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Les transitions démocratiques en Afrique noire francophone. Réflexion sur le cas de la Guinée (Conakry )

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par Oumar KOUROUMA
Université Hassan II, faculté de droit de Mohammedia (Maroc ) - Licence fondamentale de droit public 2010
  

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PARAGRAPHE 2 : DES RAISONS SELON LA SOCIOLOGIE POLITIQUE ET LA TRANSITOLOGIE

Notre analyse de l'expérience guinéenne de la démocratisation nous a révélé que la question de crise de Nation exprimée dans l'instrumentalisation de l'ethnie était l'une des raisons fondamentales du blocage de la modernisation politique en Guinée et particulièrement de la démocratisation. Il s'agit d'un facteur dégagé dans le cadre de la sociologie politique de ce parcours. Mais au-delà de la question nationale, les instruments d'analyse transitologiques évoqués dans la première partie nous permettent de détecter des failles directement liées au processus lui-même. C'est tous ces éléments qu'il conviendra de mettre en lumière dans cette analyse.

v Du point de vue de la sociologie politique : la question de la nation et de l'ethnie

Face à cette question, l'auteur et politicien guinéen Mamadou Oury Diallo écrivait que : « la problématique de l'édification de la nation guinéenne s'inscrit dans ce cadre : définir un État démocratiquement opérationnelle, incarnant des valeurs supra-ethniques, et permettant à chaque communauté ethnique de maintenir, enrichir et partager son patrimoine culturel ». Cette affirmation révèle toute l'importance de la question de la Nation et de l'ethnie dans la modernisation politique de la Guinée.

Mais avant de continuer, il convient de souligner que la notion de Nation connait deux principales conceptions : la première est allemande et objective, elle définit la Nation, en termes de facteurs objectifs tels que la langue, la religion, la culture qui matérialisent l'appartenance à une communauté ou une ethnie (Fichte); par contre celle dite française et volontariste, soutient que la nation nait d'une volonté des personnes de vivre ensemble sur la base d'un passé partagé. Cette conception assimilationniste française résulte du jacobinisme par lequel une majorité phagocyte les autres groupes en leur imposant culture et langue. Dans toutes ces conceptions la finalité est de faire correspondre la Nation à la population de l'Etat. Et c'est d'ailleurs ce qui a découlé des définitions de ce dernier. Bien que parfois composés de plusieurs nations ou ethnies les Etats multinationaux ainsi appelés à parler d'une seule Nation pour désigner l'unité de la collectivité Etatique.

Dans le contexte guinéen, nous faisons face à de nombreuses nations ou ethnies qui depuis le passé ont connu des relations plus ou moins stables, elles distinguent chacune par une culture particulière et une langue propre. Malgré que la majorité de ces ethnies appartiennent à la même religion qui est l'Islam, il faut reconnaitre que les luttes de pouvoir ont toujours fait apparaitre leur opposition. Ainsi dans les années 50 la division entre les groupements politiques et régionalistes était fortement exploitée par le colonisateur.

Cependant, des tentatives de création d'une nation unique se feront connaitre sous la première république dans le cadre du parti unique. Cette première épreuve est qualifiée par de nombreux auteurs de positive en terme résultat car contrairement à la plupart des Etats de la sous région (Côte d'Ivoire, Libéria), en Guinée aucun groupe ethnique ne conteste l'appartenance de l'autre à la Nation guinéenne. En revanche, comme le soulignera Mamadou Oury Diallo, la politique guinéenne de construction de la Nation sous la première république a connu d'énormes obstacles dus à sa conception même qui tantôt cherche à dissoudre les particularités régionales et ethniques dans un corps unique165(*), tantôt elle tentait de les promouvoir166(*)afin d'éviter les la suprématie d'une d'entre elles. Cette tentative guinéenne s'inscrit dans la logique occidentale de mise en place d'un Etat-Nation.

Dans son ouvrage consacré au développement politique (1988 : p.139), Bertrand Badie, considère la construction de ce dernier comme l'une des étapes importantes dans la création des démocraties occidentales actuelles. Et en Afrique la principale justification qui fut donnée au parti unique était cela : l'Etat-Nation. Ce qui nous amène à en déduire que la démocratisation ne peut avoir lieu que par la mise en place de cette entité purement occidentale. Toutefois, si nous ne partageons pas cette croyance qui fait de la construction de l'Etat-Nation occidentale une condition sine qua none de la démocratisation, nous pensons cependant, comme notre auteur guinéen, que l'existence de valeurs supra-ethniques au-delà de la reconnaissance des particularités est la meilleure voie dans ce contexte guinéen. Il s'agit de faire dos à la politique assimilationniste français pour assurer la promotion des valeurs propres à chaque entité en même temps qu'on encourage l'attachement à la grande Nation.

Et c'est ce qui n'a pas été entrepris dans la démocratisation en Guinée. On a omis l'idée selon laquelle il ya une forte relation entre Nation et démocratie. Car c'est cette Nation qui est détentrice de la souveraineté (Ngakoutou). Son existence est nécessaire pour que le multipartisme ne soit pas synonyme de guerre entre les groupes ethniques et par conséquent qu'on n'assiste non pas à une souveraineté national mais à une souveraineté tribale. C'est pourquoi l'absence de la Nation dans la transition guinéenne a permis une appropriation ethnique du pouvoir et des richesses. Cette prise en otage du processus démocratique facilite le recours à la personnalisation du pouvoir et finalement à la dictature car la rationalité tant chère à une démocratie disparait dans le mode de gestion de l'Etat.

C'est ce constat qui découle de notre analyse de l'expérience guinéenne où l'absence d'une véritable Nation et l'instrumentalisation de l'ethnie qui en a résulté à conduit à un bilan négatif de la modernisation politique. Cela dit, nous nous tournons vers le processus de démocratisation lui-même pour se demander qu'en est-il de ses problèmes ?

v Du point de vue de la transitologie

Dans cette présente analyse, il s'agit d'une critique de l'expérience guinéenne à la lumière de données transitologiques. Pour ce faire trois axes causalement liés sont à dégager : une phase transitoire mal négociée, une élite immature et non déterminée, une transition sans consolidation.

En premier lieu nous dirons que la transition démocratique en Guinée fut une transition mal négociée surtout dans sa phase transitoire. Il faut rappeler que cette phase désigne la période dans laquelle l'ancien système est remis en cause et les nouvelles institutions sont établies. Ainsi donc elle précède la phase de la consolidation où les institutions et les acteurs commencent à interagir en conformité avec les principes démocratiques établis. En effet, ce constat est déduit des expériences espagnole, chilien et même africaine que nous avons eu à étudier. Nous avons découvert comme une loi la réussite des modèles de transition négociée. Ce fut le cas en Espagne, en Chili, au Benin (pays modèle d'Afrique francophone). Dans ces différents pays, la transition s'est réalisée dans le cadre d'une négociation plus ou moins apaisée entre les élites sortantes de l'ancien système et les nouvelles fortement démocrates. Ce qui a permis d'emprunter à ces anciens systèmes leurs aspects positifs. Aussi les élites qui revendiquaient la démocratie ont en grande partie observée une certaine modération à l'encontre des ténors de l'ancien système qui ont en retour reconnu les erreurs qu'ils ont commis dans le passé. Ainsi pour l'Espagne les anciens franquistes bénéficieront d'une amnistie et en retour ils se déploieront pour assurer la réussite de la transition. La conséquence fut non pas la recherche d'une justice seulement pour les victimes du franquisme, mais aussi la réconciliation des espagnoles qui tournant la page réaliseront à la fois un succès politique et un miracle économique.

Par contre dans le cas guinéen, l'arrivée au pouvoir de la junte militaire s'est suivi d'une purge contre les dignitaires de l'ancien régime et l'ethnie de l'ancien président. Ainsi les officiers supérieurs (Siaka Touré, Ismaël Touré etc...) appartenant à l'ethnie malinké et certains hauts fonctionnaires de la même ethnie seront arrêtés, de même que la famille de l'ancien président. Les uns vont mourir sans procès et les autres libérés. Des discours ethnocentriques sont aussi prononcés à l'encontre de cette ethnie entrainant des conflits civils (Ceux de Conakry en 1991 et de N'zérékoré 1993). Dans la même atmosphère, l'ancien système est totalement raclé comme s'il n'avait rien de récupérable. Ainsi l'ouverture était lancée en Guinée. Une ouverture qui s'annonçait de cette façon n'était qu'une entreprise à laquelle toute la Nation encore fragile ne se sentait pas liée. De haine en haine, le multipartisme naitra pour faire apparaitre à nouveaux les divisions réveillées. Dans cette logique, lorsque les uns s'activeront de construire à leur profit, les autres se battront pour le démolir. Et c'est ce qui fut le cas en Guinée. C'est pourquoi nous dirons que cette étape a été cruciale et son échec pouvait permettre de prédire ce que devait être la fin de ce processus.

De cette première remarque critique, se dégage l'immaturité de l'élite guinéenne ou des acteurs internes de la démocratisation ainsi que leur manque de volonté.

En effet, dans les expériences précitées, on s'est souvent trouvé en face d'élites responsables, plus soucieuses de l'avenir de leur pays que des intérêts égoïstes. Ce constat s'explique par leur capacité à surmonter leur différends, à faire preuve de modération et de transparence. Ce fut le cas par exemple au Benin avec Mathieu Kérékou. De même l'armée chilienne prendra elle-même des décisions reconnaissant les erreurs commises sous le régime militaire et en même temps elle bénéficiait des certaines protections malgré qu'elle acceptera certains jugements d'officiers.

Dans tous ces cas, la capacité des acteurs à maitriser leur différend et se concentrer sur la transition dénotait de leur volonté de réussir. Pour les Espagnoles, ils se disaient être en retard par rapport à leurs confrères du Nord et donc il fallait miser sur développement.

Par contre en Guinée, l'armée semble d'ailleurs avoir été obligée de recourir à la démocratisation. Car si à la prise de pouvoir en 1984, ils avaient donné des signes d'ouverture, cependant ils mettront six ans pour élaborer une constitution que l'opposition contestera d'ailleurs. De même, ils refuseront toute organisation de conférence nationale souveraine telle proposée par une bonne partie des citoyens. A tout ceci, il faut ajouter le fait que les militaires n'avaient pas d'expérience en matière politique ni économique. Ce qui aura d'important effet sur le processus. A chaque étape, les conflits étaient nombreux et à connotation ethnique. Le désir de rendre le coup par le coup manifestait cette immaturité des acteurs de la transition en Guinée. A partir de ce moment, nous assistions à une transition sans consolidation.

Une transition mal négociée par une élite immature pouvait-elle déboucher sur la consolidation ? A cette interrogation la réponse ne peut être que négative. En ce sens que contrairement aux autres expériences qui grandissaient en se renforçant, l'expérience guinéenne nous a fait apprendre qu'au fur et à mesure que le temps passait, le régime se durcissait, et la situation se dégradait. La communication entre le pouvoir et l'opposition se raréfiait. Ce qui conduisait à de nombreuses dérives comme nous l'avons décrit dans le bilan. Ainsi nous étions dans une transition qui ne prévoyait pas de fin ou d'ailleurs subissait un retournement. Car, que dire de la révision constitutionnelle qui rendait le nombre mandat présidentiel illimité. C'était donc là le signe d'un retournement du processus.

A la lumière de cette analyse critique, nous nous disons avoir mis en exergue les grandes problématiques pouvant être déduites de cette expérience guinéenne. Par là, nous précisons que notre objectif dans ce travail n'étant pas de proposer des solutions, nous passerons à la section suivante pour savoir si la nouvelle transition de2008, qui est bien la suite de la même transition entamée depuis 1984, a pris compte des différentes raisons de l'échec précédent.

* 165 L'abolition des chefferies traditionnelles s'inscrivait dans cette politique.

* 166 La promotion de toutes les langues nationales

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon