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Les fondements et la doctrine de la politique étrangère américaine

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par Abdessalam Saad JALDI
Université de Mohammédia - Mémoire de fin d'étude pour l'obtention de la licence des études fondamentales droit public section française 2007
  

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Chapitre I : Les héritages fondamentaux de la politique étrangère américaine

Section A : la Destinée manifeste et la mission des Etats Unis 

Aux fondements de la politique étrangère américaine se trouve le concept de « destinée manifeste», qui contient un fort héritage religieux. Il faut se souvenir que la fondation des Etats-Unis est remonte à un groupe de « pères pèlerins » protestants qui quittèrent la « vieille Europe » pour mettre en place un mode de gouvernement « idéal, pur et parfait » sur les territoires du nouveau monde, considéré comme « la Terre promise » (vers 1620). Dès le départ, le souci de créer un état nouveau poussa les fondateurs des États-Unis à limiter les contacts avec les états européens considérés comme décadents. Ainsi, George Washington l'exprima dans son "Testament" (discours d'adieu) en 1796 : c'est la doctrine du « non-entanglement » (non-engagement), qui fut reprise par Jefferson (Président de 1801 à 1809) puis par Monroe, qui s'inspira de ce discours pour sa fameuse doctrine. La doctrine du « non-entanglement » demeure une référence pour les tenants de l'isolationnisme américain :

« Notre Grande règle de conduite envers les nations étrangères est d'étendre nos relations commerciales afin de n'avoir avec elles qu'aussi peu de liens politiques qu'il est possible. Autant que nous avons déjà formé des engagements remplissons-les, avec une parfaite bonne foi. Et tenons-nous en là.

L'Europe a un ensemble d'intérêts primordiaux, qui avec nous n'ont aucun rapport, ou alors très lointain. Par conséquent elle est engagée dans de fréquentes polémiques, dont les causes sont essentiellement étrangères à nos soucis. Par conséquent donc il est imprudent pour nous de s'impliquer, à cause de liens artificiels, dans les vicissitudes ordinaires de sa politique, ou les combinaisons et les conflits ordinaires de ses amitiés ou de ses inimitiés.
[...] Pourquoi renoncer aux avantages d'une situation si particulière ? Pourquoi quitter notre propre sol pour se tenir sur une terre étrangère ? Pourquoi, en entrelaçant notre destin avec celui d'une quelconque part de l'Europe, empêtrer notre paix et notre prospérité dans les labeurs des ambitions, rivalités, intérêts, humeurs ou caprices européens ?
C'est notre politique véritable d'avancer exempt d'Alliances permanentes avec n'importe quelle partie du Monde étranger - Aussi loin, veux-je dire, que nous sommes maintenant capables de le faire - ne me croyez pas capable de recommander d'être infidèle aux engagements existants, (je soutiens la maxime non moins applicable aux affaires publiques que privées, que l'honnêteté est toujours la meilleur politique) - Je le répète donc, continuez à appliquer ces engagements dans leur sens véritable. Mais à mon avis, il est inutile et serait imprudent de les étendre.
»
(Extrait du "Testament", ou discours d'adieu de George Washington, le 19 septembre 1796)

« J'ai toujours considéré comme fondamental pour les Etats-Unis de ne jamais prendre part aux querelles européennes. Leurs intérêts politiques sont entièrement différents des nôtres. Leurs jalousies mutuelles, leur équilibre des puissances (forces), leurs alliances compliquées, leurs principes et formes de gouvernement, ils nous sont tous étrangers. Ce sont des nations condamnées à la guerre éternelle. Toutes leurs énergies sont dévolues à la destruction du travail, de la propriété et des vies de leurs peuples. »
(Thomas Jefferson à James Monroe, 1823)

« Rien n'est plus important que l'Amérique reste séparée des systèmes européens, et en établisse un original. Notre situation, nos objectifs, nos intérêts sont différents. Il doit en être de même pour les principes de notre politique. Tout engagement avec ce région du monde doit être évitée si nous voulons que la paix et la justice soient les (objectifs, caractéristiques) de la société américaine. »
(Thomas Jefferson à J. Correa de Serra, 1820)

Dans la même lignée, en 1823, le Président Monroe (1817-1825) formula sa doctrine de « l'Amérique aux Américains » : Les Etats-Unis promettaient de ne pas s'engager dans les affaires européennes, alors qu'ils regardaient toute intervention des Etats européens sur le continent américain comme une agression. (cette clause était prévue pour protéger les états indépendants d'Amérique Latine des visées coloniales des états européens).
Jefferson comme Monroe se firent ainsi les fondateurs et défenseurs de l'isolationnisme américain, véritable courant de pensée défendu jusqu'à aujourd'hui en matière de politique étrangère américaine

Cette conception « d'exceptionnalisme » américain, qui représenterait le gouvernement le plus abouti et le plus parfait, justifiait l'idée d'une « destinée manifeste » des Etats-Unis, consistant à diffuser son système de valeurs et de gouvernement à travers le monde, afin de le faire progresser à son image.

L'idée d'une mission civilisatrice des Etats-Unis, justifiée par leur modèle de développement infaillible basé sur la démocratie libérale et la foi chrétienne, se forma autour des années 1845, avec la création du concept de Destinées Manifeste : l'auteur de la formule, le publiciste John O'Sullivan, directeur de la Democratic Review, en formulait ainsi les implications : « Notre Destinée Manifeste [consiste] à nous étendre sur tout le continent que nous a alloué la Providence pour le libre développement de nos millions d'habitants qui se multiplient chaque année »

Pour le géopoliticien Yves Lacoste, la « manifest destiny », c'est : « [le] destin, [le] rôle que Dieu aurait manifestement confié à l'Amérique de développer les valeurs de liberté, de justice et de progrès, de les étendre le plus possible et de les défendre contre toute tyrannie »

Vers 1890, les frontières étasuniennes étant fixées, les Etats-Unis étendirent au-delà de celles-ci leur « mission civilisatrice ». Pourtant, en tant qu'ancienne colonie britannique qui avait combattu pour son indépendance, les Etats-Unis ne pouvaient adopter la forme de colonialisme des états européens. C'est pourquoi, à part quelques cas (Philippines, 1898), le mode d'impérialisme américain fut fondé sur l'exportation de valeurs, aussi bien marchandes que culturelles, et ne provoqua pas une perte de souveraineté des pays. Les Etats-Unis, contrairement aux états européens pratiquèrent un expansionnisme économique, commercial et culturel, qui ne reposa pas sur la fondation de colonies (c'est à dire la confiscation de la souveraineté d'un Etat pour le contrôler). La mission des Etats-Unis devait être de « civiliser » le monde, le rendre à son image, pour faire littéralement le bonheur des autres états malgré eux.

Ce principe de « destinée manifeste » se conjugua de façon différente selon les deux grandes orientations - réalistes ou idéalistes - qui allèrent former le socle de la politique étrangère américaine.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault