1.9. Proportions du phénomène
La marginalisation des jeunes, spécifiquement dans les
quartiers populaires ou les zone dites sensibles, les quartiers dits difficiles
dans l'aire Métropolitaine de Port-au-Prince, s'explique par les
éléments classiques suivants : les jeunes des rues, les jeunes en
condition de vie difficile, la déviance, la délinquance et enfin
les marginaux s'imposent véritablement comme un « problème
social ».
La précarité économique et la forme
d'invention de stratégie de survie, de sous culture de ces
catégories (des jeunes) nous interpelle la conscience. Ainsi cette
perspective d'appréhension est conçue comme un état de
délabrement social. En effet, les différents quartiers de la zone
métropolitaine, la bidonvilisation et autre forme de prostration sociale
nous met en face d'une nouvelle réalité de
contre-société ou une sorte de haine de notre propre
société.
Le problème des jeunes parait être tellement
profond, autant qu'il sape méme les bases des institutions
établies. Ce phénomène ne cesse pas de prendre
différente tournure et ceci sous une vague vertigineuse, tel que : les
enfants des rues, les jeunes aux comportements déviants, les gangs
armées, les jeunes qui abandonnent leur maison ou leur famille, les
bandits, les assassins, les tueurs à gages, la prostitution des
mineures, etc. Bref, les jeunes en difficultés tout court...
1.10. ANALYSE THÉORIQUE
Depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, la
jeunesse s'entend au sens d'immaturité ou du symbolisme les
qualités de la maturité et ce n'est qu'à la fin du
16ème siècle que l'on commence à le
définir comme celui qui a gardé les caractères physique et
moraux de la jeunesse. Bien qu'il soit toujours associé aux notions
d'irresponsabilité, d'étourderie, de folie, etc.
Selon Philipe Ariès, le premier qui a livré une
réflexion à la fois historique et Anthropologique de l'enfance
dans les sociétés traditionnelles occidentales ; estimant que
celle-ci se représentait mal cet age de la vie, l'assimilant très
rapidement au monde adulte. Le passage de l'enfance à l'age adulte se
faisait selon lui très tôt sans qu'une étape puisse
être qualifiée de jeunesse.4
4 Ariès, Philipe, L'enfant et la vie familiale
sous l'ancien régime, Paris, éditions Seuil, 1975, P316.
19 Donc, la définition inspirée des textes de
l'Antiquité enfance, jeunesse et vieillesse commencent par s'imposer. Au
tournant du 16ème siècle, il semble qu'au niveau de la
représentation des âges, il y a plusieurs tranches. l'on se
réfère souvent aux textes de l'Antiquité pour distinguer
six ages différents : l'enfance (jusqu'à 7 ans), la
pueritia ( jusqu'à 14 ans), le tiers age aussi
appelé l'adolescence (jusqu'à 21 à 28 ans, à en
croire les sources), la jeunesse ( jusqu'à 45 ou 50 ans), la
senecté et la vieillesse.
Là, les considérations psychologiques
liées à l'individu ne sont pas examinées puisqu'il s'agit
des définitions fondées sur le cycle vital. La jeunesse n'est
qu'une phase d'attente, de dépendance, d'incertitude et les jeunes sont
vus souvent comme des errants et des impatients. Il faut dire qu'ici, c'est une
conception des familles riches, où il y a effectivement une logique de
transmission des biens du père au fils, alors que dans les familles
populaires la jeunesse n'a pas d'existence pratique, puisque les enfants sont
soumis précocement au travail du père ou du maitre jusqu'à
l'age adulte.
La fin du 17ème siècle a
été pour la jeunesse une nouvelle façon de vivre par
rapport à la constitution majeure du rôle que l'éducation
en a joué dans le souci de tempérer les passions en faisant tenir
leur rang à ceux qui occupent une position privilégiée
dans la société, vu ses emportements et ses excès. C'est
pourquoi, à la fin de ce siècle, il y a eu un changement
considérable du point de vue, de ce que représentent les jeunes,
les premiers signes d'une évolution du sentiment parental avec une
augmentation de la tendresse familiale et de la discussion entre sphère
publique de représentation et sphère privée
d'intimité. C'est ce qui va contribuer à fonder la forme moderne
de la jeunesse sur l'idée de l'éducation de l'enfant, par le
biais de la famille. En effet, cet idéal pédagogique n'arrive pas
à imposer, au-delà de l'idéal mondain, que le
mérite puisse supplanter la naissance.
Pour introduire à ce siècle (le
18ème siècle), Olivier Galland peint cette
période comme une hymne à la jeunesse :
« Malgré les écarts de la jeunesse [w]
c?est toujours l?ige le plus aimable et le plus brillant de la vie ; n?allons
donc pas ridiculement estimer le mérite des saisons par leur hiver, ni
mettre la partie la plus triste de notre être au niveau de la plus
florissante.[~] ceux qui parlent en faveur de la vieillesse, comme sage, mure
et modérée, pour faire rougir la jeunesse, folle et
débauchée, ne sont pas des justes appréciateurs de
20 la valeurs des choses ; car les imperfections de la
vieillesse sont assurément en plus grand nombre et plus incurables que
celles de la jeunesse »5.
Dans « l'Encyclopédie » de Diderot (1751), un
renversement significatif s'opère bien que l'on continue à
attribuer à la jeunesse des tendances à la
légèreté et au manque de réflexion. Il y a tout un
passage entre l'éducation mondaine et l'éducation nationale qui
met l'accent sur les compétences individuelles avec les besoins d'un
pays. Ce nouveau projet d'éducation qui remet en cause le
privilège du sang et la qualité individuelle et sociale,
là où l'idéologie du mérite va connaitre une
véritable progression. Il faut préciser qu'au cours de cette
période que c'est pour la première fois que la jeunesse est
perçue comme force de progrès, où l'aspiration du
changement est manifeste. Rappelons bien l'invention de la machine à
calculer par Blaise Pascal à 16 ans.
Le 19ème siècle a vu
l'émergence de la juvénilité et la mise en place dans les
sphères publiques et privées d'un fort dispositif d'encadrement
de jeunes. En 1830, il y a eu un bouleversement à la fois social et
géographique qui accélère la constitution d'une nouvelle
forme d'indépendance de la jeunesse qui se manifeste dans une agitation
sociale entretenue par des particules, telles : étudiants, jeunes
diplômés et employés. Face aux mouvements de jeunesse, tout
au long de ce siècle, les détenteurs de la morale bourgeoise
(homme politique, notables, religieux, médecins) discutent sur la
démoralisation de la jeunesse et la nécessité de
l'encadrer. D'autres parts, l'on voit la jeunesse comme la jeunesse comme un
personnage collectif incarnant simultanément les craintes et les espoirs
de la société, le signe d'une menace pour l'ordre social et d'un
renouvellement de la jeunesse pour la promotion d'un nouvel idéal.
Au début du 20ème siècle, une
nouvelle réalité se présente pour la jeunesse. Les jeunes
sont victimes d'un excès d'idéalisme, insatisfaits,
frustrés et mélancoliques. Face à tout ce constat, la
psychologie, en tant que science naissante, va se donner pour objectif
d'analyser les émois et les débordements de l'adolescence ce qui
va renouveler sa façon de penser. Pour la première fois, elle est
reconnue scientifiquement comme phase de vie, différenciée de
l'enfance mais non assimilée à cet état d'adulte
inaccompli que qualifiait l'ancienne notion de jeunesse. A travers les lectures
de ce siècle, il parait que la jeunesse n'est plus pensée comme
une simple catégorie mais comme un processus de maturation psychologique
et de socialisation.6
5 Galland, Ollivier, Sociologie de la jeunesse, Paris,
Armand Colin, 2001, P24
6 Ibid.P28.
21 Avec le 21ème siècle, Qui nous met
en face d'une société fondée sur la technologie et le
développement économique, Marcel Rioux a fait de la jeunesse une
préoccupation au centre de sa réflexion, c'est pourquoi, il
s'interroge sur les groupes sociaux, qui par leur action, vont faire changer la
société et qui ont déjà commencé à le
faire changer ? Dans son hypothèse étayée par les
arguments conceptuels de classe sociale et de génération sociale
; il nous montre que la classe ouvrière a perdu son pouvoir de
contestation à mesure qu'elle a réussi à intégrer
la nation pour laisser l'affaire à une autre catégorie qu'est la
jeunesse, sous sa forme de conflit génération sociale. Dans sa
perspective de rapprochement des jeunes, des ouvriers, il montre qu'ils luttent
tous, pour une meme conception de l'homme et la société,
différente de celle des adultes. C'est pourquoi, la révolte des
jeunes et leurs frasques dans la délinquance juvénile et comme il
se devait d'associer ce type de déséquilibre social à la
pauvreté et à la misère.7
Les conflits de génération dans les
sociétés industriellement avancées, est de moins en moins
un conflit d'intéret. Dans les sociétés traditionnelles,
l'éducation des adolescents était assez simple. Or, dans les
sociétés contemporaines, ces rôles sont sans cesse
redéfinis. Bon nombre d'adulte ressemble à la jeunesse. Les
jeunes ne voulant pas se joindre trop vite à la guerre au couteau qui
livrent les adultes inventent d'autres stratégies à
caractères marginal:
L?inadaptation de la jeunesse à la vie collective,
son opposition aux conditions de l?existence dite <<adulte>> se
manifestent dans les pays les plus industrialisés du monde contemporain.
Un peu partout dans le monde, une minorité de jeunes, réunis en
groupe <<informel>>, vit en marge, développe des conduites
agressives, attire l?attention du public et des observateurs par voies qui se
situent en dehors de l?ordre établi. On consacre des conférences
au malaise de la jeunesse, à sa révolte<< sans
cesse>>.tout se passe comme si la société en était
réduite à constater le malaise et à mettre au point des
moyens de répression.8
John Barron Mays interprète des similitudes dans leurs
conduites d'un état d'esprit commun aux jeunes et qu'on a
qualifié consciemment hostile et dépressif. De ces deux groupes
qui sont entré en conflit en fonction des critères d'antan,
distinguant l'adulte de l'adolescence, apparaissent ces critères : 1) de
même que l'adulte se reconnait par le métier et la profession, une
grande proportion d'adolescents possèdent déjà une
activité économique ; 2) la responsabilité
7 Rioux, Marcel, Jeunesse et société
contemporaine, collection les classiques, les classiques en sciences, PUM,
Montréal no 6 P50
8 Ibidem
politique et la capacité d'adaptation sont à la
fois l'apanage des deux ; 3) la question d'autonomie n'est plus seulement
l'affaire des adultes ;4) les étudiants tout comme les adultes se
marient et mènent une vie sexuelle légitime. Cette tendance
juvénile à enfoncer la ligne de démarcation entre l'adulte
et la jeunesse en contribuant à construire une sous-culture.
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