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L'expression du réel dans l'honneur perdu d'Amadou Ousmane.

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par Abdoulaye DOUMARI DOUBOU
Université Abdou Moumouni de Niamey Niger - Maà®trise es-lettres 2010
  

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IV.2 Le dialogue des personnages, tel père, tel fils

En tant qu'être imaginaire, le personnage est calqué sur la personne humaine, de part sa représentation. Ils possèdent des traits physiques et moraux qui concourent à les rendre semblables. L'un et l'autre sont non seulement, le produit d'un univers imaginaire ou réel, mais encore leur langage n'en fait pas abstraction. Il révèle une identité. Ce principe réaliste est avant hérité du romancier français Raymond Queneau dans son ouvrage Zazie dans le métro113(*). La particularité de ce roman est qu'il met en scène le personnage principal «  Zazie,  une enfant de douze ans  aux manières délurées, arrive de sa province, impatiente de connaître le métro parisien. » Le langage qu'utilise le romancier exprime le réalisme, la couleur locale, puisque le dialecte parlé réfère à une province, un terroir. Parfois on y retrouve l'argot. C'est ainsi que Zazie prononce « homosessuel » à la place du terme « homosexuel ». Chez Raymond Queneau, le discours romanesque est également emprunt des mots de la langue orale en vue de mettre en exergue le dialogue des personnages.

Quant à Amadou Ousmane, il fait parler ses personnages au point où leurs propos font songer à des personnes réelles. On peut les identifier lorsqu'ils ils communiquent. En effet, le dialogue qui oppose le président du Bamoul, le général Okala au colonel Workou montre que les propos de chacun d'eux reflètent vraisemblablement une identité, une marque de la personnalité du locuteur.

-«  Dites donc, colonel Workou, vous avez bien un fils à l'université, m'a-t-on dit ?

- Oui mon Général...

- Est-ce lui qui est prénommé Doudou ?

- (...) mais qu'y a-t-il, donc, Monsieur le président, si je puis me permettre ?

- Il y a que ce garçon ne semble pas avoir reçu une éducation convenable, pour un enfant d'officier... »114(*)

A la lecture d'un tel dialogue, il y apparaît un réalisme puisque le langage du président se distingue des propos du colonel Workou, d'une part, le style est soutenu, les mots bien choisis et d'autre part, il y a l'expression de la civilité. Le général Okala symbolise l'autorité, l'ordre, parce qu'il est le chef de l'Etat, tandis que son interlocuteur exprime la discipline de l'armée, sa classe sociale. Dans l'Honneur perdu, le dialogue des personnages révèle l'identité de ceux-là, au point de s'y assimiler. On peut même établir un rapport de ressemblance en ce qui concerne les modalités du dialogue réel entre deux personnes de condition sociale différentes. Tel est le sérieux qu'on observe à ce niveau. L'identité du général Okala apparaît au regard de son idéal de sécurité qui vise même le bonheur collectif. Le but de l'auteur en rapprochant ses personnages de leur cadre social, est la vraisemblance historique ou la couleur locale qui consiste à les contextualiser dans un espace précis.

On remarque une prédominance de la caractérisation directe, dans la mesure où les informations sur le personnage sont données par lui-même. Doudou, par exemple, parle au nom de son groupe social. Il représente les étudiants à travers cet extrait: 

«  Sans doute, ne sommes nous pas le peuple, rétorqua Doudou, mais l'armée et le gouvernement au nom desquels vous parlez, ont-ils plus que nous le droit de se prendre pour le peuple ? Le régime militaire est désormais anachronique ! Partout à travers le monde, les régimes autocratiques sont en train de s'effacer pour laisser s'éclore les libertés. »115(*)

Il ressort que Doudou défend un idéal telle que la liberté individuelle pour que règne la démocratie. En conséquence, son langage est révélateur de son identité. Au regard du militantisme syndical, ce jeune étudiant vise à reformer et changer la société. Il oeuvre pour des lendemains meilleurs, car ses concitoyens semblent ne rien comprendre à la gestion du pouvoir. Le dialogue qui le met aux prises avec le ministre d'Etat montre clairement l'appartenance sociale de chacun d'eux. En amont, M. Diboula fait l'apologie de l'Etat comme garant de l'intérêt général, des libertés individuelles. Il montre également l'intégrité et le sens de responsabilité du chef suprême, le général Okala. Les étudiants estiment quant à eux qu'il leur tient un discours démagogique, flatteur. Il ne défend que les intérêts de sa classe. Le dialogue des personnages est à leur image, c'est à dire vraisemblable. Il est le produit d'une société dont il porte la marque et les caractéristiques. Amadou Ousmane procède de la sorte pour rendre visible les personnages qu'il représente. De même on peut dire que le langage est comme l'expression d'une identité au sens où il traduit la profondeur morale du personnage. Ils sont, à l'instar des personnages balzaciens, passionnés puisqu'ils sont caractérisés par un amour excessif et outrancier. C'est le cas du Père Goriot lorsqu'il qualifie ses filles Madame Restaud et la Baronne de Nucingen d'anges. Certains personnages parlent comme pour dévoiler leur identité. Le statut ou l'origine sociale transparaît à travers le langage. Ainsi pour le colonel Workou : « la démocratie, c'est la connerie ! »116(*) Du moins le narrateur fait croire que c'est ce qu'on dit dans les casernes. Donc le personnage ne fait révéler l'identité de son groupe sociale. Parler d'une catégorie sociale en insistant sur la spécificité de sa langue découle du procédé de couleur locale. Ainsi les propos permettent de dégager le rang social qu'incarne le personnage.

Dans son oeuvre Pour lire le roman, Goldenstein rapporte que : 

«  Pour amener ses personnages à la fiction du récit le romancier dispose d'un certain nombre des procédés de caractérisation. Caractériser un personnage de roman, c'est lui donner, bien que dans la fiction, les attributs que la personne réelle qu'il est censé représenter posséderait dans la vie réelle. Le langage du personnage constitue évidemment un moyen privilégié de caractérisation. Style `'soutenu'', tendance au verbiage, amour de la recherche ; par le `'niveau de langue'' qui est le sien et par le `'registre `' qu'il emploie se révèlent à nous d'autres caractéristiques. Tout importe alors, non seulement ce qu'il dit et la façon qu'il a de s'exprimer, mais aussi ce qu'il ne dit et que nous n'apprendrons d'autres moyens ou que nous devinerons par projection psychologique. »117(*)

La réflexion du critique s'applique, en effet, au roman réaliste, en l'occurrence l'Honneur perdu car, il s'agit de conférer au personnage l'apparence d'exister en vue de faire vrai.

La représentation des personnages en harmonie avec leur dialogue transparaît encore dans le second roman d'Amadou Ousmane. C'est que rapporte Abdoul Aziz Issa Daouda dans la Double tentation du roman nigérien, il cite :

- «La radio a annoncé ce midi que ton fils est nommé juge...

- Zuze ?

- Non juge.

- Cela veut dire quoi... »118(*)

En effet, on a l'impression que l'interlocutrice parle approximativement la langue française en traduisant les mots d'une langue autochtone, puisque le parler n'est pas académique. Quant à la mère du nouveau juge, Ali Yobo, elle ne comprend pas cependant le code. Et du point de vue linguistique la lettre `'j'' n'existe pas en zarma, sa langue parlée, d'où la prononciation « Zuze ».

En définitive, Amadou Ousmane caractérise ses personnages en les adaptant aux critères du personnage réaliste. Le dialogue de chaque être imaginaire est spécifique, il peut être un dialecte, un jargon ou même refléter une personnalité.

* 113 Raymond QUENEAU, Zazie dans le métro, Paris, Gallimard, 1959.

* 114 L'Honneur perdu, P.52-53.

* 115 L'Honneur perdu, p.69.

* 116 Idem, p.41.

* 117 J P GOLDENSTEIN, Pour lire le roman, op. Cit. p.51.

* 118 La Double tentation du roman nigérien, op, cit, p.177.

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