'ampleur du travail (soins
méticuleux, permanence du suivi). Certains cas de colique et/ou de
diarrhée ont été attribués à des objets
jetés par les enfants laissés seuls avec les autruchons. De plus,
les fractures et certaines blessures observées chez les animaux ont
été mises sur le compte du manque d'expérience dans la
manipulation des autruchons. Les mauvaises odeurs consécutives au
placement des serres au milieu des maisons ont énormément
gênées les éleveurs et expliqueraient les
difficultés dans le suivi permanent des animaux.
Les serres ont été placées au milieu des
habitations pour faciliter la lutte contre les vols et les attaques des chiens
errants. Ceci serait à l'origine de certaines troubles telles que le
stress et ses conséquences sur le comportement alimentaire, mais
également d'engouement. De plus, au niveau des concessions, ces serres
ont été installées sous les arbres. En effet, ce programme
d'élevage d'autruchons en milieu paysan s'était
déroulé en pleine saison sèche chaude et, par rapport aux
recommandations pour cet animal (Corneille et Lebailly, 1998), l'ombre
créée devait servir d'aire de repos. La forte présence de
« niim », communément appelé Azadiracta
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indica, dont les fruits mûrs en chute ont
été ingérés par les animaux pourraient expliquer la
prédominance des cas d'engouement au niveau du village de Ya Diana.
Par ailleurs, les retards de croissance constatés chez
les autruchons, après les 25 premiers jours d'élevage, par les
techniciens de SENAUTRUCHE pourraient être expliqués par une
infection du sac vitellin. En effet, chez les autruches, durant les 2
premières semaines de la vie, les réserves contenues dans leur
sac vitellin, doivent absolument être consommées. Ces
réserves représentent 40% du poids de naissance. Le sac vitellin
est une réserve de nutriments qui permet aux autruchons de survivre
pendant quatre à cinq jours sans se nourrir (Guittin, 1985). Le fait de
les nourrir trop tôt, les emmène à moins puiser dans ces
réserves. Et si ces dernières ne sont pas utilisées, des
troubles pathologiques peuvent apparaitre notamment une infection ou une
rétention du sac vitellin.
De plus, un défaut d'adaptation des autruchons à
l'aliment et aux types de mangeoires pourrait également être
évoqué. En effet, il est recommandé de mettre dans chaque
lot d'autruchons, un autruchon plus âgé, ayant acquis les bons
reflexes alimentaires (Guittin, 1983) et qui permettrait aux oisillons de
distinguer très tôt les mangeoires ainsi que la forme et la
couleur des aliments à consommer. Dans la nature, les autruches
génitrices jouent ce rôle. Tous les animaux étant de
même âge durant ce programme, les troubles du comportement
alimentaire observés tels que la consommation d'objets divers et le
picage entre congénères pourraient être attribuées
à ce phénomène ainsi que les troubles comme l'engouement
(près de 35% des élevages enquêtés).
Il faut rappeler qu'après les 25 premiers jours
d'élevage des autruchons, les techniciens de la société
avait attribué ces retards de croissance à l'aliment
distribué et avaient opéré un changement qui a du forcer
les animaux à se réadapter. En effet, un aliment
pré-démarrage d'une société de la place a
été utilisé au début de ce programme. Le changement
d'aliment après les 25 premiers jours d'élevage, a du forcer les
autruchons à se réadapter et à relancer leur croissance.
Pourtant, les valeurs nutritives de l'aliment pré-démarrage mis
en cause sur la croissance des animaux répondaient aux normes (Corneille
et Lebailly, 1998). Le changement de mangeoires avec l'emploi de pneus à
la place des jerricanes de 20 litres, déformées par les coups de
becs des animaux, pourrait également avoir un effet négatif sur
la consommation même s'il est moins vraisemblable avec le temps de
réadaptation.
Il faut également souligner la distribution de
l'aliment au niveau des villages. En effet, elle se
faisait à
volonté, contrairement aux recommandations de Guittin (1985), avec
pour
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conséquence une croissance
accélérée des animaux avec l'aliment importé et des
difficultés dans les déplacements du à des
problèmes de pattes. L'ensemble des élevages
enquêtés ont été touchés par ces paralysies
qui seraient liées à un développement
disproportionné de la partie abdominale de l'animal par rapport à
la puissance motrice de ses pattes. L'aliment doit être distribué
en quantité limitée et en plusieurs repas (5 à 6) pour, en
plus, faciliter le transit intestinal et limiter l'ennui des poussins. De plus,
la distribution régulière de graviers et de fientes d'autruches
adultes n'a pas été respectée par tous les exploitants.
Ceci serait à l'origine des cas de coliques et de diarrhées. Les
fientes permettent d'ensemencer leur tube digestif améliorant leur
capacité digestive, et dans le même temps stimulent leurs
défenses immunitaires (Guittin, 1985).
La distribution de l'eau de boisson a également
été une difficulté notamment dans le village de Nguer
Nguer. En effet, la société devrait approvisionner en eau les
éleveurs à partir du village de Diokoul Diavrigne. Des jerricanes
de 20 litres d'eau étaient délivrés chaque jour aux
éleveurs ; cependant face aux déficits, les éleveurs ont
utilisé l'eau des puits au niveau de Nguer Nguer et Ya Diana où
les mortalités on été les plus importantes avec
respectivement 25,8% et 26,7%. En effet, les micro-organismes présents
dans l'eau des puits pourraient également expliquer certains troubles
observés notamment les diarrhées fréquentes.
Malgré toutes les contraintes, les résultats
obtenus par les exploitants villageois ont été satisfaisants. En
effet, près de 78% des autruchons importés d'Afrique du Sud ont
atteint l'âge de trois mois. Ce qui est supérieur aux moyennes des
autruchons éclos vivants à l'âge de trois mois au niveau
des élevages intensifs en Région Wallonne (70%) et aux Etats Unis
(60%), mais inférieur à la moyenne des élevages intensifs
d'Afrique du Sud qui est de 80% (Corneille et Lebailly, 1998; Van der
Vijver,1992). De plus l'objectif initial qui était de familiariser les
populations a l'autruche a été atteint.
Pourtant cette étude montre que les résultats
obtenus par SENAUTRUCHE pourraient facilement être amélioré
à travers l'habitat, l'aliment et la conduite de l'élevage. En
effet, des défaillances sur la préparation des éleveurs
ont été observées. Elles seraient dues au temps de
préparations très court pour sensibiliser suffisamment les
volontaires sur les normes d'élevage de cet animal dont les
intérêts sont multiples.
Aujourd'hui, il est clair qu'au Sénégal et
notamment dans la zone du Bassin arachidier où ce
programme a
été mené, l'élevage d'autruchons pourrait
être envisagé avec succès. Toutefois,
par rapport
à la durée de vie de cet animal et à la longueur de la
période d'élevage, les
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contraintes inhérentes à la période de
plus de 3 mois doivent être solutionnées. Parmi celles-ci
l'ingestion de sable. Un certain nombre de stratégies censé lever
la contrainte, avait fait l'objet d'une expérimentation à travers
une évaluation de l'utilisation digestive des nutriments.
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