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Les transitions démocratiques en Afrique noire francophone. Réflexion sur le cas de la Guinée (Conakry )

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par Oumar KOUROUMA
Université Hassan II, faculté de droit de Mohammedia (Maroc ) - Licence fondamentale de droit public 2010
  

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PARAGRAPHE 2 : LA PERSISTANCE DES PROBLEMES FONDAMENTAUX

Comme tout acte humain la constitution du 19 Avril 2010 ne peut pas être qualifiée de parfaite. Aussi cette critique devient importante si elle concerne certains facteurs dont l'observation est indispensable dans la construction d'une « démocratie durable et nationale ». Il s'agit primordialement de la question culturelle ou la question des idées politiques. La seconde critique s'attaquera à d'autres questions liées à la forme du nouveau régime mais aussi aux droits et libertés fondamentaux.

v Une constitution sans base idéologique locale

La crise d'idéologie qui assaille toute l'Afrique n'épargne nulle part. La Guinée, une partie intégrante de cette Afrique en souffre cruellement. C'est ce qui ressort de cette nouvelle constitution dont la mise en oeuvre ne répond à aucune préoccupation de ce type. Une bonne lecture de la nouvelle constitution peut révéler rapidement que la bataille de démocratisation dans laquelle la Guinée s'est lancée depuis 1990 n'est autre qu'une occidentalisation qui ne dit pas son nom. En effet les droits de l'Homme ainsi que l'agencement des pouvoirs et leur relations, la vision du citoyen tels développés dans cette constitution renvoie sans doute à une conception libérale de la société et de l'Homme. Cela peut s'expliquer rapidement en partant du préambule de la dite constitution qui annonce l'adhésion de la Guinée aux idéaux et principes « universels » tels conçus dans des textes internationaux comme : la déclaration « universelle » des droits de l'Homme, les pactes internationaux relatifs aux droits de l'Homme. Et pourtant, il est connu de tous que ces textes plus ou moins imposés au reste du monde restent une émanation du libéralisme universaliste occidental. Cette philosophie libérale dont les incompatibilités avec les valeurs africaines ont été déjà prouvées dans plusieurs analyses comme nous l'avions souligné plus haut, constitue le dernier refuge des constituants guinéens du 10 Avril 2010. Les mêmes erreurs de 1990 sont ainsi reprises.

Il découle d'un tel travail qu'aucune conception de la démocratie ne peut permettre le développement et le bien être des peuples d'Afrique et particulièrement de celui de la Guinée que la seule conception occidentale. Sont-ils entrain de démentir Cheick Anta Diop pour qui le développement d'un peuple ne pouvait se faire que par la prise en compte de sa culture? Dans cette logique de pensée s'inscrivait un autre auteur lorsqu'il écrivait que la démocratie ne peut s'importer ni s'imposer mais elle doit être le fruit d'une production locale. Car même les systèmes imités, ces derniers ne sont que des productions propres à ces nations. C'est ainsi qu'il ya une démocratie américaine distincte de la démocratie française. Pour ce qui concerne l'agencement des instituions, de nombreux travaux historiques et anthropologiques réalisés par des africains et non africains ont démontré que l'Afrique précoloniale a connu de brillantes civilisations (comme celle de l'Egypte antique, du Mandéen, du Fouta théocratique) dans lesquelles l'organisation du pouvoir obéissait à une philosophie politique qui marque encore l'imaginaire africain jusqu'à nos jours. Les travaux du juriste et politologue congolais Mwayila Tshiyembe sont éloquents à ce sujet. Dans l'un de ses ouvrages il souligne que : «la renaissance politique de l'Afrique noire au XXIe siècle est possible. A condition, bien entendu, que la mobilisation identitaire national-ethnique et sa représentation soient le socle d'une modernité politique épousant l'histoire, la culture et les aspirations des peuples africains. Il s'agit de coupler la reconnaissance politique du pluralisme ethnique avec la construction d'une société politique fondée sur un double contrat : un pacte pour une république multinationale (néorépublicanisme) et un pacte pour une démocratie de proximité (néolibéralisme), s'imposant à l'ensemble de la société globale»168(*).

A l'instar de la philosophie politique du texte, la forme du nouveau régime qu'il consacre peut être critiquée ainsi que sa consécration des droits et libertés.

v De la forme du nouveau régime et des droits et libertés limités

La nouvelle constitution guinéenne a reconnu encore le régime présidentiel comme forme du nouveau régime. En tout cas c'est ce qui peut découler de cette constitution. Même si quelque part il n'est pas exclu que l'on pense qu'il s'agit d'un régime hybride. Pourtant, l'expérience nous montre qu'un régime avec un exécutif fort comme l'actuel régime, conduit rapidement à une monopolisation des pouvoirs par le seul président. C'est qui nous fait penser que le constituant guinéen ne semble pas s'inspirer du passé en reprenant le même régime. On pourrait penser que la mise en place d'un poste de premier ministre vise à atténuer le pouvoir exorbitant du président. Cependant avec cette constitution (article 52), le premier reste presque totalement subordonné au président qui le nomme et qui dispose du pouvoir de le révoquer. Ce qui fait que les deux sont si intimement liés que le pouvoir exécutif se trouve dans la même situation que sous le régime Conté où le poste n'était pas encore institutionnalisé et où le président nommait et révoquer comme il le veut. Pour le moment nous dirons le ministre n'est qu'une institution fantôme.

Au niveau des libertés et droits fondamentaux, une analyse critique à la fois politique et juridique est réalisée par le juriste guinéen Ibrahima Sory Touré. Selon cet auteur la nouvelle constitution a consacré une limitation aux droits politiques de certains citoyens. Cela par le fait qu'elle mentionne dans les critères d'éligibilité l'obligation d'appartenir à un parti politique (article 3). Ce qui devra inéluctablement empêché des candidats indépendants de se présenter. De même plusieurs parties de la constitution ne reconnaissent certains droits et libertés fondamentaux qu'aux citoyens excluant ainsi ceux qui ne le sont pas et qui, pourtant devraient en bénéficier conformément aux conventions internationales signées par la Guinée : c'est le cas du droit d'accès à l'information publique qui est réservée, d'après la constitution (article7 alinéa 5), aux seuls citoyens. Ainsi les autres individus non citoyens sont-ils exclus de l'exercice de ce droit pourtant non politique pour être qualifié de citoyens.

Par ailleurs, il est important de savoir que si les données ci-dessus sont essentiellement d'ordre théorique, sur le terrain la réalité peut être encore beaucoup critiquable à en croire aux violences qui ont marqué l'élection de l'actuel président Alpha Condé ainsi que sa conduite actuel des affaires d'Etat où déjà de nombreuses violations de la toute nouvelle constitution sont dénoncées. A titre d'exemple nous pouvons citer la dissolution de certains conseils communaux par décret etc....

Cela dit, nous pourrons donc conclure ce chapitre sur l'évaluation critique de l'expérience guinéenne en affirmant sans risque de se tromper que la démocratisation en Guinée quelle que soit ses acquis, reste prisonnière du contexte sociopolitique et historique dans lequel elle s'emploie.

* 168 Mwayila Tshiyembe, Etat multinational et démocratie africaine, Sociologie de la renaissance politique, 2002, éd. Harmattan.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry