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La thématique de l'environnement dans la jurisprudence de la cour internationale de justice.

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par Serge ITOUROU SONGUE
Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) - Master II 2011
  

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CHAPITRE 2 :
LA FORMULATION D'OBLIGATIONS PRECISES ET DES CONDITIONS D'EXCLUSION DE L'ILLICEITE DU FAIT ETATIQUE

Au sens large, l'obligation est le « lien juridique par lequel un sujet de droit international est tenu envers un ou plusieurs autres, d'adopter un comportement déterminé ou de s'en abstenir102(*) ». Cette définition nous renseigne sur le caractère de l'obligation, car selon la citation, l'Etat qui souscrit une obligation est tenu de se comporter en conséquence. C'est dire que l'obligation a un caractère contraignant pour les parties concernées. Ce caractère contraignant soulève certaines difficultés en droit international de l'environnement où les normes ont une substance « tellement peu contraignante que l'obligation de l'un et le droit de l'autre deviennent presque insaisissables103(*) ». C'est certainement la raison pour laquelle la Cour a procédé à la précision de ces obligations (section 1).

Par ailleurs, la Cour procède à un examen des questions de responsabilité. Elle affirme que c'est au regard du droit de la responsabilité des Etats qu'il y a lieu d'apprécier dans quelle mesure la suspension ou la dénonciation d'une convention qui serait incompatible avec le droit des traités engage la responsabilité de l'Etat qui y a procédé104(*). Mais les considérations environnementales sont prises en compte ici, non pas pour déterminer les conditions dans lesquelles la responsabilité internationale d'un Etat peut être engagée pour un fait illicite, mais plutôt pour examiner les conditions d'exclusion de l'illicéité d'un acte (section 2).

Section 1 : La formulation d'obligations précises à la charge des Etats

Une obligation peut avoir pour objectif d'amener un sujet de droit international à adopter un comportement déterminé ou à s'en abstenir. La Cour Internationale de Justice fait bien cette distinction dans sa jurisprudence lorsqu'elle met à la charge des Etats des obligations positives (paragraphe 1) et des obligations négatives (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les obligations positives.

L'obligation positive est considérée ici comme celle qui prescrit un comportement déterminé à un sujet de droit international. Il s'agit d'une obligation de faire pouvant trouver son fondement dans une convention internationale ou dans une norme coutumière. Jochen Sohnle parle de « principes procéduraux105(*) » devant être respectés par les Etats. Il s'agit notamment de l'obligation d'évaluer l'impact environnemental des projets (A) et de l'obligation de coopération entre les Etats (B).

A - L'obligation d'évaluer l'impact environnemental des projets.

L'obligation qu'ont les Etats d'évaluer l'impact sur l'environnement des projets et activités qu'ils mènent peut être considérée comme faisant partie des normes fondamentales du droit international de l'environnement (1). Toutefois, son affirmation dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice pose encore des difficultés, notamment celles qui ont trait à la détermination du responsable de l'étude d'impact environnemental et à la sanction pour manquement à l'obligation d'évaluer (2).

1 - L'évaluation de l'impact environnemental comme norme fondamentale du droit international de l'environnement

« La conscience que l'environnement est vulnérable et la reconnaissance de ce qu'il faut continuellement évaluer les risques écologiques se sont affirmées de plus en plus dans les années qui ont suivi la conclusion du traité »106(*). L'évaluation de l'impact environnemental dont l'importance est ainsi consacrée revêt deux formes : lorsqu'elle s'applique à un projet de création d'entreprise ou d'exercice d'une activité, elle est qualifiée d'étude d'impact environnemental et se rapproche du principe de prévention. Par contre, si elle intervient lorsque l'entreprise est opérationnelle ou lorsque l'activité est déjà exercée, elle prend le qualificatif d'audit environnemental et se présente comme une forme de mise en oeuvre du concept de développement durable.

- Le principe de prévention a été clairement consacré par la Cour dans son arrêt du 25 septembre 1997. Elle affirme en effet que « dans le domaine de la protection de l'environnement, la vigilance et la prévention s'imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l'environnement »107(*). C'est donc la nature du risque environnemental qui impose l'adoption des mesures de prévention au premier rang desquelles figure l'étude d'impact environnemental.

L'étude d'impact environnemental s'entend de toutes mesures appropriées et efficaces ayant pour but de prévenir l'effet qu'une activité pourrait avoir sur l'environnement. C'est ce qui ressort de l'article 3 de la convention d'Espoo (Finlande) du 25 Février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière. Aux termes de cet article, « la partie d'origine veille à ce que, conformément aux dispositions de la présente convention, il soit procédé à une évaluation de l'impact sur l'environnement avant que ne soit prise la décision d'autoriser ou d'entreprendre une activité (...), qui est susceptible d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important ». De même, le principe 17 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement énonce qu' « une étude d'impact sur l'environnement, en tant qu'instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs importants sur l'environnement et dépendent de la décision d'une autorité nationale compétente ». Lorsqu'elle n'est pas bien menée, l'étude d'impact environnemental ne permet pas de prévenir efficacement les risques d'atteinte à l'environnement que présentent certaines activités. Cet argument a été mis en avant par la Hongrie pour prouver l'incertitude face à laquelle elle se trouvait et qui justifiait la terminaison du traité. Elle soulevait en effet que les études menées avaient été insuffisantes et que l'état des connaissances à l'époque ne permettait pas d'évaluer pleinement les incidences écologiques du projet Gabcikovo-Nagymaros108(*).

- Contrairement à l'étude d'impact environnemental qui intervient avant la création d'une entreprise ou l'exercice d'une activité, l'audit environnemental intervient lorsque l'entreprise est déjà opérationnelle ou lorsque l'activité est déjà exercée. La Cour a expressément reconnu la nécessité qu'il y a d'évaluer « continuellement » les risques écologiques des projets déjà actifs. Elle précise aussi la prise en compte de nouvelles normes et exigences pour la réalisation de l'audit environnemental. En effet, « ces normes nouvelles doivent être prises en considération lorsque les Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le passé. Le concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de l'environnement109(*) ». De l'avis de la Cour, l'étude d'impact environnemental et surtout l'audit environnemental permettent de parvenir au développement durable. Mais, la Cour Internationale de Justice ne fait pas une distinction claire entre l'étude d'impact environnemental et l'audit environnemental. Elle fait simplement allusion à une étude continue qui suppose à la fois une étude préalable à un projet et une étude pendant la réalisation du projet. Mais cette distinction ressort clairement de l'opinion dissidente du juge Weeramantry. Ce dernier affirme en effet que: « Environmental law in its current state of development would read into treaties which may reasonably be considered to have a significant impact upon the environment, a duty of environmental impact assessment and this means also, whether the treaty expressly so provides or no, a duty of monitoring the environmental impacts of any substantial project during the operation of the scheme ...110(*)». L'utilisation des termes «assessment » et «monitoring » montre bien la distinction entre l'étude d'impact environnemental et l'audit qui sont les deux variantes du plan de gestion environnemental. Mais, l'obligation d'évaluer l'impact environnemental ainsi affirmée pose des problèmes pour ce qui est de la détermination du responsable de l'étude et de la sanction pour manquement.

2 - Le problème de la détermination du responsable de l'étude et de la sanction en cas de manquement.

L'arrêt du 25 septembre 1997 suscite des interrogations quant à l'Etat qui a la charge de l'étude d'impact environnemental, mais aussi pour ce qui est de la sanction en cas de manquement à l'obligation d'évaluer l'impact environnemental d'un projet.

- Aux termes de l'article 2 (1) de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, « les parties prennent, individuellement ou conjointement, toutes mesures appropriées et efficaces pour prévenir, réduire et combattre l'impact transfrontière préjudiciable important que des activités proposées pourraient avoir sur l'environnement ». Cette disposition ne précise pas cependant les hypothèses où les mesures d'évaluation peuvent être individuelles ou conjointes ; bref elle ne permet pas de savoir, dans une situation concrète, qui a la charge d'évaluer l'impact environnemental d'un projet. Mais le principe 17 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement apporte plus de précision sur la question lorsqu'il énonce qu' « une étude d'impact sur l'environnement, en tant qu'instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs importants sur l'environnement et dépendent de la décision d'une autorité nationale compétente ». C'est dire que l'étude d'impact environnemental incombe unilatéralement à un Etat dès lors que les activités envisagées dépendent de la décision d'une autorité nationale compétente. A contrario, lorsque les activités envisagées dépendent de deux ou plusieurs autorités nationales, on pourrait s'attendre à une étude d'impact conjointe. C'est la position que semble avoir adopté la Cour lorsqu'elle rejette l'argument de la Hongrie selon lequel « les recherches concernant l'impact du projet sur l'environnement incombaient à la Tchécoslovaquie111(*) ». Selon la Tchécoslovaquie, « les recherches concernant l'impact du projet sur l'environnement n'incombaient pas exclusivement à la Tchécoslovaquie, mais à l'une ou à l'autre des parties, selon l'emplacement des ouvrages112(*) ». La Cour va dans le même sens que la Tchécoslovaquie en affirmant que « la responsabilité d'agir de la sorte était une responsabilité conjointe113(*) ». Elle va plus loin dans la partie normative de son arrêt lorsqu'elle prescrit aux parties d'examiner à nouveau ensemble les effets sur l'environnement de l'exploitation de la centrale de Gabcikovo114(*).

L'étude d'impact environnemental est donc à la charge des parties à un projet conjoint et elle incombe unilatéralement à un Etat lorsqu'il s'agit d'un projet national. Mais, même dans le cas d'un projet national pouvant avoir un impact au-delà des limites territoriales de l'Etat, une étude conjointe peut être menée entre la « partie d'origine » et la « partie touchée » à condition que cette dernière accepte de participer à la procédure d'évaluation115(*).

- La convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans contexte transfrontière et le principe 17 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement renseignent également sur le moment de l'étude d'impact environnemental116(*). C'est dire, à la lecture de ces dispositions, que l'absence de mesures appropriées et efficaces de prévention de l'impact sur l'environnement d'un projet envisagé est une violation de « ...l'obligation de procéder à une étude d'impact sur l'environnement complète et objective117(*) ». Mais bien que la Hongrie et la Tchécoslovaquie aient reconnu les risques écologiques que présentait le projet Gabcikovo-Nagymaros118(*), la Cour n'a pas cru devoir s'attarder sur le manquement à une obligation de droit international de l'environnement mais plutôt, sur la conformité au droit des traités des mesures de suspension et d'extinction du traité de 1977 prises par la Hongrie.

Par ailleurs, la conclusion à laquelle aboutit la Cour résulte d'une interprétation restrictive des conditions de suspension des traités prévues par le droit des traités. En effet, la Cour estime que même si la construction et l'exploitation du barrage étaient de nature à créer des risques graves, la Hongrie avait à sa disposition des moyens, autres que la suspension et l'abandon des travaux, et par conséquent, du traité liant les parties119(*). La Cour entend par là la possibilité pour les parties de modifier le traité. Mais, compte tenu de l'insuffisance des études disponibles et de l'irréversibilité des dommages causés à l'environnement, il ne peut être attendu des parties qu'elles puissent efficacement adapter leur traité aux circonstances nouvelles. Il serait plutôt plus réaliste pour les parties de suspendre les travaux et d'engager des études complètes et appropriées, ce qui reviendrait à reconnaître une certaine particularité au risque écologique comme condition de suspension des traités. En insistant sur la possibilité qu'avaient les parties d'adapter leur traité conformément aux articles 15 et 19 relatifs respectivement à la protection de la qualité des eaux et à la protection de la nature, la Cour semble privilégier l'audit environnemental à l'étude d'impact. On pourrait en tirer la conclusion selon laquelle l'absence d'une étude d'impact complète et appropriée n'empêche pas aux Etats d'engager certaines activités, à condition que ces dernières puissent être plus tard adaptées aux exigences environnementales. Même si cette solution présente l'avantage de maintenir le lien conventionnel entre la Hongrie et la Tchécoslovaquie, elle ne permet pas de sanctionner la violation de l'obligation d'évaluer l'impact sur l'environnement des projets envisagés, ce qui suscite des interrogations quant au caractère contraignant de cette obligation. Qu'en est-il de l'obligation de coopération ?

* 102Salmon (J) dir., Dictionnaire de Droit International Public, Bruxelles Bruylant /ACIF, 2001 P.765.

* 103 Weil (P), « Vers une normativité relative en droit international ? » Op.cit. P. 7

* 104 Par. 47, al.1.

* 105 Sohnle, « Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la C.I.J. : l'affaire Gabcikovo-Nagymaros », Op.cit P. 115.

* 106 Projet Gabcikovo-Nagymaros, para 112 Al. 5

* 107 Projet Gabcikovo-Nagymaros Par. 140 Al.3

* 108 Par. 57 Al. 3

* 109 Par. 140 Al.4.

* 110 Projet Gabcikovo-Nagymaros (opinion individuelle du juge Weeramantry).

* 111 Projet Gabcikovo-Nagymaros, Par. 41.

* 112 Par. 45 Al. 1.

* 113 Par. 112 Al. 3

* 114 Par. 140 Al. 5

* 115 Lire dans ce sens le texte de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, Article 3 (4).

* 116 Pour le premier texte, l'article 3 précise que l'Etat d'origine veille à ce qu'il soit procédé à une évaluation de l'impact sur l'environnement avant que ne soit prise la décision d'autoriser ou d'entreprendre une activité. Quant au principe 17, il pose qu'une étude d'impact doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs importants sur l'environnement.

* 117 Usines de pâtes à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine C. Uruguay), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 23 Janvier 2007, P2.

* 118 Par. 38 Al. 2 et 3.

* 119 Par. 55 Al. 3.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci