III. DEFINITION ET TYPES DE VIOLENCES CONJUGALES
a) DEFINITION
Les violences conjugales se définissent comme
étant les violences entre un homme et une femme, unis par les liens du
mariage. Mais c'est aussi touts actes causant ou pouvant causés a l'un
des conjoints un préjudice, ou des souffrances physiques, sexuelles,
psychologiques ou économiques, y compris la menace d'entreprendre de
tels actes. La restriction ou la privation arbitraire des libertés
fondamentales, que ce soit dans la vie privée ou dans la vie publique.
Nous nous intéresseront aux violences conjugales subies par les
femmes
Les violences conjugales sont un phénomène qui
existe au Sénégal et qui gagne de plus en plus de l'ampleur. La
réalité est qu'elle est tolérée par la
société sénégalaise, qui accepte l'ascendance de
l'homme sur la femme.
Les violences conjugales sont classées dans la rubrique
des faits divers par la presse alors que c'est une affaire grave car
étant une violation des droits de la femme. Elles freinent le
développement du pays car une partie de la population que sont les
femmes ne jouissent pas de leurs pleins droits.
Les violences conjugales peuvent prendre plusieurs formes. En
effet un conjoint ayant des comportements violents peut abuser de sa victime en
gérant ses revenus et ses dépenses afin de lui enlever son
autonomie. L'emprise du conjoint peut s'exercer sur le plan psychologique en
essayant de s'immiscer même dans les pensées de sa victime, en
cherchant à contrôler ses paroles et ses gestes ou en surveillant
ses allers et venues en cherchant à contrôler ses paroles et ses
gestes.
Cette violence leur est souvent infligée par ceux
auxquels elles ont eu à faire confiance, qu'elles ont appris à
respecter, qu'elles aiment. Les violences conjugales subies par les femmes ne
connaissent aucune barrière sociale, culturelle, politique,
économique, ou religieuse. C'est un problème réel dont
beaucoup de femmes subissent quotidiennement les conséquences. La
population ne semble pas cependant comprendre vraiment les effets à long
termes, ni comment l'expérience et la peur de la violence peuvent
marquer la vie d'une femme.
b) LES DIFFERENTS TYPES DE
VIOLENCES
Ø Les violences physiques
Le code pénal définit les violences physiques
comme « des atteintes à l'intégrité physique
d'une personne ». Les violences physiques se manifestent par des
coups et blessures volontaires, des mutilations, des tortures, des traitements,
des assassinats et meurtres.
Les violences physiques sont les violences les plus connues
par les femmes. Ce sont les cas les plus reçues par le CLVF : coups
de poing au visage, coups de pied au niveau d'une zone vulnérable pour
la femme (ventre, poitrine, reins), coups portés avec un couteau, une
paire de ciseaux, une machette. Les coups donnés occasionnent souvent
des fractures, des avortements, des mutilations à vie, des dents
arrachés ou la perte d'un oeil. La mort peut également survenir
suite à des coups violents reçus par une femme.
Voici le cas d'une femme faisant partie de
l'échantillon étudié, composé des femmes ayant
déjà subies une des formes de violences conjugales citées
et qui ont eu à recourir à l'un des organismes féminines
(CLVF ; RSJ).
(La jeune Awa sy, âgée de
18 ans est décapité par son mari Abdou Ndiaye, juste après
4mois de mariage. « C'était l'horreur samedi
dernier, au quartier Biram Kann, à Yeumbeul : vers 22heures, Abdou
Ndiaye, tailleur de son état, a tue sa femme avant de la trainer toute
nue devant leur maison, et demander aux voisins d'appeler les parents de la
victime qui portait une grossesse de trois mois. »)
(SOURCE LE QUOTIDIEN FEVRIER 2009)
- Le meurtre est le fait de donner volontairement la mort. Il
s'suppose que le coupable, non seulement inflige volontairement des violences
mais a pleine conscience de provoquer la mort de la victime.
- L'assassinat est le fait de tuer une personne avec
préméditation ou guet apens.
- La préméditation est le fait de bien
réfléchir sur le projet de tuer quelqu'un et de le faire
effectivement.
- Le guet apens est le fait d'attendre plus ou moins longtemps
un individu, en un ou plusieurs endroits, soit pour donner la mort, soit pour
exercer sur lui des actes de violences.
Ø Les violences verbales
A travers la parole, les violences verbales se traduisent de
plusieurs manières. Ce sont les insultes, les injures, les cris, les
éclats de voix, les parole déshonorants, dévalorisant,
vexantes, le dénigrement. Ce sont aussi les moqueries et paroles
blessantes. A partir de la quarantaine, des femmes ont témoignés
subir des violences verbales de la part de leurs maris qui commencent à
ne plus les trouver à leur gout. Les violences verbales comprennent
aussi l'évitement par la parole. Elles sont nombreuses les femmes
à qui on n'adresse plus la parole depuis longtemps sinon pour menacer,
intimider, insulter ou donner des ordres. Des femmes ont rapporté que
des paroles violentes et offensantes leur sont adressées quand elles se
trouvent dans l'impossibilité d'entretenir des relations sexuelles avec
leur mari pour cause de maladie en général ou dans
l'impossibilité de procréer.
Généralement les violences physiques
s'accompagnent de violences verbales.
Les femmes sont péniblement affectées par les
violences verbales caractérisées par leur invisibilité.
Certaines femmes ont avouées avoir été plus
blessées par les violences verbales que par celles physiques. L'auteur
de violence verbale l'utilise comme arme pour humilier, intimider, offenser,
dévaloriser, et souvent il réussit à atteindre sa
cible.
« Je suis une jeune femme qui habite dans la
banlieue dakaroise. Je suis régulièrement insulté par mon
mari et ceci devant mes enfants. Quand je me plains auprès de mes
parents, ils me disent de supporter car il y va de la réussite de mes
enfants. »
(Témoignage échantillon) source (CLVF)
Ø La retraite conjugale
Cette forme de violence est de plus en plus vécue par
les femmes qui ont dépassées la quarantaine. Et c'est d'ailleurs
les femmes qui ont sorties cette expression « retraite
conjugale ». A l'occasion d'un témoignage à Factick,
une femme âgée de plus de 45ans l'a émise vite reprise par
d'autres. Le CLVF l'a intégré dans les nouvelles formes de
violences subies par les femmes.
Entrain de devenir un phénomène courant, des
maris qui n'entretiennent plus de relations sexuelles avec leurs femmes
jugées vielles des l'atteinte de la quarantaine.
Le CLVF est témoin de cas de femmes dont les maris ont
déserté depuis longtemps le lit conjugal et ont
épousé des femmes plus jeunes.
Les conséquences sont à prendre avec
considération surtout lorsque l'adultère s'y mêle, pour ces
femmes maintenue dans les liens du mariage et privées de relations
sexuelles légitimes. La prostitution clandestine avec tous les risques
est aussi évoquée.
Ø Les violences affectives, morales et
psychologiques
C'est « tous actes qui implique des tourments et des
souffrances d'ordre mental sur la personne ». Ce sont les formes de
violence les plus pernicieuses commises à l'encontre des femmes.
Elles constituent une atteinte à l'honneur et à
la dignité de l'individu.
Les cas reçues par le CLVF sont relatifs à
l'injure, l'abandon moral, la stigmatisation, la marginalisation, le refus de
paternité, le dénigrement, la destruction morale, l'accusation de
sorcellerie ou de porte- malheur.
« Mon mari et moi sommes devenus deux
étrangers dans la maison. Cela fait trois ans que nous ne nous adressons
plus la parole. »
(Témoignage échantillon) SOURCE :
CLVF
· Les cas de sorcellerie sont rares mais quand elle se
produit, c'est toujours une femme qui est accusée, entrainant du coup la
marginalisation de toute la famille.
· Quand un homme n'a pas les moyens de subvenir aux
besoins de sa famille ou quand il est renvoyé de son travail, la faute
revient aussitôt à la femme qui est accusé de porter la
guigne. Des femmes sont accusées de porter mal chance à leurs
maris simplement parce que celui-ci ne parvient pas à percer
économiquement. Des fois on recommande même au mari de divorcer ou
de prendre une autre épouse pour attirer la chance.
· Le CLVF a noté dans certaines localités
la fugue d'enfants victimes de violences ou témoins de la violence de
leurs parents.
Ø Les violences
économiques
Les violences économiques sont parmi les plus
fréquentes. L'article 19 de la constitution signifie que « la
femme à le droit d'avoir son patrimoine comme son mari elle à le
droit de gestion personnel de ses biens ». En effet nombre de femmes
ne dénoncent pas les violences dont elles sont victimes, juste pour ne
pas perdre les avantages économiques qu'elles tirent du mariage. En
général se sont les femmes qui n'ont aucune activité
génératrice de revenue ou qui viennent de famille démunie.
Elles sont à la charge totale du mari.
Ainsi dépendant économiquement du mari elles
sont souvent dans l'incapacité de dénoncer les violences dont
elles sont victimes de peur de se retrouver à la rue avec leurs enfants.
Les violences économiques sont constituées par «
le fait de délaisser une personne, un bien ou une activité au
mépris d'un devoir ». (Lexique des termes juridiques). Les
violences économiques font parties des violences les plus
fréquentes et les organismes féminines sont
particulièrement sollicités pour les cas :
- D'abandon de foyer ; le mari déserte le foyer et
laisse les enfants à l'entière charge de leur maman et dans le
dénuement total si la femme ne travaille pas.
- Le refus de payer la pension alimentaire en cas de
divorce.
- Le cas de refus de contribuer correctement aux charges du
ménage alors que l'époux en a les moyens.
« Depuis qu'on a divorcé mon mari refuse de
verser la pension alimentaire à ses cinq enfants et a fini par
émigrer. »
(Témoignage échantillon) SOURCE :
CLVF
- L'abandon de la femme enceinte
- Le fait d'entraver l'activité économique de
la femme
« Quand j'ai voulu répliquer, les coups ont
plu sur moi. Je suis restée pendant 3 jours avant Je suis vendeuse de
cacahuètes. Mon mari dit qu'il a honte de mon activité et
pourtant il ne me donne rien pour compenser les maigres revenues que j'en tire.
Il s'est remarié. Un jour il m'a dit de choisir entre le ménage
et la vente de cacahuètes de me rendre au comité de
lutte. »
(Témoignage échantillon) SOURCE :
CLVF
Les agressions commises dans un contexte conjugal surviennent
à l'intérieur de ce qu'on appelle le « cycle de la violence
conjugale ». Ce cycle, qui est mis en place et orchestré par
l'agresseur, permet à celui-ci de maintenir sa domination sur sa
conjointe. Dans une relation conjugale marquée par la violence, ce cycle
se répète plusieurs fois et s'accélère avec le
temps.
CYCLE DES VIOLENCES CONJUGALES
PHASE 1 : Climat de tension
L'agresseur a des accès de
colère, menace l'autre personne du regard, fait peser de lourds
silences.
La victime se sent inquiète, tente
d'améliorer le climat, fait attention à ses propres gestes et
paroles
PHASE 2 : Crise
L'agresseur violente l'autre personne sur les
plans verbal, psychologique, physique, sexuel ou économique.
La victime se sent humiliée, triste, a
le sentiment que la situation est injuste.
PHASE 3 : Justification
L'agresseur trouve des excuses pour justifier
son comportement.
La victime tente de comprendre ses
explications, l'aide à changer, doute de ses propres perceptions, se
sent responsable de la situation.
PHASE 4 : Lune de miel
L'agresseur demande pardon, parle de
thérapie ou de suicide.
La victime lui donne une chance, lui apporte
son aide, constate ses efforts, change ses propres habitudes.
LES AUTEURS DE VIOLENCES SUBIES PAR LES
FEMMES
L'auteur des violences est d'abord une personne violente.
Le plus souvent se sont des hommes, mais aussi des femmes.
Ø Des hommes
- Le mari : c'est la plus grande fréquence et pour
touts les types de violences conjugales.
- Le beau frère
Ø Des femmes
- La belle mère
- La coépouse
- La belle - soeur
Elles ont citées dans les cas de discrimination
conjugal, incitation à l'abandon de l'épouse, exploitation
domestique, coups et blessure, violences verbales.
· Profil des auteurs de violences
L'expérience de terrain des deux organismes
féminines à travers la médiation sociale ,
l'accompagnement psychologique des victimes, les témoignages recueillis,
la consultation juridique et l'entretien avec certains auteurs de violences,
les entretiens aves les juristes, médecins, psychologues,
éducateurs sociaux, enseignants, ont permis de dresser un tableau des
auteurs de violences envers les femmes. Ces auteurs hommes ou femmes partagent
un certain nombre de caractéristiques.
- L'autorité exacerbée : cette
caractéristique est constatée chez la plupart des maris auteurs
de violences. Très autoritaires, ils n'acceptent pas la contradiction ou
le fait qu'une femme puisse élever le ton. Pour peu que la femme donne
son avis sans son autorisation les coups pleuvent. La personne autoritaire n'a
pas le sens de la communication, elle détient le monopole de la parole
et ne donne que des informations au lieu de communiquer.
- Le sentiment d'infériorité : les auteurs
de violences marques par le complexe d'infériorité ont
l'impression que leurs épouses les sous estiment, les minimisent. Ils
pensent qu'ils ont perdus une parcelle de leur pouvoir et compense par la
violence.
- L'ignorance de la loi : c'est en général
des auteurs qui refusent le changement. Ils considèrent que la femme et
les enfants sont la propriété de l'homme, qui peut disposer d'eux
comme bon lui semble.
- La toxicomanie : l'usage d'alcool et de drogue par des
auteurs est au coeur des violences faites aux femmes.
Le CLVF a constaté lors de ses entretiens avec des
auteurs de violences que la plupart, ont eu à regretter leurs gestes une
fois commis et souffrent de leurs situation de violences. Beaucoup de personnes
violentes ont eu à être témoin des scènes de
violences entre leurs parents. C'est comme s'ils avaient hérité
de la violence. Les auteurs des violences qui ont eu à s'entretenir avec
le CLVF adoptent un comportement d'apparence qui trompe souvent :
sobriété, courtoisie, ouverture d'esprit, galanterie dans le
geste et la parole. On a des difficultés pour croire que ce sont eux les
auteurs des actes dont ils sont accusés.
La violence entre coépouse ont comme soubassement la
jalousie et la promiscuité. Certaines tensions sont provoquées
par le comportement discriminatoire de l'époux et l'attitude de la belle
famille qui marque une préférence pour l'une des
épouses.
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