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Mémoire, identité et dynamique des générations au sein et autour de la communauté harkie. Une analyse des logiques sociales et politiques de la stigmatisation.

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par Emmanuel BRILLET
Université Paris IX Dauphine - Doctorat de sciences politiques 2007
  

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II. Réparer les termes de l'échange : la reconnaissance comme travail de l'écart (autour de la communauté harkie)

A la nécessaire mise en cause, par l'individu, « des valeurs et vecteurs symboliques qui légitiment la stigmatisation » (la reconnaissance comme travail de dégagement ; voir ci-dessus) s'ajoute celle, non moins nécessaire (mais nécessairement structurée autour de logiques d'action collective, via la mobilisation d'un répertoire d'actions et de revendications, ciblées ou génériques), « des rapports sociaux qui l'ont fondée »1644(*). Mais comment les choses peuvent-elles se présenter autrement dans les rapports entre la communauté harkie et la société française d'une part, entre la communauté harkie et la société algérienne d'autre part, que comme "friction" entre des usages de la mémoire qui ont des fonctions identitaires symétriques, et empêchent symétriquement toute réflexion sur les responsabilités historiques ? Peut-on envisager d'ouvrir, en France et en Algérie, un espace de délibération politique qui, porteur d'une forme au moins minimale de réciprocité, implique la reconnaissance des anciens harkis et de leurs enfants comme interlocuteurs ? Et si non, où situer les résistances à promouvoir, autour d'une politique de la reconnaissance et du pardon, « un apprentissage de l'art de vivre ensemble »1645(*) ? Au regard même des intéressés, si la « fixation d'une mémoire victimaire »1646(*) structure le lien social qui fait des anciens harkis et de leurs enfants une communauté à part, le pardon devient, à la limite, une menace de dissolution. Car toute reconnaissance, et a fortiori celle que confère le pardon, est à la fois un soulagement et une "petite mort" pour une communauté marquée par l'épreuve du désastre.

En France, les politiques de la reconnaissance mises en place à destination des anciens harkis et de leurs familles ont été - quasiment par exclusive - des politiques "palliatives" s'attachant à traiter les conséquences sociales différées de la politique initiale de mise sous tutelle, mais encore des politiques "élusives" visant à célébrer une image consensuelle des anciens supplétifs (comme "dédramatisée" ou "dé-historicisée") plutôt qu'à mettre en lumière la chaîne des événements aussi bien que des responsabilités ayant conduit aux massacres de l'été et de l'automne 1962. (section A)

Cette difficulté des Etats à faire droit au dissensus lorsque leur responsabilité propre est engagée, à laquelle s'ajoute la virulence persistante des résistances ou des censures partielles opposées à la mise en lumière du drame des harkis par différents collèges d'acteurs dotés d'une forte capacité et légitimité à "faire voix", font obstacle à la mise en place d'une politique du pardon qui, reposant a minima sur un examen concerté des faits et la reconnaissance du différend entre les parties prenantes (ce qui est déjà beaucoup), ne soit ni une résipiscence téléguidée ni une résipiscence octroyée. Il s'ensuit, depuis quelques années, une multiplication des procédures contentieuses engagées par des individus ou collectifs issues de la communauté harkie aux fins de déjouer - via la sollicitation du « tiers de justice »1647(*) - la pesanteur des évolutions sociopolitiques. (section B)

A) En deçà de la reconnaissance : les grâces octroyées ou la prégnance du modèle "assistanciel-cérémoniel"

Qu'en est-il, en France, des politiques de la reconnaissance mises en place à destination de la communauté harkie ? Entre politique d'assistance et geste cérémonielle, quelles sont les lignes directrices et véritable portée des signes de reconnaissance adressés par l'État français à la communauté des Français musulmans rapatriés, toutes générations confondues ? Sur quelle définition de la situation des intéressés ces politiques reposent-elles ? Et quelle image des Français musulmans rapatriés et de leurs enfants contribuent-elles à véhiculer ? En d'autres termes, dans quelle mesure les politiques de la reconnaissance mises en place à destination des anciens harkis et de leurs familles sont-elles congruentes avec les demandes de reconnaissance exprimées par les intéressés ?

Nous aborderons ici, successivement, deux types de politiques mises en oeuvre par les pouvoirs publics français spécifiquement à l'adresse des anciens harkis et de leurs enfants :

- les politiques de type "assistanciel" progressivement mises en place à la suite du démantèlement, en 1975, de la politique initiale de mise sous tutelle d'un certain nombre de familles regroupées dans des sites réservés, et visant à pallier - jusqu'à aujourd'hui - les effets adverses de cette politique de confinement (section 1) ;

- les politiques d'ordre cérémoniel ou symbolique, mises en place beaucoup plus tardivement, qui visent à célébrer la mémoire de l'engagement des anciens supplétifs (section 2).

- 1. La relation d'aide institutionnelle (volet assistanciel)

Avant d'en venir à l'examen de la nature (et de la qualité) des relations établies entre pouvoirs publics et bénéficiaires dans le cadre de la politique d'assistance mise en place à l'adresse des anciens harkis et de leurs enfants, et, par-là, d'objectiver les effets de sens et d'image qui lui sont inhérents, un bref retour sur l'historique du cadre législatif et réglementaire est nécessaire à titre de mise en perspective. Initialement (1962-1975), nous l'avons vu, les familles - tout au moins celles qui n'eurent pas la possibilité de s'appuyer sur des réseaux de solidarité familiaux ou amicaux pour faciliter leur installation immédiate - furent astreintes à une politique dite de « reclassement collectif », dans des sites réservés (camps, hameaux forestiers, cités périurbaines), où l'ensemble des aspects de la vie sociale et professionnelle étaient régentés par un personnel d'encadrement et subordonnés à un régime d'exception : la mise sous tutelle. Cette politique de mise sous tutelle n'a été démantelée qu'en 1975, et sous la contrainte de révoltes conduites sous l'impulsion de jeunes fils de harkis, dans différents camps du sud de la France (voir la Partie 1).

Il a fallu en outre attendre 1974 (12 ans après qu'eurent officiellement pris fin ce qui n'était alors que les « événements d'Algérie ») pour que la qualité d'anciens combattants et le bénéfice des pensions d'invalidité soient reconnus aux anciens harkis. Et il a encore fallu attendre 1982 pour que soit mis en place un nouveau cadre cohérent d'intervention à la suite du démantèlement de la politique de mise sous tutelle, sept ans plus tôt : la mise en place d'une délégation nationale à l'action éducative, sociale et culturelle (future ONASEC) s'accompagne de la mise en branle de tout un éventail de mesures visant à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des enfants de harkis.

Enfin, il faudra attendre les lois Santini du 11 juillet 1987 et Romani du 11 juin 1994 pour qu'en plus des aides à l'insertion proposées aux enfants de harkis des indemnisations soient pour la première fois versées aux anciens harkis eux-mêmes, en réparation des préjudices subis en raison et à la suite de leur transplantation1648(*).

La loi du 11 juin 1994 « relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie », adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, entérinait ainsi le plan d'action le plus ambitieux jamais mis en oeuvre, tant à l'adresse de la première génération, qu'à l'adresse de la génération suivante. Outre l'allocation forfaitaire dite « complémentaire » de 110.000 francs, cette loi dispensait tout un ensemble de mesures - échelonnées initialement sur cinq ans à compter du 1er janvier 1995 - concernant le logement (via des aides à l'accession à la propriété, à l'amélioration de la résidence principale et à la résorption du surendettement immobilier), l'aide au conjoint survivant et la reconnaissance d'un statut de victime de la captivité en Algérie pour la première génération ; et, s'agissant de la génération suivante, l'aide à la formation, à l'emploi et à la mobilité professionnelle (via notamment le versement de primes à la mobilité et l'aide à la réservation de logements sociaux).

Ce plan, qui devait arriver à échéance à la fin de l'année 1999, a été prorogé par deux fois par le gouvernement Jospin. Une première reconduction jusqu'à la fin de l'année 2000, qui a vu la création de la "rente viagère" pour la première génération1649(*), et la redynamisation des dispositifs d'aide à l'emploi et à la formation pour la deuxième génération. Puis une deuxième reconduction jusqu'à la fin de l'année 2002, qui s'est accompagnée d'une réduction de l'éventail et de l'ampleur des mesures (notamment s'agissant des aides à la formation et à l'emploi), fondée sur la perspective d'un retour définitif au droit commun au 1er janvier 2003.

A la suite de l'alternance et de l'installation du gouvernement Raffarin, ce retour vers le droit commun semblait dans un premier temps se confirmer. D'une part, la délégation aux rapatriés était supprimée et remplacée par une mission interministérielle aux Rapatriés (MIR) qui, quoique placée sous l'autorité directe du Premier ministre, apparaissait à bien des égards plus anonyme et moins affirmée dans ses prérogatives. En outre, la charge de rapporteur spécial de la part du budget consacrée aux rapatriés était supprimée dans le cadre du projet de loi de finances 20031650(*).

Pour autant, l'article 34 bis du projet de loi de finances rectificative pour 2002 spécifiait la pérennisation de la rente viagère (désormais appelée « allocation de reconnaissance ») en faveur des harkis et de leurs conjoints survivants, ainsi que la prolongation d'un an de certaines mesures en leur faveur (aide spécifique pour l'accession à la propriété et secours en faveur des personnes en proie au surendettement immobilier). Pour ce qui a trait aux jeunes générations, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin annonçait, dans une réponse à une question écrite du sénateur socialiste Jean-Marc Pastor, que les mesures concernant les bourses scolaires seraient prorogées en 2003 et qu' « un accompagnement particulier sera effectué pour les enfants d'anciens supplétifs, en matière d'emploi, pour leur permettre de bénéficier pleinement de toutes les nouvelles mesures mises en oeuvre par le Gouvernement en faveur des publics en difficultés »1651(*). Accompagnement dont les modalités restaient cependant à préciser.

Parallèlement à cette politique "d'attrition" progressive du plan d'action en faveur des anciens harkis et de leurs enfants (notamment s'agissant de ces derniers), le gouvernement instaurait un Haut Conseil des Rapatriés dont la mission est d' « émettre des avis ou propositions concernant les mesures relatives aux rapatriés », cet organe consultatif étant composé à parts égales de représentants des rapatriés d'origine européenne et de représentants des Français musulmans rapatriés, ainsi que des universitaires spécialistes de ces dossiers. Ce Haut Conseil des Rapatriés a contribué, par ses travaux, à l'élaboration de la loi du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés », rendue célèbre par le polémique née autour de son article 4 (abrogé depuis) invitant « les programmes scolaires [à reconnaître] en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer ». Pour ce qui nous concerne plus particulièrement, cette loi, particulièrement centrée sur les questions de mémoire1652(*), entérinait la nécessité d'un retour progressif au droit commun, notamment s'agissant de la deuxième génération pour laquelle seules sont prorogées les aides scolaires (et non les dispositifs spécifiques d'aide au retour à l'emploi)1653(*).

Cet inventaire rapide, s'il rend compte de ce que fut - au plan de l'ingénierie politique - l'évolution de la politique "d'accueil" puis d'assistance spécifiquement mise en place à l'adresse des anciens harkis et de leurs enfants, ainsi que de son cadre réglementaire, ne nous dit rien, cependant, des effets de sens ou d'image redevables de sa mise en oeuvre, ce qui - compte tenu de la problématique qui est la nôtre - est essentiel pour nous. Or, de l'avis même des intéressés, la relation d'aide institutionnelle, pour être nécessaire, est impropre en tant que telle à satisfaire pleinement les demandes de reconnaissance des fils et filles de harkis, et ce pour au moins trois raisons : (1) par sa nature même, la relation d'aide institutionnelle est une relation asymétrique, verticale, qui se délinée selon une optique étroitement assistancielle : la qualité de bénéficiaire ne signifie pas ou n'englobe que très imparfaitement celle d'interlocuteur, et moins encore celle de co-producteur des politiques concernées. La relation d'aide peut - pour cette raison - servir de "politique-écran", être l'objet d'usages dilatoires de la part des pouvoirs publics, habituellement enclins à répondre aux requêtes mémorielles (et notamment aux demandes de résipiscence) par des offres de gratification matérielle ; (2) dans son exécution même, la relation d'aide institutionnelle pâtit de carences relationnelles importantes : la manière dont les agents de l'administration préfectorale en charge de ce dossier formalisent les contacts avec les bénéficiaires est habituellement exagérément tatillonne et suspicieuse, ce que confirme pleinement l'observation participante conduite entre début mai 2000 et fin février 2001 au sein du service des rapatriés de la préfecture de Paris en ma qualité d'agent de coordination chargé de l'emploi (ACCE) ; (3) enfin, la mise en place puis la pérennisation de dispositifs inspirés - avant l'heure - par le principe de la "discrimination positive" (sans même parler de la politique initiale de "mise sous tutelle", qui relève encore d'un autre registre), en ce qu'elles n'ont été - au moins jusqu'à la fin des années 1990 - qu'imparfaitement accompagnées d'un travail de mise en perspective historique visant à souligner - aux yeux de l'opinion - la singularité de la trajectoire et des difficultés auxquelles avaient été confrontés les intéressés (voir la Partie 2), ont pu engendrer, au fil du temps, des effets "contre-productifs" en termes d'image, dont témoigne particulièrement l'étiquette d' « éternels assistés » accolée aux enfants de harkis : du reste, la volonté affichée de longue date par les pouvoirs publics d'un « retour au droit commun » a été continûment contredite, au sein de ces mêmes instances, par des intérêts d'ordre électoral qui, de législature en législature, les ont amené à reconduire des plans d'action spécifiques à l'adresse des anciens harkis et de leurs enfants (même si - nous l'avons vu - la tendance est à la réduction de l'ampleur de ces plans, tout au moins s'agissant des mesures d'assistance matérielle)1654(*).

(1) Les carences d'ordre symbolique ou les limites intrinsèques à la relation d'aide institutionnelle : l'exemple des modalités de mise sur agenda, de traduction et de prise en charge politiques des revendications des grévistes de la faim, à Paris, en 1997-1998

Les politiques d'ordre assistanciel ont pour premier objectif de "réparer" tant le préjudice matériel subi au moment de l'exil (mesures d'indemnisation des parents) que les conséquences sociales à moyen et long terme pour leurs enfants des conditions de socialisation initiales (en particulier mais non exclusivement pour ceux qui ont vécu ou vivent aujourd'hui encore dans des "isolats" : aides au logement, à la mobilité professionnelle, à l'embauche, à la formation, etc.). Pour autant, nombreux sont ceux, parmi les enfants, qui exigent davantage ou autre chose que de simples mesures compensatoires, à savoir : la mise à plat des responsabilités françaises - politiques et militaires, directes et indirectes - dans l'abandon et le massacre des harkis. Pour ceux-là, la relation d'aide institutionnelle - quoique nécessaire - ne saurait être assimilée à un acte de reconnaissance plein et entier, en ce qu'elle s'inscrit dans une relation asymétrique et aliénante, où les uns donnent sans se livrer, et où les autres reçoivent sans avoir voix au chapitre : ses vertus sont palliatives avant d'être curatives. Précisément, compte tenu des silences embarrassés des relais institutionnels de la mémoire, en France, sur la question des harkis (au moins jusqu'à une date récente et l'instauration, en 2001, de la Journée d'hommage national aux harkis1655(*)), il n'est que de constater l'insistance longtemps mise par les autorités à "re-traduire" les demandes qui lui étaient adressées dans une optique étroitement (et délibérément) assistancielle, simplement redevable de l'intervention de l'Etat-providence, plutôt que de faire écho à leur dimension plus spécifiquement symbolique (ou mémorielle), incomparablement plus délicate à satisfaire car touchant directement à la "raison d'Etat".

Ainsi, bien loin de ressortir d'un « contre-don de reconnaissance symbolique »1656(*), les modalités de mise sur agenda et de "règlement" par les pouvoirs publics du problème posé par les grèves de la faim successives entreprises par des fils de harkis originaires du sud de la France sur l'esplanade des Invalides entre avril 1997 et avril 1998, sont symptomatiques de cette « pathologie du non-savoir » d'une nation longtemps rétive, voire incapable (Pierre Lepape écrit les lignes qui suivent en 1993) « de se retourner sur la réalité de son passé, de mettre en scène ses traumatismes et ses divisions, (...) de débrider et de fouiller [ses] plaies les plus vives »1657(*). Territoire clos, comme mis sous l'éteignoir par des barrages filtrants, le campement des fils de harkis en grève de la faim sur l'esplanade des Invalides ressemble étrangement à ces camps de transit devenus cités de relégation permanente dans lesquels leurs parents furent confinés à leur arrivée en France. C'est là, « tout près des ministères, de Matignon ou de l'Assemblée nationale », qu'ils entendent « rappeler son tort à la République »1658(*). Au nom des pères dirions-nous :

« Nous sommes là pour crier : «Au secours, on va mourir de votre indifférence et de votre mépris». Nous voulons que la France rende leur dignité à nos parents avant qu'ils ne soient plus de ce monde. Il y a deux lignes dans les livres d'histoire ». Et d'ajouter : « Jospin doit engager publiquement la parole de l'Etat devant le peuple et reconnaître le génocide contre les harkis. La République doit solder sa dette une bonne fois pour toutes » 1659(*).

Que fut-il répondu à ces hommes qui se disaient « prêts à donner leur vie pour défendre la cause harkie »1660(*), et qui, au-delà des revendications matérielles, entendaient signifier à la fois un besoin de reconnaissance et, plus encore, une demande de résipiscence ? Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi et de la Solidarité : « Je regrette que ces jeunes qui sont désespérés n'aient pas saisi la main que nous leur tendions pour leur apporter des réponses personnelles afin de mettre un terme à cette grève de la faim qui peut mettre en danger la vie de certains »1661(*). Quelques jours plus tôt, déjà, un communiqué du ministère de l'Emploi et de la Solidarité annonçait que « la situation individuelle [des grévistes de la faim] a fait l'objet localement d'un examen attentif bienveillant »1662(*).

A cet égard, Emmanuelle Gilles rapporte que déjà au cours des émeutes de l'été 1991, dans différents sites à forte implantation communautaire du sud de la France (dont la cité des Oliviers à Narbonne), « les étapes de la négociation [avaient] été escamotées par les rapports clientélistes, eux-mêmes fondés sur des promesses de promotion individuelle »1663(*).

Cette politique du bakchich vise à dépolitiser les mots d'ordre et à en désamorcer la charge polémique via l'octroi de gratifications matérielles au cas par cas. Jouant de la situation pécuniaire souvent précaire des intéressés (et qu'il avait lui-même, au moins jusqu'au démantèlement des camps, contribué à pérenniser), l'Etat a pendant des années mobilisé des ressources importantes pour désolidariser les acteurs de la scène contestataire, allant donc pour ce faire jusqu'à octroyer des gratifications individuelles aux personnes mobilisées. Cette manière de faire est non seulement caractéristique d'un « système politique français qui [à l'égard des minorités notamment] privilégie la cooptation personnelle sur la promotion collective, et la résolution privée des conflits sur la négociation publique »1664(*), elle est aussi, et surtout, illustrative de l'intangibilité d'une imagerie d'Etat rétive à toute forme d'examen de conscience relativement aux grands conflits du 20ème siècle. Le ressort symbolique, à la fois mémoriel et sociétal de l'action entreprise (à savoir la mise en cause des frontières du "Nous" de référence), est éludé par la désignation ad nutum d'un « inspecteur général des affaires sociales »1665(*), désignation dont la vocation dilatoire était clairement de réduire la sollicitation critique du devoir de mémoire collective à celle - plus prosaïque - d'un devoir de solidarité nationale engageant les fonctions régaliennes de l'Etat-providence et présentant les grévistes de la faim non comme des porte-parole mais comme des « désespérés » (Martine Aubry). Accréditant par-là même « l'opinion qui fait parfois des harkis d'éternels assistés »1666(*), et avalisant un « système d'exclusion légal qui les a marginalisés d'office »1667(*). L'expression polémique d'un mal-être qui puise sa signification dans les arcanes de la mémoire collective, ou plutôt dans son asphyxie, est ainsi banalisée, euphémisée (i.e. dépolitisée). Des acteurs sociaux sont transformés en cas sociaux ; une « entreprise de résistance au mensonge officiel »1668(*), ouvrant droit à l'ouverture d'un débat public, est réduite à une demande d'assistance redevable d'un marchandage au cas par cas :

« On nous a promis une table ronde le mardi suivant. Mais le dimanche, des fonctionnaires sont venus proposer des emplois aux grévistes, à condition qu'ils partent immédiatement. A chaque fois, on nous envoie un sous-fifre qui nous offre des emplois au cas par cas, alors que nous luttons pour une reconnaissance »1669(*).

Epilogue : de fait, le 7 octobre 1997, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité diffusait un communiqué annonçant que six des sept grévistes de la faim avaient décidé, la veille, « de cesser leur mouvement et de regagner leur domicile » après que « leurs revendications personnelles [avaient] été satisfaites, chacun [ayant] pu choisir un emploi proche de son domicile », et que « des anomalies personnelles touchant leurs familles, qu'ils dénonçaient, seraient étudiées au cas par cas »1670(*). Abdelkrim Klech, porte-parole du mouvement, en désaccord avec ses camarades1671(*), plus jeunes que lui, décidait - après avoir pourtant été hospitalisé d'urgence une première fois - de poursuivre cette grève de la faim avec trois autres personnes, originaires de la région parisienne, sur l'esplanade des Invalides :

« Les six jeunes ont été manipulés. Je ne peux pas les blâmer. Ils étaient très faibles après 47 jours de jeûne, et quand vous êtes faible, vous acceptez n'importe quoi ». Et il ajoutait : « Chirac a été assez courageux pour dire pardon aux Français de confession juive il y a deux ans. Personne ne nous a dit pardon. Nous voulons que le Premier ministre [NDA : Lionel Jospin] nous dise publiquement pardon »1672(*).

Même réaction indignée, à Bias (Lot-et-Garonne), de Sherif Tamazount, président de l'Association des enfants de l'oubli :

« Je suis écoeuré. Martine Aubry a travaillé au corps les grévistes de la faim tout le week-end et lundi elle a résolu leur cas. Au départ, ils étaient contre, mais c'est logique qu'à la fin, fatigués par quarante-cinq jours de grève, ils finissent par céder. C'est indigne d'un ministre, alors qu'on devrait régler une bonne fois le problème globalement »1673(*).

De son côté, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, apprenant la poursuite de la grève, faisait courir le bruit que les grévistes étaient « manipulés  par le Front national »1674(*). En janvier 1998, pourtant, Abdelkrim Klech, diabétique, continuait seul la grève de la faim sur l'Esplanade des Invalides, après deux nouvelles hospitalisations. Et après que le ministère ait proposé un emploi pour sa femme, au chômage. "Proposition" refusée :

« Je ne fais pas la grève de la faim pour ça. On m'accuse d'être manipulé, mais je demande simplement justice »1675(*).

(2) Les carences d'ordre relationnel : l'exemple de la mise en oeuvre du plan d'action en faveur des anciens membres des formations supplétives et de leurs familles au sein du service des rapatriés de la Préfecture de Paris (mai 2000-fin février 2001)

Dans un livre déjà évoqué, Zahia Rahmani brosse un tableau sans concession de la relation d'aide institutionnelle telle qu'elle est concrètement et routinièrement mise en oeuvre :

« Pour eux [les anciens supplétifs et membres de leurs familles], on a créé une administration, le service des harkis au secrétariat d'Etat aux rapatriés. C'est le bureau des Chiens. Il y en a un dans chaque département. Vous appelez et on vous parle comme à un chien et vous faites réclamation, vous réclamez qu'on vous parle autrement, et on vous répond comme au chien que vous êtes et vous réclamez, vous dites, Mais je ne suis pas ce que vous croyez ! Et lui, celui qui vous parle comme à un chien, on lui a tellement dit ce que vous êtes qu'il ne peut pas croire que vous voulez juste lui poser une question. Vous êtes un réclamant ! On vous dit, Il y a une administration pour les harkis.

Vous y allez. Il y a une administration pour vous, il faut y aller. Il faut voir !

- Toc-toc. Heu ! Je voulais savoir si pour mes études de...

- Non. Non. NON...

- J'ai entendu dire que...

- Non... Non, non et non... Renseignez-vous !

- Ben ! Justement on m'a dit que le gouvernement propose...

- NON ! Vous venez fouiller les poubelles, ramasser ce qui reste, gratter les fonds de caisse. Allez, couture pour les filles. Pour les fils ? Bûcheron dans les Vosges. Pas plus, ça suffit ! Dehors ! »1676(*).

Cette évocation, qui retraduit sur un mode fictionnel une expérience vécue, est à bien des égards conforme à ce que j'ai moi-même pu observer dix mois durant au sein du service des rapatriés de la préfecture de Paris : j'y ai exercé, dans le cadre de mon service national, les fonctions d'agent de coordination chargé de l'emploi (A.C.C.E.). Ces manières d'être et de faire sont certes plus ou moins accentuées et fréquentes d'un fonctionnaire l'autre, ou d'une préfecture l'autre. Il est certain cependant que, loin d'être le fruit des seules contingences individuelles, ces manières de faire participent d'un "climat", d'une "ambiance" professionnelle qui préexistent et s'imposent, d'une certaine manière, aux agents préfectoraux. Deux exemples et une explication à cela. Premier exemple, ma "formation" accélérée (sur deux jours) aux fonctions d'A.C.C.E., au tout début de ma période militaire. J'ai gardé des notes de l'enseignement qui m'avait été dispensé : force est de constater qu'on y insistait davantage sur les traits de "réclamants" des fils et filles de harkis - qu'il nous fallait apprendre à « apprivoiser » (c'est le terme même qui avait été prononcé, non sans provoquer quelque inquiétude chez certains de mes condisciples, qui se formèrent aussitôt des intéressés une image a priori négative, voire franchement "adversative") - que sur la spécificité de leur trajectoire socio-historique (or, la plupart des volontaires aux fonctions d'A.C.C.E. ne connaissaient rien à l'histoire des anciens harkis et de leurs familles)1677(*). Deuxième exemple, le plus frappant, mon entrée en fonction au sein du service des rapatriés : une heure a suffi à mes futurs collègues pour me faire comprendre combien ils étaient las d'occuper les fonctions qui étaient les leurs, me dépeindre les bénéficiaires comme des « chieurs » (c'est le terme qui a été employé d'emblée), et me raconter les altercations les plus violentes qui les avaient opposés aux dits bénéficiaires (y compris une prise d'otage) ; a contrario, il ne me faudra compter que sur moi-même pour me familiariser avec les textes des circulaires d'application et apprendre à gérer, à ma façon, la relation aux bénéficiaires, la seule règle tangible qui m'ait été transmise étant celle de "l'évitement" : abréger les conversations téléphoniques, ne pas recevoir les personnes qui se présentent sans rendez-vous (même si l'on est disponible) et espacer au maximum les entrevues afin de ne pas donner à croire que l'on peut être aisément sollicité (voir ci-dessous).

L'explication à de tels comportements réside fondamentalement, me semble-t-il, dans ce que les fonctionnaires attachés aux antennes préfectorales de l'ex-Délégation aux Rapatriés (aujourd'hui Mission interministérielle aux Rapatriés) n'avaient reçu aucune formation spécifique ni fait oeuvre d'acte de volontariat pour exercer les attributions qui étaient les leurs. Car si le support offert aux anciens membres des formations supplétives et à leurs enfants est spécifique (tant en termes de mesures que de mise à disposition de moyens1678(*)), les méthodes d'exécution, elles, sont génériques1679(*). J'ai pu mesurer les conséquences d'un tel détachement au sein du service des rapatriés de la Préfecture de Paris. D'abord, et à une exception près, la connaissance de la trajectoire singulière des anciens harkis et de leurs familles était nulle ou quasi-nulle parmi les quatre (puis trois) fonctionnaires en place. J'ai ainsi été témoin de ce qu'une personne attachée au Service des Rapatriés depuis plusieurs années se soit trouvée incapable d'expliquer à un interlocuteur - qui la questionnait au téléphone à ce sujet - ce qui différenciait historiquement la trajectoire des anciens supplétifs de celle des travailleurs migrants1680(*). Et si la connaissance des textes et circulaires d'application ne pouvait être mise en doute (au moins pour ce qui concerne la préfecture de Paris1681(*)), l'écoute, la compréhension, et plus encore l'empathie, étaient généralement étrangères à l'univers mental des personnels en charge de mettre en oeuvre le plan d'action. C'est la méfiance qui primait : les anciens harkis, mais surtout leurs enfants, étaient perçus avant tout comme des "quémandeurs" et des "querelleurs" qu'il convenait de "recadrer" dans des limites aussi étroites que possible. S'y mêlaient occasionnellement des considérations sur la mentalité supposément "retorse" des populations originaires du Maghreb (j'ai d'ailleurs moi-même été l'objet d'une mise en condition édifiante à ce propos le jour de mon entrée en fonction). Méfiance, mais aussi défiance : suite à divers incidents survenus au fil des années dans le service (allant de l'agression verbale à la séquestration), les rendez-vous étaient pris uniquement par téléphone, et toute personne se présentant directement à l'accueil de la préfecture était éconduite et priée de suivre la procédure "normale". Il existait même une "liste noire" de personnes à ne recevoir sous aucun prétexte, avec pour seule justification le bon - ou, plutôt, le mauvais - vouloir des personnels chargés de les accueillir. Que tel individu fût considéré comme un « emmerdeur notoire » suffisait, de fait sinon de droit, à lui ôter la capacité de se présenter dans les bureaux : il m'a ainsi été reproché d'avoir reçu dans l'exercice de mes fonctions des individus qui avaient été décrété persona non grata par mes collègues. Quoiqu'il en fût, et de manière plus générale, les personnes reçues l'étaient en tant qu'administrés, sans égard aucun pour leur qualité d'ancien harki, de veuve de harki, ou de fils ou fille de harki. Cette absence d'égard ou de considération, qui se muait parfois en sourde hostilité à l'encontre de certains représentants de la deuxième génération, appelait tout naturellement excès de zèle et arbitraire. La gestion des dossiers "à la tête du client" était, au moment de mon affectation, pratique courante dans le service : qu'un fils ou une fille de harki s'avise de faire valoir ses droits avec quelque virulence ou insuffisamment d'obséquiosité, et son dossier était aussitôt ostensiblement retiré du haut de la pile des dossiers en souffrance pour être remisé à sa base, sans égard pour sa date de dépôt (j'ai vu faire cela à plusieurs reprises)1682(*). D'ailleurs, et c'était là un trait communément partagé dans le service, les personnels se comportaient en propriétaires des crédits alloués aux bénéficiaires. Il n'était ainsi pas rare d'entendre les agents préfectoraux s'exprimer comme suit : « Je vous ai déjà donné telle somme, Je ne vous donnerai rien d'autre, etc. ». Les zones d'incertitude liées à l'interprétation des textes - à certains égards inapplicables "en l'état" car trop lacunaires, y compris les circulaires d'application - étaient toujours tranchées de manière restrictive, comme s'il était préférable de puiser le moins possible dans les crédits plutôt que de répondre à des situations d'urgence. Du reste, le traitement des demandes était la plupart du temps contenu dans les strictes limites de la mission impartie aux fonctionnaires, sans autre forme d'échange ou d'initiative : l'investissement personnel ne dépassait jamais les bornes de ce qui est statutairement requis, et suffisait à peine à s'y conformer. Les retards non justifiés faisaient l'ordinaire des journées de travail. Les départs anticipés étaient plus que fréquents. La disponibilité strictement contingentée : répondre au téléphone en dehors des heures ouvrées (9h00-12h15 / 14h00-17h15 en théorie, mais 9h00-12h00 / 14h00-17h00 en pratique) était une gageure, quand bien même l'agent concerné serait toujours présent dans son bureau. Plus encore, lorsque les personnels étaient affairés à des discussions extraprofessionnelles dans le bureau de l'un(e) ou de l'autre, ou qu'ils s'engageaient dans le couloir en partance vers la photocopieuse, il n'était pas même pensable qu'ils interrompent leur conversation ou qu'ils rebroussent chemin pour répondre. Cette fin de non-recevoir était d'ailleurs généralement ponctuée d'un : « J'suis pas là ! » qui signifiait bien davantage que le simple éloignement physique. Plus généralement, les sonneries étaient fréquemment marquées d'un : « Ils ne nous lâcheront donc jamais ! » témoignant d'une même absence de considération. Mais le plus délétère au plan relationnel, à l'instar de ce que souligne Zahia Rahmani dans l'extrait précité, résidait dans la manière de répondre au téléphone. Dans le ton employé, d'abord. Immanquablement froid au premier abord, immanquablement colérique en cas d'insistance ou de "résistance" de l'interlocuteur1683(*). Il y avait aussi cette propension, qui avait (tacitement) valeur de règle d'or, à ne jamais aller au-devant des desiderata des bénéficiaires potentiels, de décourager leurs attentes, de les maintenir aussi longtemps que possible dans l'incertitude : les bénéficiaires se voyaient ainsi fréquemment reprocher - et cela est également souligné par Zahia Rahmani - de ne pas formuler des demandes suffisamment précises, lors même, d'une part, que les textes eux-mêmes se caractériseraient par leur opacité, et que, d'autre part, les fonctionnaires affectés au service des rapatriés auraient précisément pour mission première de répondre aux demandes de clarification à ce sujet. En outre, la diffusion du texte de la circulaire d'application auprès des bénéficiaires potentiels était volontairement contingentée sous prétexte du temps mobilisé pour effectuer les photocopies (et lors même qu'il existerait un service de reprographie au sein de la préfecture). Enfin, le fait même que les attributions d'agent de coordination chargé de l'emploi (A.C.C.E.) étaient confiées à un appelé du contingent pouvait poser problème, et ce à double titre. D'abord parce que cela induisait mécaniquement une instabilité dans la mission d'accompagnement vers l'emploi ou la formation professionnelle des fils ou filles de harkis en situation d'exclusion, les A.C.C.E. se succédant tous les dix mois. En outre, la mission de l'A.C.C.E. étant considérée comme une sinécure au regard des autres options qui s'offraient aux appelés du contingent, et la charge de sa succession étant confiée à l'A.C.C.E. lui-même, le mode privilégié de recrutement était la cooptation. Sauf exception, donc, les A.C.C.E. en place ne l'étaient pas en raison de leur expertise en matière d'insertion professionnelle et/ou de leur expertise quant à la situation d'ensemble des anciens harkis et de leurs enfants, mais en raison de leur proximité relationnelle avec leur prédécesseur. J'ai ainsi fait figure d'exception en adressant CV et lettre de motivation au service des rapatriés de la Préfecture de Paris. Mais surtout en faisant montre d'un investissement personnel et d'une empathie qui, aux dires mêmes des bénéficiaires (mais au grand dam de mes collègues, dont je bousculais les habitudes), tranchaient avec les situations connues jusqu'alors.

Ahmed et Mohamed (35 ans), qui bénéficient de l'aide d'un A.C.C.E. en poste à la sous-préfecture de Largentière, ne sont pas dupes des limites intrinsèques et du caractère somme toute "décoratif" des moyens en personnel mis à leur disposition :

« L'organisation, elle est simple : tu as une pièce, t'as un bureau ; par rapport à d'autres départements, il paraît que c'est quand même le top, hein, parce qu'on peut y aller quand on veut, tout ça ; le seul truc, c'est que c'est un appelé du contingent ; ça change tous les dix mois ; le temps qu'il arrive, qu'il prenne ses marques, il faut 2 mois ; le temps qu'il commence à prendre des contacts pour être opérationnel, j'dirais il en faut 3 ; le temps qu'il commence à traiter quelques dossiers, on est déjà le sixième mois, et après il faut qu'il prépare... parce que lui il part 2 mois après, faut qu'il prépare son avenir à lui. Donc, y'a pas de suivi. C'est clair. Ça fait dix ans que ça dure, donc tu vois tout de suite qu'ils veulent pas qu'il y ait un réel suivi. J'ai rien contre les militaires. Mais c'est pas quelqu'un qui serait venu faire un temps ici ; il est venu parce qu'il est forcé, voilà. Et c'est comme ça dans toute la France » (Ahmed).

« On vous envoie des aides-éducateurs, et puis des gens qui s'occupent de vous, pour faire tampon, à la sous-préfecture. Ah !, il s'occupe, ah !, il est gentil le gars, hein. Adorable. Etudiant, super sympathique. Mais il est comme moi. Il a pas plus de pouvoirs que moi j'en ai. Mais il est là, ça donne l'impression qu'il s'occupe. Tu vois, c'est la petite marionnette qui est mise entre... le pouvoir et... le peuple. Et là, il est gentil, il est super sympathique, on s'entend super bien. C'est un gars formidable. Mais lui, tout seul, qu'est-ce qu'il peut faire ? » (Mohamed, 35 ans).

(3) Le caractère potentiellement stigmatisant des dispositifs de discrimination positive ou la nécessité d'un retour au droit commun ?

Enfin, la relation d'aide institutionnelle, en ce qu'elle a longtemps procédé - et continue de l'être, dans une moindre mesure - de la perpétuation de dispositifs d'assistance spécifiques plutôt que d'une politique volontariste de retour au droit commun (et dont les tenants sont obscurcis, aux yeux de l'opinion, par les silences des relais institutionnels de la mémoire quant à la destinée singulière des anciens harkis et de leurs familles), a pu contribuer à nourrir une image dépréciative des intéressés. Cette politique de "discrimination positive" avant l'heure a, de fait, généré l'image d' « éternels assistés » qui colle à la peau des Français musulmans rapatriés et de leurs enfants :

« J'veux dire les gens en France ils peuvent pas comprendre. On leur parle des harkis ? «Oui, on leur donne des sous, mais pourquoi ?»... Tout est toujours ramené à une question de sous, j'veux dire... y'a pas d'explication, rien... de temps en temps on leur donne 10.000 francs, si ils ont envie d'installer le chauffage chez eux, et tout, mais y'a pas d'explication. Par contre, on en fait une pub monstre, comme ça le simple citoyen français, il va dire : «Y'en a marre ! C'est toujours les harkis qu'on aide, nous on crève la dalle, pourquoi ?» » (Ahmed).

En outre, ces mises à disposition de moyens spécifiques peuvent susciter ou se heurter à une opposition de principe des personnels en charge d'accomplir des missions de service public. Halima Belhandouz et Claude Carpentier, dans une étude qu'ils consacrent au "décrochage" scolaire des enfants de harkis dans le quartier nord d'Amiens, rapportent ainsi que l'affectation dans les écoles d'aides-éducateurs issus du contingent au seul bénéfice des enfants et petits-enfants de harkis avait suscité l'hostilité du corps enseignant :

« Entre 1994 et 1997, l'administration, soucieuse de mettre à la disposition des établissements de jeunes conscrits afin d'assurer le soutien scolaire des jeunes «français musulmans», demanda de procéder au recensement systématique de ces derniers. Hostiles à ce projet de discrimination positive en faveur des seuls enfants de harkis, les responsables pédagogiques affectèrent les conscrits au soutien scolaire de tous ceux qui devaient en faire l'objet. Pour des raisons qu'il ne nous appartient pas de juger, la spécificité "harkie" se trouvait ainsi récusée par les pédagogues »1684(*).

 

De la même manière, alors que j'étais en charge - dans le cadre de mes fonctions d'A.C.C.E. - d'assurer deux fois par semaine une permanence dans une agence parisienne de l'A.N.P.E. (Agence Nationale Pour l'Emploi) au bénéfice des fils et filles de harkis dont j'avais à traiter les dossiers à la préfecture, certains membres du personnel de l'agence me firent part de leur étonnement et même de leur opposition de principe à de telles mises à disposition de moyens.

Enfin, les effets d'image liés à cette politique de "discrimination positive" peuvent être douloureusement ressentis au sein même de la communauté harkie, où certains ne cachent pas que - de fait - la pérennisation de certaines mesures d'assistance a pu induire chez les plus jeunes « comme une fatalité, comme un ancrage culturel [au sens où] ils ont tout le temps besoin d'un tiers ». Jean-Claude, secrétaire de l'association des harkis et de leurs enfants à Largentière  :

« Moi, je suis vraiment pas pour qu'on apporte tout cuit, parce que de toute façon, je pense que c'est pas rendre service aux gens. (...) Si tu veux, moi, quand je dis ne pas apporter tout cuit, c'est-à-dire, on peut pas dire : «Ben, tiens, monsieur, puisque vous êtes fils de harki, on vous donne le poste de secrétaire en chef de la sous-préfecture». Non ! Ça a trop existé, et on voit ce que ça a fait, ça n'a fait que... desservir plutôt que servir. Non, pour ça, je suis pas d'accord. Donc, on doit pouvoir, par contre, prendre notre avenir en main, et ne plus penser assistanat. Ça c'est le grand problème qu'on a eu, c'est qu'on a hérité, quelque part, d'une... d'une forme d'assistanat, et c'est devenu presque culturel.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

Eh ! bien, vu le cheminement, quand ils regardent derrière, ils voient ce qu'ont eu leurs parents, eux ils voient rien devant eux, ils ont peur, donc ils essaient de se rattacher à quelque chose de solide, et encore un peu, entre guillemets, à la "mère patrie". Et ils veulent tous être fonctionnaires, mais en n'ayant pas les capacités. Bon c'est vrai que pendant leurs années... nos parents, tu devenais cantonnier, tu devenais même gardien de la paix, il suffisait...si tu savais écrire ton nom et ton prénom. En 1962 ou 1965, je sais plus quand ils ont fait entrer les harkis dans la police, c'était ça. Il suffisait de savoir écrire son nom. Les... les critères de... d'accession à ces postes... bon, c'est plus du tout ça, hein, vu la conjoncture et le chômage qu'il y a. Mais, quelque part, au niveau symbolique, je pense qu'il y a ce côté euh... maternel, quoi, de la "mère patrie" qui protège et subvient à tous les besoins... c'est symbolique, mais c'est cet assistanat qu'ils ont eu culturellement. Et donc, maintenant, quand je parle avec les jeunes, trop peu à mon goût ont ce sens de l'importance des études, qui ont besoin... qui envisagent des... des études en fac, ou machin. (...) Je me rappelle, dans les réunions, on me disait : «Mais ils ont pas la formation et ils ont pas les diplômes». Donc, ils me renvoyaient en pleine figure : «Ils sont pas formés pour ça». A ce moment là, que voulais-tu que je leur réponde ? C'est une réalité. Mais je pouvais pas leur dire : «Ben, ils l'ont pas, mais prenez les». Moi, je suis fondamentalement contre, comme je te disais d'abord, et j'aurais pas accepté qu'on laisse quelqu'un qui sait à peine lire son nom, secrétaire... à tel et tel endroit, par exemple. C'est pas possible. Et c'est les mettre en difficulté. Et ça, je crois que c'est le plus grand danger qu'on ait, c'est justement d'assister les gens, de les habituer à cet... à cet assistanat, parce qu'on peut plus les autonomiser ».

Ainsi, la relation d'aide institutionnelle, dans son volet strictement assistanciel, est non seulement insuffisante mais potentiellement "contre-productive", à certains égards, dans l'optique d'offrir aux anciens harkis et leurs enfants une reconnaissance pleine et entière dans la société d'accueil. C'est d'ailleurs une toute autre définition, ou une définition élargie de la reconnaissance en actes qu'investissent, en leur nom propre et au nom des pères, les filles et fils de harkis :

« (...) Bah, il ne suffit pas de dédommager des harkis et de leur dire : «Voilà... prenez, et puis...», non, c'est pas en ces termes qu'on entend une attention particulière, hein ; c'est reconnaître au quotidien sa place dans la société française ; c'est ça qui est important. Une volonté de savoir que cette communauté n'a finalement sa place nulle part et que si elle a une place, c'est bien en France qu'elle doit l'avoir » (Hassina) ; « (...) Je te dis franchement, un harki, il ira pas, il ira jamais pleurer. Pourquoi il ira jamais pleurer ? Parce qu'il a sa dignité, il préfère mieux vivre dans sa misère qu'aller demander quelque chose. Lui, ce qu'il cherche, c'est que le gouvernement, la nation, l'Etat français le reconnaisse, le reconnaisse en tant que... patriote. Parce que le harki sait ce que c'est le patriotisme (...). On peut pas... on peut pas acheter un être humain, on peut pas l'acheter avec l'argent, c'est impossible, c'est impossible, on peut pas, on ne s'achète pas » (Karim)

Qu'en est-il, à cet égard, du volet symbolique/"immatériel" des politiques de la reconnaissance mises en place par les pouvoirs publics à destination de la communauté harkie ? Les pouvoirs publics qui, jusqu'à une date récente, avaient considéré et traité ce dossier dans une optique assistancielle étroitement délinéée par l'agenda du ministère des Affaires sociales et de l'Emploi, prêtent depuis quelques années une attention beaucoup plus soutenue aux questions d'ordre mémoriel et cérémoniel. Cette évolution, à bien des égards conforme aux revendications exprimées par les intéressés, doit pour partie, nous l'avons dit, à l'instauration en 2003 du Haut Conseil des Rapatriés, qui a fait des questions de mémoire l'un de ses champs d'intervention prioritaires, comme en témoigne - y compris pour prêter le flanc à la polémique - la loi du 23 février 2005, très largement inspirée des réflexions menées au sein de cet organe. Cette volonté plus nettement affirmée - et institutionnellement consacrée - de prêter écoute aux revendications des acteurs associatifs réunis au sein du Haut Conseil des Rapatriés (notamment dans leur volet mémoriel/symbolique), avait été précédé en 2001, à l'initiative du président de la République (quoiqu'en grande partie sous la pression des événements, un an après la visite d'Etat controversée d'Abdelaziz Bouteflika et un an avant les élections présidentielles de 2002), par l'instauration d'une Journée d'hommage national aux harkis. Cette initiative - inédite par son ampleur, et bientôt pérennisée - était-elle à même d'apporter une réponse définitive à la quête de reconnaissance des enfants et, surtout, à la lutte pour la réhabilitation de la figure du père ? Rien n'est moins sûr, nous le verrons, puisque cette cérémonie, pour être nationale, n'en reste pas moins très traditionnelle dans ses attendus comme dans sa scénographie : grande et solennelle cérémonie patriotique ponctuée par des distributions de médailles, la Journée d'hommage national aux harkis, en célébrant le harki « soldat de la France » au détriment du harki « victime de la raison d'Etat », ne joue-t-elle pas, d'une certaine manière, la réminiscence contre la résipiscence ?

* 1644 Vincent de Gaulejac et Isabelle Taboada Léonetti, dir., La lutte des places, Paris, Desclée de Brouwer, 1994, p.98.

* 1645 Pierre Hassner, Introduction au dossier « mémoire, justice, réconciliation », Critique internationale, n°5, 1999, p.124 ; cité in John Crowley (dir.), « Pacifications, réconciliations » (2), Cultures & Conflits, Paris, L'Harmattan, 2001, n°41, p.8-9.

* 1646 Daniel Rivet, « Présence/absence des accords d'Évian et des premiers jours de l'indépendance algérienne dans quelques journaux français », allocution donnée dans le cadre du colloque intitulé « La guerre d'Algérie dans la mémoire et l'imaginaire » et organisé les 14 et 15 novembre 2002 sur le campus de Jussieu, à Paris.

* 1647 Sandrine Lefranc, Politiques du pardon, Paris, PUF, 2002.

* 1648 La loi du 11 juillet 1987, dite loi Santini, entérinait ainsi le versement d'une indemnité forfaitaire de 60.000 francs. A la suite, et dans une même logique, la loi du 11 juin 1994, dite loi Romani, entérinait le versement d'une indemnité forfaitaire dite « complémentaire » - par rapport à celle de 1987 - de 110.000 francs.

* 1649 La rente viagère est une allocation versée annuellement au bénéfice des anciens harkis (ou veuves de harkis) dont les revenus sont proches du minimum vieillesse.

* 1650 D'après le Comité Harkis et Vérité, présidé par Charles Tamazount, juriste et enfant de harki originaire du camp de Bias, dans le Lot-et-Garonne ; cf. www.chez.com/harkis.

* 1651 Réponse du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin publiée dans le Journal Officiel du Sénat du 2 janvier 2003 (page 23) à la question écrite du 25 juillet 2002 du sénateur socialiste Jean-Marc Pastor.

* 1652 Outre l'article 4, désormais abrogé, l'article 3 porte création d'une « fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie », et l'article 5 interdit « toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki », ainsi que « toute apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après les accords d'Evian ». Nous y reviendrons plus avant.

* 1653 Pour sa part, la première génération - anciens harkis ou conjoints survivants - bénéficie de la prorogation des aides à l'acquisition ou à l'amélioration de la résidence principale, des demandes de secours exceptionnels pour faire face au surendettement immobilier, ainsi que de la possibilité de choisir entre une « allocation de reconnaissance » versée annuellement sans limitation de durée (2.800 euros par an) ou un capital plus important versé en une seule fois (30.000 euros).

* 1654 Symptomatiques à cet égard étaient les conclusions du rapport établi en 1999, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, par le député Serge Blisko, qui, tout en appelant à « sortir des dispositifs dérogatoires qui stigmatisent les harkis au sein de la communauté nationale au profit d'un travail de mémoire et de reconnaissance historique », affirmait cependant que les « dispositifs de réparation mériteraient sans doute d'être prolongés d'une année supplémentaire » (Rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale sur la proposition de résolution de Monsieur François Goulard « tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation actuelle des harkis en France et plus particulièrement sur la situation de leurs enfants »). En 1990, déjà, le ministère de la Solidarité faisait savoir que le gouvernement envisageait de supprimer les aides spécifiques et de faire revenir les harkis sous le régime général : « Beaucoup d'argent a été mal employé. Il a eu une efficacité très relative, et a renforcé la marginalisation » (Source anonyme au sein du ministère, citée in Libération du 16 octobre 1990).

* 1655 Voir plus la section II.A.2 de la Partie 4, ainsi que la Partie 2.

* 1656 Didier Demazière, Claude Dubar, Analyser les entretiens biographiques. L'exemple de récits d'insertion, Paris, Nathan, 1997.

* 1657 Pierre Lepape, « Du silence à la mémoire. La guerre d'Algérie dans la littérature », Etudes, octobre 1993, p.395.

* 1658 Abdelkrim Klech, porte-parole des grévistes de la faim, cité in Maach R., « L'intransigeance amère des fils de harkis », Libération, 6 octobre 1997, p.17.

* 1659 Ibidem.

* 1660 Ibidem.

* 1661 Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, en réponse à une question d'Emmanuel Hamel, sénateur, séance du 30 septembre 1997. C'est nous qui soulignons.

* 1662 Nice-Matin du 27 septembre 1997.

* 1663 Emmanuelle Gilles, Les évènements de l'été 1991 : un début de règlement de la question harkie ou la poursuite de l'interminable exception ?, Rennes 1, IEP, 2003, p.74.

* 1664 Vincent Geisser, Ethnicité républicaine. Les élites d'origine maghrébine dans le système politique français, Paris, Presses de la F.N.S.P., 1997, p.230.

* 1665 Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, en réponse à une question d'Emmanuel Hamel, sénateur, séance du 30 septembre 1997.

* 1666 Maach R., art.cit., p.17.

* 1667 Dalila Kerchouche, « Harkis : le droit à l'histoire », L'Express, 9 octobre 1997, p.49.

* 1668 Marie-Claire Lavabre, « Usages du passé, usages de la mémoire », R.F.S.P., vol.44, n°3, juin 1994.

* 1669 Abdelkrim Klech, cité in Cédric Alviani, « Harki solitaire face au dôme des invalides », Libération, 1er janvier 1998, p.18.

* 1670 Aujourd'hui en France, Le Télégramme et Nice-Matin du 7 octobre 1997. C'est nous qui soulignons.

* 1671 Il faut noter que ces mêmes modalités de mise sur agenda avaient abouti à de mêmes résultats en 1991, à Narbonne, où les « effets de récupération » liés à la défection de certains leaders - démobilisés par des promesses individuelles d'embauche - « [avaient] été mal ressentis par l'ensemble des jeunes harkis, trahis dans leur élan collectif », et « [avaient] entravé l'issue de la révolte » (Emmanuelle Gilles, Les évènements de l'été 1991 : un début de règlement de la question harkie ou la poursuite de l'interminable exception ?, Rennes 1, IEP, 2003, p.74).

* 1672 Libération du 7 octobre 1997 et The Irish Times du 8 octobre 1997 (« Son of a soldier betrayed by French colonisers still fights the Algerian war », par Lara Marlowe).

* 1673 Sherif Tamazount, interrogé par Françoise Lemoine, Le Figaro du 9 octobre 1997.

* 1674 Le Monde du 8 octobre 1997.

* 1675 Abdelkrim Klech, cité in Cédric Alviani, « Harki solitaire face au dôme des invalides », Libération, 1er janvier 1998, p.18.

* 1676 Zahia Rahmani, op.cit., p.53-54.

* 1677 Sur un plan plus strictement "technique", la personne en charge de cette formation - une consultante privée rémunérée par l'Armée - nous avait conseillé de demander aux intéressés « s'ils aimaient plus le calcul ou les lettres ». Je ne m'étendrai pas sur ce que cela indique de l'image formée et de la considération portée aux enfants de harkis par cette personne.

* 1678 En 1997, le journaliste du Télégramme Ferdi Motta rapportait que dans le Morbihan, à la suite du départ à la retraite d'une fonctionnaire en place depuis 30 ans, c'est le service du regroupement familial des étrangers qui avait hérité de ce dossier : « Une anomalie, écrivait-il alors, qu'on reconnaît sur place dans une belle formule : «C'est vrai qu'il y a là un problème de communication externe» ! » ; Ferdi Motta, « En Bretagne aussi comment peut-on être harki ? », Le Télégramme, 2 octobre 1997 ; article consultable à cette adresse : http://www.bretagne-online.com/telegram/htdocs/archive/1997/19971002/article/2674041.htm.

* 1679 Sur la relation de guichet dans d'autres contextes, voir Vincent Dubois, La vie au guichet, Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 1999 ; et Mireille Eberhard, « Catégorisations ethnico-raciales au guichet », Les Cahiers du Cériem, n° 8, décembre 2001, p.35-49.

* 1680 De même, à la préfecture des Côtes-d'Armor, Ferdi Motta a tôt fait de décontenancer « [une] employée un peu déboussolée [qui] s'interroge à voix haute : «C'est quoi au juste les harkis» ? » ; Ferdi Motta, art.cit. ; cf. http://www.bretagne-online.com/telegram/htdocs/archive/1997/19971002/article/2674041.htm.

* 1681 « A la préfecture du Finistère, écrit Ferdi Motta, on avoue un certain embarras et l'impossibilité d'indiquer le montant des aides versées aux harkis lesquels peuvent pourtant bénéficier d'aides au logement ou d'un coup de pouce dans la recherche d'un travail » ; Ferdi Motta, art.cit. ; cf. http://www.bretagne-online.com/telegram/htdocs/archive/1997/19971002/article/2674041.htm.

* 1682 Cette gestion des dossiers "à la tête du client" n'était semble-t-il pas propre au service des Rapatriés de la préfecture de Paris puisque Abdelkrim Klech, porte-parole du collectif « Justice pour les harkis », dénonçait - dans un courrier adressé aux plus hautes autorités - des « anomalies » dans le fonctionnement des "cellules emploi" mises en place dans plusieurs départements par la Délégation aux Rapatriés, comme ces listes de bénéficiaires potentiels, établies par la préfecture des Bouches-du-Rhône, où était mentionné le caractère "alcoolique" ou "contestaire" des intéressés (L'indépendant du 18 janvier 1999).

* 1683 A tel point que les accès de colère de mes collègues interrompaient parfois le cours normal des entretiens que je pouvais conduire dans le bureau d'à côté avec d'autres bénéficiaires, présents physiquement pour leur part, m'obligeant à des explications franches et embarrassées.

* 1684 Halima Belhandouz, Claude Carpentier, « Une construction socio-historique du "décrochage" scolaire - Le cas des Français musulmans du quartier nord d'Amiens », VEI enjeux, n°122.

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