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Dynamique des réseaux et des systèmes de communication des migrants sénégalais en France

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par Moda GUEYE
Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 - Doctorat de géographie 2010
  

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5.1.4 Les points d'accès

Contrairement à la France où chaque ménage dispose quasiment d'un accès assez facile à Internet, l'accès individuel reste encore un luxe hors de portée des moyens financiers de la grande majorité des ménages au Sénégal. Les points d'accès publics sont localisés pour la plupart à Dakar et la banlieue populaire de Pikine. Annie Chéneau-Loquay (2004) remarque à ce propos qu'en Afrique « les cybercentres « high-tech », fréquentés surtout par les touristes, les étrangers, les hommes d'affaire, les étudiants, sont implantés dans les centres-villes des capitales, centres d'affaire de Dakar, d'Abidjan ou de Libreville ». En outre, un des traits marquants au niveau des accès à Internet ouverts au public est, d'une part, l'existence de déséquilibres et d'inégalités non seulement au sein de la capitale sénégalaise dont la particularité est un centre-ville (le Plateau, quartier à la fois des affaires et siège de l'administration, des ambassades et des organisations internationales) bien desservi alors que des quartiers situés juste à proximité et de surcroît fortement peuplés comme Rebeuss, Médina, Gueule Tapée, Fass et Colobane sont très peu pourvus

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en points d'accès et de connexion. On distingue d'autre part, dans les régions, des capitales régionales relativement bien connectées tandis que de nombreuses localités notamment dans les zones rurales sont encore laissées en rade. Les cybercafés constituent les principaux lieux collectifs d'accès à Internet. En avril 2007, leur nombre était estimé à plus de 800 d'après l'Observatoire des Systèmes d'Information, les Réseaux et les Inforoutes au Sénégal (OSIRIS). La grande majorité des cybercafés a de nos jours essentiellement recours à l'ADSL. Grâce notamment à l'augmentation de la bande passante et à la diminution des coûts de la Sonatel, le tarif de l'heure de connexion proposé dans ces lieux publics d'accès a enregistré une baisse substantielle, en passant de 2000 FCFA (3 euros) à 200 FCFA (0,30 euros). Les cybercafés proposent généralement aux clients différentes sortes de services tels que l'accès à Internet naturellement, mais aussi les possibilités de faire des photocopies, d'envoyer des fax, de téléphoner, d'acheter des cartes téléphoniques et parfois même des journaux, et bien d'autres services encore. La concurrence étant très rude, les cybercafés rivalisent de plus en plus d'ingéniosité pour attirer et fidéliser leur clientèle. Il existe également d'autres lieux publics permettant à la population sénégalaise d'accéder à Internet : les centres multimédias communautaires (CMC) et les centres d'accès à Internet dans le cadre du projet appui au désenclavement numérique (ADEN).

L'implantation des CMC au Sénégal provient d'une initiative majeure prise par l'UNESCO en partenariat avec le gouvernement du Sénégal, et aussi avec le soutien financier de l'Agence suisse pour la coopération et le développement. Les CMC ont pour vocation d'être des plateformes où les habitants des villages et des quartiers urbains pauvres peuvent disposer d'ordinateurs connectés à Internet, d'équipements multimédias et de radios communautaires. Au Sénégal, le premier CMC109 a été ouvert le 19 août 2005 dans la commune de Khombole située dans la région de Thiès, principalement dans le but d'aider les femmes de la localité, vivant essentiellement du petit commerce et du micro-crédit, à développer la culture du henné et assurer sa commercialisation via Internet. Les CMC se sont par la suite répandus sur l'ensemble du territoire sénégalais. Vingt quatre CMC ont été répertoriés dans les principales régions du pays : région de Dakar (commune de Guinaw Rails dans la banlieue de Pikine et commune de Sébikotane dans le département de Rufisque), région de Thiès (Khombole, le village de

109 Voir l'article d'Ibrahima Sylla. Analyse de l'accès aux TIC dans les centres multimédias communautaires. In CHENEAU-LOQUAY (Dir.). Accès aux nouvelles technologies en Afrique et en Asie. Netsuds, Août 2009, n°4, CEAN-CNRS/AFRICANTI.

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Ndayane sur la Petite Côte), région de Fatick (village de Soucouta et île de Niodior dans le département de Foundiougne, Guinguinéo dans le département de Gossas), région de Kaolack (commune de Ndoffane et commune de Koungheul), région de Ziguinchor (commune de Bignona), région de Kolda (communauté rurale de Tanaff, Diaobé et département de Vélingara), région de Tambacounda (Kédougou, Saraya et Goudiry), région de Matam (Waoundé, Ranérou et Matam), région de Saint-louis (communauté rurale de Pété et village de Bokhol), région de Louga (communauté rurale de Thièl et communauté rurale de Keur Momar Sarr) et la région de Diourbel (commune de Diourbel). Au total, ces CMC, au nombre de vingt quatre, permettent aux populations non seulement d'accéder plus facilement aux TIC, de s'informer et de pouvoir communiquer avec le reste du pays et la forte population émigrée, mais ils ont aussi pour mission de permettre aux populations de participer davantage aux débats sur les questions de gouvernance locale, d'appuyer les efforts et organiser les initiatives développées dans la production, la transformation, la conservation et la commercialisation des produits agricoles et halieutiques, dans le petit commerce informel et d'autres activités génératrices de revenus. En définitive, on peut dire que les CMC ont pour vocation de lutter contre les inégalités dans l'accès à l'information, d'améliorer les conditions de vie des populations, de diversifier l'accès aux ressources financières, de contribuer à la protection de l'environnement et à la préservation de la biodiversité.

Initiative prise en 2003 sous l'égide du ministère français des affaires étrangères, le projet ADEN est un programme de coopération internationale en faveur de la mise en place en Afrique de centres publics d'accès à Internet plus particulièrement dans des zones rurales dynamiques mais qui en sont dépourvues, afin de lutter contre la fracture numérique (Chéneau-Loquay, 2009). Au Sénégal, deux centres ADEN équipés d'une connexion haut débit, en partenariat avec l'opérateur Orange-Sonatel, ont été ouverts d'abord à Coubanao dans la région de Ziguinchor en 2006, puis à Odébéré dans la région de Matam en 2007. Ce centre ADEN ouvert à Odébéré vise, entre autres, à faciliter et renforcer les relations entre les populations locales et les communautés installées en France ou dans d'autres pays étrangers, à travers la communication par Internet.

Essentiellement communautaire à ses débuts, l'accès à Internet commence peu à peu à se faire à domicile pour quelques Sénégalais habitant à Dakar pour la plupart. Les baisses successives des prix ont en effet contribué à augmenter le nombre d'abonnés,

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notamment dans les quartiers résidentiels et de la classe moyenne à Dakar. Assez faible jusqu'en 2004, la connexion à Internet résidentiel commence à se répandre au sein d'un certain nombre de familles dakaroises qui l'utilisent surtout pour communiquer avec les membres de la famille à l'étranger.

Toutefois, il convient de souligner qu'à l'heure actuelle l'accès à Internet au Sénégal reste dans l'ensemble relativement limité. A titre de comparaison, on relève, d'après les données statistiques fournies par Perspective Monde de l'université de Sherbrook au Canada, que le Sénégal comptait 9,69 utilisateurs d'Internet pour 100 habitants au moment où la France enregistrait 60,027 utilisateurs pour 100 habitants en 2009110. Toujours à titre de comparaison, 15.930.000 (source : journaldunet.com) Français avaient un accès Internet à domicile en 2005 alors que le Sénégal ne comptait la même année que 9.196 abonnés résidentiels (source : artp-senegal.org).

110 Composée d'enseignants et de professionnels d'horizons divers, Perspective Monde fournit des informations et des statistiques sur presque tous les pays du monde. Données disponibles sur le site web http://perspective.usherbrook.ca. Consulté le 22/05/10.

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Tableau 4. Nombre d'utilisateurs Internet pour 100 habitants au Sénégal et en France

Années

Sénégal

France

1990

0

0,05

1991

0

0,14

1992

0

0,28

1993

0

0,59

1994

0

0,9

1995

0

1,64

1996

0,01

2,59

1997

0,03

4,27

1999

0,31

9,16

2000

0,4

14,36

2001

0,98

26,44

2002

1,01

30,3

2003

2,1

36,18

2004

4,39

39,21

2005

4,79

42,96

2006

5,61

49,06

2007

6,89

51,16

2008*

8,35

55,927

2009*

9,69

60,027

Source : Perspective monde. Les dernières années, marquées par un astérisque (X), sont des estimations effectuées à partir des cinq données précédentes, selon un modèle de régression linéaire simple.

L'observation de la carte des points d'accès publics à Internet révèle la présence de lieux publics d'accès à Internet dans toutes les régions sénégalaises. La carte n°2 montre en effet que les utilisateurs peuvent se connecter à Internet à travers presque tout le pays. S'il est clair que les cybercafés constituent les principaux points d'accès publics à Internet, on voit aussi que le Sénégal bénéficie également d'infrastructures d'accès collectifs à Internet dans le cadre de la coopération internationale. Comme on peut le voir sur la carte, la capitale sénégalaise, Dakar, possède le réseau de cybercafés le plus dense du pays. Ce boom des cybercafés dans la région du Cap-Vert peut s'expliquer par le fait que Dakar concentre quasiment toutes les activités économiques et culturelles du pays. De même, c'est là où se trouvent concentrer les populations, les services administratifs, les représentations diplomatiques, les ONG, l'université et les instituts de formation, etc. On peut dire aussi qu'une bonne partie du pays est desservie à travers les programmes ADEN (Appui au Désenclavement Numérique) et dans une moindre mesure par les

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CMC (Centre Multimédia Communautaire). Il est clair que les programmes ADEN et les CMC participent au désenclavement numérique dans de nombreuses zones au Sénégal.

Pour plus d'informations sur les accès à Internet en Afrique en général et au Sénégal en particulier, tout un travail a été réalisé au sein du réseau Africanti. Nous recommandons par conséquent aux lecteurs de se rendre sur le site www.africanti.org. Anaïs Lafitte (2001) a mené des enquêtes sur les lieux et les usages de l'Internet dans les cybercentres localisés dans le quartier administratif du Plateau de Dakar. Elle distingue deux catégories de cybercafés dans cette aire spatiale, notamment les cybercafés purs et les télécentres/cybercafés. Dans les premiers, n'est proposée « que la connexion à Internet (et une éventuelle formation à l'outil) » tandis que dans les seconds sont proposés des services téléphoniques et Internet avec parfois aussi la possibilité d'envoyer et de recevoir des fax et également de faire des photocopies. Annie Chéneau-Loquay démontrait déjà en 2002 que l'accès s'avérait un problème essentiel dans les territoires africains. Elle remarquait fort justement la primauté de l'accès à Internet au niveau des centres villes et son utilisation quasi exclusive par les élites désormais mieux reliées aux centres mondiaux qu'à leur propre hinterland. Toujours dans la même période, Thomas Guignard (2002) mettait en lumière cette « émergence paradoxale » de l'Internet au Sénégal, avec ses disparités importantes entre Dakar et le désert numérique sénégalais, et aussi au sein même des régions. Plus tard en 2004, Annie Chéneau-Loquay se penche à nouveau sur les formes d'accès à Internet, en privilégiant leur diffusion à l'échelle locale. Ainsi, à travers une démarche géographique qui combine à la fois « la territorialité du phénomène et le jeu des acteurs concernés », elle met en évidence l'importance des modes d'accès essentiellement collectifs, du fait selon elle de la situation de pauvreté dans laquelle se trouve la grande majorité de la population de l'Afrique de l'Ouest.

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Carte 3. Points d'accès publics à Internet

Sources : Cyberdensité sénégalaise en 2001 par Thomas Guignard, CMC sur carte Centres Multimédias Communautaires réalisée par l'UNESCO

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus