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L'expression du réel dans l'honneur perdu d'Amadou Ousmane.

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par Abdoulaye DOUMARI DOUBOU
Université Abdou Moumouni de Niamey Niger - Maà®trise es-lettres 2010
  

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II.1 Espace réel et description réaliste

En lisant l'Honneur perdu on se rend compte que l'auteur fait référence à des lieux réels, des villes existant dans la réalité. Il est un imitateur de Balzac qui dans son roman le Père Goriot décrit Paris : «  Un des privilèges de Paris, c'est qu'on peut y naître, y vivre, y mourir sans que personne fasse attention à vous.»40(*) En effet, l'image de Paris telle qu'on la représente est l'effet d'un constat. Elle apparaît après les obsèques du père Goriot pendant lesquelles deux personnages seulement y ont pris part, à savoir Eugène de Rastignac, un étudiant et son camarade Christophe. La peinture que fait l'auteur de Paris est empreinte d'ironie, du sens de l'exagération et même de l'hyperbole, à la manière de la description de la pension Vauquer, dont nous en parlerons plus tard.

Il procède ainsi pour décrire les lieux réels. Dans le fond il s'agit d'une ville réelle mais travestie par l'imagination du romancier. Pour lui, elle est un lieu asocial où les valeurs humaines se sont effondrées. A la mort du personnage, il n'y a ni faste ni cortège funèbre, ni repas, pour paraphraser le narrateur. Et même ses filles, la Vicomtesse Anastie de Restaud et la Baronne de Nucingen encore moins ses gendres n'y ont assisté.

On remarque que la description d'un espace concret a pour finalité la satire ou la critique des tares qui y prévalent. Chez Amadou Ousmane, on note une description sommaire d'espaces réels sans qu'il ne fasse des détails. On évoque principalement leurs noms. Tout d'abord, on peut rappeler La Baule, ville française dans laquelle s'est tenu un sommet qui a vu la participation du Général Okala. Ensuite, le Canada est évoqué suite à la promesse d'une bourse d'études par le colonel Workou à son fils Doudou.

Par ailleurs, certains romanciers privilégient la description réaliste, parce qu'ils représentent un espace tout en accroissant l'apparence du vrai. Ainsi, lors de la rencontre du colonel Workou avec l'étudiant, «  ils roulèrent encore quelques minutes dans le dédale des petites rues encombrées et sinueuses de ce quartier des Tanneurs, populeux et mal éclairé. Puis ils s'arrêtèrent dans une sorte d'impasse, juste devant une modeste concession où se trouvait enfin une bâtisse crasseuse, au toit de tôle et aux murs lézardés »41(*).

Ce passage descriptif est réaliste car il met en évidence un espace modeste, un taudis, un bidonville en l'occurrence. Il se spécifie par ses voies assimilables aux labyrinthes, les maisons sont également vieillissantes. Il faut dire que la fonction de la description transparaît dès lors que l'auteur donne l'impression de voir un univers quelconque. La densité est ainsi très forte et les conditions de vie sont épouvantables. En conséquence, l'évocation de l'espace réel et la description réaliste d'un lieu fictif s'assimilent dans ce roman, car l'un et l'autre sont vraisemblables.

On ne peut de ce fait croire leur existence réelle. Il convient d'affirmer avec le narrateur « Figurez vous qu'ils (les étudiants) ont l'intention de déclencher, dès la semaine prochaine, une série de manifestations à travers tout le pays, pour revendiquer une conférence nationale ! A l'instar de ce qui s'est passé chez nos voisins du sud. »42(*) Le lieu qui ressort ici est principalement le «sud » et il peut référer géographiquement au Bénin, pays limitrophe du Niger qui a presque connu une expérience similaire, avec une crise sociopolitique, qui a débouché sur une conférence nationale, avant celle du Niger.

Ainsi, l'évolution du Bamoul, référent textuel du Niger vers le multipartisme est un phénomène général, puisqu'il concerne plusieurs pays. Cela tend à intensifier l'apparence du réel. Dans le même sens, on peut évoquer la coopération Sud/Sud, un espace réel, car les pays du sud représentent un référent qui désigne le Tiers-monde, l'Afrique, les Etats latino américains et une partie de l'Asie.

En outre, la description dans L'Honneur perdu déborde le cadre du réel. Elle n'est donc pas simplement un décor, mais aussi un ornement esthétique propice à l'évasion. Le romancier lui confère une fonction dans le déroulement de l'histoire, elle devient une pause ralentissant le cours du récit. « La mission  chargée de sillonner la sixième région, constituée d'une longue caravane de véhicules, arriva dans un nuage de poussière, un matin aux portes de Gariko. Elle fut reçue avec flûtes et tam- tams, enfants des écoles et même quelques cavaliers rangés en haie d'honneur à l'entrée de la ville selon un rite devenu immuable... »43(*). En effet, l'intrigue principale ou l'évolution du Bamoul vers le multipartisme n'est pas peinte selon un tableau descriptif fixe, mais ambulatoire, car on observe un déplacement d'un espace à un autre, de Magama, la capitale à Gariko, il y apparaît plusieurs décors. Il semble que les personnages d'Amadou Ousmane étaient en mouvement au regard de la séquence descriptive. C'est ainsi qu'ils expriment leur engouement pour le l'avènement du multipartisme.

L'évocation d'un lieu réel sous une peinture réaliste apparaît dans le deuxième roman d'Amadou Ousmane, le Nouveau juge, où il décrit le puits en ces termes : 

« ...au village, le puits est le principal point de ralliement de toutes les femmes. C'est là que se colportent les ragots les plus invraisemblables, les nouvelles les plus insensées. C'est là que se transmettent de bouche à oreille les petits faits et méfaits de la vie de tous les jours des petits villages. Plus que tout lieu, le puits est dans le village un carrefour privilégié de la communication. Il est aux femmes ce que l'arbre à palabre est aux hommes. »44(*)

Le même type de description est faite au sujet de la nomination du personnage principal, Ali Yobo comme président du tribunal de première instance de Dadin Kowa. Par ailleurs, sa propre mère a appris la nouvelle au puits, d'où la vraisemblance de la peinture du romancier. Le lieu décrit n'est pas précis car il s'agit d'une généralité, mais on peut admettre son caractère réel. La description est pour l'auteur du Nouveau juge comme une expression d'un espace réel ou réaliste, référant donc à un milieu physique ou y renvoyant.

En somme, l'évocation de l'espace réel est travaillée par l'imagination de l'auteur, ce qui donne lieu à une description réaliste, le but ainsi visé est la vraisemblance.

* 40 Honoré de BALZAC, le Père Goriot, Hatier, 2004.

* 41 L'Honneur perdu, op. Cit, p.134.

* 42 Idem, p.57.

* 43 L'Honneur perdu, op. Cit., p.36.

* 44 Le Nouveau juge, op, cit, p.25

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci