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Les transitions démocratiques en Afrique noire francophone. Réflexion sur le cas de la Guinée (Conakry )

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par Oumar KOUROUMA
Université Hassan II, faculté de droit de Mohammedia (Maroc ) - Licence fondamentale de droit public 2010
  

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PARAGRAPHE 2 : DE L'ETAT HERITE : LES CARACTERISTIQUES DE L'ETAT POST- COLONIAL EN GUINEE

Le 23 novembre 1958 dans un discours sous titré «  La nécessaire reconversion », le nouveau président guinéen, Sékou Touré signalait : « si, en Guinée, le pouvoir colonial a été définitivement supprimé, si la conquête de l'Indépendance guinéenne est une manifestation de l'inévitable évolution de l'histoire, les méfaits du colonialisme n'en sont pas pour autant détruits et c'est bien à une décolonisation intégrale que nous devons nous consacrer..... » De cette affirmation nous nous rendons compte à plus d'un titre que la colonisation était aussi un transfert de comportement et de pratique. C'est pourquoi l'Etat qui peut en être issu ne peut être dépourvu de tous ses caractéristiques. Cependant, tel n'est pas forcément l'avis de tous les auteurs, surtout ceux qui ont développé et soutenu certaines théories de qualification de l'Etat postcolonial. Il s'agit de la théorie de politique du ventre et celle de l'Etat néo patrimonial. La plupart de ces auteurs vont chercher des explications dans l'Afrique précoloniale.

Cela dit, nous citerons, sans les analyser au fond, Certains de ces traits que nous considérons essentiels tant sur le plan politique qu'économique. Ce qui devra nous conduire à percevoir le nouvel Etat comme un Etat importé (I), un Etat néo-patrimonial (II) et un Etat autoritaire (III)

I. UN ETAT IMPORTE : ou la question de l'Etat-nation

Penser que l'Etat issu des indépendances est un Etat importé ne veut pas dire que ce concept d'Etat est étranger à l'Afrique. Loin de là. Mais il s'agit singulièrement du type d'Etat que la colonisation a poussé les africains à construire bon gré mal gré : l'Etat-nation européen.

En effet, l'Etat-nation qui est un concept essentiellement européen suppose la construction d'une entité politico-juridique (Etat) comme l'incarnation d'une réalité sociopolitique unifiée où les tous les membres se sentent liées par une conscience unique et historique (Nation). Il s'agit de la question de Nation. Cette dernière selon une conception volontariste française regrouperait sur un même territoire des personnes ayant en commun des intérêts et désirant vivre sous le même toit. A ces facteurs subjectifs s'ajoutent d'autres facteurs objectifs liés à leur histoire, leur culture etc...... Quant à la conception objective, elle se limite aux facteurs objectifs cités et propres à une communauté.

Ceci étant, il est bien connu de tous que l'Etat postcolonial est apparu sur les frontières tracées auparavant par le colonisateur au profit de ces intérêts (selon l'étendue de son pouvoir impérial). Par ce fait, de nombreux peuples se sont retrouvés de part et d'autres des frontières ainsi établies. Ils seront éparpillés et forcés de redémarrer une nouvelle cohabitation avec des peuples qu'ils ont parfois combattus. L'exemple des peulhs et des populations de la Basse côte en est une illustration en Guinée. En effet les premiers combattront pendant plusieurs années les second pour leur islamisation et ces derniers ne se soumettront jamais, préférant parfois l'émigration.

Toutefois, comme nous l'avions observé dans le cas guinéen, les luttes pour l'indépendance ont forgé un certain nationalisme par lequel la plupart des africains commenceront à se déterminer comme appartenant tous à un territoire commun bien qu'établi par les colonisateurs. C'est d'ailleurs au nom de tel idéal que l'existence des partis uniques se justifiait. Cependant toutes ces tentatives sont restées très limitées à en croire aux conflits interethniques qui en ont issus : tels au Rwanda.

En outre, comme le souligne Roger-Gérard Schwartzenberg, la question d'Etat-nation en Afrique et partout dans le tiers monde reposait essentiellement sur la question de nation. Cette dernière implique la recherche d'une identité nationale. Cette quête dans le tiers monde est définie par W.E. Mülhmann comme un : « processus d'action collective, porter par le désir de restaurer une conscience de groupe, compromise à l'irruption d'une culture étrangère (dite) supérieure»81(*). Le corollaire de cette quête d'identité est la recherche d'une unité nationale.

Ainsi, il ressort que cet Etat n'est pas originairement Africain. C'est pourquoi, il se trouve confronté à d'énorme problème lié aux revendications de spécificités régionalistes, des conflits séparatistes et surtout politiques.

Toutefois, des travaux réalisés ces dernières années par certains auteurs africains comme MWATYILA TSHIYEMBE, tentent de reconstruire une théorie africaine de l'Etat Africain à partir des entités politique de l'Afrique précoloniale. Il s'agit de la théorie de l'Etat multinational ou fédéral qui a marqué toute l'Afrique précoloniale. L'un des exemples les plus réussi fut sans doute l'Empire du Mali qui était régi par une charte qui réunissait un ensemble de royaumes ayant conclu du pacte de vivre en ensemble. Héritant cette tradition, la république du Mali connait une très grande stabilité dans sa partie sud. Par contre la guinée qui regroupent plusieurs nations tente bien que mal à se trouver une véritable nation.

Ainsi « mal parti »82(*), l'Etat postcolonial en Afrique comme partout dans le tiers monde va s'ériger en Etat néo-patrimonial.

II. UN ETAT NEO-PATRIMONIAL

Dans son ouvrage consacré au développement politique, Bertrand Badie tente d'expliquer cette théorie du néo-patrimonialisme en tant que caractéristique des Etats postcolonial du tiers monde.

En effet, dans son analyse, il part de l'idée que le système néo-patrimonial est régi par certaines catégories wébériennes. C'est ce qui conduit d'ailleurs Eisenstadt à le concevoir comme étant issu des modèles traditionnels de domination patrimoniale dans lesquels le prince assurait un contrôle total de la direction administrative des institutions. Ce faisant il choisissait discrétionnairement les agents, déterminait leur hiérarchique et fixait seul et souverainement les orientations.

Il s'agit donc de société où le prince se positionne comme le centre du pouvoir. Ce qui conduit logiquement à « un modèle de domination personnalisée »83(*) essentiellement orienté vers la protection et le maintien de l'élite installée au pouvoir. C'est pourquoi ces détenteurs du pouvoir mettront en place toutes politiques possibles pour freiner l'accès de la rêne politique à d'autres prétendants.

En outre, fermant ainsi le cadre politique, les dirigeants s'accaparent aussi des ressources économiques. Dans cette logique, le développement économique est encouragé mais fortement contrôlé et dirigé dans un sens de recherche de légitimité. Les ressources sont le plus mobilisées pour assurer ce dessein. Et par cette pratique, l'élite au pouvoir s'enrichit fortement au détriment du reste de la population. Ce qui donne lieu à des pratiques de l'Etat de politique de ventre. Cette théorie est largement développée et défendue par Jean Bayart.

Delà il ressort que le néo-patrimonialisme dégage l'idée d'une considération du pouvoir comme un patrimoine pour son détenteur. Il dispose un droit absolu sur lui et tout ce qui lui est dérivé, et fait tout pour les conserver.

Cette facette n'est pas la seule qui caractérise ce système. Il y a aussi la présence des réseaux clientélistes qui mine toute chance de réaliser une gestion rationnelle. Il s'agit en ce lieu du prolongement de la pratique néo-patrimonialiste. Il (le clientélisme) suppose l'absence de véritables représentations entre le centre et les périphéries. Ce qui conduit à l'établissement de relation directe entre les dirigeants et les gouvernés. Ce rapport est appelé : «le clientélisme». Il est défini par J.F Médard comme un : « rapport de dépendance personnelle non lié à la parenté mais à un échange réciproque de faveurs entre deux personnes, le patron et le client qui partage des ressources inégales». Si cette forme de relation semble être un principe de fonctionnement des régimes postcoloniaux, elle est aussi très présente dans les systèmes du Nord la corruption qui s'ensuit n'est que sa matérialisation.

Enfin comme derniers traits du système néo-patrimonial, nous avons, les résistances communautaires, le caractère segmenté de la société civile et la dépendance de celle-ci à l'égard du pouvoir central.

Toutefois, des auteurs comme MWATYILA TSHIYEMBE réfutent cette théorie d'Etat néo patrimonial et d'Etat de politique de ventre comme étant liées à la culture précoloniale africaine. A cet égard, il avance l'idée selon laquelle ni l'Etat postcolonial ni l'Etat précolonial africain n'a connu la bureaucratie au sens wébérien du terme c'est-à-dire que ces étaient ont été tous marqués par l'absence au coeur de l'Etat d'un pouvoir fondé sur le « savoir-faire techniques » de gestion des rouages administratifs et opposable au pouvoir politique détenu par les élus. Ensuite le mode production en Afrique (précoloniale) reposait sur une économie de subsistance et non d'accumulation. Et enfin dans cette économie, la propriété de la terre était par le principe de bien public inaliénable et donc les chefs n'étaient pas propriétaire de terre. C'est donc à la lumière de ces arguments que l'auteur soutient que ces pratiques sont en grande partie des lègue de la colonisation. En s'appuyant de l'affirmation de Sékou Touré (cité plus haut) et ce que nous avons pu comprendre du fonctionnement du système colonial, nous pourront sans doute nous inscrire dans la même logique sans pourtant nier l'irresponsabilité de certains dirigeants africains.

Par ailleurs, il apparait souvent que toutes ces pratiques mentionnées déjà facilitées par le caractère autoritaire de ces systèmes hérités.

III. UN ETAT AUTORITAIRE

Développer l'idée selon laquelle les Etats postcoloniaux sont des Etats autoritaires demande que soit d'abord mis en exergue le concept d'autoritarisme. A cet effet, il faut dire que ce concept a été longtemps l'objet de définitions simplistes. Dans un premier temps, il est étroitement lié au sous développement (Almond et Shils) ensuite il qualifie le mode de gestion dans les régimes qui sont candidats à la démocratisation (transitologie). Ou encore, selon d'autre c'est lorsque le pouvoir est géré sans la masse. Une telle conception exclurait sans remord les dictatures populaires du XXème siècle en Europe et dans le tiers monde. C'est pourquoi donc il convient de recourir à la conception donnée par Linz, bien que cette conception soit moins précise. Selon cet auteur, l'autoritarisme désigne la situation d'un Etat où le pluralisme politique est limité. C'est donc ce « critère de pluralisme limité »84(*) qui est capital. Cette limitation du pluralisme politique ne signifie autre que l'absence totale ou la quasi-absence de contre pouvoir. Elle se traduit par une supériorité des sources politiques sur tous les autres, des tensions entre centres et périphéries, l'absence de structuration de réseaux de solidarités horizontales ou la restriction de leur faculté d'action. Ces régimes peuvent être des démocraties populaires ou des régimes à parti unique si la sorite du système colonial s'est réalisé sous l'impulsion d'une quête d'identité nationale. Aussi le facteur des répressions sanglantes par le refus de toutes contestations marque beaucoup ce système.

Dans le contexte africain, force est de reconnaitre que l'autoritarisme qui a marqué les Etats issus de la colonisation ne peut être éloigné de la pratique administrative qui a existé sous ce système et qui a formé les futurs dirigeants et cadre africains. Bien que des auteurs comme Francis Akindés tentent de démontrer que c'est un phénomène culturel inhérent au monde politique africain de l'ère précoloniale, force est de reconnaitre que la méthode d'administration directe et d'assimilation qu'employait l'administration coloniale française avait forgé un état de terreur et de surestimation de l'administrateur. Nonobstant, il convient de ne pas se laisser aller dans cette logique d'accusation perpétuelle car il faut reconnaitre que le désir de sauvegarder leur pouvoir conduisait certains gouvernants à user de tous les moyens possibles selon une option Machiavélique.

A la lumière de cette analyse, nous pouvons réaffirmer encore que ce chapitre est d'une importance capitale. Car elle nous aura permis d'éclairer un passé qui semble se poursuivre dans le présent. Ce fut le moment de révéler que l'Etat guinéen, à l'instar de ces pairs d'Afrique, est le fruit de la colonisation. Aussi, nous sommes arrivés à toucher les origines profondes de la modernisation politique en Guinée ainsi que les principes et les nomes qui guident son évolution : les conflits interethniques, la recherche d'une identité et d'une unité nationales. Facteurs manquant jusqu'à l'accession à l'indépendance, l'Etat issu de la colonisation devait porter ses séquelles. Ainsi né, l'Etat guinéen devra rentrer dans une nouvelle phase de son histoire : la phase postcoloniale. Mais avant de passer il faut se demander quelle conclusion peut-on tirer de cette première partie du travail.

* 81 Roger-Gérard Schwartzenberg, sociologie politique, 1991, paris, éd. Montchrestien, p. 235.

* 82 René Dumont

* 83 Bertrand Badie, le développement politique, 1988, Paris, éd. Economica, p.186

* 84 Bertrand Badie, le développement politique, 1988, Paris, éd. Economica, p.190

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