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Les transitions démocratiques en Afrique noire francophone. Réflexion sur le cas de la Guinée (Conakry )

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par Oumar KOUROUMA
Université Hassan II, faculté de droit de Mohammedia (Maroc ) - Licence fondamentale de droit public 2010
  

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CHAPITRE 3 : EVALUATION ET ANALYSE CRITIQUE DE L'EXPERIENCE GUINEENNE DE DEMOCRATISATION

Réaliser tout ce travail comme celui que nous venons de faire sans cette analyse critique, correspondrait à la construction d'une maison sans faire le toit. C'est dans ce sens qu'il convient de comprendre que ce chapitre occupe une place importante dans ce travail. C'est le lieu pour nous de dégager notre compréhension du chemin parcouru par la Guinée dans la voie de la modernisation politique en général et particulièrement de la démocratisation. Ainsi dans cette analyse, il ne s'agira pas de revenir sur un bilan généralement négatif mais révéler dans une réflexion plus approfondie les causes profondes de ce bilan. C'est ce que nous appelleront les grandes leçons de l'expérience guinéenne de démocratisation (Section 1). C'est à la suite que nous essayerons de faire une lecture de la nouvelle constitution guinéenne (section 2) afin de comprendre si le nouveau départ pris par la Guinée tient compte de ces leçons du passé que nous considérons comme lois au sens sociologique du terme.

SECTION1 : LES GRANDES LEÇONS DE L'EXPERIENCE GUINEENNE : les raisons fondamentales d'un échec

Après ce profond exposé, bien sûr non exhaustif, de l'expérience guinéenne de démocratisation, nous sommes arrivés sans doute à dénicher les raisons fondamentales de l'échec de la démocratisation en Guinée. Nous les distinguerons en premier lieu dans le cadre de la philosophie politique où nous parlerons de conflits de systèmes d'idées (Paragraphe1), et, dans les domaines de sociologie politique (la question de la nation et de l'ethnie) et de la transitologie (paragramme2).

PARAGRAPHE1 : DES RAISONS SELON LA PHILOSOPHIE POLITIQUE : le choc des idées politiques

Pour commencer, il faut rappeler que cette même question a été déjà abordée plus haut mais dans une réflexion plus large sur la démocratisation en Afrique francophone ou en Afrique. C'est pourquoi, sans ignorer l'existence de caractéristiques communes aux réalités noires africaines, nous essayerons de mettre l'accent sur le contexte guinéen de démocratisation.

A cet effet, soulignons tout d'abord qu'ici nous considérons comme idées politiques, les différentes conceptions que les peuples ont du fait politique ou de l'organisation de la société et des rapports sociaux ayant trait au pouvoir. Ainsi le choc des idées politiques devient une sorte de conflit entre les systèmes d'idées traduisant leur antinomie c'est-à-dire leur contradiction ou opposition.

Dans ce contexte guinéen, nous pensons que l'une des raisons profondes de l'échec de la démocratisation est liée à ce conflit qui existe toujours entre la philosophie politique démocratique libérale et les idées politiques locales.

En effet, sous la première république nous avons assisté à une tentative de construction d'un système idéologique inspiré des authenticités africaines et particulièrement des réalités nationales. Sékou Touré en tant que chef de fil de cette entreprise réfutait toujours l'idée du marxisme et du communisme comme idéologie de son régime, arguant que le caractère athée de cette doctrine était compatible à la situation guinéenne et la lutte des classes n'était pas africaine ; sans pour autant rejeter l'usage du mode d'organisation marxiste qu'il considérait comme un moyen de réalisations des objectifs. Comme Senghor et Nkrumah, il soutiendra l'idée d'un socialisme africain et d'une démocratie africaine qui puise ses racines dans le consensualisme et le communautarisme africain (« l'Afrique est essentiellement communaucratique »)163(*). Ce qui eut pour conséquence le parti unique qui était selon lui l'incarnation de la Nation et du peuple guinéen. Ce parti a la pensée du peuple et il est la pensée du peuple. Quoi que cette expérience ne puisse atteindre ses buts, il y ressort quand même l'idée de la construction d'une identité politique guinéenne en relation avec le terroir.

En revanche, la démocratisation à laquelle nous avons assisté dans les années 90, s'est déployée sans aucune considération anthropologique ni philosophique de la société guinéenne.

Pourtant cette société en tant qu'une partie de l'Afrique, a une conception à la base de la nature qui se distingue de celle européenne, et qui a toute son influence sur la mentalité du peuple guinéen. Ainsi selon CAMILLE KUYU MWISSA de l'académie Africaine de théorie du droit, la vision occidentale du monde est dualiste par contre celle africaine est unitaire. La vision dualiste sépare le monde visible du monde invisible. Ces deux mondes sont nettement coupés l'un de l'autre ou entretenant d'ailleurs une relation conflictuelle. Le monde visible qui est celui de l'individu occidental tend à affirmer sa suprématie sur le monde indivisible, sur le reste de l'univers, la nature. D'où il est souvent courant d'entendre dans ce système de penser que l'Homme doit conquérir la nature.

Par contre la vision unitaire du monde, qui est celle africaine, ne fait pas de séparation entre le monde visible et le monde invisible. Il s'agit d'un même monde dont le prolongement du second est le premier. Le monde visible est soumis au monde invisible, et l'individu à la société.

De la première vision (celle occidentale), il ressort une conception individualiste et cartésienne de l'Homme et de la deuxième une conception mystifiante de la nature et de la société sur l'Homme.

Cela se répercute sur les conceptions des rapports sociaux. C'est pourquoi dans la démocratie occidentale tout est mis en oeuvre pour plus d'épanouissement de l'individu, qui ne doit pas être opprimé par une société qu'il a forgé lui-même, une société dans laquelle il est souverain (selon la théorie du contrat social : Jean Jacques Rousseau). Par contre dans la société africaine, si l'on ne rejette pas l'idée d'un contrat social qui puisse être à l'origine de la société, force est de reconnaitre que ce contrat ne signifie pas que l'Homme est sacré au dessus de la société. Donc ici l'épanouissement de l'Homme passe par celui de la société.

De là nous voyons que les fondements philosophiques des deux mondes politique sont opposés. En occident la modernité politique a signifié « arracher à Dieu son pouvoir et le ramener à l'Homme ». C'est ce qui découlera de la philosophie politique développée dans le Machiavélisme et par les Lumières du XVIIIème siècle. Et cette vision sera le contenu principal de la démocratie diffusée dans le tiers monde en général et particulièrement en Guinée, bien que, chaque interprétation du monde évoquée plus haute correspond à une interprétation des principes fondamentaux de la démocratie à savoir : le principe de l'égalité, de la justice et de la liberté.

Pour la justice par exemple, notre auteur africain CAMILLE KUYU explique que le droit occidental est un droit imposé, c'est-à-dire qu'à l'image de la règle imposée par Dieu dans les autres sociétés non occidentales, l'Etat en occident fait obéir les personnes au droit. La justice est due à celui qui doit l'avoir, le souci étant de rendre à l'individu ce qui lui a été enlevé à tort. Par contre dans la pensée africaine la finalité de la justice dépasse le simple fait de rendre justice, elle vise surtout la réconciliation des deux parties sociale et le maintient de la cohésion ; et, pour ce faire chacune des parties au litige doit avoir un minimum de satisfaction. On tranche sans toutefois blesser. Une telle vision des choses serait synonyme d'impunité dans la vision occidentale.

Mais est ce que cette critique signifie que la Guinée comme toute l'Afrique ne peut pas connaitre la démocratie ? Nous répondrons d'emblée par la négative ! Car il ne s'agit pas d'une incompatibilité entre démocratie et société africaine ou guinéenne mais plutôt entre une conception de la démocratie et la culture politique africaine. Cette affirmation est soutenue par Mamadou Oury Diallo  qui avance qu': « il n'y a pas d'incompatibilité entre démocratie et sociétés plurales, mais plutôt entre sociétés plurales et démocratie majoritaire »164(*). Aussi il ne faut-il pas dire que le communautarisme africain ne rejette pas l'individualité mais plutôt l'individualisme. Car comme toute société, les sociétés africaines et particulièrement celle de la Guinée permet aux individus de faire valoir leur talent, d'être récompenser pour s'être distinguer mais ne signifie d'établir le culte de l'individu face à la société. Cette société considère que l'individu peut bien être épanoui sans que cet épanouissement ne conduise à une exagération (individualisme) qui donne libre cours à la passion individuelle.

Toutefois, l'analyse de l'expérience guinéenne nous a permis de savoir qu'une telle perception des choses semble avoir été absente dans le processus de démocratisation en Guinée. On a oublié qu'une idéologie propre à la Nation constitue le socle de son éducation et le déterminant premier de son identité. Il s'agit d'un état d'esprit dans lequel le peuple baigne mais qui n'est pas institutionnalisé. Et pourtant sa maitrise est indispensable pour le développement.

Cette dernière thèse est bien soutenue par le plus grand égyptologue africain Cheick Anta Diop en ces termes : « tout peuple qui maîtrise son identité culturelle arrivera au seuil de l'industrialisation ».

A en croire à cette affirmation du savant africain, nous pourrons sans doute dire que la démocratisation en Guinée en tant qu'une forme de modernisation politique de ce pays ne pouvait que rater son chemin.

Par ailleurs, il faut avancer que la question idéologique bien qu'elle soit fondamentale n'est pas la seule qui constitue la cause du bilan négatif de la démocratisation en Guinée. D'où la nécessité de voir encore plus loin.

* 163, Touré Sékou, L'action politique du Parti démocratique de Guinée pour l'émancipation africaine, tome 3, Conakry, Imprimerie du gouvernement, 1959, p. 262.

* 164 Mamadou Oury Diallo, la Guinée, le retour des grands empire, Publication électronique du : 28 septembre 2010, sur « http://www.guinee-plurielle.com/pages/16_Guinee_le_retour_des_grands_empires

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault