La principale difficulté actuelle de la Zinneke Parade
est le financement. Ceci est tellement vrai que l'asbl aura beaucoup de
difficultés pour boucler le budget 2004 et prévoit actuellement
un déficit de 150 000 €97. Cette situation s'explique
à la fois par la diminution des subsides annoncés et
l'augmentation des frais de la parade. En effet, les exigences artistiques
coûtent très chères quand on veut payer honnêtement
les artistes (qui font en plus beaucoup d'heures supplémentaires
bénévoles) et le choix d'engager quinze coordinateurs artistiques
est une des principales raisons de l'augmentation des dépenses. Il en va
de même quand on travaille aussi avec des associations qui ont du mal
à boucler leur budget et qui ont besoin de soutien et pas seulement avec
des groupes stabilisés et largement subventionnés par ailleurs,
et quand on essaie de réaliser des rêves sans trop les laisser se
faire raboter par des soucis financiers ( certes en restant dans des limites
raisonnables)...
La baisse de financement correspond à la politique
budgétaire des entités gouvernementales. On voit en effet que les
investissements dans l'expérimentation urbaine diminuent, tout comme le
soutien des projets à long terme comme le développement durable.
C'est d'autant plus problématique que, contrairement à l'Etat, le
marché économique a compris les potentialités du secteur
culturel et en prend de plus en plus les rênes en ayant pour objectif
principal son insatiable profit.98 Il est assez surprenant de
constater que les politiciens francophones de tous partis sont d'accord pour
dire que la culture est importante et mérite une grande attention et une
aide financière de la part de l'Etat99 mais que les
décisions ne suivent pas.
97 Ce déficit est actuellement
partiellement couvert par une aide exceptionnelle de la Région
Bruxelles-Capitale. L'équipe cherche toujours des fonds pour combler le
reste et pourrait bien couper dans leur salaire afin de limiter les
dégâts au maximum (Interview de Marcel de Munnynck du
22/07/04).
98 Interview de Myriam Stoffen du 11/02/04
99 Conférence du 5/05/04 organisée par
Culture et Démocratie sur les politiques culturelles en Belgique
regroupant entre autre Joelle Milquet, Elio di Rupo, Jean-Marc Nollet et
Olivier Chastel.
Du point de vue du sponsoring, l'<< arrogance >>
100 grandissante des sociétés commerciales mécènes
d'événements culturels est telle qu'aucun accord de sponsoring
n'a pu être conclu pour la parade 2004. En effet, les contreparties
proposées par l'équipe contre financement n'ont pas su contenter
les exigences des sociétés. Face à l'exemple de la
<< roller parade Lipton Ice101 >> de 2003,
l'équipe zinneke a refusé de se vendre de façon si
flagrante. Ils excluaient donc non seulement de travailler avec des
sociétés dont les méthodes de travail allaient trop
à l'encontre de leurs objectifs102 mais aussi de permettre
à une entreprise d'afficher son nom en grand à l'intérieur
de la parade. Leurs propositions se sont limitées à la
présence du logo du sponsor sur les publications ou les bords de la
parade, comme des possibilités de distribution
d'échantillon103. Ce manque d'accord privé
déplait aux pouvoirs publics qui sont seuls à financer la
Zinneke.
Une autre raison du manque de financement est le travail de
production raté au sein des zinnopôles. En effet, l'équipe
zinneke conçoit la collaboration avec les associations porteuses de
zinnopôle comme une co-production et non une commande104. Ces
institutions sont donc censées apporter des ressources
financières, ce que toutes ne font pas. A l'avenir, elles seront sans
aucun doute obligées de le faire afin d'éviter ce problème
de déficit.
Un agent Z par zinnopôle est normalement chargé
de la production105 et l'autre de la coordination artistique.
Cependant, comme je l'ai déjà mentionné à plusieurs
reprises, leur travail de production n'a pas été bien
réalisé. Le principal manque se situe dans la recherche de
subsides qui doivent compléter les financements zinnekes.
100 Interview de Myriam Stoffen du 11/02/04
101 Depuis rebaptisée de façon moins ouvertement
récupérée par le secteur commercial.
102 Les multinationales telle que Coca-cola
considérée comme imposant une culture uniforme et ayant des
méthodes trop axées sur les profits au détriment de
l'humain.
103 Distribution publicitaire qui a d'ailleurs eu lieu sans
l'autorisation de l'équipe.
104 Interview de France Gilmont du 14/05/04
105 Actuellement, comme susmentionné, plusieurs
associations nient que cela fut aussi clairement défini au moment de
l'engagement des ACS et refusent de se voir critiquées pour le non
respect d'une règle qui n'a selon eux jamais été claire :
Interviews de Thierry Van Campenhout du 12/05/04 et de Patrick Chaboud du
23/06/04. Si Marcel de Munnynck avoue que la définition originale des
postes a été mal faite, il a précisé ces
rôles à plusieurs reprises dans des textes officiels et notamment
dans les conventions. Interview de Marcel de Munnynck du 22/07/04.
En effet, seul le zinnopôle sud-ouest a fait une
recherche active de subsides. La principale raison semble être le manque
de qualification des agents Z pour assumer ce travail : aucun ne connaît
suffisamment les méandres des ministères pour y dénicher
des possibilités supplémentaires de subventions. Selon France
Gilmont, le profil idéal du producteur de zinnopôle est quelqu'un
qui connaît non seulement les subventions et différentes
aides-services disponibles mais aussi tous les partenaires et leurs besoins et
ressources respectifs ainsi que les différentes disciplines artistiques.
Il doit être comptable dans le non-marchand et pouvoir faire en sorte que
l'artistique soit possible63. Beaucoup de qualités qui n'ont
que peu orienté le choix initial des agents Z. La plupart d'entre eux
étaient néanmoins disposer à apprendre mais personne, ni
dans les associations qui les engageaient ni au sein de l'équipe de
l'asbl, ne les a réellement formés. Ils n'ont donc pas
trouvé de subsides complémentaires et le manque de financement
s'est fait sentir dans tous les zinnopôles sauf au zinnopôle
sud-ouest où leur recherche a été plus fructueuse
grâce à une aide extérieure et où les projets ne
furent pas trop ambitieux. Une des solutions envisagées par l'asbl
serait de mettre fin aux contrats d'ACS dédiés à la
production et que l'asbl engage directement des producteurs avec une obligation
de résultats106. Cependant, cela impliquerait une
centralisation encore plus poussée de la structure, ce que tout le
monde, y compris dans l'équipe, ne souhaite pas (cf. 4.6).
De plus, le projet Zinneke s'attire quelques antipathies car
il reçoit une partie non négligeable du budget
dédié à la Culture en Communauté
Française107 ainsi que du programme de revitalisation de
quartier. L'équipe de la Zinneke Parade a pourtant l'avantage, par
l'importance de l'événement, de pouvoir centraliser et
redistribuer des subsides à leurs partenaires dont des associations qui
ne parviennent que très difficilement à obtenir des subsides hors
de ce contexte. Les critiques contre la Zinneke arrivent cependant aux oreilles
des ministères qui y trouvent de bonnes justifications pour diminuer les
subsides.
106 Interview de France Gilmont du 14/05/04
107 Sachant que la plus grande partie de ce budget part dans
l'audiovisuel (RTBF) et dans le programme d'alphabétisation « Lire
et Ecrire » qui renforce beaucoup d'institutions déjà en
place en négligeant les associations émergeantes. (Interview de
Myriam Stoffen du 11/02/04)
Certaines personnes au sein de l'organisation critiquent le
coût de l'infrastructure zinneke et certains salaires du personnel de
l'asbl, ainsi que le flou qui règne autour de ces informations. N'ayant
moi-même pas eu accès à ces renseignements, je ne peux pas
porter de jugement. D'autres personnes de la Zinneke jugent que les salaires
sont justifiés par les responsabilités de l'équipe et les
sommes qui transitent via l'asbl. Il semble que nous soyons ici dans un
problème inhérent à notre société où
l'idée de « responsabilité » peut justifier des
salaires démesurés par rapport au reste de l'entreprise. On
touche ici à une question presque idéologique en lien avec la
redistribution des richesses. Il est cependant évident que ce qui se
passe au niveau de la Zinneke n'a rien à voir avec ce qui ce passe dans
certaines entreprises commerciales tant les proportions sont ici
réduites. Cependant, la logique et le questionnement de base restent les
mêmes.