WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La règle du double degré de l'instruction dans le droit répressif camerounais

( Télécharger le fichier original )
par Rodrigue TCHATCHOUANG TCHEJIP
Université de Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies (DEA) en droit privé 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§- II Les pouvoirs de la Chambre de Contrôle de l'Instruction

Il était déjà admis pour souligner la portée du pouvoir de la Chambre qu'il est «le contrôle général de la procédure préalable nécessaire à la décision définitive de clôture de l'information»114(*). Dans le même sens et de manière plus précise, une doctrine bien avisée remarque que le pouvoir de révision reconnu à la Chambre est : «le droit qu'à la chambre d'accusation de réparer les omissions commises par le juge d'instruction, de redresser les qualifications données au fait délictueux, de statuer sur tous les chefs de crimes, de délits ou de contravention résultant des dossiers de la procédure, d'inculper des personnes qui n'ont pas été renvoyées devant elle et, à la fin de son examen, de renvoyer les individus poursuivis devant la juridiction de jugement compétente»115(*). Il faudrait, pour résumer ceci dire avec GUYENOT que la Chambre de Contrôle de l'Instruction apparaît comme le professeur qui corrige l'élève116(*). Il est donc évident que la Chambre de Contrôle agit aussi bien sur les actes d'instruction (A) que sur les actes de juridiction du juge d'instruction (B).

A- La compétence de la Chambre de contrôle sur les actes d'instruction

La Chambre de Contrôle dispose de deux mécanismes principaux pour contrôler ou agir sur les actes d'instruction du juge d'instruction. Il s'agit du contrôle de l'opportunité de ces actes (i) et du contrôle de la régularité des actes d'instruction (ii).

i- Le contrôle de l'opportunité des actes d'instruction

La Chambre de Contrôle de l'Instruction est qualifiée à la fois de juge de l'instruction et d'instruction117(*), dans la mesure où elle met en exergue les erreurs et omissions du juge d'instruction et procède elle-même aux actes d'instruction. Elle dispose de plusieurs moyens légaux pour ses missions, le contrôle de l'opportunité met en oeuvre le pouvoir de révision de la Chambre de contrôle de l'instruction. Le pouvoir de révision de la Chambre n'étant possible qu'à certaines conditions (a), il s'exerce suivant des modalités propres (b).

a- Les conditions d'exercice du pouvoir de révision

Pour que la Chambre de Contrôle exerce son pouvoir de révision, elle doit être saisie de l'affaire tout entière. Cependant, si elle n'est saisie que d'une partie de l'affaire, son pouvoir de révision interviendra après qu'elle ait mis en oeuvre son droit d'évocation. Cette dernière pratique lui permet selon certains auteurs d'élargir sa saisine118(*). Dès lors, on peut analyser le pouvoir de révision du juge de l'instruction selon qu'il est saisi de la totalité de l'affaire (1) ou qu'il ait été saisi pour une partie de celle-ci (2).

1- La Chambre de Contrôle de l'Instruction est saisie de l'affaire tout entière

Il faudra certainement creuser dans la législation et la doctrine française pour mieux comprendre l'exercice du pouvoir de révision de la Chambre de Contrôle en cas de saisine de celle-ci d'une affaire toute entière. En effet, le double degré de l'instruction étant obligatoire en cas de crime, son pouvoir de révision est automatiquement applicable lorsque le juge du premier degré rend une ordonnance de mise en accusation contestée par appel devant la Chambre. Dans une deuxième hypothèse, le Procureur Général peut qualifier de criminelle les faits contenus dans une ordonnance de renvoi devant un tribunal correctionnel ou de police. En saisissant la Chambre, celle-ci devra réviser toute la procédure.

Enfin, la troisième hypothèse vise un non lieu rendu par un arrêt de la Chambre. En cas de réouverture de l'information sur réquisition du Procureur Général, la procédure devra reprendre devant cette même Chambre119(*). Au Cameroun, la loi n'est pas suffisamment claire sur cette procédure. Toutefois, on peut l'admettre suivant une interprétation téléologique de certains textes. L'article 281 alinéa 1 dispose par exemple que ; «Lorsque la Chambre de Contrôle de l'Instruction est saisie conformément aux dispositions des articles 277 et 278, elle examine la régularité de l'ensemble des actes de procédure qui lui sont soumis».

Il faut sous-entendre dans le texte une permission de l'exercice du pouvoir de révision de la Chambre. Dans le même sens, l'article 277 permet à la Chambre en cas d'appel contre les ordonnances du juge d'instruction en matière de détention provisoire ou de surveillance judiciaire, de restitution des objets saisis de donner mainlevée du mandat ou de la mesure, soit de restituer ou non les objets saisis. Généralement, la loi permet que le dossier soit renvoyé soit au même juge d'instruction, soit à un autre lorsqu'elle infirme certaines décisions120(*).

2- La Chambre de Contrôle de l'Instruction est saisie partiellement de l'affaire

Les termes de l'article 279 sont d'application stricte. Cet article dispose en effet que : «lorsque la Chambre de Contrôle de l'Instruction infirme une ordonnance de clôture de l'information judiciaire, elle peut évoquer et statuer à nouveau».

On comprend ici que la Chambre de Contrôle de l'Instruction ne peut s'atteler à annuler où à confirmer l'acte contesté sans l'avoir totalement étudié. Il est donc souvent nécessaire pour elle, d'évoquer avant de réviser. L'évocation lui permet ainsi de prendre connaissance de l'entièreté du dossier.

Il est cependant important de noter que ce droit est facultatif pour la Chambre de contrôle. De la même manière, la loi limite ce droit aux appels contre les ordonnances de clôture à l'exclusion de toute autre. En France, l'objet de la saisine pouvant entraîner le droit d'évoquer est plus large. Il peut s'agir des appels des mises en cause contre un rejet d'une demande de mise en liberté. Des requêtes des parties, du Procureur, du juge d'instruction même tendant à l'annulation d'un acte irrégulier.

En tant que possibilité offerte à la Chambre de Contrôle de l'Instruction d'étendre l'information à des faits et personnes autres que ceux qui étaient visés dans les poursuites, le droit d'évocation n'est pas obligatoire. Il en est ainsi car il touche à la question très sensible des rapports entre juge d'instruction et Chambre de Contrôle de l'Instruction qui par voie de conséquence présente un aspect sanctionnateur 121(*).

b- Les modalités d'exercice du pouvoir de révision

«La Chambre de Contrôle de l'Instruction peut soit d'office, soit à la demande du Procureur Général ou de tout autre partie, ordonner tout supplément d'information qu'elle estime utile. Il y est procédé, soit par le président de la chambre, soit par un magistrat du siège de la Cour d'Appel ou par le juge d'instruction désigné à cet effet»122(*).

«Lorsque la Chambre de Contrôle de l'Instruction constate que le juge d'instruction n'a pas statué sur certains faits dont il était saisi ou que le réquisitoire introductif d'instance a omis de le saisir de tous les faits révélés par les procès-verbaux d'enquête préliminaire, elle est tenue d'ordonner qu'il soit informé sur toutes infractions ressortant du dossier d'enquête préliminaire»123(*).

La lecture de ces deux textes donne à profusion des éclairages sur les modalités de mise en oeuvre du pouvoir de révision par la Chambre de Contrôle de l'Instruction. Il s'agit en effet dans le premier cas des suppléments d'information et dans le second de la prorogation des actes d'instruction.

1- Le supplément d'information

Le supplément d'information n'est pas un acte obligatoire pour la Chambre de Contrôle de l'Instruction. Il est facultatif. Il permet quand besoin y est d'étendre la procédure d'information à des faits nouveaux ou à instruire de nouveau sur les mêmes faits en faisant intervenir des personnes nouvelles. Il peut être fait soit à l'initiative de la Chambre de Contrôle, des parties ou du Procureur Général. La conduite de ces actes dépendra de la Chambre de Contrôle de l'Instruction qui peut commettre son président, un magistrat du siège de la Cour d'Appel ou un juge d'instruction.

2- La prorogation des actes d'instruction

Elle est instituée par l'article 282 du code de 2005. La loi permet à la Chambre de Contrôle de l'Instruction de pouvoir agir sur des faits non instruits par le juge d'instruction. Peu importe que les faits aient existé dans les réquisitoires. Il s'agit là du visage exact du pouvoir de révision. Cette possibilité donnée à la Chambre de contrôle de l'instruction pour étendre l'information pose deux problèmes principaux.

D'abord, il y a une violation du principe de la saisie in rem. La Chambre de Contrôle passe outre cette saisine et se saisit d'elle-même des faits nouveaux. Cette forme d'auto saisine au demeurant interdite viole ainsi le principe séparatiste des fonctions répressives.

Ensuite, la Chambre de Contrôle dans sa saisine in personam n'est pas liée. Elle peut étendre l'instruction à qui elle veut si elle le juge nécessaire. Toutefois, la jurisprudence admet que chaque fois qu'une nouvelle personne doit intervenir dans ces circonstances, il s'agira plutôt d'un supplément d'information dans le but de respecter les droits de la défense124(*). Il n'est cependant pas permis de perdre de vue que cette possibilité d'action vise la célérité dans l'accomplissement des actes d'instruction, et surtout à remplir la fonction idéale du droit qui est de rendre la justice et surtout la bonne justice.

ii- Le contrôle de la régularité des actes d'instruction

Si la loi de 2005 consacre une théorie générale des nullités, c'est dans un but précis. Elle recherche un équilibre entre les intérêts des personnes concernées et ceux de la société125(*). En effet, l'article 3 du code dispose : « la violation d'une règle de procédure pénale est sanctionnée par la nullité absolue (...) elle peut être invoquée à toute phase de la procédure par les parties, et doit l'être d'office par la juridiction de jugement ».

Dans le même sens, l'article 251 dispose que tout acte d'instruction accompli en violation des articles 164, 167, 169 et 170 est nul. L'article 3 est plus précis en parlant de nullité absolue. Cependant, doit-on penser que les nullités de l'acte d'instruction relève de l'article 4 du code de procédure pénale ? La réponse semble négative dans la mesure où les actes d'instruction peuvent porter préjudice aux droits de la défense et porter atteinte à l'ordre public. Est souvent aussi restée une question délicate la définition de la notion même ``d'acte d'instruction''. La jurisprudence française l'a définie suivant deux acceptions. Dans un premier temps, ne constituent pas les actes d'instruction les décisions juridictionnelles qui ne peuvent faire l'objet de contrôle que suite à l'exercice d'une voie de recours126(*). Ensuite, les actes d'instruction sont tous les actes ayant contribué à la recherche de la vérité par le juge d'instruction, ainsi que ceux accomplis au cours de l'enquête préliminaire127(*). Ces différentes conceptions permettent sans doute de déterminer quels actes peuvent être sanctionnés soit de nullité relative ou de nullité absolue. Elles permettent aussi de relever la nuance entre les nullités textuelles et substantielles. Si les premières sont bien définies par la loi pénale, les secondes quant à elles font l'objet d'une définition doctrinale.

Quelque soit la nature d'une nullité, on s'accorde pour reconnaître la compétence de la Chambre de Contrôle de l'Instruction quant au contrôle de la régularité de celle-ci. Il est important d'analyser la mise en oeuvre des nullités (a) avant de voir les effets qu'elles peuvent produire (b).

a- La mise en oeuvre des nullités

La procédure d'annulation devant la Chambre de Contrôle reste une question complexe de l'instruction préparatoire. Elle peut être amenée à sanctionner les irrégularités. Cependant, il faut qu'elle soit saisie. La procédure de contrôle de régularité est mise en oeuvre par les mécanismes prévus aux articles 252, 253 et 254. Il s'agit en principe de l'ordonnance de transmission du juge d'instruction. Elle peut être faite sur réquisition du Procureur de la République, à l'initiative des parties ou même du juge d'instruction. La loi dispose que lorsque le Procureur de la République constate des actes entachés de nullité, il requiert par écrit au juge d'instruction de transmettre le duplicata du dossier au président de la Chambre de contrôle de l'instruction en vue de l'annulation de l'acte vicié. Dans le sens inverse, le juge d'instruction peut lui aussi constater des actes entachés de nullité. Il avise le Procureur de la République par écrit qui requiert la Chambre de Contrôle par un acte appelé ordonnance de transmission.

Dans cet imbroglio, les parties agissent uniquement contre les actes qui font grief à leurs intérêts propres ou à la bonne administration de la justice. Elles saisissent par écrit le juge d'instruction par requête pour que l'acte soit annulé. Le juge d'instruction procède comme il est décrit à l'article 253. Ce qui est certain est que l'acte annulé produit des effets sur la suite de la procédure.

b- Les conséquences des nullités

La principale conséquence de la nullité ne peut se poser que par rapport à l'étendue de celle-ci. Nous nous demandons s'il y a lieu de rapprocher la nullité d'un acte à la théorie de la jurisprudence américaine des fruits de l'arbre empoisonné ; en d'autres mots, à la nullité de la procédure tout entière ? Sur cette interrogation les regards sont divergents. Il peut arriver que la nullité soit partielle ou qu'elle soit totale, ou que la nullité de l'acte entraîne nullité procédurale. Le Cpp n'est pas précis sur la détermination des nullités applicables. Tantôt il parle de la transmission du dossier en vue de ``l'annulation de l'acte vicié'' ou de  ``l'annulation dudit acte''. Tantôt encore, il parle simplement et sans précision de la transmission du dossier à la Chambre de Contrôle de l'Instruction. L'analyse de ces textes montre que les actes entachés de nullité qui sont relevés par le Procureur de la République et les parties ne peuvent en cas d'annulation par la Chambre de Contrôle annuler la procédure.

En effet, la Chambre de Contrôle est libre d'annuler toute la procédure ou un seul acte constaté irrégulier. Toutefois, la jurisprudence estime que l'acte irrégulier annulé ne peut entrainer nullité de procédure que s'il existe entre ce dernier et les autres une connexité indiscutable. Elle affirmait à travers la cour de cassation que : «La Chambre d'accusation doit rechercher tous les actes de la procédure ayant un lien de causalité avec les opérations litigieuses et prononcer l'annulation de tous les actes dérivant des actes entachés de nullité»128(*).

Il serait préférable que cette position soit adaptée par la jurisprudence camerounaise. Il reste donc à apprécier l'avenir des actes annulés.

D'entrée de jeu, les actes annulés sont écartés du dossier et classés au greffe129(*). Ils ne peuvent plus servir de source de renseignement contre les personnes concernées. Cette interdiction est même sanctionnée de dommages et intérêts. Cependant, on ne peut s'empêcher de relever cette espèce de contradiction qui existe dans la loi de 2005. Elle dispose que :

«L'inobservation des formalités prescrites aux articles 93 à 99 est sanctionnée par la nullité de la perquisition et la saisie. Toutefois, les objets saisis au cours d'une perquisition déclarée nulle peuvent être admis comme pièces à conviction s'ils ne font l'objet d'aucune contestation»130(*).

Cette autorisation peut permettre au juge d'instruction de commettre des infractions de violation de domicile, de correspondance etc. sans risque d'engager sa responsabilité, car justifiée par la reconstitution de la vérité. En effet, la nullité d'un acte devrait en principe entraîner l'anéantissement de celui-ci quelque soit sa contribution à la recherche de la vérité.

* 114 Wilfried Jeandidier, La juridiction d'instruction du second degré, 1982, n°200, cité par Pradel (J), op.cit. n° 729.

* 115 Merle et Vitu, op.cit. n°1264

* 116Guyénot (J), Le pouvoir de révision et le droit d'évocation de la Chambre d'accusation, RSC, 1964, P.561.

* 117 Pradel (J), op.cit., P.623.

* 118 Conte (Ph) et Du chambon, Procédure pénale, 3e éd, 2001, Pp.292-293, cités par Spener Yawaga, op.cit. n°233.

* 119 Sur l'ensemble de la question, Cf. les articles 186, 195 et 196 du Code de Procédure Pénale français, Merle et Vitu, ibid, Pradel (J), op.cit., n°731.

* 120 Article 278

* 121 Chronique, D.1981, P.101 et s.

* 122 Article 276

* 123 Article 282

* 124 Crim. 13 Fév 1984, D.1984

* 125 Spener Yawaga, op.cit. n° 148.

* 126 Crim, 21 Août 1986, BC n° 250.

* 127 Crim. 30 Juin 1987, BC n° 276, D., 1988 Somm. 193, obs. Pradel.

* 128 Crim. 4 Juin 1969, bull crim n°186.

* 129 Article 5

* 130 Article 100

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon