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Ecriture et politique dans "en attendant le vote des bêtes sauvages " d'Ahmadou Kourouma

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par Kossi Wonouvo GNAGNON
Université de Lomé Togo - Maà®trise en lettres 2009
  

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1.2. La satire politique : le Héros in-humain / le Héros- Diable

Le passage de l'espoir à la désillusion est marqué par la corruption de l'épopée. En fait, l'épopée dans En attendant le vote des bêtes sauvages est hypertrophié et invalidé dès les premières lignes du donsomana, le récit purificatoire. En effet, l'ambiguïté des paroles de Bingo et surtout la franchise de celles de Tiécoura, le cordoua, le bouffon, qui semble d'avance invalider l'éloge, constituent des signes précurseurs de la retractatio satirique du style épique. Dans ce cas, nous sommes en présence d'un héros in-humain ou héros-Diable. Sans humanité, le héros-Diable est barbare, tyrannique, sanguinaire et ses exploits constituent une calamité pour le Peuple. Il s'agit en réalité d'une épopée dégradée d'un nouvel Hercule aux prises avec des glossines, épopée inversée d'un enfant qui très vite ne restreint plus sa chasse aux animaux nuisibles, empêchant au contraire les tourterelles de « jouir du repos ». « Quelles étaient l'humanité, la vérité, la nature de cet enfant ? », demande insidieusement Bingo.

Héros In-humain

(Diable)

Héros Sur-humain

(Sauveur)

Les désillusions
politiques

Humain

Sympathique Sadique

Tendre Cruel

Véridique Menteur et fabulateur

Généreux Méchant

Epopée Satire

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Schéma 4 : Pic du passage de l'épopée à la satire dans En attendant le vote des bêtes

sauvages

Le schéma 4 montre le passage de l'épopée à la satire, une représentation littéraire des désillusions politiques postcoloniale dans l'oeuvre.

La satire est définie par le Robert Collège comme « un long poème où l'auteur attaque les défauts, les ridicules de ses contemporains ». En effet, par une pseudo-épopée, Kourouma fait une exposition critique des dictateurs africains de la période postcoloniale. En attendant le vote des bêtes sauvages est une oeuvre satirique qui souvent provoque le rire. L'empereur Bossouma est un personnage super drolatique et comique (pp. 237-239).

Kourouma dénonce par la voix de Bingo, le très doué griot, le mensonge de l'Histoire, les tromperies de l'épopée qu'il est censé chanter. Cette épopée est dite ironiquement et est

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tournée en dérision puis transformée en satire. A moins d'être l'héroïsation d'un criminel, en prétendant faire l'éloge de sa gloire militaire, l'épopée, dans En attendant le vote des bêtes sauvages, fait montre de l'illusion du réel, que la satire déconstruit.

En effet, Bingo, tout en rapportant l'épopée, la dénonce. En racontant le combat de Koyaga avec les montres qui hantaient les paléos, Bingo commence à suggérer les vraies raisons de son succès : « Toujours armé de votre carabine 350 Remington magnum... » (en début de paragraphe), « le coup de la 350 Remington magnum part pour la troisième fois. » L'allusion se fait plus précise au sujet du caïman : « le héros d'Indochine, le tireur d'élite, par trois fois encore vise et fait feu... ». La fin de ce récit montre que Koyaga est plus un assassin qu'un héros sauveur car il ne s'est pas « contenté (notons le caractère paradoxal de cette formulation) de faire passer de vie à trépas les quatre monstres qui terrorisaient tous les pays paléos »: « Avec votre Remington magnum [...] Vous avez tué, rendu orphelins et veufs un lot d'antilopes, de singes, de sangliers... ». Les termes employés, en humanisant les victimes, présentent ces « exploits » comme des crimes et le héros comme un criminel. Ainsi seront dénoncés la dictature, les conneries, les mensonges, et les crimes de Koyaga et des autres dictateurs.

Par cette satire, Kourouma dresse un tableau général de la politique dans l'Afrique postcoloniale. Il dénonce donc le régime policier (p. 302), la terreur milicienne (les Lycaons) et les pratiques violentes (l'émasculation) (pp.98-122), le militarisme (Koyaga est soldat et s'est nommé général ; Bossouma s'est autoproclamé maréchal ; le dictateur au totem léopard est nommé général), les détournements d'argent, moeurs débridées des dirigeants (Koyaga possède une femme dans chaque ethnie pour assurer l'unité de la nation pp. 299-393), le culte de la personnalité, les faux attentats (cinquième veillée) et la propagande généralisée.

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Si la combinaison de l'épopée et de la satire montre les désillusions politiques marquées par l'arrivée au pouvoir des dictateurs, la conciliation de l'écriture et de l'oralité provoque une déstabilisation sémantique, qui symbolise la déchéance et les instabilités politiques postcoloniales.

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