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Dynamique des réseaux et des systèmes de communication des migrants sénégalais en France

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par Moda GUEYE
Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 - Doctorat de géographie 2010
  

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9.4 L'influence des migrants sur la vie politique au Sénégal

Malgré la distance, les migrants accordent une attention particulière à l'organisation et la gestion des affaires publiques dans leur pays d'origine. Cette attention porte plus précisément sur la constitution, les institutions et les différents partis politiques qui cherchent à conquérir le pouvoir (le régime au pouvoir et les partis d'opposition). L'ampleur des discussions politiques dans la diaspora témoigne en effet de l'intérêt des migrants pour la chose publique. Les discussions sur la vie politique sont inhérentes à la nature même des Sénégalais. Elles sont habituellement au centre des questions débattues dans les maisons, les lieux de travail, les universités et les lycées, les marchés, les grand-places... Et tout le monde y participe avec un certain enthousiasme, hommes, femmes, jeunes, intellectuels comme illettrés, spécialistes comme profanes. Aussi, il n'est pas

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étonnant d'observer cette frénésie dans la participation citoyenne en ligne à travers principalement les sites portails, les espaces de discussion en ligne, les sites web des médias sénégalais et les blogs.

Les technologies de l'information et de la communication, et plus particulièrement Internet, offrent aux citoyens de nombreuses possibilités d'exprimer de façon instantanée des opinions diverses à travers notamment les espaces publics de rencontres et d'échanges sans se préoccuper outre mesure des contraintes spatiales et temporelles, « habituellement attachées à l'expression en public » (F. Greffet et S. Wojcik, 2008). Cette multiplication des espaces de discussion sur Internet a été favorisée davantage par l'avènement du web 2.0. Ces multiples façons d'interagir entraînent des changements profonds dans les relations entre les acteurs politiques et les citoyens. On passe ainsi d'une démocratie représentative à une démocratie participative avec l'émergence des e-citoyens capables de se mobiliser pour influer sur les décisions publiques, notamment à travers les forums, les courriers électroniques, les listes de discussion, les messageries instantanées, les blogs ou les webradios.

N'importe quel internaute peut participer aux débats politiques et donner ses opinions relatives aux problèmes sociaux du moment sur Internet. La manière dont les Sénégalais de la diaspora, du moins une partie d'entre eux, prend la parole en ligne pour discuter des questions cruciales qui engagent l'avenir de l'ensemble des composantes de la société sénégalaise révèle en fait cette forte conscience citoyenne qui est en train de se développer au-delà des frontières de l'État-nation sénégalais.

On assiste à l'émergence des e-citoyens. Par ailleurs, on constate que les forums des sites portails Seneweb et Xalima apparaissent particulièrement dynamiques dans les échanges en ligne sur la chose publique. Les participations politiques en ligne ont tendance à être particulièrement animées durant les jouxtes électorales (élections présidentielles et législatives de 2007 et élections locales de 2009).

Les participants peuvent, de manière synchrone ou asynchrone, publier des informations, faire des propositions, émettre des soutiens ou des critiques et prendre facilement la parole en ligne. On note cependant une fréquence des échanges polémiques souvent peu respectueux. Au lieu de faire des échanges argumentés, certains internautes préfèrent profiter de l'anonymat que procure Internet pour se livrer à des invectives et

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finissent par polluer complètement ces agoras politiques. D'où la réaction de cet internaute qui écrit :

«L'utilisation de la toile par nos compatriotes ne se fait pas toujours dans le respect des valeurs qui ont concouru à l'édification de la cohésion et de la stabilité nationale. Des énergumènes, anarchistes à souhait, assaillent la toile pour y déverser des insanités, des insultes et des appels à l'insurrection, dans le cadre des forums proposés par les sites d'information ou simplement dans des sites servant de quartiers généraux aux guérilléros qui ont déclaré la guerre au régime. Aujourd'hui, les internautes sont relativement gâtés par les sites d'information en continu qui leur servent le traitement quotidien de l'information sous toutes ses formes et cerise sur le gâteau des espaces d'expression et d'échanges communément appelés forums. Cependant, la totalité des interventions interactives relevées dans les forums vont à l'encontre des valeurs fondamentales de notre République. Les internautes foulent au pied toutes les recommandations et les consignes données par les administrateurs des sites. En vérité, avant de poster un commentaire, il est demandé au surfeur d'être courtois, de ne pas envoyer de message vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée ou ayant un ton agressif ou insultant. Mais que nenni, les internautes agissent contrairement à ces orientations et les forums deviennent dès lors, des nids d'insultes où les autorités religieuses, politiques et coutumières en prennent pour leurs grades.

Les autorités de ce pays doivent prendre à bras le corps ce phénomène qui risque, si l'on n'y prend garde, d'embraser notre pays. Les autorités policières et le conseil national de régulation de l'audiovisuel sont interpellés, au plus haut chef, afin de mettre un terme à ces dérives qui peuvent, d'un moment à l'autre, couler notre barque ».

Il convient de souligner qu'au Sénégal le débat politique accapare tout l'espace public. Cette situation est aggravée par les médias plus enclins à traiter les informations politiques que les informations sociales, culturelles ou économiques. C'est pourquoi, on observe une forte dose de politique au niveau des usages de l'Internet par les Sénégalais de l'intérieur comme ceux de l'extérieur. Par exemple, au moment de l'affaire dite des « chantiers de Thiès »171, de nombreuses initiatives ont été mises en place sur Internet par des membres de la diaspora en faveur de l'ancien premier ministre Idrissa Seck. Ses

171 Dans le cadre des travaux effectués pour la fête de l'indépendance qui devait être organisée dans la ville de Thiès, l'ancien premier ministre et maire de ladite ville, Idrissa Seck, a été accusé de dépassements budgétaires colossaux par le président Abdoulaye Wade. A la suite de ces accusations, le maire de Thiès a été arrêté et incarcéré à la prison de Reubeus. Il s'ensuivit des révélations scandaleuses entre les deux hommes. Ce feuilleton politico-judiciaire a pris le pays en otage de juillet 2005 jusqu'à ce que la Commission de la Haute Cour de justice rende un non lieu total le 4 mai 2009, mettant ainsi définitivement fin aux poursuites pour malversations lancées contre Idrissa Seck.

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partisans ont utilisé le web, d'une part pour mettre en place des mouvements de soutien et sensibiliser l'opinion publique nationale et internationale et aussi, d'autre part comme moyen de pression sur les autorités sénégalaises afin d'obtenir sa libération. C'est ainsi que deux sites web ont été créés par de jeunes citoyens sénégalais vivant à l'étranger pour s'impliquer à ses côtés et le soutenir pour réaliser son ambition de devenir le quatrième président du Sénégal : www.idiforsenegal.com et www.idyforever.com.

Sites web 43. Sites des membres de la diaspora exigeant la libération d'Idrissa Seck ou soutenant sa candidature à l'élection présidentielle de 2007

Pour montrer leur opposition catégorique au projet « monarchique » du président Abdoulaye Wade, une partie de la diaspora sénégalaise est en train de se mobiliser depuis l'année 2009 autour du site web http://jamaisdemonarchieausenegal.politicien.fr afin de coordonner ses actions. C'est à la suite d'une discussion avec des compatriotes commerçants dans une ville de la France portant comme d'habitude sur le projet de succession du président Abdoulaye Wade par son fils Karim Wade que l'auteur, qui s'attribue le pseudonyme de « fipoucat » (mot wolof qui signifie « celui qui se révolte »), a eu l'idée de mettre en place ce site web. Ce site est donc un espace ouvert à tous les Sénégalais qui veulent se mobiliser contre ce projet de dévolution monarchique du pouvoir. C'est un lieu virtuel de rassemblement de toutes les forces vives de la nation sénégalaise afin d'oeuvrer ensemble pour le maintien des acquis démocratiques, et au-delà, laisser le choix souverain au peuple sénégalais d'élire librement le prochain

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président en 2012. Ce site sert donc de tribune de réflexion sur les actions éventuelles à mener. Déjà, un espace a été créé sur le site pour permettre aux partisans de cette cause d'entrer en contact et de communiquer par courrier électronique entre eux. En outre, pour élargir la réflexion, certains ont suggéré d'utiliser Skype comme moyen de rencontre. Aujourd'hui, le site n'est plus en ligne. Certainement, son propriétaire n'a pas obtenu les résultats escomptés, la mobilisation semblant être en-deça de ses espérances. Toujours est-il qu'un groupe opposé à ce « projet de dévolution monarchique du pouvoir » au Sénégal s'est constitué sur le réseau social Facebook. Outre son initiateur, un jeune du nom d'Amadou Ndir, et son administratrice, une jeune sénégalaise du nom d'Alima SY, le groupe regroupe d'autres jeunes sénégalais ainsi que des artistes comme Didier Awadi et des hommes politiques tels que Talla Sylla, l'ancien premier ministre Macky Sall et le maire de Mermoz-Baobab-Karack Barthélémy Diaz.

Nous observons ici comment Internet contribue indéniablement à modifier les manières de lutter pour une cause citoyenne à travers des échanges argumentés. Ces e-citoyens, inquiets du devenir de la démocratie dans leur pays, invitent les Sénégalais de l'intérieur et de l'extérieur de tous bords à se mobiliser afin d'exercer une vigilance citoyenne et rester attentifs au risque de « dévolution monarchique du pouvoir » au Sénégal. Les discussions en ligne montrent que ces e-citoyens sénégalais comptent profiter au maximum des potentialités d'Internet pour jouer pleinement leur rôle de sentinelle de la bonne gouvernance.

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Site web 44. Site des membres de la diaspora opposés à la monarchie au Sénégal

Sur l'initiative du professeur Arona Ndoffène Diouf, des Sénégalais se sont regroupés aux Etats-Unis entre 2007-2008 pour constituer le mouvement « Alternative Citoyenne Sunureew » (ACAD). D'après ses initiateurs, « ce mouvement est ouvert à tous les citoyens sénégalais qui souhaitent s'engager à défendre une démocratie pluraliste au Sénégal, à sortir le pays de sa crise multiforme et à construire un progrès social réel et durable au bénéfice des populations ».

Basé aux États-Unis, le mouvement a étendu ses tentacules dans presque tous les États. Ce qui lui assure un bon maillage territorial et lui permet de toucher un public plus large. L'ACAD est présente aussi en France, au Canada, en Italie, en Espagne, en Australie, au Brésil et au Japon. En Afrique, des délégations ACAD existent au Sénégal, au Gabon, au Maroc, en Côte d'Ivoire, en Egypte et en Mauritanie. Les membres de la coordination de Paris estiment avoir appris à connaître le professeur Diouf sur Internet, à travers son émission diffusée sur Seneweb.com. Cependant, sur fond de divergence portant sur le nom de domaine avecprdiouf.com, les membres de la coordination de Paris ont présenté leur démission collective le 4 mars 2010, pour montrer leur refus catégorique « d'une personnalisation du mouvement ». Dans le « Blog des supporters », on peut trouver des commentaires et des soutiens à la candidature du professeur Arona Diouf aux prochaines élections présidentielles qui seront organisées au Sénégal en 2012. Ainsi, le projet que ce candidat déjà déclaré veut soumettre aux Sénégalais est accessible sur le site

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www.acadsenegal.com172. En outre, les internautes désirant apporter leurs soutiens financiers, peuvent également acheter des tee-shirts, des casquettes, des tasses, des horloges frappés du logo de l'ACAD dans la boutique virtuelle qui se trouve sur le site. Afin d'élargir son cercle d'adhérents, un formulaire en ligne permet d'adhérer facilement au mouvement.

Site web 45. Site web du professeur Arona N'Doffene Diouf et de ses partisans

En outre, les émissions politiques à travers les webradios des sites portails Seneweb.com, Xalima.com, Archipo.com et Allodakar.com deviennent des moyens privilégiés par lesquels les animateurs participent à conscientiser les internautes. Il s'agit principalement de « Dég-Dëg » sur Seneweb radio, présentée par Souleymane Jules Diop depuis le Canada, de « Yéwuleen. La voie citoyenne » et de « Waxtan ci biir Askanwi » animées par le professeur Arona Ndoffène Diouf en direct de Caroline du nord aux Etats-Unis, de « Diaspora » et « Penc Mi » présentées par Amath Diouf depuis Houston, de « Guiss-Guiss » avec Adama Diouf et l'émission « Boppu Koñ » animée par Modibo sur Archipo.com et Allodakar.com. A travers les informations fournies et les débats démocratiques électroniques qu'ils suscitent, ces médias prennent part à l'apprentissage de l'échange politique et de la citoyenneté des internautes. Internet devient le moyen

172 Les internautes peuvent trouver sur le site www.acadsenegal.com des informations sur l'idéologie du mouvement, son projet de société pour « la démocratie, le pouvoir au peuple et une nation sénégalaise unie ».

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privilégié pour des échanges argumentés, « pour se forger des opinions autonomes » (F. Greffet et S. Wojcik, 2008) et où se développent des aptitudes favorables à l'engagement citoyen où à la participation politique. Toutes les possibilités des outils informatiques sont exploitées pour sauvegarder et renforcer la démocratie au Sénégal, mobiliser les citoyens en vue des prochaines élections présidentielles et proposer des idées pouvant favoriser « l'invention de nouvelles formes d'action politique » (F. Greffet et S. Wojcik, 2008). De même, toutes les sphères électroniques sont investies pour favoriser les échanges et les discussions politiques entre les « cyberparticipants ». La confrontation des diverses opinions en ligne se traduit parfois par des contenus bien argumentés. Malheureusement, il est fréquent que les débats soient envenimés par des internautes intolérants et irresponsables. Ces « échanges polémiques illustrent l'importance du caractère conflictuel des échanges en ligne » (F. Greffet et S. Wojcik, 2008).

En raison de son poids démographique et de son rôle considérable dans le développement économique et social, la diaspora constitue à présent une force politique non négligeable. Elle peut vraisemblablement trouver dans les TIC un moyen de mobiliser efficacement ses membres afin de mettre en place un dispositif cohérent, organisé sous forme de migrants citoyens et capable de peser sur les décisions collectives sans se préoccuper des contraintes géographiques. Pour Patrice Flichy (2008), Internet favorise « l'exercice de la vigilance citoyenne ». Nicolas Benvegnu et Mathieu Brugidou (2008) ajoutent que ces dispositifs, en facilitant la prise de parole « sont venus enrichir et compléter les modes de gestion politiques taditionnels, en laissant davantage de place à la discussion et à la place des citoyens ».

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo