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La "zinneke parade " :objectifs, moyens, difficultés et résultats

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par Amandine Dooms
Université libre de Bruxelles - Licénciée en information et communication, médiation socio- culturelle 2003
  

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4.3. Artistique

La volonté artistique est très claire au sein du projet zinneke mais de nombreuses difficultés en découlent.

Le principal investissement qui a été réalisé pour assurer un résultat artistique fut l'augmentation de l'équipe de coordination artistique. La réussite de ce choix s'est avérée très inégale selon les zinnopôles (Cf. chap. 3.2.2.2.). Plusieurs éléments sont intervenus :

? Le choix des artistes ne s'est pas toujours avéré judicieux. Il est important de rappeler qu'aucun appel d'offre n'a réellement été lancé pour choisir les coordinateurs artistiques. Une grande partie d'entre eux ont été appelés par le coordinateur artistique de chaque zinnopôle de la parade précédente, participant lui-même au projet à la suite de rencontres plus ou moins fortuites.

La coordination artistique nécessite pourtant un grand nombre de
qualités déjà décrites au point 3.1.5., à la fois artistiques et relationnelles
qu'il n'est pas facile de trouver chez une même personne. De fait, plusieurs

108 Interview de Sonia Saurer du 2/02/04

artistes se sont révélés mal choisis pour accomplir ce travail de coordination
tantôt par un manque d'écoute des participants et de flexibilité, tantôt par
manque de créativité, tantôt par un caractère trop lunatique qui convient

difficilement au travail de groupe ... La sélection aurait sans aucun doute être prise plus au sérieux, même si les artistes acceptant de s'investir dans ce

type de travail pendant un an voire plus ne courent pas les rues. Il est en effet important de signaler que les artistes restent dans le zinneke pendant une ou deux éditions mais rarement plus car ils ont souvent besoin d'exprimer leur créativité de façon plus directe et satisfaisante. Ce renouvellement des équipes, s'il n'est pas facile à gérer, permet d'apporter toujours du sang neuf à la Zinneke et d'éviter les risques de routine, folklorisation et perte de créativité liés au maintien d'une même équipe109.

· Il est évident que le travail de coordinateur artistique n'est pas facile à gérer pour un artiste. Sa condition difficile d'artiste l'oblige à garder un pied dans le milieu artistique où il travaille habituellement. Il doit donc souvent s'engager parallèlement dans d'autres projets que la Zinneke pour ne pas sortir du circuit. De plus, il travaille dans un projet qu'il ne maîtrise pas vraiment, devant générer la créativité chez d'autres personnes souvent peu avancées artistiquement. Sa position de coordinateur artistique l'éloigne du terrain de la création : il doit écouter les nombreux projets et les tirer artistiquement vers le haut par la suggestion d'idées, mais en peu de temps et sans rien imposer. Certains artistes se sentent cependant mieux dans l'articulation des éléments à leur disponibilité que dans la création même de ces éléments, ces artistes, malheureusement plutôt rares, trouvent dans la Zinneke Parade un très bon contexte de travail.

· L'artiste doit également mettre un concept global au point à partir des projets et assumer la frustration que le résultat final n'ait plus grand-chose à voir avec ce concept. L'artiste est donc souvent frustré de ne pas diriger l'évolution des projets ni de pouvoir s'investir réellement dans un projet.

· Face à cette frustration, plusieurs coordinateurs se sont investis dans la mise en place d'une zinnode parallèlement à leur travail de coordination. Ce fut une source de problème car les artistes n'avaient à l'approche de la parade

109 Interviews de Luk Mishalle du 1/04/04 et de Myriam Stoffen du 11/02/04

plus le temps de se consacrer à la coordination du zinnopôle tant ils étaient absorbés par la réalisation concrète de leur zinnode avec ses problèmes techniques et ses surprises de dernière minute. Leur rôle consistant à trouver des solutions aux faiblesses artistiques des autres zinnodes n'a pas pu être correctement tenu.

· Le point qui met tout le monde d'accord est la nécessité de faire intervenir les artistes pendant la préparation des dossiers. En effet, c'est à ce moment clé que les projets se mettent en place dans la tête des partenaires et l'intervention d'artistes permettrait de surélever artistiquement les projets dès leur conception initiale. Les artistes employés de septembre à septembre arrivent actuellement après l'écriture des dossiers. Un engagement, même sur une courte période, plus tôt dans le processus n'a pas encore eu lieu faute de moyens. L'équipe de l'asbl, sa directrice artistique en tête, estime maintenant ce besoin trop évident pour passer une fois de plus à côté et les moyens doivent être trouvés pour la prochaine édition de la parade afin d'y remédier.

· C'est également par manque de communication claire que plusieurs coordinateurs n'ont pas bien accompli le rôle qui leur avait été attribué. Vu les affirmations divergentes, je ne peux dire si l'explication du rôle au moment de l'engagement n'était pas claire ou si plusieurs artistes ont interprété le rôle à leur manière. Peu importe la cause, le résultat fut le même : plusieurs artistes sont complètement passés à côté du travail que l'on attendait d'eux. Les différentes réunions ayant pour but de clarifier leur rôle n'ont eu qu'un effet limité ou sont arrivées trop tard. Il ne fut pas des plus judicieux que la réunion la plus explicite sur la définition du poste ait été faite en l'absence des artistes au cours d'une réunion d'agent Z. Il est cependant clair que les agents Z n'ont pas toujours un pouvoir sur des artistes qui non seulement sont engagés directement par l'asbl et pas par le zinnopôle mais ont souvent une dizaine d'années voire une vingtaine de plus qu'eux.

· Un certain manque de décision s'est fait nettement sentir au cours du processus (cf. 4.6.). En effet, malgré les avertissements des agents Z sur les dysfonctionnements de certains coordinateurs artistiques, l'équipe n'a pas

proposé de solutions concrètes ou alors trop tard110. Le manque d'autorité de l'équipe a permis à un coordinateur artistique engagé par l'asbl de partir en plein milieu du processus et son absence s'est révélée difficile à gérer pour le reste du zinnopôle. Laisser ainsi les artistes faire à leur guise en se disant que l'on règlera les problèmes lors des évaluations n'est sans doute pas la meilleure façon d'aborder les difficultés : les tensions sont ressenties par les partenaires et les agents Z et ils risquent de se décourager et de ne pas renouveler leur participation.

Si des différences dans le mode de travail de la coordination artistique sont normales111, certains fonctionnements ont réellement posé des problèmes.

Ainsi, le comportement extrême de se placer uniquement en consultance, ne veillant qu'à une cohérence d'ensemble du zinnopôle, comme ce fut le cas au sud, eût pour conséquence une très mauvaise intégration des coordinateurs artistiques au sein des zinnodes112. Ils y furent considérés comme des inspecteurs un peu hautains se permettant de juger des projets qu'ils n'avaient absolument pas soutenus. Le manque de solutions pratiques aux problèmes qu'ont pu rencontrer les partenaires de terrain a également contribué à une mauvaise interaction avec les coordinateurs artistiques. Au sein de ce zinnopôle, ce sont les artistes de terrain engagés dans chaque zinnode qui ont permis un niveau artistique fort mais ils n'ont cependant que peu suscité la créativité de la base. Ces artistes ont été souvent mal payés vu le manque de moyens de associations et ont eu une reconnaissance bien moindre par rapport à la coordination artistique au sein des médias et des publications zinnekes113. C'est face à ces problèmes que l'idée qu'une enveloppe artistique soit à la disposition du zinnopôle à la place des trois coordinateurs artistiques peut-être

110 Interview de Virginie Noël du 1/07/04, de Sylviane de Ribaucourt du 23/06/04 et de Nasha de Winne du 5/07/04

111 Ces différences sont à la fois liées aux différentes personnalités des artistes et aux différents partenaires avec lesquels ils travaillent. L'équipe de l'asbl ne veut d'ailleurs pas imposer un mode de fonctionnement défini, se satisfaisant des diverses méthodes tant qu'elles atteignent les objectifs de la Zinneke.

112 A part bien sûr celles qu'ils dirigeaient directement en tant que meneur de projet

113 Interview de Virginie Noël du 1/07/04

vue comme une bonne solution pour assurer la présence d'artistes selon les besoins spécifiques de chaque zinnopôle aux différentes étapes de préparation114.

La définition du projet comme artistique, tout en voulant le faire venir d'un travail social, pose le problème de savoir à quel point l'artistique peut servir de critères d'exclusion. En effet, plusieurs groupes, chaque année, ont un niveau artistique plus faibles que les autres. Au milieu des répétitions générales et de la parade, ils s'en rendent souvent compte eux-mêmes. Cela peut les motiver à intensifier leur travail artistique et la collaboration avec la coordination dans le peu de temps qu'il leur reste avant la parade ou pour la Zinneke prochaine. Plusieurs groupes ont en effet étonnamment surpris les coordinateurs en progressant de façon assez extraordinaire sans que rien n'ait pu le laisser deviner. Par contre, certains groupes, réalisant leur faiblesse perdent courage et défilent avec une certaine honte qui gâche tous les efforts qu'ils ont fait pour préparer la parade. D'autres encore atteignent un niveau dont ils sont fiers alors que leur projet est considéré comme faible par la coordination artistique et l'équipe de l'asbl Zinneke.

Ces réactions diverses posent la question de savoir si, à un moment ou un autre, certains projets peuvent être arrêtés par la coordination artistique ou l'équipe à cause de cette faiblesse artistique. Cette volonté se justifie par l'affirmation artistique de la parade et les investissements pour mieux développer cet aspect qui risquent de pâtir de la présence de projets faibles le jour de la parade 115.

La combinaison de l'artistique et du social, sans volonté de faire passer l'un avant l'autre116, créent ces problèmes de choix particulièrement difficiles à résoudre puisque exclure une association de la Zinneke Parade lui retire, à moins d'une humilité rare, toutes possibilités de s'améliorer au sein de la structure qu'il quitte avec une certaine rancoeur. C'est aussi prendre le risque de faire se détourner l'association de tout travail socio-artistique face à l'échec retentissant ayant poussé à leur exclusion du projet. Dire à des amateurs qu'ils sont artistiquement nuls me semble en effet très dangereux. Il est évident par contre que les exclusions de

114 Interview de Carlo Da Mata du 29/04/04

115 En effet, le jour z est un moment clé où l'asbl zinneke peut justifier ses dépenses face aux pouvoirs subsidiants (Cf. chap. 3.5.).

116 Interview de Marcel de Munnynck du 9/09/03

groupes pour des réels problèmes de collaboration et d'investissement sont nettement plus justifiables.

A cette question de l'image artistique de la parade est également lié l'équilibre entre l'apport créatif des participants et celui des artistes. En effet, la volonté de faire venir la création de la base s'exprime différemment au sein de la parade. Certains zinnopôles, comme le zinnopôle sud-ouest, tentent de susciter la créativité des participants sur tous les domaines artistiques de la parade, à savoir aussi bien en chorégraphie, scénographie, musique et costumes. La tâche n'est certes pas simple et c'est généralement un aspect plus que les autres qui est approfondi au cours des quelques mois de préparation. Par exemple, le groupe se concentre sur la musique ou sur la danse. Le risque est alors grand d'avoir un résultat visuel, le jour de la parade, qui soit d'un niveau artistique relativement bas. En effet, si un groupe consacre la majorité de ses répétitions à son activité principale, par exemple la musique, il reste très peu de temps pour que les participants créent eux-mêmes chorégraphie et costumes. Faire faire des costumes en deux-trois jours à des gens qui ne pratiquent que peu voire pas du tout l'art plastique a peu de chance de donner des résultats artistiquement forts. Par contre, cela aura des résultats « sociaux » sur la façon dont l'individu perçoit ses propres capacités et lui permet de présenter le jour de la parade un personnage qu'il a lui-même composé et qu'il pourra donc mieux investir. Dans plusieurs zinnodes donc, l'implication artistique se concentre sur leur activité principale et les autres facettes artistiques sont prises en charge par un autre groupe mené par un artiste pour les costumes et objets de la parade ou l'artiste imposant ses idées en ce qui concerne la musique ou la chorégraphie. De préférence, les participants seront consultés au moment de la conception des costumes pour éviter une découverte des costumes le jour Z avec le risque qu'ils ne les apprécient pas. La réalisation des costumes, par exemple par un artiste, permet souvent une puissance visuelle le jour de la parade qu'il est difficile d'atteindre quand le même groupe se charge de tout. Le choix de la méthode de travail relève donc encore du choix entre une création totale par les participants qui a des implications sociales plus importantes ou l'option de s'assurer une certaine apparence artistique en confiant certains éléments directement à des artistes.

La question de la reconnaissance artistique extérieure du projet est intimement liée
aux deux questions précédentes. Actuellement, on juge de la qualité artistique d'un

événement plus par la reconnaissance de la part du milieu artistique que par l'opinion personnelle de quelques spécialistes extérieurs. La Zinneke Parade est reconnue internationalement dans le monde des arts de la rue (cf. chap. 3.5.). L'ampleur de son succès au sein des associations socio-artistiques est indéniable vu son nombre grandissant de collaborateurs. De plus, des organisateurs d'événements plus ou moins similaires reconnaissent la qualité de la Zinneke Parade, par exemple, les organisateurs du défilé de la Biennale de la danse de Lyon, ou encore Michel Crespin, spécialiste marseillais des arts de la rue. De plus, sa reconnaissance auprès du public comme événement culturel bruxellois est indéniable : 200.000 personnes se pressent à chaque parade sur les boulevards pour la voir passer.

Par contre, dans le monde Artistique plus large ainsi qu'institutionnel, la reconnaissance du projet d'un point de vue artistique n'est pas vraiment acquise. Cela tient principalement au travail avec des amateurs qui ne peut que difficilement présenter un résultat exceptionnel et ce d'autant plus qu'il y a un nombre énorme de participants par rapport au nombre d'artistes. Difficile d'atteindre un niveau artistique avec un engagement qui se limite à un soir par semaine pendant plus ou moins six mois avec, quand ils ont de la chance, un artiste s'occupant de vingt personnes. Dans la plupart des cas, ce sont les animateurs qui s'occupent directement des groupes et les artistes qui coordonnent ou donnent quelques idées. Ce manque de reconnaissance pose un problème aux artistes qui s'investissent dans la Zinneke Parade car ils risquent de se dévaloriser au sein de la communauté artistique, surtout qu'il ne leur est pas toujours possible de continuer d'autres activités pendant les mois proches de la parade. De plus, n'ayant qu'un pouvoir limité sur la réalisation des projets, ils craignent souvent un résultat médiocre dévalorisant. De là repart, le manque d'artistes qualifiés et reconnus dans la parade qui empêche d'améliorer le niveau artistique qui risque de dévaloriser les artistes reconnus qui ne s'impliquent pas donc dans la parade : un vrai cercle vicieux.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus