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Les transitions démocratiques en Afrique noire francophone. Réflexion sur le cas de la Guinée (Conakry )

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par Oumar KOUROUMA
Université Hassan II, faculté de droit de Mohammedia (Maroc ) - Licence fondamentale de droit public 2010
  

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PARAGRAPHE 2 : DU CONCEPT DE TRANSITION DEMOCRATIQUE COMME UN RENVERSEMENT DE LA THEORIE MARXISTE

Comment se rendre compte que le concept de transition démocratique tel formulé par les transitologues n'est qu'un renversement de la position des concepts dans les définitions marxistes ? C'est, il est évident, en procédant à une définition du concept de transition démocratique et en dégageant les traits communs qui la lient à la transition communiste chez Marx (II) que nous pourrons le savoir. Toutefois, il conviendra tout d'abord de chercher à savoir ce qu'est la démocratie et vers quelle démocratie transite t-on (I).

I. DE LA NOTION DE DEMOCRATIE

Pour commencer il faut dire que cet exposé sur la notion de démocratie est d'une importance capitale dans ce travail. Car elle est marquée par une complexité avérée par le fait qu'elle est objet d'interrogations multiples tant sur sa définition et que sur son origine (A) mais aussi sur ses conceptions qui sont nombreuses et diverses (B). Cela est dû au fait que de nos jours ou dans le siècle passé, presque tous les régimes se réclament de la démocratie, même si les uns et les autres se qualifient réciproquement d'anti-démocraties. C'est donc ce champ complexe qui mérite d'être mis en lumière afin de savoir dans quelle conception s'inscrit la troisième vague.

A. ESSAI DE DEFINITION ET ORIGINE DE LA DEMOCRATIE

Définir ou retracer l'origine de la démocratie sont deux exercice d'ailleurs épineux, car si étymologiquement on peut savoir d'où elle vient, par contre dans son essence et sa conception générale il n'est pas souvent exclue de dire que tous les peuples presque ont connu une sorte de démocratie (2). Mais avant de toucher cet aspect il conviendra de chercher à savoir ce qu'est la démocratie (1).

1. Essai de définition de la démocratie :

En ce nous nous attèlerons essentiellement à l'étymologie du terme démocratie en s'inscrivant ainsi dans ce que Giovanni SARTORI a appelé « la démocratie étymologique » et telle qu'il l'a développée19(*).

A cet effet, comme il est connu de tous, étymologiquement le terme démocratie vient de l'association de deux vocables grecs : démos qui signifie peuple et Kratos qui veut dire pouvoir. Ainsi la démocratie est elle : « le pouvoir du peuple » ou « le gouvernement du peuple». De cette définition deux interrogations se dégagent : qu'est ce que le peuple et quel est sa relation avec le pouvoir ?

En réponse à la première, il faut savoir, comme l'explique le philosophe italien SARTORI, que le terme démos a connu plusieurs sens même dans l'antiquité grecque qui l'a vu naitre. Il pouvait être ramené à plethos c'est-à-dire plenum, le corps tout entier ; ou aux polloi, la multitude ; ou aux pleiones, la majorité ; ou bien à ochlos, la foule. Ce même terme dans les langues moderne ne correspond pas aussi à un seul sens : en italien, popolo, en français, peuple, et en allemand, Volk, désignent tous « une entité unique » ; cependant en anglais demos fait recours à une notion de pluralité. Si le premier sens nous conduit à penser que peuple fait référence à un « tout organique qui peut s'exprimer par une volonté générale indivisible », dans le second il s'agirait plutôt de parler d'une pluralité de pouvoir donc de « polycratie ». De là notre auteur distingue cinq conceptions du peuple à savoir : le peuple comme le grand nombre, comme une pluralité intégrale ou tous, comme un tout organique, comme une pluralité s'exprimant selon le principe de la majorité absolue et enfin comme une pluralité s'exprimant selon le principe de la majorité relative. Et de toutes ces définitions, il soutient la dernière qui semble être le vrai sens car permettant la coexistence du pouvoir majoritaire avec les minorités. Mais cela étant, une autre question ne pose t-elle pas si l'on veut placer le mot peuple dans le temps ? Dans l'antiquité, le demos correspondait à une communauté d'une polis (Cité-Etat) caractérisée par l'homogénéité de ses composants et sa taille minuscule. Cependant de nos jours, on parle plutôt de megapolis20(*) marqué par l'hétérogénéité de ses membres et de son étendue importante. Cette situation qui aliène l'individu, le déracine et appelle à son intégration sociale, sa socialisation, conduit à l'apparition de la « société de masse » qui est la caractéristique des sociétés actuelles. Ainsi en dépassant le sens premier du demos, on vient au terme « masse» qui fait trait, selon Pierre Duclos, à un double sentiment de dépersonnalisation dans l'uniformité et d'exaltation de puissance communautaire qui guettent l'Homme du XXe siècle21(*).

En outre, la détention du pouvoir par le peuple est une autre question dans la définition étymologique de la démocratie. Elle amène à l'interrogation : « pouvoir du peuple ou pouvoir sur le peuple ?» En effet, le sens étymologique de la démocratie suppose un Kratos du demos ou le pouvoir du peuple. Mais si ce pouvoir peut être nominativement celui du peuple, comment doit -il le rendre effectif ? Cette question est la plus difficile à répondre en matière de définition étymologique. Car le demos de l'antiquité grecque n'était qu'une poignée de la population qui ne trouvait aucune difficulté de se regrouper et de discuter de ses problèmes. Dans les Etats modernes, plus vastes, la solution trouvée est celle de la représentation. Cette conception de la pratique de la démocratie, bien que critiquée par Jean Jacques Rousseau22(*), s'est avérée être la meilleure solution. Toutefois, il faut dire que l'élément en jeu ici est la souveraineté du peuple. Cette dernière peut être confisquée par les représentants qui tirent bien sûr leur légitimité du peuple. Ainsi, il se trouve que l'expression « le pouvoir du peuple » reste dans le cadre nominatif et ce sera celle « du pouvoir sur le peuple » qui régnera dans la pratique. C'est pourquoi, une définition étymologique de la démocratie peut beaucoup peiner à en être sur le terrain. D'où la diversité de conceptions de la même notion. Mais avant de toucher cet aspect de la présente réflexion, il conviendra de porter un regard sur l'histoire de la notion.

2. De l'origine de la démocratie : une démocratie à Athènes

Parler de l'origine de la démocratie est un projet provocateur car on est, dès le départ conscient, de notre incapacité à déterminer le foyer exact d'apparition de cette pratique politique comprise dans son sens étymologique. Cela par le fait que la pratique de la concertation comme mode de gestion d'une société semble avoir été connue par presque tous les peuples à différents moments de l'Histoire plus ou moins identifiés. Chez les mandéen d'Afrique de l'Ouest23(*) par exemple, ce fut un principe de base établi dans l'historique charte de Kourou kan fouga de l'empire du Mali. Aussi, plus loin, les grecs eux même reconnaissaient-ils l'existence de ce qu'ils appelaient démocratie chez les peuples indiens depuis le VIe siècle av. J.-C. Parmi les entités ainsi qualifiées figuraient Vaishali considérée comme la première république. De même que les Etats de Sabarcae et Sambasrai24(*) (actuels Pakistan et Afghanistan ).

Cependant, en tant que terme qualifiant une situation politique, une forme de gouverner les hommes, la démocratie est née en Grèce antique et connue sous la plume d'Hérodote où elle désignait, dans un sens plus large le gouvernement de la Cité par la participation de toutes ses composantes politiques et particulièrement ceux qui ont acquis la qualité de citoyen. Il s'agit principalement là de la « DEMOCRATIE ATHENIENNE  qui est l'une des formes les plus achevées de la démocratie directes et qui semble être plus connue des démocraties antiques.

En effet, la démocratie grecque était apparue comme le résultat d'un ensemble d'expérience politique marquée par des violences et des injustices sociales parfois très cruelles : par exemple l'esclavage, l'exclusion, la tyrannie etc... C'est dans cette logique qu'Ostwald Martin écrit « l'élément démocratique dans le gouvernement athénien aux Ve et IVe siècles avant notre ère n'était pas basé sur l'application consciente ou inconsciente d'une idéologie préconçue, mais sur des réponses à des conditions historiques données»25(*). C'est donc à la recherche d'une certaine liberté et égalité que nait cette forme d'organisation sociale.

Cette démocratie eut ses institutions politiques propres dont les plus connues furent :

ü l'Ecclésia : c'était l'assemblée du peuple athénien ou l'organe le plus important, qui regroupait les quarante milles personnes (40.000bénéficiaires du statut de citoyen). Cependant six milles (6000) citoyens formaient le quorum. Il était la véritable expression de la démocratie directe d'Athènes. Cette importante institution était chargée du vote des lois, le budget, la paix ou la guerre, l'ostracisme26(*), elle tire au sort les bouleutes, les héliastes et les archontes et élit les dix stratèges. Il est l'historique assemblée de l'Agora, avant son transfert au Pnyx. En ce lieu tous les citoyens sont égaux et votent selon la pratique de la main levée ou celui du bulletin secret.

ü La Boulê : ou la représentation des tribus athéniennes, était composée entre 400 à 500 membres selon les reformes. Mis en place par Solon pour la première fois, cette institution aura pour principales fonctions de préparer les propositions de lois des citoyens et l'ordre du jour de l'Ecclésia, de veiller au respect des normes fondamentales par les lois et les décrets de l'Ecclésia. Aussi, elle jouait un rôle judiciaire car elle pouvait être saisie par un citoyen qui constatait qu'une loi n'est pas conforme aux normes supérieures, ou pour une action en justice contre un magistrat. Elle contrôlait aussi la gestion de ces derniers.

ü Les magistrats : ce corps est une institution chargée de hautes fonctions à savoir : le pouvoir exécutif (assuré par les dix stratèges qui sont aussi des commandants d'armée, élus), les hauts pouvoirs judiciaires et religieux (dévolus aux archontes tirés au sort parmi les plus aisés). C'est un organe qui fonctionne de façon collégiale. Ces magistrats font objet d'un contrôle à la fin de leur mandat selon la technique de la reddition des comptes (euthynai).

ü L'Aréopage : il s'agit de l'organe le moins démocratique et le plus aristocratique de toutes celles citées jusque là, c'est un conseil de sage qui est composé d'anciens archontes (qui sont des nobles puissants et riches). Sous Solon il fut investi du pouvoir de recevoir les plaintes des citoyens contre les magistrats. De même, il jouait le rôle de la protection interne et externe de la cité. Par son statut de conseil des sages, l'institution ne rendait compte à aucune autre institution. Enfin, sans être dépositaire de pouvoir politique, cet appareil se charge, en plus de sa prééminence dans la gestion des affaires sacrées, de juger les crimes de sang.

ü L'Héliée : est l'une des principales institutions judiciaires de cette démocratie. Il s'agissait d'un tribunal populaire composé de citoyens au nombre de six milles (6000), âgés au moins de trente ans et tirés au sort pour un mandat d'un an. Ces protecteurs des normes de la cité sont appelés les héliastes. Ils peuvent être saisis par les citoyens pour se prononcer sur la conformité des lois aux normes fondamentales de la Cité, de même qu'ils pouvaient légiférer cette loi s'ils la trouvaient conforme. Partageant ainsi le pouvoir législatif avec l'Ecclésia et la Boulê. Au fil des temps ces fonctions judiciaires s'étendirent touchant les domaines de meurtre, de légitime défense, d'ostracisme, etc...

Au-delà de ce cadre institutionnel, d'autres reformes furent entreprises telle celles réalisée par l'Ephialte qui fit passer le pouvoir de contrôle des magistrats de l'Aréopage à l'Ecclésia pour ainsi rendre ces dernier responsable devant le peuple .

C'est en considérant ce contrôle du peuple sur ses dirigeants et le désir des grecs de mettre en place un système dans l'intérêt du plus grand nombre que certains ne se sont pas empêcher de considérer le régime politique athénien de démocratie. A ce titre, Thucydide affirmait : « du fait que l'État chez nous est administré dans l'intérêt de la masse et non d'une minorité, notre régime a pris le nom de démocratie. » Notre contemporain Ostwald Martin de l'université de Pennsylvanie va enrichir  cette affirmation en avançant que : « la démocratie athénienne n'était pas une illusion: elle existait vraiment »27(*).

Toutefois, si l'on ne s'oppose pas totalement cette interprétation de la vie démocratique en Grèce antique, il conviendra de bien relativiser cette considération généralement européocentrique et occidentale qui cache les écarts énormes entre ce qui était une démocratie grecque très inégalitaire28(*), aux normes pénales très sévères29(*) et les démocraties libérales actuelles. Mais pour comprendre ce jugement que nous effectuons à la lumière des idées humanistes et politiques actuelles, il conviendra d'exposer les différentes conceptions de la démocratie car même celle grecque n'était pas dépourvue d'une certaine perception des choses.

B. LES CONCEPTIONS DE LA DEMOCRATIE

Comme nous aimons le dire souvent « les concepts sont comme des choses que les Hommes modèlent et adaptent à leur besoins». Si cela peut être une loi, disons que la démocratie nie échappe pas. C'est pourquoi dans cette présente réflexion il sera question d'exposé les différentes conceptions d'un concept qui a beaucoup évolué dans le temps, de l'antiquité à nos jours. Mais bien avant, il faut souligner, sous la houlette des analyses de SARTORRI, qu'il n'y a principalement que deux formes de démocratie : celle directe où « le peuple participe de manière continue à l'exerce direct du pouvoir, alors que celle indirecte ramène à un système de limitation et de contrôle du pouvoir »30(*). La première catégorie appartient en général aux démocraties antiques comme celle de la Grèce antique et le second aux systèmes démocratiques modernes (même si certain avance l'idée de la démocratie semi-directe cette dernière n'est qu'une atténuation de la représentation).

Cela dit, nous évoquerons en premier les conceptions antiques de la démocratie et principalement celle d'Athènes (1), avant de passer aux théories modernes de la démocratie (2)

1. Les conceptions antiques de la démocratie : la conception Athénienne

Cette partie est à ne pas confondre avec celle qui vient d'être développée car ici, il ne s'agit plus d'écrire la structure d'un système mais de dégager les idées qui sous-tendaient chaque construction institutionnelle en Grèce : la théorie de la démocratie chez les grecs.

En effet, dans la Grèce antique, l'idée de démocratie ne correspondait à rien d'autre qu'à ce « système de gouvernement dans lequel les décisions sont prises collectivement »31(*). Cette théorie était fondée sur l'idée d'Isonomie ou l'idée d'égalité devant la loi. Mais c'est surtout une vision littérale de la démocratie où la communauté jouissait d'une prééminence sur l'individu. Dans cette logique l'autogouvernement (en tant que socle de la démocratie) se concevait comme le fait pour le citoyen de se consacrer au service public. Comme le précise Giovanni SARTORRI, chez les grecs, se gouverner soi-même c'est passer sa vie à gouverner. A cet égard, le citoyen devait tout à l'Etat ; il devait accorder une attention particulière à ses activités qu'il devait primer sur les siennes. C'est donc cette vie qui est la vraie vie du citoyen, la vie de la Cité. C'est dans ce sens que Platon écrivait : «  vivre comme il convient que vive l'Homme». De là découlait la signification qu'ils donnaient à la liberté : pour eux l'individu en dehors de la Cité n'avait aucune autre vie digne, sa véritable liberté résidait dans sa soumission inconditionnelle à cette communauté. C'est pour cette raison que nombre de philosophes des temps modernes ne l'ont pas reconnue comme une démocratie. Nous voulons ici parler de Benjamin Constant, d'Alexis de Tocqueville, de Laboulaye dont la pensée se résume dans cette affirmation de Fustel de Coulange : «  c'est donc une erreur singulière parmi toutes les erreurs humaines que d'avoir cru que dans les citées anciennes l'Homme jouissait d'une liberté. Il n'en avait même pas l'idée.... ».

A l'image de ces auteurs certains philosophes n'ont-ils pas condamnés vigoureusement cette démocratie athénienne. C'est bien sûr le cas de Platon qui comparait la masse populaire à un animal esclave de ses passions...., et dont les prétendues discussions ne sont que des disputes opposants des opinions subjectives32(*).

Cette démocratie était donc loin de nos démocraties actuelles en termes de considération de valeurs humaines et de liberté individuelles telles conçues actuellement. Mais cette différence ne saurait être comprise si l'on n'expose pas les idées mères qui fondent ces systèmes.

2. La conception marxiste-léniniste de la démocratie

Construite contre la philosophie du droit de Hegel, la théorie de la démocratie chez Karl Marx fut fondée sur le concept de la « dictature du prolétariat » développée dans le manifeste du parti communiste (1948). Cette dictature qui ne signifie pas une dictature au profit du prolétariat mais plutôt une vraie révolution du prolétariat, l'exercice direct de la force de la part du prolétariat en armes, «le prolétariat organisé en classe dominante »33(*) qui emploierait sa propre force à dissoudre l'Etat et vaincre ses ennemis. C'est dans cette logique qu'il définira la démocratie comme « une association où le développement de chacun est la condition du libre développement de tous »34(*).

En effet, tout comme Hegel, Marx distingue l'Etat de la Société civile, mais contrairement à lui, il considère le premier (qui est politique et droit) comme dépendant de la deuxième car étant le facteur le plus important regroupant les relations économiques. Ce sont ces relations qui déterminent les structures politiques et juridiques. Sur cette idée, Marx projette un régime dans lequel le pouvoir devra appartenir à ceux qui produisent réellement ces relations : la classe ouvrière en tant que base de la société civile. Un gouvernement de cette classe permettrait l'émancipation économique du travail et l'effacement de toute autre structure exploitatrice qu'il considère être l'Etat (surtout l'Etat bourgeois qui n'est autre qu'un appareil d'exploitation de la masse par une minorité de capitalistes). Cette analyse de Marx résultait de son observation de la commune de Paris (Guerre civile en France de 1871) et dénotait de sa vision littérale de la démocratie comme « gouvernement du peuple par le peuple », le refus de tout système de représentation, l'égalité de tous les membres de la société par la suppression des classes. Ce fut la théorie de la « démocratie communiste » qu'il considèrera comme « le régime politique de l'homme dans sa vérité »35(*) car cette «démocratie part de l'homme et fait de l'État l'homme objectivé».

Par ailleurs, il faut dire qu'on ne peut pas parler de la démocratie communiste sans faire trait à Lénine qui occupe une place de choix dans l'élaboration de cette théorie. En effet, sans totalement suivre Marx comme il le prétendait, Lénine aura fait des ajouts à la philosophie marxiste. A cet égard, il partait de l'idée que la démocratie était liée à l'Etat : une variante de ce dernier. Car sa réalisation qui devait passer par trois stades (capitaliste, socialiste et communiste) devait connaitre une période transitoire où devait régner dictature du prolétariat exprimé dans le cadre du parti unique visant à réaliser la révolution par l'élimination des ennemis. Dans cette réflexion, Lénine fit une critique vigoureuse de la démocratie capitaliste qu'il considère inégaliste et exploitatrice de la majorité. Car pour lui tout Etat est un instrument de contrainte donc mauvais en soi et cela lorsque le pouvoir est détenu par une minorité. Donc une démocratie qui en découle ne peut être que mauvaise car elle manipulatrice au profit de cette minorité. Alors que la « dictature du prolétariat, disait-il, c'est-à dire l'organisation de l'avant-garde des opprimés en classe dominante pour mater les oppresseurs, ne peut se borner à un simple élargissement de la démocratie. En même temps qu'un élargissement considérable de la démocratie, devenue pour la première fois démocratie pour les pauvres, démocratie pour le peuple et non pour les riches.....

Ainsi cette démocratie des pauvres n'est dictature que pour les capitalistes oppresseurs. Elle trouvera sa réalisation complète et totale dans le régime communiste en tant que finalité de cette transition.

Delà nous voyons non pas une rupture systématique entre Marx et Lénine mais une continuité qui élargie une même conception de la démocratie plus proche de la démocratie directe mais qui n'exclus pas le facteur représentative comme un passage nécessaire à dépasser. Mais qu'en est-il de la conception libérale tant critiquée ?

3. La conception libérale de la démocratie : la démocratie libérale

A ce tout début, il faut dire que cette conception mérite à plus d'un titre d'être traitée dans ce travail car la philosophie démocratique véhiculée de nos jours vient essentiellement de là.

Pour ce fait, il faut souligner que parler de démocratie libérale demande qu'on définisse les deux vocales : démocratie et libéralisme. Mais puisque le premier est déjà connu, nous avancerons que le libéralisme est conçu dans un langage plus simple, selon SARTORRI, comme « la théorie et la pratique de la liberté individuelle, de la protection des lois et de l'Etat de droits». Cette idéologie, il faut le souligner, vise à restreindre le pouvoir de l'Etat (conçu comme opposé à l'individu) afin d'assurer plus de protection de la personne humaine face à la contrainte Etatique. Le terme d'ailleurs serait apparu entre 1801 et 1811 après deux siècles d'existence de la pratique. Ainsi, démocratie libérale nous amène à la relation entre les deux concepts constituants. En ce lieu Alexis de Tocqueville pense que le véritable critère de distinction entre ces deux (libéralisme et démocratie) est le fait que le premier renvoie à une idée de liberté et le second à celle d'égalité. C'est pour créer une symbiose entre ces deux principes que nait la démocratie libérale. Mais il faut dire que cette coexistence n'est pas toujours facile à en croire à l'interprétation que chacun des concepts se donne l'un de l'autre. A cet égard, il faut révéler que l'égalité telle vue par la démocratie étymologique n'est pas acceptée par le libéralisme qui, selon SARTORRI, favorise grâce à la liberté, l'aristocratie. Cette idée est soutenue par CROCE ET GLADSTONE. Par contre l'égalité en démocratie étymologique, est celle de tous les citoyens (la majorité) dans la gestion de la chose publique tout en privilégiant le collectif sur l'individuel. Elle signifie le refus des aristocraties et le pouvoir du plus grand nombre (les démunis selon Platon). C'est le souci d'éradiquer toute différenciation qui anime la démocratie. Donc, du côté des principes et des valeurs nous décelons ce qui peut être un paradoxe dans la relation entre libéralisme et démocratie : une problématique fondamentale en démocratie libérale.

Cependant, il ne faut pas s'aveugler pour dire qu'il n'y a qu'incompatibilité entre ces deux concepts. En effet en quittant ce monde des principes pour toucher celui de la pratique, il s'annonce que le libéralisme vise une limitation du pouvoir de l'Etat et quant à la démocratie, elle s'occupe beaucoup plus du bien-être et de la participation des masses à l'exercice du pouvoir. Ce qui conduit à un partage des tâches entre Etat et peuple. Delà l'individu requiert deux privilèges : l'un visant la protection de ses libertés et l'autre à la prise en compte de son état social. Ainsi l'existence et la pérennité de la démocratie libérale se jouera entre la prise en charge sans condition de ces deux facteurs. Ce sont ces deux dimensions qui résument presque tout le contenu des droits de l'Homme tels attachés de nos jours à la démocratie libérale.

Par ailleurs, il faut souligner que cette démocratie libérale ne soutient pas un exercice direct du pouvoir par le peuple mais par ces représentants36(*), contrairement à la démocratie étymologique. Ce qui permet, en revenant à notre point de départ, de relativiser ou même réfuter cette universalité des idées démocratiques actuelles. Il s'agit donc d'une démocratie ou une conception de la démocratie qui ne peut réunir toutes les philosophies que renferme cette matière.

C'est pourquoi donc, cette réflexion ne peut être achevée sans une mise au point de la vision de la démocratie libérale qui guide les transitions politiques surtout celle de la troisième vague. Pour ce faire, il faut noter que l'ouvrage du célèbre politologue américain Samuel HUNTINGTON nous offre de grands détails. En effet, cet auteur part de l'idée qu'au XXème siècle la démocratie en tant que forme de gouvernement était définie soit en terme de gouvernement, soit de source d'autorité du gouvernement, soit de buts poursuivis par le gouvernement ou enfin en terme de procédure de constitution du gouvernement. En écartant toute définition par la source d'autorité et les buts, les auteurs de la transitologie s'attèleront à la définition par la procédure. Ce qui permit de concevoir une nouvelle « théorie de la démocratie », selon les mots de Joseph SHUMPETER37(*). D'après cet auteur,  «la méthode démocratique est le système institutionnel aboutissant à des décisions politiques dans lequel des individus acquièrent le pouvoir de statuer (...) à l'issue d'une lutte concurrentiel portant sur les votes du peuple»38(*). A la lumière de cette définition, sera considéré comme régime politique démocratique, tout régime à l'intérieur duquel « les plus hauts dirigeants sont choisis dans le cadre d'élection honnêtes, ouvertes à tous et revenant à date fixe, au cours desquelles les candidats s'affrontent librement pour obtenir le suffrage populaire, et où la quasi-totalité de la population adulte détient le droit de vote »39(*). Ainsi les principes de contestation de participation doivent être respectés, de même les droits politiques et civils observés.

Cependant bien que cette définition procédurale est l'avantage de facilité les analyse par son caractère empirique, elle écarte d'autres visions beaucoup plus normatives telle une définition de la démocratie par les notions de liberté, d'égalité et de fraternité.

Nonobstant, c'est cette définition qui fut retenue par la presque unanimité des auteurs depuis les années 70 car considérée comme pouvant donner des instruments d'analyse concrets et conceptuels.

Delà il devient facile et utile de chercher à savoir ce qu'on entend par transition démocratique dans le cadre de ces études consacrées à la troisième vague.

II. DU CONCEPT DE TRANSITION DEMOCRATIQUE :

Pour commencer cette partie, il faut d'abord définir la transition démocratique (à la lumière des explications données sur les deux termes) comme «l'intervalle entre un régime politique et un autre (O'Donnell et Schmitter, 1986, p.640(*)), ou plus simplement le passage d'un régime « autoritaire » à un régime « démocratique ». Aussi elle peut être appréhendée « comme une situation historique ouverte, une «conjoncture critique» au cours de laquelle la nature et la direction du changement dépend en premier lieu des stratégies politiques adoptées par les divers groupes d'acteurs impliqués dans ce processus ». Elle est dans ce sens caractérisée par l'incertitude avant une consolidation réelle des règles du jeu politique. Il est un concept à la fois fonctionnel et opératoire qui dépeint le déploiement d'un ensemble d'institutions politiques et normatives pour constituer un nouvel ordre Etatique marqué par le libéralisme.

Cela étant, il nous faut souligner que cette définition n'était autre que le renversement du concept de transition communiste. Une démonstration de cette vérité par la mise en exergue des traits communs des deux concepts dans un premier temps (A) nous permettra d'aller chercher les composantes sémantiques de ce concept de transition démocratique qui est l'âme de ce travail (B).

A. LES TRAITS FONDAMENTAUX QUI LIENT LES DEUX CONCEPTS : TRANSITION DEMOCRATIQUE ET TRANSITION COMMUNISTE

Il est évident, à en croire, aux travaux de Guilhot NICOLAS que le concept de transition démocratique n'est qu'une reprise de celui communiste au profit du libéralisme démocratique. A cet titre l'auteur écrivait dans la revue multiples41(*) : « nous voyons là moins une ironie mordante qu'une réutilisation délibérée d'un matériau politique déjà élaboré». Cette affirmation peut se justifier à travers plusieurs idées qu'il est important d'avancer ici : la considération de la transition comme un stade historique de passage né d'une nécessité historique (1), le caractère téléologique des concepts (2), la généralisation d'un mode de production (3).

1. La transition comme un stade historique de passage ressorti d'une nécessité historique

Cette idée était fondamentale dans les explications marxistes du concept de transition. Car pour ce dernier la société bourgeoise inégalitaire devait céder la place à une autre plus égalitaire qui est la société communiste. Cette transformation profonde à la fois économique et politique devrait passer par le socialisme considéré comme une phase transitoire où la culture communiste devrait faire ces premiers pas : le stade préparatoire du dépérissement de l'Etat. Versus, dans la théorie de la transition démocratique, la phase transitionnelle est aussi très considérée. Elle marque la fin de tout régime non démocratique défini sous l'étiquette de régime autoritaire. Un régime Elle pose les jalons d'une nouvelle vie politique tourné vers le libéralisme et conçue comme longtemps attendue par le peuple. Cette la facette messianique de ce phénomène.

2. Le caractère téléologique des concepts

En définissant la téléologie comme la doctrine philosophique selon laquelle toute chose, toute forme a une finalité, nous pourrons affirmer que le caractère téléologique de ces deux concepts renvoie au fait que tout comme le premier, le second assigne au processus une finalité qui est un nouveau système déjà préparé. Il faut donc juste respecter les normes générales qui sont définies comme lois telle que l'engagement et la volonté des dirigeants du processus. En ce lieu il faut dire le marxisme décrivait le communisme comme une sorte de fin de l'Histoire, et de leur côté les transitologues mettent en avant la démocratie occidentale et les régimes occidentaux comme le but ultime des transitions de la troisième vague.

3. La généralisation d'un mode de production

Tous ces traits communs ne sont pas vraiment séparés, ils sont intimement liés. A cet égard, comme nous l'avions dans sa définition, la transition politique n'est pas seulement un phénomène politique mais c'est aussi le changement d'un système économique qui semble être étroitement lié au régime politique proposé. Il s'agit de l'économie libérale ou économie de marché. A l'image de ce système, la théorie marxiste de transition prônait le système de production communiste comme socle du futur régime.

A la lumière de cette explication sommaire nous pouvons donner raison à Guilhot NICOLAS qui a soutenu que le concept de transition démocratique n'est qu'une reprise inversée des travaux de Karl MARX. Ainsi il peut être déduit que ce concept n'a pas un sens unique, mais la somme d'un ensemble d'élément sémantique qu'il convient connaître.

B. LES COMPOSANTES SEMANTIQUES DU CONCEPT DE TRANSITION DEMOCRATIQUE

Comprendre le concept de transition démocratique tel qu'il sera utilisé tout au long de ce travail nécessite que soit traitée la relation entre démocratie et d'autres concepts qui semblent exprimés tout son contenu et ses valeurs. Il s'agit dans un premier temps de la relation entre démocratie et le développement (1) et entre démocratie et droits de l'Homme (2).

1. La démocratie et le développement :

Dans un article publié dans la célèbre revue Persée, MARCHESIN Philippe abordait avec minutie cette relation entre développement et démocratie qui n'a cessé de faire couler assez de salives et d'encres ces dernières années. D'entrée l'auteur souligne d'abord le caractère mythique et polysémique des deux termes qu'il qualifie de «mots-valises». A ce propos Giovanni SARTORRI ne définissait t-il pas la démocratie comme « un nom pompeux de quelque chose qui n'existe pas»42(*) et de son côté  Gilbert Rist, « comparera le développement à « une étoile morte dont on perçoit encore la lumière, même si elle s'est éteinte depuis longtemps et pour toujours »43(*). Mais ce n'est pas cet aspect de l'étude qui intéresse ici, c'est plutôt la question du rapport développement- démocratie, elle nous envoie à celle de la conditionnalité du développement par la démocratie et vice versa. Et à l'image de ces deux aspects de la même question, il ya aussi deux groupes d'auteurs qui donnent deux s'explications dont l'une tend toujours à relativiser l'autre. Ainsi nous partirons de la théorie contestatrice (a) de la théorie dominante et de la théorie de la modernisation avant de retrouver ces deux dernières plus proches dans un second temps(b).

a. La démocratie comme condition du développement : la contestation de la théorie dominante

En ce lieu, il faut dire que cette théorie contestataire de la théorie dominante (ou la théorie des défenseurs de la supériorité des régimes autoritaires dans la promotion du développement) est celle qui soutient que les régimes démocratiques disposent d'une suprématie sur les régimes autoritaires en matière de promotion du développement car les avantages qu'ils procurent sont énormes. C'est dans ce sens que DANI Rodrik écrivait en conclusion d'un travail effectué sur la relation démocratie et croissance économique : «Les institutions démocratiques, tendent à être plus amicales à l'égard du travail (friendly to labor) : elles donnent lieu à des salaires plus élevés et un meilleur partage de la production. En d'autres termes, elles accroissent la capacité de négociation des travailleurs par rapport aux employeurs. Et elles permettent cela sans réduire pour autant la croissance économique dans le long terme (comme cela a été mis en exergue précédemment». Ainsi donc cette supériorité de la démocratie réside : dans sa capacité à maintenir la stabilité sociopolitique nécessaire à la poursuite des activités économique. Sa capacité aussi à résister au choc économique.

Aussi, il faut surtout noter que la démocratie est considérée comme la base de la bonne gouvernance. Cette conception du développement est d'ailleurs très défendue par la banque mondiale. Ainsi dans un travail intitulé the Gouvernance matters44(*), Daniel Kaufman, Aart Kraay et Pablo Zoidon-Lobaton dégageaient les principaux avantages de ce système de gouvernement à savoir : l'établissement et la promotion de la liberté d'expression et aussi l'obligation des gouvernants de rendre des comptes de leur gestion. Aussi ils ajouteront qu'un tel système est aussi marqué par un accroissement du revenu par tête deux fois et demi plus important, une amélioration significative de l'alphabétisation des adultes et une baisse notable de la mortalité infantile45(*). En somme un développement social et culturel au delà de celui économique.

Ainsi en termes de chiffres, l'étude publiée en 2005 par trois (3) autres chercheurs, Morton Halperin, Joseph Siegle et Michael Weinstein45(*), est un véritable témoignage. Dans leur compte rendu, ils affirment que 95% des plus mauvaises performances économiques de ces quarante dernières années ont été réalisées par des pays non démocratiques. Quelques uns de ces pays ont fait l'exception, c'est le cas de la Chine, la Corée du Sud, le Taiwan et le Viêtnam. Mais ces derniers pays n'ont pas connu de crise jusqu'à ces moments, quant à leurs homologues du Maghreb, à savoir la Tunisie et l'Egypte, qui rentrent bien sûr dans ce lot, ils ont plutôt assisté à de véritables révolutions depuis ces depuis de 2011.

Par ailleurs il faut préciser que cette subordination du développement à l'existence de la démocratie est très vivement contestée par certains auteurs et certains hommes politiques surtout tiers mondistes. Comme les défenseurs de la première, ces derniers ont bien sûr leurs arguments non moins pertinents.

b. De la théorie majoritaire à la théorie de la modernisation politique

Ces deux théories qui seront abordées ici ont en commun de s'opposer à la vision ci-dessus. Cela en soutenant pour la première l'absence de relation entre developpement et démocratie et pour le second en conditionnant plutôt l'émergence de la démocratie par l'existence d'un certain niveau de développement.

En effet, selon la première théorie, celle dite majoritaire, les régimes autoritaires ou non démocratique sont supérieurs à ceux démocratiques dans la réalisation du développement économique. Cette infériorité des régimes démocratiques serait due au fait qu'elles sont trop dépensiers car visant une certaine égalisation des conditions de vie. A ce titre Walter Galenson affirme « plus démocratique est un gouvernement, plus grande est la diversion de ressources de l'investissement vers la consommation ». A ce premier argument ne faut-il pas ajouter aussi qu'une démocratie accorde assez de libertés, ce qui ne facilite pas toujours la prise de certaine décision et le choix de certaines politiques qui demanderont forcement des consultations populaires coûteuses en temps et en moyens financiers. C'est qui ferra d'ailleurs dire à Karl de Schweinitz que si les pays les moins développés « doivent croître économiquement, ils doivent limiter la participation dans les affaires politiques ».

A l'image de ces deux auteurs, le grand politologue américain Huntington s'affichera comme l'un des grands défenseurs de cette théorie. Cela sera très visible dans ces écrits des années 60 et 70 et principalement dans son célèbre ouvrage Political Order in Changing Societies où il dégage les avantages du régime autoritaire en matière de développement économique. Ainsi comme arguments, il avance que dans les régimes autoritaires le système de parti unique joue un grand rôle en permettant l'unification de toutes les couches de la société. Aussi, ce régime est marqué par une politique de planification qui lui permet de déterminer des objectifs à long terme et dont la réalisation est dénuée de toute perte de temps (en négociation avec des groupes d'intérêts). Ce sont, selon lui, des régimes centralisateurs donc innovateurs ; ils sont aussi expansionnistes, ce qui peut faciliter l'assimilation des groupes.

Dans le même ordre d'idée, Robert Kaplan accentuera ses réflexions sur une critique même de la démocratie libérale dans les pays en voie de développement. Quant à Amy Chua, elle évoluera dans le même sens en parlant de démocratie de marché comme l'une des causes principales des instabilités politiques dans les pays en développement ; et pour ce fait on ne saurait considérer de tel système comme solution au sous développement.

En s'inscrivant presque dans le même champ de réflexion que la théorie majoritaire, une autre théorie appelée la théorie de la modernisation sera développée. Elle est principalement représentée par Seymour Lipset. Si elle ne prône pas une incompatibilité entre développement et démocratie, elle considère, contrairement à la théorie contestataire, que la condition d'un passage à la démocratie est le développement. Au moins un développement de base pouvant permettre la naissance d'une classe moyenne comme le soutenait très tôt le philosophe grec Aristote.

Toutefois, cette dernière théorie est qualifiée par certains auteurs (comme Timothée NGAKOUTOU) comme européocentrique car excluant toute possibilité d'émergence de la démocratie dans les régions sous-développées du monde comme l'Afrique. Il s'agit d'une réfutation des idées de Maurice Duverger qui affirmait que : « la démocratie pluraliste correspond à un degré élevé d'industrialisation et les zones d'industrialisation sont les grandes zones de démocratie ».

Par ailleurs il faut dire que la démocratie a aussi des liens avec les droits de l'Homme, liens qu'ils convient de développés.

2. La démocratie et les droits de l'homme

C'est en se référent à l'ouvrage de Timothée NGAKOUTOU que nous seront amenés à élucider ce rapport entre démocratie et droits de l'Homme.

En effet, la démocratie telle conçue aujourd'hui sous le libéralisme a pour socle les droits de l'Homme. Cela par le fait qu'un régime ne peut se réclamer démocratique s'il n'est pas capable d'assurer non seulement le respect des droits et libertés fondamentaux de ses citoyens mais aussi la promotion de ces normes. Il s'agit de droits et libertés politiques et civils dont le droit à la vie, à l'égalité, à la liberté de conscience et de religion, de pensée et d'expression ; ainsi que les droits sociaux, culturels et économiques comme le droit au travail, le droit à l'éducation, à la santé, la liberté d'entreprendre etc... L'observation de ces principes fondamentaux du régime démocratique se traduit dans les pratiques par la participation de tous les membres de la société à tous les niveaux de prise de décision et de leur contrôle. Aussi, faut il insister que l'organisation d'élections libres et transparentes avec le suffrage universel est d'une importance capitale. De même la consécration de l'égalité de tous les citoyens devant la loi par la mise en place d'un système judiciaire indépendant. C'est ainsi qu'il ne peut être surprenant aujourd'hui de voir le patron du Fond monétaire international (FMI), Dominique STRAUSS KHAN, devant les juridictions américaines comme le présumé violeur d'une femme de chambre. Ce fut le cas aussi de l'ancien chef d'Etat malien Moussa Touré qui fut jugé et condamné à la prison à perpétuité par les juges maliens avant d'être gracié sous l'approbation du peuple par le biais de son président de la république Alpha Omar Konaré.

Dans ce contexte, l'universalité des droits de l'Homme s'affirme à plus d'un titre. Ce qui fait d'eux des valeurs communes à tous les hommes et donc un patrimoine commun de toute l'humanité.

Cependant, s'il est vrai qu'on ne peut pas nier cette universalité, il convient de préciser que cela n'existe essentiellement qu'au niveau de la reconnaissance des concepts fondamentaux tels celui d'égalité, de justice.... Mais pour ce qui concerne le contenu de ces concepts, il faut dire que tous les peuples n'ont pas obligatoirement les mêmes interprétations car n'ayant pas les mêmes systèmes culturels. D'où la nécessité de revoir la vision actuelle de l'universalité des droits de l'Homme qui n'est qu'une façon pour l'occident d'asservir les autres parties du monde par sa prétention d'uniformiser ces principes. Ce relativisme culturel tant cher à Bertrand BADIE est aussi soutenu par l'anthropologue français Claude LEVI-STRAUSS (le père du structuralisme).

Ainsi, après cette mise au point conceptuelle, nous nous retrouvons situés dans la philosophie libérale qui semble guider l'essentiel des instruments théoriques qui furent développés pour analyser les transitions démocratiques. C'est donc ces instruments d'analyse que nous tenterons de mettre en exergue dans cette section 2, avec leur tas de problèmes épistémologiques.

* 19 Giovanni SARTORI, Théorie de la démocratie, éd. Librairie Armand Colin, Paris

* 20 Ibid.

* 21 L'évolution des relations politiques depuis 1750, Paris, presse universitaire de France, 1950, p138.

* 22En effet, par crainte de la confiscation de la souveraineté du peuple, Rousseau proposait le système de mandat où il n'y aurait pas de représentants du peuple mais des mandataires. Cependant, précisera que de tel système ne peut être concevable que dans les petits Etats.

* 23 L'empire mandéen de Soundjata Kéita fondé sur l'Historique charte de kurukan fouga au 13ème siècle.

* 24Www. wikipedia.fr : l'histoire de la démocratie.

* 25 Ostwald Martin. La Démocratie athénienne. In: Métis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 7, n°1-2,1992.pp.7-24.Doi:10.3406/métis.1992.975 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1992_num_7_1_975

* 26 Pratique qui visait le bannissement d'un citoyen.

* 27 Ibid.20

* 28 Les femmes et les esclaves et étrangers n'étaient-ils pas exclus ou quasi absents de la société.

* 29 L'exemple du bannissement en est un cas concret ou la mort injuste de Socrate tant déplorée par Platon (La politique)

* 30 Giovanni SARTORRI, p199.

* 31 Ibid. p208

* 32 François CHATELET, Olivier DUHAMEL et Eveline PISIER-KOUCHNER, Histoire des idées politiques, Paris, 1982, éd. presse universitaire de France, p8.

* 33 Giovanni SARTORRI/ Théorie de la démocratie : Expression prise dans le manifeste du parti communiste par Lénine (l'Etat et la révolution, chapitre II, 1, (Moscou, éd. langues étrangères)

* 34Ibid. p326.

* 35 Colas Dominique. La dictature démocratique et la démocratie populaire. Oxymore et pléonasme dans les usages de démocratie, chez quelques marxistes. In: Mots, juin 1999, N°59. pp. 27-46. doi : 10.3406/mots.1999.2546 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1999_num_59_1_2546

* 36 Thèse fortement défendue par Benjamin Constans (François CHATELET, Olivier DUHAMEL et Eveline PISIER-KOUCHNER, Histoire des idées politiques, Paris, 1982, éd. presse universitaire de France, p73, 74.

* 37 Dans ces travaux SHUMPETER critiquait la vision que les anciens avaient de la démocratie en la définissant par la source (volonté du peuple), et par le but (le bien commun)

* 38 Samuel HUNTINGTON, Troisième vague (les démocratisations de la fin du XXe siècle), 1996, éd. Nouveaux horizons, p6,

* 39 Ibid. p7

* 40 Acéphie Venise DUBIQUE, LES ELECTIONS DANS LA TRANSITION DEMOCRATIQUE EN HAITI, 2001-2002 Mémoire de recherche, Université Lumière Lyon2, Ecole doctorale. p18

* 41 http://multitudes.samizdat.net/La science politique et la transition démocratique à l'Est

 

* 42 Marchesin Philippe. Démocratie et développement. In: Tiers-Monde. 2004, tome 45 n°179. pp.487-513.doi :10.3406/tiers.2004.5507 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_12938882_2004_num_45_179_5507

* 43 Ibid. p 488

* 44 World Bank Research Paper Series, n° 2196, September 1999, http://www.worldbank

* 45 19 Morton Halperin, Joseph Siegle et Michael Weinstein, The Democracy Advantage: How Democracies Prom

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