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Les fondements et la doctrine de la politique étrangère américaine

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par Abdessalam Saad JALDI
Université de Mohammédia - Mémoire de fin d'étude pour l'obtention de la licence des études fondamentales droit public section française 2007
  

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Section B : Pratique et évolution de la politique étrangère américaine durant la Guerre Froide

Un contexte international contraignant : la Guerre Froide et ses doctrines

Le contexte international particulier que fut celui de la « Guerre Froide » contraignit fortement la politique étrangère américaine. En effet, l'URSS et l'idéologie communiste représentaient le pendant du modèle américain. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l'URSS émergea comme seconde grande puissance après les Etats-Unis. Elle profita des bouleversements de l'après-guerre pour imposer son modèle en Europe orientale et en Asie. L'animosité et l'affrontement étaient inévitables entre les deux puissances qui jouèrent de leurs moyens militaires et financiers pour faire avancer leurs pions.

La théorie de politique étrangère qui domina et déclencha la Guerre Froide était la politique dite de « l'endiguement », ou « Containment ». Elle fut formulée ainsi par George Kennan en 1947, dans un article publié dans Foreign Affairs : « Le principal élément de toute politique des Etats-Unis vis-à-vis de l'URSS doit être un endiguement des tendances expansives de la Russie, à long terme, avec patience, mais fermeté et vigilance ».

Cette politique fut appliquée par le président Truman (1945-1953) qui devait assurer la transition d'une politique wilsonienne à une politique réaliste. Le plan Marshall, prévoyant une aide économique importante pour les pays exsangues d'Europe occidentale, en fut l'outil le plus important : en effet, il permit de conserver dans le giron des démocraties libérales ces pays sans ressources suite à la guerre. Lorsque les moyens financiers ne suffisaient pas à trancher, les deux puissances s'affrontèrent militairement, comme ce fut le cas durant la guerre de Corée de 1950-1953.
Dans ce contexte, les réalistes furent prépondérants et développèrent des théories solides sur lesquelles devait reposer l'action politique, comme celle que formula Morgenthau en 1948 : une vision réaliste doit impliquer que la stabilité internationale repose sur l'équilibre des forces, toute tentation de recourir à la violence devant être désamorcée par la menace crédible d'une contre-violence. La diplomatie mise en oeuvre fut donc celle de la dissuasion.

Les démocrates wilsoniens dans la guerre froide

Rapidement, l'acquisition par l'URSS de l'arme atomique rendit improbable un affrontement frontal, car un tel conflit aurait mené à une destruction mutuelle des belligérants. C'est l'équilibre de la terreur qui contraignit les présidents américains à pratiquer une politique étrangère pragmatique :

- John F. Kennedy (1961-1963), démocrate wilsonien, créa les « Peace corps », corps de volontaires pour le développement, la préservation de la paix et la diffusion des valeurs américaines. Mais confronté à la crise des fusées de Cuba en 1962, il appliqua une « realpolitik » face à l'URSS. De plus, face à l'avancée du communisme au Vietnam, il y envoya les premières troupes américaines.
- Son successeur, Lyndon Johnson (1963-1969), mena une politique libérale au plan intérieur (abolition de la ségrégation raciale en 1964), mais s'enfonça maladroitement au Vietnam en engageant de plus en plus de troupes.

La guerre de Vietnam initie une nouvelle ligne de partage des politiques : les « faucons », partisans du prolongement de l'engagement américain, et les « colombes » qui souhaitent la paix.

La rupture néo-réaliste du tandem Nixon-Kissinger (1969-1974)

« L'équilibre des puissances et non la paix est l'objectif de tout homme d'Etat qui doit être pragmatique et réaliste et prêt au compromis en évitant des objectifs idéologiques ».
Henry Kissinger.

Lors de son arrivée au pouvoir en 1969, le républicain Nixon appela l'expert en politique étrangère Henry Kissinger au poste d'assistant pour les affaires de sécurité nationale. Ce duo mena la politique la plus réaliste (et la moins idéologique) de l'histoire des Etats-Unis. Kissinger renouait avec le réalisme traditionnel de Roosevelt en le modernisant, Nixon partageant cette vision du monde : le duo poursuivit certes la politique d'endiguement vis à vis de l'URSS, mais il porta un regard froid sur cette lutte en refusant de prendre en compte le facteur idéologique.

Nixon et Kissinger considérèrent la Guerre Froide comme un affrontement entre deux grandes puissances dont les intérêts étaient concurrents. La mise en sourdine de la lutte idéologique permit à Nixon de se retirer du Vietnam en 1973 et de fonder une alliance stratégique avec l'autre grand pays communiste qu'était la Chine. Ce revirement inattendu constitua un véritable « coup de poker » du duo qui se révéla être un grand succès diplomatique, menant à la « détente » (accords avec l'URSS sur la limitation des armes stratégiques, SALT I en 1972 et SALT II en 1974).
Pourtant les Etats-Unis se fourvoyaient dans des alliances avec des états autoritaires, participant au renversement de Salvador Allende par le Général Pinochet au Chili, en 1973. Après la démission de Nixon suite au scandale du Watergate, Gerald Ford (1974-1977) reprit le flambeau présidentiel en conservant Kissinger à la tête de la politique étrangère du pays. La continuation de la politique précédente aboutit à la signature des accords d'Helsinki en 1975, fondant la CSCE (Conférence sur la Sécurité et la coopération en Europe, avec participation de l'URSS et des USA).
Nixon et Kissinger, en pratiquant un réalisme poussé qui n'avait pas été repris depuis Théodore Roosevelt, bouleversèrent les données de la politique étrangère américaine pour une courte durée. En effet, dès 1977, le démocrate Carter, renoua avec la tradition américaine mêlant morale et politique.

Carter et le retour de la morale (1977-1981)

En 1977, après les présidences républicaines de Nixon et Ford, le démocrate Carter ré-instaura la morale et le droit dans la politique américaine, par la promotion et la défense des droits de l'homme dans le monde. Ce nouveau cheval de bataille lui permit de continuer à s'opposer à l'URSS sur ce point tout en nouant des alliances plus morales et moins opportunistes. Cela permit pour un temps de redonner une « virginité idéologique » aux USA, qui s'étaient compromis avec des régimes autoritaires durant les années 1970. Le meilleur exemple en est sans aucun doute le travail que fit Jimmy Carter pour qu'israéliens et égyptiens signent un accord de paix. La rencontre de Camp David entre Anouar el-Sadate, président égyptien, et Menahem Begin, premier ministre israélien en 1979, fut l'un des faits marquants de la présidence de Carter. Cependant, l'idée de la supériorité et de l'exception américaines étaient toujours présents : « Nous avons notre forme de gouvernement démocratique que nous pensons être la meilleure. Dans tout ce que je fais concernant la politique intérieure ou extérieure, j'essaie de faire en sorte que les gens réalisent que notre système fonctionne [...] et que cela puisse servir d'exemple à d'autres. » (Carter, Discours du 2 mai 1977).
Souhaitant se rallier d'autres partenaires, les Etats-Unis pratiquèrent une politique d'ouverture, de séduction et de « coexistence pacifique » avec l'Union Soviétique notamment. Pourtant, l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS en 1979 marqua la fin de cette politique et le retour à la politique de Containment.

La synthèse reaganienne (1981-1989) : la fin du multilatéralisme ?

Selon plusieurs auteurs, le président Ronald Reagan a incarné une synthèse presque parfaite des courants réalistes et idéalistes de la politique étrangère américaine.

- D'un côté, il entraîna l'URSS dans la « Guerre des étoiles », projet titanesque qui contribua en grande partie à grever les finances déjà vacillantes de l'Union Soviétique, il fit financer et armer les opposants au communisme dans plusieurs pays (antisandinistes du Nicaragua, combattants afghans et surtout islamistes en Afghanistan...), et gagna l'opinion publique à sa politique en la présentant en des termes manichéens, désignant l'URSS comme « l'Empire du mal », et s'attaquant déjà à « la confédération des Etats terroristes » , visant essentiellement l'Iran et la Libye. (Discours sur l'état de l'Union de 1985).
- D'autre part, Reagan se fit le fer de lance de la lutte pour la diffusion de la démocratie dans le monde. S'appuyant sur une théorie formulée par Jeanne Kirkpatrick selon laquelle les dictatures de droite, contrairement à celle de gauche (communisme) sont capables de s'auto-réformer au point de se transformer en démocraties libérales, il élargit de façon conséquente les territoire d'application de la démocratisation et justifiait l'importance des moyens qu'il désirait consacrer à cette cause : « Autour du monde aujourd'hui, la révolution démocratique gagne en force [...]. Nous devons être fermes dans notre conviction que la liberté n'est pas uniquement la prérogative de quelques privilégiés mais un droit inaliénable et universel pour tous les êtres humains » (Discours du 8 juin 1982).

Mêlant dans ses discours des idées de puissance et de morale, Reagan réussit ainsi à construire une véritable « morale stratégique » américaine : combattre pour la démocratie dans le monde devait permettre la préservation des intérêts américains en tant que première démocratie.
Agissant selon des pratiques réalistes, il désirait cependant renverser le statu-quo au profit des Etats-Unis, et non plus maintenir l'équilibre, comme le fit Nixon. Il utilisait la démocratie non seulement comme fin, mais également comme moyen pour arriver à des fins plus pragmatiques : la chute de l'URSS.

Toutefois, il convient de préciser que contrairement aux wilsoniens qui favorisaient le multilatéralisme, Reagan n'eut aucun scrupule à agir seul, unilatéralement, dédaignant des institutions internationales qui avaient intégré depuis les années 1960-1970 de nombreux pays du Tiers-Monde, peu favorables aux USA.
Ce dédain à l'égard des institutions internationales allait s'amplifier durant les années 1990 et suivantes...

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo