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Les rébellions sous le régime d'Idriss Déby (1990-2008)

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par Eugène Le-yotha NGARTEBAYE
Université Jean Moulin Lyon 3 -  Master 2 sciences politiques, option: sécurité et défense 2008
  

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Section 2 - Les accords de paix comme droit d'accès aux richesses nationales

La construction de la nation, définie comme un plébiscite quotidien par René Renan, résulte des sacrifices conjugués de tous les éléments composant celle-ci. Il importe de maintenir le plébiscite en faisant des concessions pour s'accorder sur la manière dont les affaires publiques doivent être conduites. En cas de rupture du plébiscite, les concessions doivent être faites pour le rétablir.

C'est pourquoi on s'attèle à signer les actes de réconciliation avec les rebelles pour favoriser la construction de la nation (§1). Mais il arrive que cet acte de réconciliation soit détourné de son but et produise des déçus (§2).

§1- L'acte de la réconciliation nationale.

Personne aujourd'hui ne peut s'opposer à la sortie d'une crise armée. C'est l'explication du travail de médiations ou de bons offices entrepris auprès des belligérants pour leur permettre d'harmoniser leur point de vue afin d'aplanir leurs divergences. En soi, négocier et signer un accord de paix reste salutaire.

Toutefois dans le contexte insurrectionnel tchadien, la conclusion des accords de paix ressemble beaucoup plus à un tremplin pour accéder aux postes juteux dans l'administration publique, donnant droit au partage de richesses nationales (A). De plus, les accords de paix participent à favoriser l'émergence et la consolidation de la culture de l'impunité (B).

· A- L'acte de réconciliation comme droit d'accès aux richesses.

Depuis l'effondrement du mur de Berlin et la fin de la bipolarisation qui en résulte, bon nombre de conflits en Afrique cessent d'attirer l'attention de la communauté internationale. Ce désintéressement fait place à un certain nombre d'acteurs qui entrent en scène. On retrouve d'une part les sociétés et firmes transnationales et les entrepreneurs de la guerre de l'autre. La combinaison des intérêts de ces deux nouveaux acteurs va plonger l'Afrique dans une situation de crises de basses intensités mais interminables.

L'Afrique, après les guerres de libération, renoue avec une recrudescence de la violence. Cette violence résulte soit de la contestation du pouvoir central par un groupe d'insurgés, soit des actes de groupes incontrôlés qui bradent les richesses nationales. L'intensité et la médiatisation de la violence dépendent en grande partie du contrôle de richesses nationales. Ce sont les guerres de rentes. Ainsi la capacité des groupes ou coalitions rebelles à combattre ou à résister aux forces gouvernementales dépend étroitement des gisements passés sous leur contrôle. Ces gisements constituent les sources de financement de leur action. C'est ce qui explique l'éclosion des mouvements rebelles en Angola, en République démocratique du Congo, au Libéria, en Sierra Leone où le diamant, l'or, le cobalt et autres matières premières ont permis d'alimenter les différents fronts des conflits.

Contrairement à leurs homologues d'Angola, du Libéria, ou de la République Démocratique du Congo, les rebelles au Tchad n'ont pas de ressources minières sous leur contrôle77(*). Ce n'est pas que les ressources n'existent pas, mais elles ne sont pas encore exploitées. Par ailleurs, celles qui sont exploitées (l'or de Pala, le pétrole de Doba ou celui du Bassin de Mogo) sont sous le contrôle du gouvernement. Les rebelles ne peuvent donc pas s'auto-financer. Ils dépendent toujours des financements extérieurs, qu'ils proviennent des Tchadiens vivant à l'extérieur ou des bailleurs étrangers, le plus souvent des pays voisins. Cette dépendance financière, surtout des pays voisins, fait que les rebelles n'ont pas souvent assez de marges de manoeuvres dans leurs décisions. Le plus souvent, ils sont soumis au diktat des bailleurs qui ne rentrent pas forcement dans leur logique de lutte. Les rebelles se trouvent face à un dilemme : continuer à guerroyer avec les finances du bailleur pour ses visées ou cesser la lutte armée et regagner la légalité.

En général, c'est la seconde option que beaucoup de mouvements choisissent. Mais étant donné que le retour à la légalité ne se fait pas de manière automatique, il faut un accord de réconciliation entre les insurgés et le gouvernement.

Le but avoué et affiché des accords de réconciliation reste la résolution du conflit par les moyens pacifiques. La réconciliation est un acte courageux qui profite beaucoup à la population civile victime des différentes atrocités liées aux affrontements. Cependant, la lecture des accords de paix varie suivant que l'on se situe du côté du gouvernement ou des rebelles.

Pour le gouvernement, les accords de paix sont considérés comme une tactique visant à affaiblir les rebelles en créant des tensions au sein des formations rebelles. Par contre, bien des chefs rebelles trouvent dans les accords de paix un moyen de se faire entendre et d'obtenir certains avantages qu'ils ne peuvent avoir par la prise des armes.

C'est ainsi que la question de partage de postes ministériels et autres avantages occupent une place prépondérante lors des négociations. Preuve en est, la quasi-totalité des chefs rebelles ont été promu ministres lorsqu'ils ont accepté de rendre les armes. La classe dirigeante de la formation ayant signé l'accord est récompensée par les postes de responsabilité (direction des douanes, direction des impôts, direction de la police) et par des rétributions monétaires. Certains combattants ralliés sont d'office affectés dans les effectifs des officiers de police ou de la gendarmerie, d'autres par contre vont grossir les rangs de la fonction publique et ce, sans aucune véritable qualification. La kalachnikov permet de gravir plus rapidement les échelons de l'Etat que l'école ou le stylo. La rébellion devient un ascenseur social ; c'est ce qui facilite le recrutement massif des enfants78(*). Cette pratique tend à s'institutionnaliser au Tchad. Elle n'est certes pas nouvelle79(*), mais sous Idriss Déby, elle se produit de manière récurrente.

Une fois les postes partagés, le gros des combattants est laissé à son triste sort dans les camps de cantonnements. Les chefs ont pour préoccupation l'adoption de la loi d'amnistie synonyme d'impunité.

* 77 Cette considération est à atténuer car depuis 2005 les soutiens de la Chine à certaines forces rebelles s'expliquent par les promesses de contrat de l'exploitation de pétrole passées entre les rebelles et la Chine. Toutefois, il convient de souligner que cette situation s'est estompée depuis que le pouvoir de N'djamena a renoué les relations diplomatiques avec la Chine populaire.

* 78 Remadji Beguy, « les enfants soldats. Le phénomène persiste », Tchad et Culture, n° 258

* 79 L'histoire politique du Tchad recèle d'exemples, à ce sujet lire Mohamed Tétémadi Bangoura, violence politique op. cit.

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