La coopérative agricole comme instrument juridique de relance du secteur agricole en RDC( Télécharger le fichier original )par Clovis KAMBURUTA Université libre des pays des grands lacs - Licence 2012 |
L'État congolais a essayé un certain nombre de politiques économiques visant à améliorer le développement de l'étendue du secteur agricole national depuis les années 80-90. Il suffit juste de regarder le nombre de projets agricoles que comptait le pays pour s'en rendre compte. De 1984 et 1988, le Ministère de l'agriculture du Zaïre comptait plus 42 projets agricoles mais qui, malheureusement, ne répondaient pas aux besoins urgents de la population agro-pastorale mais plutôt à la nécessité de ceux qui les avaient initié et financé. En 1990, le gouvernement zaïrois (de l'époque) avec la coopération extérieure, réfléchit et mis sur pied le Plan Directeur ; un modèle de politique agricole globale et de cohérence à l'intérieur de laquelle devait, dorénavant, s'articuler différentes actions ayant pour but de relancer le secteur agricole, un cadre de référence susceptible de conduire à l'expansion de l'agriculture et au développement du monde rural. La nouvelle loi agricole, qui a été promulgué récemment, s'entend à mettre en place une agriculture durable sauvegardant l'environnement et adaptant des systèmes culturaux avec le fonctionnement naturel du climat et ses perturbations. Il entend mettre à la disposition de l'ensemble des acteurs un cadre cohérent de référence et un outil d'aide à l'action particulièrement par la commission interministérielle composée des ministres des domaines prochaines proches de l'agriculture, à cause de la coexistence future entre différents cadastres notamment foncier, minier, forestier et agricole. La présente loi favorise non seulement la redynamisation du marché national, mais aussi l'ouverture vers l'intégration sous régionale et l'intensification des échanges internationaux en tenant compte des engagements sous - régionaux et internationaux auxquels la République Démocratique du Congo a souscrit, tels que la CEEAC, la SADC, le COMESA, la CEPGL, etc. Le développement économique national du Congo comporte certes des points positifs, mais il n'en demeure pas moins qu'il existe des disparités parfois énormes entre les onze provinces qu'à l'intérieur même de chacune d'elles. Bien des choses sont donc à améliorer. De plus, au rythme des restrictions budgétaires du gouvernement qui fait face des grandes contraintes financières, il va falloir trouver les façons de faire plus avec moins. Sans doute, le point faible le plus marquant de la stratégie de développement de la RDC c'est de ne pas avoir favorisé un véritable développement endogène basé sur la prise en charge du développement par les collectivités locales, car un très grand accent a été mis sur l'exploitation des ressources naturelles (notamment le cobalt, le manganèse, le colombo tantalite, le cuivre, etc.) qui sont avant tout exploitées par des entreprises étrangères. Bien plus, la stratégie de développement économique du pays a, longtemps, été celle d'une approche « par le haut » plutôt qu'une approche « par le bas ». Avec la baisse du prix des minerais et la prise de conscience des Congolais de l'importance de l'entrepreneuriat pour le développement économique local, on peut penser que les choses vont commencer à changer, mais cela va prendre du temps certes. A. L'approche coopérative agricole et le contexte actuel: une solution Premièrement, la formule coopérative dans le cadre du développement local et national peut prendre différentes formes. Ainsi, entre autres possibilités, il peut s'agir d'une coopérative de travailleurs, d'une coopérative de consommation, d'une coopérative en milieu scolaire, d'une coopérative de santé, d'une coopérative de services à domicile, d'une coopérative du marketing ou de la recherche et développement, d'une coopérative financière ou encore d'une coopérative agricole. Les possibilités de développement sont nombreuses. Une des caractéristiques fondamentales de l'approche coopérative dans le cadre des efforts de développement agricole local et national est son caractère démocratique. Alors que l'entreprise purement capitaliste a, plus souvent qu'autrement, la maximisation des profits comme seul objectif, l'entreprise coopérative est plus sensible aux attentes et aspirations de la communauté où elle se trouve puisque ses membres en sont propriétaires. Le rapport à l'emploi traduit bien cette différence. Pour l'entreprise capitaliste classique, le travail n'est qu'un facteur de production. Face à l'adversité, elle procédera à des mises à pieds44(*) et ce, même si l'entreprise est rentable. En effet, l'objectif n'y est pas toujours d'avoir une entreprise rentable, mais surtout de maximiser ses profits. Il ne faudrait pas cependant penser que les mises à pieds sont impossibles dans une entreprise coopérative, mais en principe, l'emploi y revêt cependant une plus grande importance que l'entreprise capitaliste. Ne faudrait-il pas se rendre à l'évidence qu'il ne suffit plus de créer un environnement favorable à la croissance du secteur privé pour mener à la création d'emplois ? Le discours politique et les actions concrètes ne devraient-ils pas changer ? Pour accroître le développement économique du pays, les dirigeants du pays auraient donc avantage à intégrer l'approche coopérative à leurs stratégies de développement local et national notamment en consacrant une loi à cet effet qui tient compte des efforts endogènes. Parmi les avantages que procurerait une approche coopérative, notamment pour le secteur agricole, on peut mentionner : le développement local (a), une meilleure utilisation des ressources locales (b) et une mobilisation des facteurs économiques déjà présents (c). Le développement économique à partir de la base constitue l'élément le plus important de l'essor agricole national. Contrairement à des entreprises qui sont la propriété d'intérêts de l'extérieur, une entreprise agricole qui est la propriété des intérêts locaux aura moins tendance à déménager à la première occasion offrant une chance d'accroître les profits. Nombre de communautés ont appris trop tard que dépendre d'un employeur de l'extérieur pouvait offrir des surprises douloureuses. Une entreprise coopérative agricole, propriété des membres de la communauté, offre une perspective beaucoup plus prometteuse et permet de fonder les efforts de développement local et régional sur des assises plus stables. b. Utilisation des facteurs locaux Un facteur à ne pas dédaigner en développement local et régional est le sentiment d'appartenance que crée une activité économique épousant le modèle coopératif. Non seulement cela se traduit-il par des assises plus solides, mais cette identité collective en augmente aussi grandement les retombées économiques potentielles. Le fait d'appartenir à une communauté accroît l'intérêt que les individus ont envers celles-ci, ce qui se traduit souvent par une plus grande utilisation des facteurs locaux (ressources humaines, matérielles, financières, technologiques, etc.). De cela résultera non seulement le résultat d'une volonté de contribuer au développement économique de sa région, mais aussi la transmission plus facile de l'information grâce à la présence sur place de preneurs de décisions. c. Mobilisation des facteurs économiques déjà présents Finalement, l'approche coopérative en matière de développement local et national peut amener une utilisation plus efficace des facteurs économiques déjà présents dans le secteur. C'est ce qui se produit lorsque divers fonds d'investissement sont créés dans une optique coopérative. L'avantage de telles initiatives est qu'elles assurent qu'au moins une partie des outils de développement économique qui existent dans la communauté sera utilisée pour le développement du pays. Pour les entreprises en croissance, l'accès au capital nécessaire est souvent une question très critique (c'est encore plus vrai dans les pays en voie de développement comme la RDC où le manque de fonds individuels reste marquant) et l'approche coopérative (mise en commun des ressources) offre un élément de solution au problème. B. Faire les choses autrement, mettre un accent sur les coopératives agricole en RDC A la lumière de certains constats que nous avons faits dans ce travail, il va sans dire que le fonctionnement actuel des coopératives dans le pays doit être revu si l'on veut que cette forme d'entreprise joue son véritable rôle à partir de ce qui fait sa spécificité. La RDC a besoin des coopératives pour développer son agriculture et d'autres secteurs de l'économie locale et national, car elles constituent une formule d'entrepreneurship qui permet aux populations (pauvres ou plus aisées) de se prendre en main tout en contribuant au développement de toutes leurs communautés locales. Les coopératives congolaises ne devraient pas être créées ou développées selon une logique de "pauvreté" et de "misère". En effet, la coopérative est une entreprise qui doit avoir une certaine vitalité ou une certaine rentabilité qui permettrait à ses membres-propriétaires de satisfaire leurs besoins. De plus, elle n'est pas que l'affaire des paysans et des moins nantis de la société, car tout le monde peut être membre d'une coopérative et y investir du capital comme dans les autres formes d'entreprises. Les coopératives doivent aussi faire face aux mutations actuelles dans tous les environnements, surtout l'environnement économique et social. Tout compte fait, l'avenir n'est pas nécessairement sombre et désastreux du côté des coopératives en Afrique et en RDC. Plusieurs pays ont procédé à des réformes importantes pour renforcer leur secteur coopératif, notamment le Sénégal, la Côte-d'Ivoire, le Gabon et bien d'autres. Il y a place à l'amélioration et beaucoup de choses sont à faire et peuvent effectivement être faites si certaines politiques sont mises en oeuvres de façon rigoureuse. Ainsi, on peut déjà retenir quelques éléments nécessaires au développement des coopératives en Afrique et en RD Congo en particulier: - autonomie avec un minimum de société civile et de démocratie dans la gestion; - les paysans, les villageois et les autres membres de coopératives doivent déterminer eux-mêmes les objectifs et les modalités du projet à réaliser, avec l'aide d'encadreurs si nécessaire, comme ce fut avec le plan directeur de 1990; - instauration des méthodes et outils de gestion rigoureux et fiables et lutte contre le détournement de fonds mis en commun; - les cadres doivent faire confiance au savoir-faire des gens et à leur capacité d'intégrer modernisation et vie traditionnelle de même qu'à bien gérer financièrement leurs coopératives; - respect du cheminement, du savoir-faire, des structures autochtones et de la culture en place; et mise en place d'un cadre légal ou juridique (Loi spécifique sur les coopératives agricoles, comme c'est le cas ailleurs45(*), qui prend en considération les avancées significatives de la technologie et de l' effet de la mondialisation et de la globalisation sur l'économie de la RDC ) qui permet de bien distinguer les coopératives des autres formes d'entreprises ou d'associations et de mieux encadrer la création et le développement de ce genre d'entreprise. Il existe présentement en RDC un engouement pour le développement de l'Agriculture et le développement des affaires (entrepreneuriat). Dans cette perspective, l'entreprise coopérative est un outil privilégié de développement et de création de la richesse, donc d'amélioration du bien-être des populations. Pour que le pays puisse bénéficier des potentialités considérables qu'offre cette forme d'entreprise, il est primordial de faire les choses autrement: mettre un accent sur les coopératives agricole en RDC, dans une perspective de développement local et régional. Il est tout à fait nécessaire de redéfinir le rôle des coopératives agricole dans un processus de "nouveau développement"; c'est-à-dire que les coopératives devront dépendre le moins possible des attentes du gouvernement et des organisations non gouvernementales (ONG) et le plus possible des besoins des gens qui décident de les créer. Cela ne signifie guère que le gouvernement et les ONG ne peuvent aider (aide financière, fiscale ou technique) et encadrer les populations. Par ailleurs, il faudra que les gens eux-mêmes acceptent aussi de nouvelles façons de vivre ou de fonctionner, du moins lorsqu'on est en affaires. Même si les valeurs coopératives semblent se rattacher à celles véhiculées dans la plupart des sociétés dites « indigènes » (solidarité, consensus, entraide, etc.), il n'en demeure pas moins qu'il faille tenir compte des traits culturels particuliers de chacun ou de chaque groupe traditionnel. Ainsi, il ne faudrait pas penser que l'implantation des coopératives se fera de façon automatique et sans heurts; encore moins lorsqu'il vient le moment de respecter les principes coopératifs. La coopérative agricole doit alors nécessairement apprendre la langue culturelle de son milieu, apprendre à se construire sur la base des structures villageoises existantes et sur la rencontre entre la démocratie traditionnelle et la démocratie coopérative46(*). Comment assurer alors la redynamisation des coopératives dans un nouvel élan de développement ? En fait, on peut penser à différentes façons d'aborder le développement des coopératives agricole en Afrique et en RDC en particulier. Cependant, la croissance et le développement des coopératives agricoles en RDC nécessite une approche d'abord globale (ou vision globale) qui inclus tous les secteurs d'affaires. A partir d'une base de référence (notamment juridique) qui favorise l'émergence des entreprises coopératives47(*), chaque secteur de l'économie se chargera de développer ses spécificités (exemple: Agriculture, Transformation, Services, Santé, Éducation, Formation, Technologies, etc.). Il faudrait mettre en place des stratégies de promotion de la formule d'entreprise coopérative touchant toutes les couches de la société (pauvres, riches, paysans, jeunes, vieux, etc.), soutenir le milieu et évaluer certains facteurs économiques, politico légaux et socio-historiques susceptibles d'influencer la croissance et le développement des coopératives. Les stratégies de promotion visent plusieurs éléments: l'étude de faisabilité et la mobilisation des ressources nécessaires; la détermination de la nature et des objectifs de la coopérative par les membres; l'homogénéité du groupe (solidarité et participation accrues); la gestion de l'entreprise confiée aux membres et aux leaders; le contrôle de l'évaluation par les membres; génération des revenus à court et moyens termes; etc. Le soutien du milieu pour un meilleur fonctionnement peut venir de différents acteurs économiques, politiques et sociaux: les banques, les caisses d'épargne et de crédit, les organes étatiques, les fonds d'investissements ou de développement, le milieu de l'éducation et de la formation (y compris les centres de recherche), les experts divers et les gestionnaires. Afin de déterminer les facteurs susceptibles d'influencer la croissance des coopératives, certaines questions doivent être posées, notamment: - Au niveau économique: existe-t-il une masse critique de membres susceptibles de mobiliser les ressources nécessaires ? Existent-ils des ressources externes ? Quel appui les membres peuvent-ils obtenir des agents économiques ? Y a-t-il des moyens pour conduire des études de faisabilité ? etc. - Au niveau politico-légal: l'État a-t-il des politiques claires et cohérentes dans le développement des coopératives ? Ces politiques s'accompagnent-elles des ressources suffisantes ? Y a-t-il des mécanismes de coordination (entre les ministères par exemple) ? Les lois protègent-elles bien les coopératives ? etc. - Au niveau social: les groupes sont-ils suffisamment homogènes ? Quels sont les obstacles à la participation ? Y a-t-il compatibilité entre les promoteurs, les formateurs et les éducateurs ? etc. - au niveau historique: a-t-on tiré les leçons des expériences passées ? A-t-on analysé les nouvelles tentatives d'implantation ? Quelles leçons peut-on tirer des expériences de groupes populaires ? etc. Toutes ces questions peuvent en elles-mêmes traduire la complexité de l'entreprise. Les défis à relever sont de taille. Il apparaît donc que les coopératives agricoles peuvent réussir à s'implanter en République Démocratique du Congo si l'on favorise l'émergence d'organisations et des structures locales autonomes et variées. C. Que retenir du développement des coopératives en Afrique On peut affirmer sans trop risquer de se tromper que les coopératives en Afrique ont longtemps été perçues comme un héritage de la colonisation. Souvent imposées d'en haut, elles ne reflètent pas nécessairement les besoins exprimés par les membres usagers; ce qui réduit leur participation à une acception et à une approbation des politiques de l'État et/ou des organismes non gouvernementaux (ONG) concernant par exemple leurs politiques agricoles transmises par le biais des coopératives. Par ailleurs, les Statuts et Règlements des coopératives ainsi créées sont souvent écrits dans une langue ou un langage non comprise par certains usagers qui les trouvent trop rigides, restrictifs et transmetteurs de la "bonne pensée occidentale universelle". Alors que les coopératives auraient dû contribuer au développement intégral et durable de leurs membres comme le voulaient les Pionniers de Rochdale en Angleterre, il est déplorable que l'opération n'ait pas tellement réussie dans les pays africains (surtout francophones), au point que le mot coopérative est quasiment devenue une référence à l'échec48(*), au tabou et à la "pacotille"; ce qui réduit donc cette forme d'organisation à une simple expression d'association populaire (souvent sans but lucratif) où l'aspect "entreprise" est carrément (ou presque) laissé aux oubliettes. Or, des exemples ne manquent pas de le prouver, l'entreprise coopérative demeure un des meilleurs outils de développement du secteur agricole dans la plupart des pays développés et dans certains pays dits du Tiers-Monde (Brésil, Costa Rica, Mexique, etc.). Qui plus est, le mouvement coopératif porte en lui même les valeurs de solidarité, de démocratie (même qualifiée d'africaine), d'éducation, d'équité, de prise en main de sa propre destinée, etc. Alors, pourquoi tant d'échecs en Afrique? En fait, certains chercheurs ont tenté de cerner les raisons des échecs des coopératives en Afrique49(*). Il ressort de ces recherches trois raisons d'échecs principales à savoir: - le pouvoir autoritaire, - l'idéologie du développement, - les problèmes d'organisation et de gestion. L'imposition par l'État de sa vision du politique aux populations a été retenue comme étant une source d'échec des coopératives en Afrique. Par ce type de pratique, les coopératives ne sont que des instruments d'expansion de la puissance économique et sociale de l'État. Ainsi, on retrouve dans la création des coopératives des pratiques comme l'adhésion obligatoire; ce qui est contraire aux principes coopératifs. De plus, le personnel d'encadrement et de formation est choisi parmi les administrateurs de la fonction publique. La gestion revient seulement à des personnes dites instruites et la participation des paysans est quasi-inexistante. L'État va jusqu'à imposer le produit à cultiver, le niveau des prix et les règles de distribution de la ristourne aux paysans. Aucune raison de s'étonner si les membres-usagers ne trouvent aucun intérêt (ou presque) à s'engager dans ce genre de coopératives et à fournir tous les efforts requis autant pour la production, la résolution de problèmes, etc. Bref, le pouvoir autoritaire annihile une des vocations originelles de la coopérative: la liberté de décider. b. L'idéologie du "développement" Par ailleurs, l'idéologie du "développement" constitue une autre source d'échecs des coopératives en Afrique (francophone surtout). En effet, le développement a toujours été présenté par les occidentaux selon les valeurs qui prédominent dans leur cadre de vie à savoir: l'économie de marché, la modernisation, l'industrialisation, la productivité, la division internationale du travail, le libéralisme économique (parfois sauvage), la concurrence, le contrôle des organisations ouvrières, etc. Ces valeurs qui forment l'idéologie du développement permettent aux occidentaux de catégoriser les pays du Sud comme étant les pays sous-développés, donc en retard par rapport aux pays riches. De plus, selon cette idéologie, les pays alors sous-développés doivent suivre le chemin des pays du Nord pour atteindre leur niveau de développement qui, en passant est considéré comme l'objectif ultime. Par conséquent, la modernisation devient une nécessité pour se développer ; et l'apport de la science et des technologies occidentales s'avère fondamental pour atteindre ce stade. Or, l'histoire démontre que cette idéologie du développement très patriarcal de l'Occident a eu des succès matériel et technique plutôt mitigée, en plus qu'elle finisse par enrichir une minorité sans éliminer la misère de la majorité. D'ailleurs, à ce jour, le constat général est clair sur le plan socioéconomique mondial: les riches s'enrichissent de plus en plus, tandis que les pauvres continuent à s'appauvrir. Les conséquences néfastes de l'idéologie du développement peuvent se présenter à deux niveaux principaux50(*): - au niveau des conditions socioéconomiques et socioculturelles et - au niveau des principes et de la pratique politiques. En effet, l'environnement socio-économique dans lequel les coopératives ont été implantées en Afrique est très différent de celui dans lequel les stratégies de développement ont été conçues. Les coopératives apparaissent donc comme des modèles complexes, importés de l'extérieurs et d'en haut; elles sont donc perçues comme des organisations extérieures d'assistance alors que les gens n'y participent pas activement avec leurs propres ressources. Contrairement à ce qu'on peut observer en Europe et en Amérique du Nord, les coopératives d'Afrique sont généralement créées par les interventions extérieures et sont maintenues en vie grâce à l'aide qu'elles reçoivent de l'extérieur. Les paysans, n'ayant pas eux-mêmes créés les coopératives et en plus d'être obligés d'en devenir membre, ne se sentent pas responsables de leur entreprise coopérative et manque d'intérêt à y adhérer. A cet état de fait, on peut ajouter un manque de rigueur dans l'application des statuts et règlements de régie interne; les membres les ignorant tout simplement. Ainsi, les coopératives ne représentent que des instruments de développement des cultures de rente telles le cacao, le café, les arachides, le coton, etc. En outre, il faut reconnaître que les États africains se sont inspirés du modèle de l'Etat-nation européen dans leur processus de développement et de modernité. Cependant, force est d'observer que ces pays n'ont pas nécessairement adopté les principes de base tels que les droits de la personne, la diversité des opinions et des organisations politiques. En somme, on ne peut parler de coopérative (dans l'esprit de Rochdale) tant qu'il n'existe pas une réelle démocratie dans l'organisation; tant que l'autogestion et la participation responsable sont exclues des modes de gestion; et tant que les populations ne sont pas incitées à prendre en main leur devenir, à développer et faire appel à leurs propres ressources si pauvres soient-elles, et à améliorer leur bien-être. c. Les problèmes d'organisation et de gestion Une autre raison importante de l'échec des coopératives en Afrique francophone est liée à une mauvaise organisation et à une gestion déficiente des entreprises. Les faiblesses de l'organisation se manifestent d'abord au niveau de la composition des bureaux de direction qui sont souvent dominés par les fonctionnaires de l'État et d'autres personnalités politiques ou "quasi-politiques" qui n'ont pas nécessairement les mêmes priorités que les gens de la base. Cet aspect peut être lié au fait que les coopératives en Afrique francophone en général, et en RDC en particulier sont souvent vues d'abord et surtout comme des associations (ou regroupement) populaires des paysans, des habitants d'un quartier ou des villageois et non pas comme des entreprises autonomes au service de leurs membres-usagers. Ensuite, le manque de formation et d'information chez les "coopérateurs" ou les sociétaires entraîne une certaine inefficacité dans l'exercice de leurs fonctions dans l'organisation. Rappelons à juste titre qu'en ce qui a trait à la gestion, la coopérative fonctionne généralement comme une entreprise dans laquelle le directeur général ou le gérant assure le développement avec la participation des membres dans le processus de gestion. La gestion participative de la coopérative devrait alors assurer un engagement plus important des membres dans la planification et le processus de prise de décision, de même qu'assurer un contrôle plus efficace et, en conséquence une réponse plus satisfaisante aux besoins locaux. Or, si l'on considère qu'il est déjà difficile de faire participer tous les membres dans certaines coopératives où les choses fonctionnent bien (Canada, France, Suède, Japon, États-Unis, Costa Rica, etc.), imaginons combien de fois le manque de participation des membres à la gestion de leurs entreprises peut être encore plus néfaste pour le développement des coopératives en Afrique francophone. Enfin, les problèmes de gestion prennent souvent la forme de détournements d'actifs par le gérant, de difficultés de trésorerie, de détournements d'objectifs des prêts obtenus, et de mauvaise planification des ressources. Rien d'étonnant de voir les coopératives succombées suite à de telles pratiques. Compte tenu d'une part de l'importance que les coopératives peuvent jouer dans le cadre de relèvement des défis pour le développement économique et social durable de l'Afrique et d'autre part des obstacles qu'elles rencontrent actuellement dans le continent pour jouer pleinement ce rôle, un engagement politique en vue d'une réforme coopérative s'impose. Il s'agira d'une approche participative et concertée impliquant toutes les parties prenantes. Cette réforme touchera en particulier les domaines ci-après : · Politique, · Législation · Cadre institutionnel · Fiscalité · Les services d'appui · Recherche, éducation, formation et information · Audit coopératif social et sociétal · Financement Cette réforme se ferait aisément dans le cadre d'un concertalisme économique basé sur la concertation de toutes les parties prenantes et caractérisé par l'absence de toute dictature qu'elle vienne de l'Etat, des entrepreneurs, des employés ou des consommateurs qui seraient alors tous appelés à se concerter en permanence dans un esprit de « donnant-donnant et gagnant-gagnant » pour la prise des décisions pour lesquelles ils deviennent coresponsables. Ceci pouvait bien se concrétiser à travers les différentes les groupements économiques régionaux comme la CEDEAO, la SADC ou encore l'OHADA. Mais il faut dire que ces derniers ne sont pas vraiment actifs dans la promotion des entreprises coopératives régionales. Toutefois, les actes uniformes de l'OHADA sur le droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique (GIE)51(*) facilitent le processus pour les entreprises inter régionales qui ont besoin d'un cadre juridique propice à leur rapprochement, en leur offrant des choix différents selon que les partenaires souhaitent, ou non, conserver l'autonomie juridique de leurs sociétés respectives. Actuellement dans le cadre de la redynamisation de l'intégration régionale et le relancement des institutions d'intégration régionale en Afrique Centrale, des réformes dans le processus de l'intégration devraient tendre beaucoup plus vers la création d'entreprises privées multinationales de production, de transformation de matières premières et de commerce des produits semi-finis et finis entre les pays de la sous-région et entre la sous-région et le reste du monde. Ceci devrait permettre surtout de poser les bases solides et durables pour la sous-région de transformer ces cent millions d'habitants en agents économiques, force de travail et source de consommation. Ceci permettrait à une large proportion de la population d'avoir plus de chance de vivre une biologie complète et heureuse. Ceci devrait également aider à créer un climat de stabilité pour les gouvernements, de paix pour les populations et de sécurité pour les investisseurs y compris étrangers. Il est à noter que les avantages de l'intégration sont plutôt dynamiques que statiques. Des efforts d'analyse et de communication doivent être soutenus pour maintenir l'impulsion à tous les niveaux et dans tous les Etats partenaires. Le thème de l'AIC a été « Les coopératives, des entreprises pour un monde meilleur ». Si, à cet effet, les institutions d'intégration régionale s'impliquent davantage dans la promotion des coopératives, ceci devra permettre à la sous-région ou la région d'être un partenaire respectable sur la scène internationale, de négocier en solidarité dans les conférences internationales ; de représenter un poids économique et stratégique ; d'avoir des positions de négociations communes ; d'accroître le commerce intra-sous-régional et inter-sous-régional, et de promouvoir l'intégration par la production avec l'expansion d'un vrai secteur privé sous régional. Elles doivent favoriser en partenariat avec le Secrétaire conjoint BAD/CEA/OUA/CER et les institutions de Bretton Woods (rénovées) la promotion du commerce intra-sous-régional et inter-régional et des investissements porteurs et générateurs d'emplois, de revenus, de réduction de pauvreté et d'élimination de la dépendance des populations africaines des aides et des gouvernements et de l'emprise des institutions internationales52(*). * 44 La "mise à pied" est tantôt une sanction, tantôt une mesure simplement conservatoire que l'employeur prend à l'encontre d'un de ses salariés. La lettre par laquelle l'employeur autorise une absence dans l'attente d'une décision définitive, peut être concomitante à la lettre déclenchant la procédure de licenciement. Le juge du fond a pu en déduire que si la dispense de travail est rémunérée, elle constitue nécessairement une mise à pied conservatoire : elle a pour effet d'écarter le salarié de son lieu de travail lorsque sa présence est jugée incompatible avec le fonctionnement normal de l'entreprise mais elle n'implique pas nécessairement que le licenciement prononcé ultérieurement présente un caractère disciplinaire (Chambre sociale 3 février 2010, pourvoi n°07-44491, BICC n°725 du 1er juillet 2010 et Legifrance et, Soc. - 30 septembre 2004, pourvoi n°02-43638, BICC n°611 du 15 janvier 2005 et Legifrance). Disponible sur http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/mise-a-pied.php, consulté le 26 mai 2012 à 13h 08min. * 45 Comme le cas du Canada, avec la loi n° L.R.Q., chapitre S- 24 modifiée et complétée par celle du 21 décembre 1983 sur les coopératives agricoles, Québec. Qui place les coopératives agricoles sous la tutelle du ministère des Institutions financières et Coopératives. Données disponibles sur le lien : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=%2F%2FS_24%2FS24.htm, consulté le jeudi 24 mai 2012, à 12h 59. * 46 A. Gibbs, 1994, op. cit p. 56. * 47 En parcourant la loi portant principes fondamentaux relatifs à l'agriculture promulgué en Décembre 2011 (et qui entre en vigueur 6mois à partir de la date de sa promulgation), c'est difficile de tomber sur le mot coopérative, pourtant dans le projet de cette loi on envisageait la création dans chaque province d'un conseil agricole rural qui devrait avoir pour tâche entre autre d'organiser l'encadrement du paysannat et sa structuration en coopérative agricole ou paysanne. L'on remarque, en effet, que le projet a connu concision excessives (le projet comptait 154 articles, la loi qui a été voté en compte que 85) qui a fait à ce que certaines matières importantes ont été simplement omises dans la loi votée, comme c'est le cas notamment de l'article 13 qui prévoyait la création au niveau de chaque province, un conseil agricole rural de gestion ayant pour but entre autre d'organiser l'encadrement du paysannat et sa structuration en coopératives agricole ou paysanne . Pourtant la considération de l'initiative locale à travers les coopératives agricoles devrait beaucoup préoccuper le législateur de cette loi. * 48 L'expérience de l'échec de la SOFIDE en est la preuve tangible en RDC. * 49BOURRET Yvon, « Le sujet et le greffon: implantation et applicabilité du modèle coopératif dans les cultures africaines », IRECUS, coll. Essais, No 22, Sherbrooke (Canada), 1990, p. 14; A. Gibbbs, op. cit, p. 33. * 50 GIBBS André, op. cit. p.38. * 51 Les GIE sont régi par les articles 869 à 885 de l'Acte uniforme de l'OHADA sur les sociétés commerciales et le groupement d'intérêt économique. * 52 Commission économique pour l'Afrique, Redynamiser l'intégration régionale et relancer les institutions d'intégration régionale en Afrique centrale : Faire de l'intégration régionale un puissant moteur du développement au niveau national, Centre de développement sous régionale pour l`Afrique Centrale, N° ECA/SRDC - CA/ Nations Unies, Décembre 1998, p. 17. Disponible sur |
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