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L'expression du réel dans l'honneur perdu d'Amadou Ousmane.

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par Abdoulaye DOUMARI DOUBOU
Université Abdou Moumouni de Niamey Niger - Maà®trise es-lettres 2010
  

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II.3 De la description balzacienne

L'un des représentants de l'esthétique réaliste est le romancier français Honoré de Balzac, connu à travers les descriptions foisonnantes dans ses oeuvres, Il s'attache à rendre visible les objets et les personnages qui évoluent dans l'espace. A posteriori, l'observation de la société incombe au romancier, puisqu'il tente d'en faire une peinture fidèle, c'est ce qu'on entend par description balzacienne. En effet, il s'agit d'un travestissement du réel, une représentation déguisée en vue de susciter l'apparence de la vérité.

Dans les Chouans51(*), Balzac offre un tableau descriptif illustratif au regard du premier chapitre intitulé  l'embuscade. Elle est une longue peinture au travers de laquelle l'auteur expose les chouans, les insurgés royalistes majoritairement représentés par les paysans contre les Républicains. Le romancier offre une vue au moment de leur déplacement.

« Du sommet de Pellerine apparaît aux yeux du voyageur la grande vallée de Couesnon, dont l'un des points culminants est occupé l'horizon par la ville de Fougères. Son château domine, en haut du rocher où il est bâti, trois ou quatre routes importantes, position qui rendaient jadis une des clés de la Bretagne... De toutes parts, des montagnes de schistes s'élèvent en amphithéâtres, elles déguisent leurs flancs rougeâtres dans des forêts de chênes, et recèlent dans leurs versants des vallons pleins de fraîcheur. »52(*)

En effet, les chouans ont quitté Fougères, qui représente le point de départ, en traversant une région montagnarde, avec une forêt dense, bref un lieu propice à l'embuscade. Il semble que la description balzacienne vise à «  représenter ce qui se situe dans l'espace. Elle est souvent introduite par des verbes de perception et se reconnaît à la présence d'éléments visuels (couleurs, formes, volume), des repères spatiaux, des verbes d'état, des qualificatifs de caractérisation. »53(*) Dans ce passage balzacien, on note en effet la présence d'éléments visuels entre autres : `'grande vallée'', `' l'horizon'' qui forment le descriptif tout en accroissant la dimension, du ''voir'' ou même du `'sentir''. Ainsi, la mise en exergue des indicateurs d'espace tels que `'Du sommet `', `'en haut'', `'de toutes parts'', etc. crée l'illusion réaliste, celle de voir le lieu décrit.

Nonobstant l'exposition du cadre spatial dans lequel apparaissent d'innombrables personnages, selon un tableau descriptif étendu, la description telle que la conçoit Balzac n'est pas seulement synonyme de détails. En fait, elle est basée sur l'observation du réel que l'auteur s'efforce de recréer, d'où la vraisemblance du lieu décrit.

Quand on considère l'Honneur perdu, il est au plan descriptif une imitation de l'auteur des Chouans, car les lieux peints semblent être une photographie du monde réel. On remarque dans le passage suivant son attachement au modèle descriptif balzacien :

 «  Située en plein coeur de la ville, dans un immense parc entouré de grands arbres centenaires, la préfecture de Gariko est un vaste domaine de plusieurs centaines d'hectares.

L'immeuble lui-même compte des dizaines de bureaux dans lesquels travaillent quelques centaines d'employés de tous grades et de toutes catégories : commis aux écritures, techniciens, ouvriers, chauffeurs, manoeuvres, secrétaires-dactylos, etc.

L'endroit s'apparente à une véritable ruche où s'affairent toutes sortes de visiteurs. » 54(*)Quand bien même, il s'agit d'un espace fictif, Amadou Ousmane peint Gariko en suscitant l'impression de vérité. Le cadre ainsi décrit est vaste avec `'plusieurs centaines d'hectares''. Dans la perspective de la description de l'extérieur du lieu, on se rend compte qu'il est parsemé `'d'arbres géants'', il apparaît également un immeuble où travaillent plusieurs personnes. L'objet du romancier est non seulement d'imiter un milieu réel auquel il rapproche l'espace décrit, c'est-à-dire la préfecture de Gariko, mais également l'image qu'il offre est telle une recréation d'un vrai décor.

Pour Gérard Genette : «  On sait que la rhétorique traditionnelle range la description, au même titre que les autres figures de style, parmi les ornements du discours : la description étendue et détaillée apparaît ici comme une pause et une recréation dans le récit, le rôle purement esthétique, comme celui de la sculpture dans un édifice classique. »55(*)

A ce niveau, sémioticien Genette exprime le rôle décoratif de la description, en ce qui concerne l'impression visuelle consistant à faire voir et la fonction ornementale qui vise à créer les images telle que l'hyperbole `'un immense parc'', la comparaison :''s'apparente à une véritable ruche'', pour donner l'impression de beauté.

Si la description est comparée à une figure de rhétorique, c'est parce que le romancier peint l'espace en créant un suspense, une pause qui donne une impression de beauté. Abondant dans le même sens, on peut affirmer que  «  la description correspond à une pause dans le récit : elle interrompt le cours de la narration, et dans un récit au passé l'imparfait remplace le passé simple. »56(*) En effet, l'emploi de l'imparfait et le présent de l'indicatif ont la valeur d'exprimer la simultanéité, un fait d'ordre général dans le but de renforcer la vraisemblance. C'est ce qui ressort dans le passage : 

«  Midi allait sonner à la grande horloge de la poste centrale de Gariko. Accoudé à la fenêtre vitrée, largement ouverte de son bureau situé au dernier étage d'un immeuble planté comme, un joyau dans un écrin, en plein coeur de la grande ville, le colonel Workou, préfet de la sixième région (...) contemplait sa rutilante Mercédès noire(...). »57(*)

Là, on insiste même sur les objets. Ainsi, il apparaît une `'horloge'', une `' fenêtre'' et une `'Mercédès'' en vue de les mettre en valeur. Ce qui explique le confort du milieu vu de l'intérieur.

La description balzacienne se particularise par le fait qu'elle est parlante, dans la mesure où elle est destinée à faire voir, à montrer, car il la veut fidèle à l'espace réel. D'aucuns n'ont pas hésité à reconnaître que «  La description balzacienne est explicable, sémiotisable. »58(*) Autrement dit l'espace décrit, ainsi que les objets apparaissent comme des signes qu'on peut décrypter. C'est le cas de la pension Vauquer, un lieu modeste et délabré, en raison de la misère des personnages qui y vivent, comme le père Goriot. La misère de la pension annonce celle des pensionnaires, tout comme celle de ces derniers est évocatrice de l'état de la pension, lui-même résumé par le portrait succinct de Mme Vauquer dressé par l'auteur.

Comme le dit si bien Genette quand il affirme que « la seconde grande fonction de la description (...) parce qu'elle s'est imposée, avec Balzac, dans la tradition du genre romanesque, est d'ordre à la fois explicatif et symbolique : les portraits physiques, les descriptions d'habillements et d'ameublements tendent, chez Balzac, et ses successeurs réalistes à révéler et en même temps la psychologie des personnages dont ils sont à la fois signe, cause et effet. »59(*)

En effet, le portrait des personnages, aussi bien que la peinture du mobilier, interviennent dans la description balzacienne. Elle a deux fonctions chez G. Genette, d'une part, les objets donnent une certaine explication de l'espace représenté en suscitant une interprétation métaphorique. On peut l'illustrer à travers le portrait d'un personnage : « Le colonel Workou était assis à son bureau au fond de la salle, comme vissé à son fauteuil, dans une attitude qui force le visiteur au respect. Vêtu d'un boubou blanc immaculé et coiffé d'un bonnet assorti aux couleurs du pays. »60(*)

Le portrait que donne Amadou Ousmane du personnage exprime d'abord son statut social, la grandeur. Ensuite sa façon de s'asseoir est symbolique. Elle force le visiteur au respect.

La description balzacienne telle qu'elle apparaît dans l'Honneur perdu donne l'impression de voir l'espace peint et le portrait des personnages leur confère une réalité. En conséquence, le romancier devient le peintre du monde réel en apparaissant comme Balzac pour avoir dressé un tableau presque fidèle de la société de son temps. Pour lui «  décrire les lieux, l'habitat, le mobilier, c'est déjà parler des hommes puisque leur cadre de vie est la représentation matérielle qu'ils donnent à leur pensée. »61(*) Il y a de ce point de vue une ressemblance entre la représentation de l'espace et la caractérisation d'un personnage, car ils concordent au regard du sens. L'image que l'auteur de l'Honneur perdu offre à travers le portrait d'Akaya, la mère de Doudou illustre la conformité du lieu à celui qui y vit, lorsque Fadel, l'ami du colonel Workou arrive. Il la voit « dans l'enclos, en train de donner à boire à ses moutons, lorsqu'elle aperçut (...) Fadel, dans sa concession. »62(*)

Au-delà du caractère imaginaire de cette séquence descriptive, elle est réaliste, car le lieu est vraisemblable. La modestie de l'espace coïncide avec le statut du personnage. En effet, Akaya tout comme son mari Andilo, un agent de sécurité est indigente. Au contraire, le colonel Workou a le niveau de vie qui semble confortable, ce qui prouve l'illusion du prestige dans l'espace où il vit.

En définitive, le réalisme chez Amadou Ousmane ne se focalise pas dans la peinture d'un lieu existant. Il y a l'harmonie entre l'homme, sinon le personnage, et son milieu. Idé Oumarou, l'auteur de Gros plan se base sur un lieu connu pour procéder à sa description : « Niamey. (...) le soleil, fatigué, plonge en rougeoyant dans les profondeurs obscures de l'horizon (...). L'air sec. »63(*)

En conséquence, la description a plusieurs fonctions selon Gérard Genette qu'on retrouve chez Balzac et même l'auteur de l'Honneur perdu. Ainsi elle crée non seulement la beauté mais également explique l'espace représenté.    

Chapitre III : Raconter le réel

 

La narration est le fait de relater un récit, une histoire. Le roman réaliste se spécifie au plan narratif par la linéarité, les faits sont ainsi rapportés chronologiquement. Quoiqu'il soit une oeuvre d'imagination, on remarque une forte influence des faits réels car le vécu quotidien constitue la source d'inspiration D'abord, il convient d'analyser L'honneur perdu sous l'emprise des faits réels, plus précisément on présentera succinctement l'économie de ce roman et de l'histoire qui réfère à la réalité sociale. Ensuite, on s'intéressera au « roman miroir »  ou même l'objectivité narrative, c'est-à-dire que l'évocation des faits fictifs rappelle dans une certaine mesure la technique narrative de Stendhal dans son oeuvre le Rouge et le noir. Et puis, il y apparaît une vraisemblance au regard du temps, la période à laquelle fait allusion le narrateur et le référent temporel. On établira de ce fait un rapport d'analogie entre la notion du temps pris dans son acception historique et le temps narratif.

* 51 Honoré de BALZAC, les Chouans, presses pocket, 1990.

* 52 Idem p. 31

* 53 La littérature française de A à Z, Paris, Hatier, 1998, p.129

* 54 L'Honneur perdu, op. cit, p. 124

* 55 GENETTE Gérard, « Frontières du récit » in Poétique du récit, Seuil, 1977, p. 163

* 56 La littérature Française de A à Z, op. Cit, p. 296

* 57 L'Honneur perdu, op. cit, p. 77

* 58 http : members. Home//ngr idscheepers/pdf

* 59 GENETTE Gérard « Frontières du récit » in Poétique du récit, p. 163.

* 60 L'honneur perdu, op. cit, p. 125

* 61 Http: members. home n //ngr idshepers/pdf

* 62 L'Honneur perdu, 0p cit, p. 175

* 63 Gros plan, op. cit, p. 5

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote