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Le régime de l'administration transitoire des territoires en droit international.

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par Luc Yannick ZENGUE
Université de Yaoundé II (SOA) - Diplôme d'études approfondies en droit international public et communautaire 2007
  

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SECTION II : LES LIMITES LIEES A L'ETABLISSEMENT ET AU FONCTIONNEMENT DE LA MISSION D'ADMINISTRATION INTERIMAIRE

Dans le domaine de l'administration directe de territoires, les Nations Unies, contrairement à leur grande expérience en matière d'OMP classiques, ne possèdent pas encore un savoir-faire ou mieux, un savoir- administrer important. D'où les lacunes observées dans l'établissement (Paragraphe 1) et le fonctionnement (Paragraphe 2) des Missions d'administration intérimaire.

Paragraphe 1 : Les lacunes de la décision d'établissement d'une Mission d'administration intérimaire

Les insuffisances de la résolution du Conseil de Sécurité instituant une présence internationale se manifestent d'abord à travers l'instauration d'une insécurité et d'une imprévisibilité juridiques (A) sur l'espace terrestre provisoirement retranché du territoire d'un Etat. Ensuite, l'on a l'ambigüité des textes constitutifs (B) des Missions. Le cas d'espèce pour cette partie de notre étude sera essentiellement la MINUK.

A. L'instauration d'une insécurité et d'une imprévisibilité juridiques

Au jour de l'adoption de la résolution 1244 (1999) la question du droit applicable au Kosovo n'aurait pas reçue une réponse claire même émanant du juriste le plus aguerrit en la matière. Pareille situation devait suivre quelques mois plutard au Timor oriental. C'est en effet que les résolutions en cause gardent le silence sur le droit applicable, en même temps qu'elles hypothèquent considérablement la mise en oeuvre du droit local préexistant.

1- L'incroyable silence sur le droit applicable

La mise en place d'une administration intérimaire entraine ipso facto, l'écroulement du système judiciaire local préexistant. Ce qui emporte des difficultés sérieuses pour l'encadrement des activités de la Mission. L'on aurait pu s'attendre à ce que concomitamment à l'adoption de sa résolution, le Conseil renseigne la Mission sur le droit applicable ne serait-ce que dans l'urgence. Mais une telle préoccupation ne fait point l'objet d'une partie de la résolution ; ce qui est à plus d'un titre, regrettable.

A titre d'illustration, on ne trouve aucune référence aux principes et règles du droit

international économique qui seraient pertinents pour encadrer les composantes économiques des Missions. Cette approche limitée est confirmée par le mandat conféré au Bureau des affaires juridiques de l'ONU par le Secrétaire général concernant l'examen des Règlements de l'ONU au Timor oriental et au Kosovo354(*). Le Secrétaire général adjoint chargé des affaires juridiques en poste à l'époque a ainsi observé que « [it] became quite an extensive activity. Not that we questioned the substantive solutions in customs, taxation, banking or whatever the subject matter was. Our task was to review the regulations from a constitutional viewpoint. That is: were they in conformity with the Charter, the pertinent Security Council resolutions, international human rights standards, etc.? »355(*). Certes, certains droits de l'homme peuvent être pertinents pour évaluer la conduite d'activités économiques, l'exemple le plus significatif étant le droit à la propriété privée, qui offre des garanties et une protection contre des abus. Il n'en demeure pas moins que ces normes s'avèrent insuffisantes et ne peuvent constituer un cadre juridique adéquat pour les activités économiques de l'ONU et des autres institutions concernées, si on pense notamment aux exigences de libre concurrence et de non-discrimination. Il apparaît de ce fait nécessaire de rappeler l'importance du respect de la règle de droit dans le domaine des échanges internationaux, des marchés publics ou encore de la concurrence en matière de reconstruction économique, notamment pour contribuer au respect de la non-discrimination dans ses différentes manifestations.

En effet, le Groupe d'étude sur les opérations de paix des Nations Unies (Groupe Brahimi), en se référant aux administrations internationales au Kosovo et au Timor oriental, a eu l'occasion de décrier l'effet néfaste du manque de détermination de façon explicite du droit applicable. Si elle n'a pas la réponse au droit applicable, la Mission internationale ne peut ni se déployer promptement sur le terrain, ni remplir avec satisfaction son mandat. Malheureusement, les modèles de code intérimaires souhaités par le Groupe Brahimi n'existent pas encore356(*).

Quoiqu'il en soit des résultats auxquels est parvenu le groupe d'étude mis sur pied sur la base des recommandations du Groupe Brahimi, l'on est en droit de conclure que, par le respect qui est dû au principe de la sécurité juridique et de la prévisibilité du droit applicable, l'exigence d'un droit et d'une procédure uniformes sur tout le territoire s'impose dès le début des opérations internationales. Le Conseil de Sécurité, sur la base du rapport normalement soumis par le Secrétaire général relatif à l'institution d'une opération donnée, se doit de mettre au clair quel est le droit applicable par le personnel de la mission civile et militaire dès les premières heures du déploiement sur le territoire.

Cette limite de la résolution du Conseil peut avoir des conséquences catastrophiques notamment sur la situation des droits de l'Homme, d'autant plus que le droit local antérieur se trouve gravement hypothéqué.

2- Une mise en oeuvre du droit local antérieur hautement hypothéquée

Le droit local préexistant dont le seul reproche que l'on puisse adresser à son égard est généralement lié à la nature de l'autorité de qui il émane, subis malencontreusement souvent une triple censure : la censure de la résolution du conseil, ensuite celle de la population locale, et enfin celle du RSSG.

D'abord pour ce qui est de la limitation de l'application du droit local préexistant imposée par le Conseil, bien qu'elle puisse être salutaire, elle cache mal certaines ambigüités. Le Conseil subordonne l'application du droit local à sa conformité aux standards internationaux en matière de droits humains, à la Mission de la MINUK et aux règlements du RSSG.

Il faut dire d'emblée que la pénétration réelle du droit international dans le droit national dépend de deux éléments entrelacés : l'applicabilité directe des normes concernées, ou leur caractère « self-executing » ; le niveau hiérarchique réservé à ces normes au sein de l'ordre juridique interne.

Les règlements adoptés par la MINUK et l'ATNUTO ne se préoccupent pas de classifier les normes internationales en fonction de leur applicabilité directe. La formule choisie (« international [...] standards [...] as reflected in particular») a un caractère fourre-tout. Une norme internationale est self-executing si elle est suffisamment détaillée pour être appliquée directement par l'autorité publique, et si elle peut être directement invoquée par un sujet du droit interne (personne physique ou morale) devant un juge interne ou l'administration nationale, sans requérir aucune mesure d'exécution.357(*) Cependant, les modalités de la mise en oeuvre au niveau interne des normes internationales dépendent normalement du contenu et du stade de l'évolution du droit interne en les matières concernées. Le caractère self-executing d'une norme doit être établi dans une évaluation d'espèce.

Malgré l'absence d'une réception formelle, ces normes sont considérées tout de même comme faisant partie intégrante du droit applicable au Kosovo et au Timor oriental. On pourrait dès lors parler d'un « monisme » imposé, qui écarte à la fois la nécessité de toute ratification et de tout acte d'incorporation en droit interne.

Cependant, l'inscription du mandat de la Mission et des Règlements du RSSG en tant que référents au même titre que le droit international, nous laisse supposer que ces deux sources pourraient exprimer des positions contraires à l'esprit et à la lettre du droit international. Cet état de chose placerait véritablement le territoire concerné dans une insécurité juridique notoire.

Pour sa part, la conditionnalité de l'application du droit local constituée par la révolte décalée de la population locale, et l'exercice à tout prix des pouvoirs législatifs du RSSG, est fantaisiste, puisque sans fondement juridique, et démesurée parce que résultant de la boulimie de compétences du RSSG. De plus, le travail de révision du droit local ne fut ni complet ni systématique.358(*) Le personnel international dut se familiariser avec l'ancien droit yougoslave et kosovar, respectivement indonésien, dans le domaine pénal, civil et administratif. La tâche d'identifier les lois devenues inapplicables, moyennant une comparaison avec les standards internationaux et les actes du RSSG, fut laissée finalement à chaque opérateur juridique, avec tous les risques d'une application arbitraire et inégale du droit qui s'ensuivent.359(*) Au Kosovo, le droit serbe d'après 1989 n'a été appliqué, jusqu'à nos jours, que par les structures parallèles serbes existant dans les trois municipalités du nord du territoire ou dans les enclaves.360(*) Au Timor oriental, monsieur MORROW rapporte que « In the absence of a review mechanism, the pragmatic ambitions of Regulation No 1999/1 in perpetuating Indonesian Law within certains safeguards provided by international law were severely curtailed. UNTAET was, in general, unable to select strategically form the best of Indonesian law, opting instead to grapple with the politically convenient, but legally impossible, task of legislating anew with insufficient resources. Thus, what may have been a jurisprudential problem quickly revealed itself as a practical one: UNTAET's legal authority was certain, but its actual ability to exercise that authority was the subject of self-fashioned constraints »361(*). Cet état de chose favorise la survivance de plusieurs dispositions incompatibles avec les règlements adoptés par les Missions ainsi qu'avec les standards internationaux en matière de droits de l'homme.

Le texte instructeur de la Mission d'administration internationale contient parfois des ambigüités néfastes à l'atteinte des buts fixés.

* 354 Cf. le Rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'Organisation, Assemblée générale, Documents officiels, Cinquante-cinquième session, Supplément n° 1 (A/55/1), 2000, p. 48, §325, disponible sur le site Internet www.un.org.

* 355 CORRELL (H.), «A challenge to the United Nations and the world : developing the rule of law», Temple International and Comparative Law Journal, vol. XVIII, n° 2, 2004, p. 397.

* 356 KOLB (R), PORETTO (G.) et VITE (S.), L'application du droit international humanitaire et des droits de l'Homme aux organisations internationales : Forces de paix et administrations civiles transitoires, p. 302

* 357 Voir HUET (A.), KOERING-JOULIN, (R.), Droit pénal international, Paris, PUF, 1993, p. 40 ; VERHOEVEN, (J.), « La notion d'`applicabilité directe' du droit international », Revue belge de droit international, vol. 15, 1980, pp. 243ss.

* 358 MORROW (J.), WHITE (R.), « The United Nations Transitional East Timor: International Standards and the Reality of Governance », Australian Yearbook of International Law, vol. 22, 2002, pp. 8ss.

* 359 Sur l'application par les juges du droit en vigueur avant mars 1989, voir le Rapport du Secrétaire général du 23 décembre 1999 (Doc. NU S/1999/1250, par. 5).

* 360 Voir rapport « Property Rights  in Kosovo », présenté en janvier 2002 par le Department of Human Rights and Rule of Law de la Mission de l'OSCE au Kosovo, p. 14

* 361 MORROW (J.), WHITE (R.), Ibid., p. 11

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