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Le « droit au retour » des réfugiés palestiniens dans la perspective d'une solution du conflit au Moyen- Orient

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par Stéphanie Nakhel
Université Paris Sud 11 - Master en diplomaties et négociations stratégiques 2010
  

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§-2- Quelle Solution pour la Question des Réfugiés Palestiniens?

Sans aucun doute, la question des réfugiés palestiniens et leur « droit au retour » a été la plus obstinée des pierres d'achoppement qui empêchent la résolution du conflit entre Israël et les Palestiniens.

Il en est ainsi parce que pour les deux parties au conflit, le « droit de retour », plus que toute autre question, touche dans l'essence de leur histoire et de leur avenir.

L'échec des efforts de paix de se pencher sérieusement sur la question du « droit au retour » est un reflet d'une question plus large de justice historique qui a été évitée dans les diverses tentatives de résoudre le conflit israélo-palestinien.

Toutefois, le cadre des négociations établi à Oslo en 1993, qui a soigneusement évité les considérations de justice, a amené les parties à une impasse historique, résultant des dynamiques de violence sans précédents.

Les considérations de justice historique sont essentielles pour parvenir à la réconciliation dans le conflit israélo-palestinien, et cette base moralement et politiquement saine, pourrait et devrait être établie pour une solution viable à la question du « droit de retour »342. Cela pourrait être réalisé sur la base d'une conception de la justice non pas simplement corrective ni compensatoire, mais plutôt transformative. Cette conception, généralement appelée « justice transitionnelle », ne cherche pas à atteindre un équilibre entre les droits violés et les mesures compensatoires ; elle vise plutôt à établir les principes qui devraient régir la transition d'une société ou situation moralement déficientes, à une situation moralement supérieure.

De l'Afrique du Sud au Maroc, de la Bolivie au Rwanda, du Sierra Leone au Liberia et au Tchad,
ces mécanismes de justice transitionnelle, incluant des commissions dites « justice et vérité » et

340 O. Englander, «Converging for Peace: The United Nations and the Israel-Palestine Peace Process», The Atkin Paper Series, (June 2009).

341 G. Goodwin-Gill, «Refugee Identity and Protection's Fading Prospect,» Refugee Rights and Realities, Evolving International Concepts and Regimes» by F. Nicholson - P. Twomey, Cambridge University Press, (1999), p. 246.

342 Y. Peled, «The Right of Return & Transformative Justice», (2004).

des institutions similaires où victimes et bourreaux s'affrontent de façon pacifique, ont été créés343.

Et puisque les droits des réfugiés sont universels, les palestiniens doivent se voir offrir les mêmes solutions qui sont systématiquement à la disposition d'autres réfugiés dans le monde.

Ces solutions doivent s'inspirer du principe de la justice transitionnelle qui a prouvé son succès dans la résolution des conflits dont les parties, vivant côte à côte, avaient des différences fondamentales, sectaires, ethniques, raciales et religieuses etc.

Le thème de la justice transitionnelle est apparu ces dernières années comme une des disciplines en plein essor des champs plus vastes des Droits de l'Homme et de la résolution de conflits.

Alex Boraine considère que « la justice transitionnelle n'apparaît pas comme une contradiction de la justice pénale mais plutôt comme une vision plus riche, plus profonde et plus large de la notion de justice, cherchant à faire rendre des comptes aux criminels, à répondre aux besoins des victimes et à lancer un processus de réconciliation et de transformation qui donne naissance à une société plus juste et plus humaine »344.

Dans ces conditions, la justice transitionnelle se révèle comme une série d'approches adoptées par les sociétés pour résorber les conséquences des atteintes graves et systématiques aux Droits de l'Homme, lesquelles permettent de passer d'une période de conflit ou d'oppression à la paix, la démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits individuels et collectifs345.

En théorie comme en pratique, l'objectif de la justice transitionnelle est de faire face au lourd héritage des abus, d'une manière large et holistique qui englobe la justice pénale, la justice restauratrice, la justice sociale et la justice économique. Cette justice transitionnelle est basée, de surcroît, sur l'idée qu'une politique de justice responsable doit avoir des mesures qui cherchent à la fois à établir la responsabilité pour les crimes commis dans le passé et à dissuader la commission de nouveaux crimes qui se produiraient, en tenant compte du caractère collectif de certaines formes de victimisation, ainsi que du caractère transnational de certaines autres346.

Même si la justice transitoire porte nécessairement les injustices du passé, elle est l'avenir, plutôt que le passé, elle est orientée vers tout ce qui relève du moral.

Cette justice vise à « affirmer et à restaurer la dignité des individus dont les droits relatifs à leur personne ont été violés et dont les propriétés ont étés volées. Elle vise aussi à tenir les agresseurs responsables, en insistant sur le préjudice qu'ils ont fait aux êtres humains et finalement à créer des conditions sociales dans lesquelles les Droits de l'Homme seront respectés347 ».

343 N. Odoukpe, «Reflexion sur la justice transitionnelle», (2009).

344 A. Boraine, « La justice transitionnelle », dans : « Les Ressources de la transition », Institut pour la Justice et la Réconciliation, (2005), p 19.

345 Source : Centre International pour la Justice Transitionnelle : www.ictj.org.

346 M. Freeman - D. Marotine, « Qu'est ce que la Justice Transitionnelle ? », International Center of transitional justice, (2007), p.2.

347 E. Kiss, «Moral Ambition Within and Beyond Political Constraints», in «Truth v. Justice: The Morality of Truth and Reconciliation Commissions», R. Rotberg - D. Thompson, Princeton University Press, (2000).

Ici donc, la pratique n'est pas une condition qui réduit la morale, mais plutôt c'est sa fondation.

Selon Christine Bell, les Processus de Paix en Afrique du Sud, en Israël-Palestine et en l'exYougoslavie sont parmi ceux qu'elle identifie comme étant les plus récemment traités dans la littérature de la justice transitionnelle. L'auteur a mis l'approche sud-africaine, comme première parmi ses études de cas, dans un classement sommaire des mesures des Droits de l'Homme inclus dans les différentes offres de paix. L'accord israélo-palestinien est venu en dernier. En fait, Bell soutient que « tant dans leur texte que dans leur mise en oeuvre, les accords de paix israélopalestiniens démontrent un divorce presque complet entre la notion de paix et la notion de justice348 ».

Ainsi, un nouveau processus de paix fondé sur les Droits de l'Homme et le droit international, est la seule base équitable et raisonnable pour une solution juste et durable du conflit israélopalestinien349.

Pour Mark Freeman, la justice transitionnelle, en tant que discipline professionnelle, est essentiellement axée autour de quatre mécanismes principaux :

- Les poursuites pénales (par des tribunaux nationaux, internationaux ou hybrides) ;

- Les enquêtes visant à établir la vérité sur les exactions passées (via les enquêtes nationales officielles telles que les commissions vérité, ou les commissions d'enquête internationales, les mécanismes des Nations Unies ou les efforts des ONG) ;

- Les réparations (compensatoires, symboliques, sous forme de restitution ou de réhabilitation) ;

- Les réformes institutionnelles (comprenant les réformes du système de la sécurité et les réformes judiciaires, la révocation des auteurs d'exactions des postes de la fonction publique et la formation en droits de l'homme des fonctionnaires).

La discipline englobe également plusieurs questions communes à ces mécanismes, dont en particulier, les thèmes de la mémoire et de la réconciliation350.

Pour parvenir à la réconciliation, la justice transitionnelle repose sur deux autres lettres R: La reconnaissance et la restitution.

D'une part, la reconnaissance du droit des réfugiés palestiniens au retour est aussi une reconnaissance de ce qui s'est passé pour eux, leur histoire individuelle et collective, et la reconnaissance de l'injustice qu'ils ont subi.

Depuis soixante trois ans, et les réfugiés palestiniens font savoir qu'ils ne seront pas en mesure d'accepter une compensation financière au lieu d'une réparation complete, qui inclut le « droit au retour » et à la restitution des biens.

348 C. Bell, «Peace Agreements and Human Rights», Oxford: Oxford University Press, (2000).

349 L. Welchman, «The Role of International Law and Human Rights in Peacemaking and Crafting Durable Solutions for Refugees» , BADIL, (2003)., p.6.

350 M. Freeman - D. Marotine, « Qu'est ce que la Justice Transitionnelle ? », International Center of transitional justice, (2007), p.2.

La création d'un Etat palestinien sans la pleine reconnaissance aux réfugiés du droit de retourner dans leurs foyers d'origine, ne leur offre pas des remèdes et des réparations, il limite plutôt l'autodétermination en réduisant la nation palestinienne et abandonnant de nombreux Palestiniens à un état d'exil permanent.

Par ailleurs, il est de l'intérêt d'Israël de reconnaître sa responsabilité directe dans l'expulsion massive de la population palestinienne afin de gagner une reconnaissance véritable : sa légitimité au niveau régional.

La clé d'une future paix israélo-palestinienne réside dans une réconciliation de fond qui verrait une reconnaissance de la part d'Israël de l'injustice grave qu'elle a commise envers les Palestiniens, et cela depuis 1948. Cette paix véritable ne peut naître par la force des armes, en exigeant que les réfugiés et leurs descendants qui croupissent depuis plus de six décennies dans des camps de réfugiés, acceptent que leur « droit au retour » soit simplement enterré dans les méandres de la négociation internationale. Car en définitive, comme l'exprime si justement Ilan Pappé351, politologue israélien post-sioniste: « Le «droit au retour» est la feuille de route vers la paix »352.

D'une autre part, l'option de retour ne peut être exercée sans aborder la question de l'indemnisation et la restitution des terres. La restitution est une façon d'accorder la reconnaissance aux victimes, de l'injustice historique qu'ils ont vécue, et de les indemniser pour leurs pertes matérielles réelles.

Une question importante à prendre en considération dans la discussion sur la restitution, est la forme de celle-ci. Il convient qu'elle prenne une ou plusieurs formes (parmi lesquelles les réfugiés sont libres de choisir) : restauration du statut de la citoyenneté, des biens expropriés, rapatriement et compensation monétaire, etc. 353

La restitution ouvre de nombreuses possibilités de choix pour les réfugiés :

- Le retour des refugiés dans leurs foyers d'origine et la restauration de leurs biens et propriétés, avec une indemnisation pour les dommages subis.

- Le retour dans un futur Etat palestinien, plus une indemnisation pour tous les biens laissés et dommages subis.

- L'intégration dans le pays hôte, et l'indemnisation pour tous les biens laissés et dommages subis.

- La réinstallation dans un pays tiers, et aussi l'indemnisation pour tous les biens laissés et dommages subis.

(Sans oublier les indemnités pour les souffrances vécues durant toutes ces années, et qui s'appliquent aux quatre catégories)

351 Voir, The Palestine Right to Return Coalition, Al Awda, Londres, (15 mai 2003).

352 « Le droit de retour du peuple palestinien », ( http://members.tripod.com/~PSC_McGill/refugees.html).

353Y. Peled - N. Rouhana, «Transitional Justice and the Right of Return of the Palestinian Refugees», in «Theoretical Inquiries in Law», Tel Aviv University, (2004), p.7.

En conclusion, pour comprendre l'importance de la question des réfugiés pour les Palestiniens, nous devons savoir que ce problème tel qu'il existe aujourd'hui, est né suite à l'expulsion de plus de la moitié de la population palestinienne de sa terre en 1948, et que l'un des aspects fondamentaux de la l'identité palestinienne est le « refugeehood »354. Une telle compréhension oblige toutes les parties à aborder le problème des réfugiés comme étant fondamental pour toute solution du conflit israélo-palestinien.

Il ya quatre raisons à cela355:

D'abord, aussi longtemps que les Israéliens ne prennent pas en considération ce qui est arrivé aux Palestiniens en 1948 et leur expulsion de la population autochtone de 78% des terres de la Palestine historique, ils vont continuer à négocier sur la propriété des autres 22%356.

Il n'y a pas de solution à la question foncière sans couplage avec la question des réfugiés. C'est peut-être la raison pour laquelle les accords d'Oslo ont échoué.

Ensuite, la résolution du problème des réfugiés n'est pas seulement une question technique d'absorption, ni une pure question de droit international ; il s'agit plutôt de déconstruire le conflit israélo-palestinien de ses prémisses pour bien comprendre comment ses causes ont conduit à un certain type de pratique coloniale, et à reconnaître la nécessité d'un débat pour admettre la responsabilité historique qui lui est inhérente. C'est la condition même d'une véritable réconciliation.

En outre, indépendamment du fait que la résolution finale du conflit israélo-palestinien prenne la forme d'un seul357 ou de deux Etats, la question des réfugiés ne peut pas être considérée comme secondaire ; les mesures prises par les ONG et la société civile palestinienne, ont révélé l'importance de cette question.

Enfin, et au-delà de la valeur morale et symbolique de la réalisation du retour, le droit est utile pour la création d'un cadre qui assurera aux réfugiés à choisir de rester dans leur pays d'accueil, de retourner à leurs foyers d'origine ou dans un futur Etat palestinien, ou d'être réinstallés dans un pays tiers.

Le droit de choisir est une nécessité pour ceux qui, pendant un demi-siècle, ont été forcés de vivre en tant qu'étrangers et sans droits fondamentaux dans des camps de réfugiés misérables.

Malgré tout, ces réfugiés n'ont jamais perdu l'espoir de revoir leur patrie. En effet, le penseur palestinien Edward Said a dit une fois qu'en dépit du long voyage des Palestiniens, il n'en avait jamais rencontré un seul qui ne soit optimiste sur l'avenir.

354 L'état d'être un réfugié.

355 Voir, S. Hanafi, «Why a `right of return' is necessary», Lebanon Daily Star, (7 October 2004).

356 Y compris, la Cisjordanie Jérusalem-Est et la bande de Gaza.

357 Un seul Etat binational ou fédéral.

Jusqu'à l'avènement de ce jour tant attendu, les palestiniens continuent à croire toujours et encore, et là le poète Mahmoud Darwich voit une maladie : L'espoir.

Mal palestinien par excellence, il est l'ultime remède à l'occupation :

« Nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir. Espoir de libération et d'indépendance. Espoir d'une vie normale où nous ne serons ni héros, ni victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l'école. Espoir pour une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans un hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire. Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom original : terre d'amour et de paix ».

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld