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La règle du double degré de l'instruction dans le droit répressif camerounais

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par Rodrigue TCHATCHOUANG TCHEJIP
Université de Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies (DEA) en droit privé 2011
  

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B- L'attitude des magistrats

L'engagement du législateur camerounais dans le combat de la modernisation de l'appareil judiciaire n'est plus à démontrer. Cependant, ce qui reste à démontrer pour que cet engagement soit conçu dans un sens absolu est la formation des magistrats et la réforme fonctionnelle de la justice192(*). Il reste qu'en dépit de la modernisation organisationnelle, le comportement même de l'autorité judiciaire et le fonctionnement de la justice demeurent des causes de lenteurs judiciaires.

« L'on a l'impression après l'abrogation de l'ordonnance de 1972 que ceux qui sont chargés de l'instruction continuent à se comporter comme les Procureurs de la République ». Plus encore « les magistrats instructeurs au Cameroun ont quelque peu peur d'assumer leurs responsabilités »193(*).

Il ressort clairement de ceci que les juges d'instruction, s'ils ont peur de dire le droit au motif qu'ils se feront des ennemies ou que le sort de tel ou tel autre individu ne dépendra pas d'eux, ou encore la « trouille » d'orienter la procédure dans un autre sens que ce que désirait le politique, on se trouve très nettement devant une situation où les juges ne rendront pas de décision des enquêtes dont ils ont la charge. Cette situation sied plus au juge d'instruction. Pourtant selon la conception traditionnelle, il existe dans le procès pénal deux catégories de magistrat. Le magistrat debout ou du parquet et les magistrats assis. En vertu du principe de la séparation des fonctions répressives, le premier est affecté à la poursuite de l'infraction194(*), les seconds quant à eux sont soit affectés à l'instruction soit au jugement.

Cependant, si l'on a souvent comparé cette séparation de fonction avec celle qu'on reconnait au droit constitutionnel195(*), on doit admettre que cette dernière est loin d'être une séparation à l'Américaine. Nous remarquons ici la pénétration expresse de certains organes de la procédure répressive dans le domaine des autres. Ce qui fait remarquer une séparation fonctionnelle moins parfaite196(*). Le cas le plus illustratif est celui du Procureur de la République, organe de poursuite dans la phase de l'instruction. Décoiffé de sa casquette de magistrat instructeur depuis la loi de 2005, ce dernier dispose encore de prérogatives importantes au cours de l'instruction. Comme les parties privées, il dispose d'un droit d'appel aussi large que les actes d'instruction. Ce qui le différencie de ces derniers. La question qui se pose cependant est celle de savoir si les appels du Procureur de République peuvent être considérés comme dilatoires au cours de l'instruction.

Le désir inconscient d'accroître les prérogatives du Procureur de la République au cours de l'instruction peut sans doute constituer une cause de lenteur judiciaire. Même s'il est admis que «l'esprit dilatoire qui anime les parties privées au procès pénal est normalement étranger au ministère public»197(*), il faut néanmoins craindre un excès dans l'usage du droit d'appel de ce dernier. En effet, le Code de Procédure Pénale prévoit expressément que le Procureur de la République puisse interjeter appel contre les ordonnances du juge d'instruction. Nous pouvons remarquer là une implicite absence de délimitation du domaine d'appel dû au ministère public, à l'image du droit français, plus précis qui parle de ``tous les actes'' du juge d'instruction. Il faut cependant imaginer que l'application rigoureuse de ce texte pourra porter atteinte même aux actes d'administration du juge d'instruction. Ce qui n'est guère reluisant pour la rapidité de la procédure d'instruction.

Il reste que le Procureur de la République qui contrôle les actes d'instruction n'en fait pas de même sur la personne du juge d'instruction. Le juge d'instruction magistrat du siège n'agit qu'en se référent à la loi et à sa conscience198(*). Il en va de même de tous les autres magistrats du siège quelque soit le degré de juridiction. Or, la loi camerounaise ne donne aucun délai aux juges pour accomplir leur fonction si ce ne sont les délais accordés à la juridiction d'instruction de second degré pour statuer sur les appels interjetés contre les ordonnances du juge d'instruction199(*). Nous pouvons cependant prendre le risque de dire que le népotisme n'est pas loin des juges chargés de l'instruction. Scruter dans leur conscience n'est pas tout de même aisé. Ainsi doit-on par exemple ranger les actes d'instruction effectués en violation de la loi et sachant qu'ils sont susceptibles d'appel dans les erreurs ou dans les prétentions dilatoires du juge qui l'effectue ?

La tâche est encore moins aisée lorsque les affaires sont portées devant les juridictions supérieures. Elles peuvent souvent mettre beaucoup de temps avant d'être analysées. C'est dans cette perspective que la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples avait sanctionné le Cameroun au motif que la Cour Suprême en mettant plus de deux ans pour instrumenter un pourvoi sans qu'aucune raison n'ait été avancée pour justifier le retard et sans promesse de date certaine de reprise du procès violait l'article 7 alinéa 1 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples200(*).

Il faut cependant reconnaître aussi que les lenteurs procédurales ne sont pas seulement le fait des hommes qui animent la justice mais aussi des moyens de fonctionnement de la justice.

* 192 On peut quant à la formation des magistrats dire que ces derniers ne sont ni spécialistes de l'instruction, de la poursuite ou de jugement au sortir de l'école. En ce qui concerne la réforme fonctionnelle, le nouveau juge consacré ne bénéficie d'aucune situation nouvelle, comparée à la l'ancienne. Ceci dit le juge d'instruction reste confronté aux mêmes difficultés que par le passé.

* 193 Nous a révélé un juge d'instruction du TGI du Mfoundi (entretien).

* 194 Article 60 Cpp

* 195 Pradel (J), op.cit. Pp.2 et s.

* 196 Sur la question lire Mebu Nchimi (J.C), op.cit., P.246.

* 197 Larguier (J), op.cit., P.290.

* 198 Cf. article 37 de la constitution.

* 199 Cf. article 275 Cpp.

* 200 Communication n° 39/90, affaire Abdoulaye Mazou.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry