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L'expression du réel dans l'honneur perdu d'Amadou Ousmane.

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par Abdoulaye DOUMARI DOUBOU
Université Abdou Moumouni de Niamey Niger - Maà®trise es-lettres 2010
  

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II.2 Référents imaginaires

D'ordinaire, le roman réaliste se particularise par la clarté de l'histoire narrée, ses personnages beaucoup plus proches des personnes réelles se déplaçant dans un espace. Les référents spatiaux sont décisifs dans l'étude d'une oeuvre, d'où l'intérêt de la description et plus précisément les référents imaginaires.

L'Honneur perdu est ponctué de séquences descriptives. Ainsi, on note des tableaux d'où se dessinent une panoplie de lieux, voire même d'espaces issus de l'imagination d'Amadou Ousmane. Dès lors, on peut dire qu'il a donné libre cours à sa faculté créatrice en décrivant les espaces dans le roman. Le nom même du lieu également exprime le romanesque. Tout d'abord, on a le Bamoul, pays imaginaire qu'il décrit en référence au Niger, bien qu'il n'y ait pas de rapprochement explicite dans l'oeuvre.

L'espace imaginaire est peint avec réalisme, d'où l'illusion du réel que suscite l'Honneur perdu dans la description des lieux malgré leur caractère fictif. Il apparaît que le propre du romancier n'est pas d'offrir une image réelle d'un lieu, d'un univers, mais il vise à le recréer, d'où la notion de référent imaginaire. C'est pourquoi, la dimension imaginative d'une description n'entache en rien son aspect réaliste, la vraisemblance du lieu ou l'apparence qu'il a vis-à-vis de la réalité.

En ce sens, on observe la description d'une ville  en ces termes : «  Gariko, capitale régionale, et deuxième ville du pays, métropole surpeuplée et centre nerveux de l'économie, n'était pas le lieu idéal pour les vacances. »45(*) Il faut dire que le terme `'Gariko'' dérive d'abord du substantif `'Gari'' qui désigne une ville en haoussa, langue maternelle du romancier, ensuite le suffixe `'Ko'' peut être une interrogation, une question signifiant  « n'est-ce pas ? » Littéralement, Gariko veut dire `' la ville, n'est ce pas ?'' La question mérite d'être posée, puisque la dénomination semble ambiguë non seulement chez Amadou Ousmane qui suggère un sens, mais également le lecteur qui ne cesse de se demander où se situe Gariko.

En effet, il s'agit d'une ville ou du reste, un référent imaginaire tel que voulu par l'auteur, non pas pour dérouter, mais susciter la réflexion. Donc, il invite le lecteur à se représenter lui-même cet espace romanesque. Pour lui, la ville de Gariko importe aussi bien que Magama dans la mesure où elle incarne le refus de l'avènement du multipartisme à travers le colonel Workou. C'est ainsi que les missionnaires y ont séjourné. En conséquence, on entend rendre plausible l'implantation de la démocratie, d'où le rôle de ce référent spatial dans le déroulement de l'action.

Par ailleurs, la description d'un espace imaginaire est rendue sensible aux yeux du lecteur à travers l'impression visuelle qui donne à voir l'objet ou le cadre représenté, telle est la conception de Jean François Marmontel, un encyclopédiste qui dit que « si la description ne met pas son objet sous les yeux, elle n'est ni oratoire, ni poétique, les bons historiens eux-mêmes comme Tite Live et Tacite, ont fait des tableaux vivants. »46(*) En effet, la description doit susciter l'illusion de voir en rendant le cadre spatial merveilleux tout en accroissant le goût de lire. Dans le Guide des idées littéraires d'Henri Benac, on remarque cette même fonction de la description qui consiste à faire voir et comprendre en stimulant l'impression de couleur et beauté.

Dans le roman d Amadou Ousmane également, on observe de référents imaginaires comme Gariko avec des quartiers tel que `'le quartier des tanneurs'', `'une gare'', `'une villa d'hôtes',' où il a été prévu d'acheminer Doudou avant de rencontrer le colonel Workou. Cependant, il choisit `'la partie basse'', un autre quartier de Gariko dans lequel vit sa mère, Akaya. Ce choix du jeune étudiant est une preuve d'humilité et de modestie. On remarque ainsi le procédé du contraste hérité des romanciers réalistes consistant à faire une peinture sociale, satirique. Il fait non seulement ressortir la misère du'' quartier des tanneurs'' mais également tout le confort de `'l'hôtel' et la `'villa d'hôtes''. Ainsi l'auteur peint son espace à la manière de Ferdinand Oyono dans le Vieux nègre et la médaille47(*) à travers l'image miséreuse du quartier indigène en face de l'opulence de la résidence des Blancs.

L auteur de l'Honneur perdu confère à la description une fonction symbolique. Donc au delà du tableau décoratif qu'il dresse, une information y est suggérée : 

«  Il se mit à pleuvoir sur Gariko. Mais c'était une pluie fine et bienfaisante qu'accompagnait un vent léger. Les rues étaient désertes. Seuls quelques taxis infatigables flânaient à la recherche d'hypothétiques clients. Les essuie-glaces de la puissante Mercedes balayaient, dans un bruit sec et régulier, les feuilles mortes et les gouttes d'eau qui venaient s'écraser sur le pare-brise couvert de buée. »48(*)

La fonction symbolique de la description peut être liée à la pluie bienfaisante qui traduit la rencontre de Doudou avec son père. D'abord, le but de cette rencontre est de l'amener à renoncer au syndicalisme. Ensuite elle traduit la reconquête de l'honneur pour le jeune militant car elle donne lieu à l'aveu ou la reconnaissance de la paternité. En conséquence, la description du lieu où se déplacent ces personnages est métaphorique. Le décor est idéalisé. Ainsi, on a ''la puissante Mercedes'' qui s'oppose aux `'taxis infatigables''.

Il faut dire que le descriptif dans ce roman a une fonction narrative, puisqu' il est en rapport avec l'intrigue. L avènement du multipartisme et de la démocratie apparaît comme un fait plausible, parce que les deux personnages antithétiques semblent réconciliés, le militaire Workou et le leader des étudiants.

Par ailleurs le terme Magama qui désigne la capitale du Bamoul fait penser à Niamey, capitale du Niger. Il revêt également une connotation linguistique. En haoussa, il signifie un carrefour, une sorte d'embranchement où se croisent plusieurs voies, plusieurs personnages, plusieurs communautés. Ce référent quoiqu'il soit imaginaire est réel en apparence vu sa position car il est situé au coeur du pays.

D'un autre point de vue, le réalisme d'Amadou Ousmane procède dans la représentation de faits vécus, mais peints dans un décor exclusivement imaginaire, donc renvoyant à sa faculté créatrice. Entre autres espaces imaginaires, on peut citer Tambo, un point situé sur la voie Gariko- Magama. Il y a également les plaines de Kadiago sans qu'il n'y ait une référence précise. L'imprécision du lieu, loin d'accroître la dimension fictive augmente cependant l'impression de voir, grâce à la peinture réaliste.

Pour Pierre Fontanier « la description consiste à exposer un objet aux yeux, et à le faire connaître par le détail de toutes les circonstances les plus intéressantes. »49(*) Il importe de dire que l'enjeu de la description n'est pas de représenter uniquement un espace réel ou imaginaire, mais de le peindre de manière à créer la vraisemblance. Pour intensifier l'illusion référentielle quant au lieu décrit, le romancier multiplie les espaces fictifs. C'est le cas de l'université de Magama qui symbolise le paroxysme du militantisme syndical. Elle a aussi un campus surnommé la Cinzala à cause des conditions de vie difficiles qui transparaissent à travers la description du narrateur.

En effet, il dit qu' « on se serre à deux sur un lit d'une place (...). Ainsi va la vie à la Cinzala, surnom affectueux que les étudiants avaient donné à leur jeune et pittoresque université, par sympathie pour les nègres planteurs de canne à sucre du Brésil, aux `'temps heureux de l esclavage''. »50(*)

Au regard de cette peinture, on se rend compte que le lieu est modeste et que les personnages qui y vivent représentent une couche sociale défavorisée. Au demeurant, la description, telle que la conçoit Amadou Ousmane, se base sur un référent imaginaire mais exprime le réel. Dès lors, l'espace apparaît plus visible, d'où le but décoratif et ornemental de la description.

* 45 L'Honneur perdu, op, cit, p.113.

* 46 JEAN Michel Adam, « les Structures de l'oeuvre » in les Grands atlas universalis, Encyclopédie universelle, 1990 p.34.

* 47 OYONO Ferdinand, le Vieux nègre et la médaille, 10/18, 1956.

* 48 L'Honneur perdu, op. Cit. p.132.

* 49 JEAN Michel Adam, « les Structures de l'oeuvre » in les Grands atlas universalis, Encyclopédie universelle, op., cit., p.34.

* 50 L'Honneur perdu, op. Cit. p.78-79.

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