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Laà¯cité et droit du travail : la question du fait religieux en entreprise.

( Télécharger le fichier original )
par Kaouther Bouferroum
Faculté de Droit de Toulon - Master 1 Droit "Entreprise et patrimoine" 2015
  

Disponible en mode multipage

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Année universitaire 2015-2016

UFR Droit

Kaouther BOUFERROUM

Laïcité et droit du travail :

La question du fait religieux en entreprise

Mémoire de Master 1

Mention : Droit

Spécialité : Entreprise et patrimoine Parcours : Droit social

Sous la direction de : M. Cédric RIOT, maître de conférences à l'Université de Toulon

2

« L'Université n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à l'auteur ».

3

Remerciements

Je tiens à remercier mon directeur de mémoire M. Cédric Riot, maître de conférences à
l'Université de Toulon, pour avoir accepté d'encadrer mon travail de recherche ayant
abouti à la réalisation de ce mémoire ainsi que pour son aide précieuse.

Mes remerciements vont également à Mme Sylvie Torcol, maître de conférences à
l'Université de Toulon, pour ses conseils en méthodologie.

Je tiens aussi à remercier tout particulièrement mes parents, pour leur soutien
inconditionnel et leurs encouragements.

Enfin, un grand merci à toutes les personnes qui ont accepté de me relire et de me faire
part de leurs critiques, notamment ma soeur Aya que je remercie en particulier.

Sigles et abréviations

Al.

Art.

Ass. plén.

c/

CA

Cass. Soc.

CE

CEDH

Cf.

Chap.

Cons. Const.

CPH

Délib.

HALDE

HCI

Ibid.

JORF

OFRE

pp.

v.

Alinéa

4

Article

Assemblée plénière

Contre

Cour d'appel

Chambre sociale de la Cour de cassation

Conseil d'Etat

Cour européenne des Droits de l'Homme

Confer

Chapitre

Conseil constitutionnel

Conseil de Prud'hommes

Délibération

Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Haut conseil à l'intégration

Au même endroit

Journal officiel de la République française

Numéro

Observatoire du fait religieux en entreprise

Nombre de pages

Voir

5

Table des matières

Introduction 7

Titre I. L'encadrement légal des questions religieuses au travail 11

Chapitre I. Laïcité et services publics 12

§1 La nécessaire articulation entre liberté d'opinion, principes d'égalité et de

neutralité du service public 15

A. La liberté d'opinion 15

B. Principes d'égalité et de neutralité du service public 16

§2 La prohibition pour les agents de services publics de manifester leurs

croyances 17

A. La liberté religieuse des agents publics ne s'oppose pas à ce qu'en soit

prohibée la manifestation 17

B. Appréciation souveraine du juge en cas de violation de la neutralité du service

public 19

Chapitre II. Laïcité et entreprises privées 21

§1 Principe de non-application de la laïcité 22

A. Contentieux judiciaire 23

B. Cas particulier des entreprises dites « de tendance » 25

§2 Exception faite lorsque les restrictions sont justifiées par la nature de la tâche à

accomplir et à la condition d'être proportionnées au but recherché 26

A. Nature de la tâche 26

B. Proportion au but recherché 28

6

Titre II. L'encadrement pratique des questions religieuses au travail 30

Chapitre I. Principe de la liberté de l'employeur 31

§1 Extension du principe de laïcité par analogie aux services publics 32

A. Par le biais du contrat de travail 32

B. Par le biais du règlement intérieur 34

§2 Favorisation d'un dialogue face aux requêtes religieuses des salariés 35

A. La prévention comme solution à certaines situations de blocage 36

B. Pouvoir d'appréciation laissé à l'employeur 38

Chapitre II. Principe de liberté fondamentale des salariés 40

§1 Protection de la liberté religieuse du salarié 41

A. En droit international et européen 41

B. En droit interne 42

§2 Nécessaire équilibre avec le principe de liberté de l'employeur 44

A. Caractère relatif de certaines libertés religieuses du salarié 44

B. Prohibition du prosélytisme religieux en entreprise 46

Conclusion 48

Bibliographie 51

Annexes 56

7

Introduction

« Laïcité : le mot sent la poudre ; il éveille des résonances passionnelles contradictoires » Jean Rivero.

« Laïcité et droit du travail », un libellé qui peut paraître antinomique de prime abord. En effet, tandis que le droit du travail s'intéresse aux relations entre l'employeur et ses salariés, de nature privée donc, la laïcité se veut être un modèle garantissant la neutralité de l'Etat.

A l'origine, la laïcité (du grec laïkos, dérivé du substantif laos qui signifie « peuple », « nation », par opposition au clergé) a été pensée en France dès la fin du XIXème siècle. L'un de ses précurseurs fut l'homme politique Jules Ferry, qui instaura notamment l'école obligatoire et gratuite pour tous. En outre, elle devient progressivement « laïque » et écarte ainsi délibérément le personnel congréganiste. Car dans l'esprit de Jules Ferry - mais aussi de nombre de républicains de l'époque - la laïcisation de l'école devait permettre à terme « d'affranchir les consciences de l'emprise de l'Eglise et fortifier la patrie en formant les citoyens »1.

Mais ce n'est qu'une vingtaine d'années plus tard que va s'opérer définitivement la rupture entre l'Eglise et l'Etat à travers la loi du 9 décembre 1905, qui marquera un véritable tournant dans l'Histoire française. Ainsi aux termes de son article deux, « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte »2. En revanche, elle continue d'assurer à tous ses citoyens la liberté de conscience - y compris la liberté de croire et de manifester publiquement ses croyances - tant que l'ordre public ne s'en trouve pas troublé. L'universitaire Gérard Cornu définissait cet ordre comme « une norme qui, exprimée ou non dans une loi, correspond à l'ensemble des exigences fondamentales considérées comme essentielles au fonctionnement des services publics,

1 http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/ (consulté le 29 avril 2016)

2 Loi du 9 décembre 1905, JORF du 11 décembre 1905

8

au maintien de la sécurité ou de la moralité, à la marche de l'économie ou même à la sauvegarde de certains intérêts particuliers primordiaux »3.

Bien qu'ayant été longtemps débattu et fait couler beaucoup d'encre, le terme « laïcité » ne sera consacré juridiquement qu'en 1946 avec son inscription dans la Constitution du 27 octobre de la même année. L'article premier dispose ainsi que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », une formulation qui sera reprise plus tard dans la Constitution du 4 octobre 1958.

La laïcité se trouve donc garantie par un Etat neutre, lequel doit permettre aux individus d'extérioriser leurs convictions, opinions politiques, philosophiques et religieuses.

Pourtant aujourd'hui, nous avons tendance à oublier que si la laïcité existe elle n'a pas pour autant toujours été un acquis. Et qu'en dépit de l'essentialisation tendant à la résumer à la simple sécularisation de l'Etat, la question est, de fait, éminemment plus complexe.

En effet, force est de constater que le contexte national, et a fortiori international, a fort évolué depuis l'apparition de la notion de laïcité, de même que les problématiques auxquelles elle se retrouve désormais confrontée. L'arrivée massive de travailleurs immigrés jusque dans les années 1970, venant d'Algérie principalement, a vu émerger en France une religion qui était restée dès lors très minoritaire : l'islam. Absent des discussions sur la laïcité à ses prémices, demeuré silencieux durant de longues années en raison d'un certain devoir de « reconnaissance » de ces travailleurs immigrés envers l'Etat français, il devient plus revendicatif à la fin des années 1980. Un retour vers le religieux s'amorce indubitablement, au grand dam des plus ardents défenseurs de la laïcité. A cette époque, l'affaire des « voiles de Creil »4 agite la classe

3 CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 10ème édition, Paris, PUF, 2014, 1136 pp., coll. « Quadrige »

4 « Au début du mois d'octobre 1989, le collège Gabriel-Havez de Creil (Oise), situé en zone d'éducation prioritaire (ZEP), exclut, au nom du principe de neutralité et de laïcité scolaire, trois élèves qui refusent d'enlever leur foulard islamique en classe. Si le 9 octobre, le principal du collège, après avoir négocié avec les familles, obtient que le foulard soit retiré pendant les cours, l'affaire devient nationale et la

9

politique et soulève de nouveaux débats - lesquels s'accentueront dans le début des années 2000, notamment après les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center aux Etats-Unis.

Finalement, une loi visant à encadrer le port de signes religieux ostentatoires dans les écoles, collèges et lycées publics sera adoptée le 15 mars 20045 ; désormais, la laïcité ne se limite plus aux seuls fonctionnaires. Dans le même sens, la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public6 - qui vise plus spécifiquement le port du voile intégral - confirme cette extension du champ de la laïcité.

Aujourd'hui, la laïcité cristallise encore toutes les attentions, et plus particulièrement en droit du travail. Bien que celui-ci relève par nature de la matière privée, il n'est pas totalement incongru de considérer si la laïcité a lieu ou non de s'appliquer. D'autant plus qu'une étude réalisée en 20157 par l'institut Randstad et l'Observatoire du fait religieux en entreprise (OFFRE) révélait qu'un manager sur deux avait déjà été confronté au fait religieux ; de fait, il s'agit d'une véritable problématique sur la façon de l'appréhender.

Cela étant, le Code du travail ne donne aucune indication en la matière, si ce n'est l'obligation pour l'employeur de ne pas de porter atteinte aux libertés individuelles et collectives des salariés sans que cela soit justifié par la « nature de la tâche à accomplir » et proportionné au but recherché8, ni de faire de discrimination9.

A ce titre, la réforme du Code du travail portée par Mme la ministre du Travail Myriam El Khomri - initialement prévue en 2016, mais retardée par les nombreuses

polémique s'engage f...] » http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01136/l-affaire-du-foulard-islamique-en-1989.html (consulté le 29 avril 2016)

5 Loi n°2004-228 du 15 mars 2004, JORF du 17 mars 2004

6 Loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010, JORF du 12 octobre 2010

7 http://www.hrconsultancypartners.fr/le-travail-lentreprise-et-la-question-religieuse-from-groupe-
randstad-france/ (consulté le 29 avril 2016)

8 Art. L.1221-1 du Code du travail

9 Art. L.1132-1 du Code du travail

10

controverses auxquelles le projet a donné lieu10 - prévoyait d'entériner le principe de laïcité, non pas en l'appliquant directement à l'entreprise mais en consacrant a priori la liberté religieuse du salarié. Cela va en effet dans le sens du rapport de la commission Badinter, saisie en amont de ce projet, qui préconisait notamment : « la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses » sur le lieu de travail11.

Cependant, face aux critiques de cette mesure par la droite et l'extrême-droite, l'ensemble des soixante-et-un « principes essentiels du droit du travail » contenus dans le rapport Badinter ont finalement été abandonnés12.

Dans un contexte particulièrement tendu pour le droit du travail, l'intérêt de ce mémoire sera donc de répondre aux interrogations des employeurs en matière de fait religieux dans les entreprises mais aussi, d'offrir un éclairage aux salariés quant à leur liberté religieuse. De facto, il convient de poser la problématique suivante :

? Dans quelle mesure est-il possible d'envisager une extension du principe de laïcité en entreprise ?

Cette question appelle nécessairement la mobilisation de connaissances purement juridiques (titre I), en établissant notamment la distinction entre un service public et une entreprise. Mais aussi, et c'est justement tout l'intérêt de cette réflexion, elle appelle à proposer des solutions pratiques à la lumière de la jurisprudence et de certaines initiatives existantes (titre II), ceci afin de mieux appréhender l'articulation de la liberté religieuse du salarié avec les impératifs liés à la bonne marche de l'entreprise.

10 http://lentreprise.lexpress.fr/actualites/1/actualites/loi-travail-el-khomri-defend-son-texte-controverse-devant-les-deputes_1777463.html (consulté le 29 avril 2016)

11 http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/reforme-du-code-du-travail-la-laicite-s-invite-aussi-dans-l-
entreprise_1757010.html (consulté le 29 avril 2016)

12 http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/04/06/projet-de-loi-travail-les-deputes-suppriment-une-mesure-controversee-sur-les-libertes-religieuses-en-entreprise_4896704_823448.html (consulté le 29 avril 2016)

11

Titre I. L'encadrement légal des questions religieuses au travail

Le principe de laïcité s'applique différemment, selon qu'il s'agit de services publics (chapitre I) ou d'entreprises privées (chapitre II).

12

Chapitre I. Laïcité et services publics

Il faut se référer à la matière administrative pour définir la notion de « service public », laquelle est évoquée pour la première fois par l'arrêt Blanco13 rendu le 8 février 1873 par le Tribunal des conflits, considéré à bien des égards comme le texte fondateur du droit administratif. Mais ce n'est que quelques années plus tard qu'émergera réellement la définition de service public, dans l'arrêt Therond14 rendu par le Conseil d'Etat le 4 mars 1910. En l'espèce, un marché avait été conclu entre la ville de Montpellier et monsieur Therond, un particulier, ayant pour objet « la capture et la mise en fourrière des chiens errants, ainsi que l'enlèvement des bêtes mortes »15. La question s'était posée de savoir si un tel marché pouvait être assimilé à un service public, puisque monsieur Therond disposait d'un « véritable monopole »16, et ce, « en violation du principe de la liberté du commerce et de l'industrie »17. Le Conseil d'Etat a considéré qu'il s'agissait effectivement d'un contrat conclu en vue d'assurer un service public, puisque la ville de Montpellier « a agi en vue de l'hygiène et de la sécurité de la population »18. D'autres arrêts ont suivi par la suite, qui ont permis de mieux cerner la notion de service public ; entre autres, les arrêts Société des granites porphyroïdes des Vosges19 (1912), Bac d'Eloka20 (1921), Caisse primaire aide et protection21 (1938), Effimieff22 (1955), Epoux Bertin23 (1956), Ministre de l'agriculture contre Grimouard24 (1956).

Au-delà de ces considérations historiques, il est admis qu'un service public peut être reconnu en tant que tel soit par un texte législatif, soit par recours à des critères. Dans le premier cas, le législateur peut décider de qualifier certaines activités de services publics ; il en va ainsi pour les services « assurant tout ou partie de la

13 Tribunal des conflits 8 février 1873, n°00012

14 CE 4 mars 2010, n°29373

15 Ibid.

16 Ibid.

17 Ibid.

18 Ibid.

19 CE 31 juillet 1912, n°30701

20 Tribunal des conflits 22 janvier 1921, n°00706

21 CE 13 mai 1938, n°57302

22 Tribunal des conflits 28 mars 1955, n°01525

23 CE 20 avril 1956, n°98637

24 CE 20 avril 1956, n°33961

13

production par captage ou pompage, de la protection du point de prélèvement, du traitement, du transport, du stockage et de la distribution d'eau destinée à la consommation humaine » mentionnés à l'article L.2224-7 du Code général des collectivités territoriales, de même que « tout service assurant tout ou partie des missions définies à l'article L.2224-8 » du même Code. A l'inverse, dans l'arrêt Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés25 rendu par le Conseil d'Etat le 22 février 2007, le législateur « a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires de centres d'aide par le travail revête le caractère d'une mission de service public »26.

A défaut de texte, la doctrine a retenu deux critères qui, s'ils sont cumulativement remplis, permettent de qualifier une activité de service public :

? Un critère organique :

En effet, pour être qualifiée de service public une activité doit être gérée directement ou indirectement par une personne publique. Deux situations sont possibles :

- Activité gérée en régie : lorsqu'une personne publique exécute elle-même l'activité ;

- Délégation de service public : lorsqu'il incombe à une personne privée d'exécuter, sous le contrôle d'une personne publique, une mission de service public. Cette délégation peut être soit expresse, si elle est « la conséquence d'un acte contractuel de délégation »27, soit implicite, lorsque « la personne gestionnaire est une société dont le capital est détenu majoritairement par une personne publique »28 ou encore s'il existe un faisceau d'indices permettant de la supposer (l'origine des ressources de la personne gestionnaire par exemple).

25 CE 22 février 2007, n°264541

26 Ibid.

27 http://www.centredeformationjuridique.com/fascicule/Droit_administratif.pdf (consulté le 4 avril 2016)

28 Ibid.

14

? Un critère matériel :

Pour être qualifiée de service public, l'activité doit, en outre, satisfaire un intérêt général. Cette notion est difficile à appréhender du fait de son aspect évolutif ; elle doit en effet prendre en compte l'apparition de problématiques nouvelles, comme l'impératif de préservation de l'environnement à titre d'exemple. Mais aussi, en raison de son caractère quelque peu « flou ». Néanmoins il est possible d'en esquisser les contours grâce à la définition donnée par le Conseil d'Etat, qui y avait consacré toute une réflexion en 199929 :

« Il existe deux conceptions divergentes de l'intérêt général. L'une, utilitariste, ne voit dans l'intérêt commun que la somme des intérêts particuliers. L'autre, volontariste, estime que l'intérêt général exige le dépassement des intérêts particuliers. Il est dans cette perspective l'expression de la volonté générale. Ce clivage sépare deux visions de la démocratie : d'un côté une démocratie de l'individu, qui tend à réduire l'espace public à l'organisation de la coexistence entre les intérêts particuliers, l'autre, plus proche de la tradition républicaine française, qui fait appel à la capacité des individus à dépasser leurs propres intérêts, pour former ensemble une société politique. Cette conception a profondément marqué l'ensemble de notre système institutionnel. Il revient à la loi, expression de la volonté générale, de définir l'intérêt général, au nom duquel les services de l'État, sous le contrôle du juge, édictent des normes réglementaires, prennent des décisions individuelles et gèrent les services publics ».

L'intérêt de ce premier chapitre sera justement de s'intéresser à l'application du principe de laïcité au sein des services publics, lesquels on le rappellera ne s'opposent pas à la liberté religieuse de leurs agents mais à celle de manifester leurs croyances. C'est pourquoi les services publics, que leur activité soit gérée en régie ou déléguée à une personne privée, doivent nécessairement articuler la liberté d'opinion de leurs agents avec les principes d'égalité et de neutralité inhérents à leur nature (§1). Aussi,

29 Rapport public du Conseil d'Etat, Réflexions sur l'intérêt général, 1999

15

c'est en vertu de ces deux derniers que la prohibition de toute manifestation religieuse s'impose aux agents de services publics (§2).

§1 La nécessaire articulation entre liberté d'opinion, principes d'égalité et de neutralité du service public

Afin de mieux appréhender cette articulation, il conviendra de définir les différentes notions précitées : d'une part, la liberté d'opinion (A.), et d'autre part, les principes d'égalité et de neutralité du service public (B.).

A. La liberté d'opinion

Cette liberté se retrouve dans l'article 6 de la loi du 13 juillet 198330 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors, qui dispose que :

« La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires.

Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ».

Cet article met donc en exergue la liberté d'opinion des fonctionnaires, et, par analogie, des agents de services publics. Le texte ajoute qu' « aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation »31 ne pourra être prise à l'encontre d'un fonctionnaire en raison de ses opinions, dès lors que cette liberté est un droit qui lui est garanti.

30 Loi n°83-634 du 13 juillet 1983, JORF du 14 juillet 1983

31 Ibid.

16

B. Principes d'égalité et de neutralité du service public

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 septembre 198632, lie pour la première fois le principe d'égalité à celui de neutralité :

« [...] Ces cahiers des charges doivent nécessairement se conformer aux principes fondamentaux du service public et notamment au principe d'égalité et à son corollaire le principe de neutralité du service ».

Mais quid de cette notion de neutralité, souvent confondue avec celle de laïcité ? Les deux termes peuvent en effet paraître synonymes, mais en réalité il n'en est rien. La différence ici, essentielle, tient à ce que la neutralité s'applique aux services publics uniquement, tandis que le champ de la laïcité est, lui, beaucoup plus étendu. C'est également ce qui ressort de l'avis donné le 26 septembre 201333 par la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme, saisie à l'occasion par le Président de l'Observatoire de la laïcité M. Jean-Louis Bianco. Selon la CNCDH, la neutralité implique nécessairement que « l'administration et les services publics doivent donner toutes les garanties de la neutralité, mais doivent aussi en présenter les apparences pour que l'usager ne puisse douter de cette neutralité. En conséquence, une obligation de neutralité particulièrement stricte s'impose ». Ainsi cette affirmation ne laisse planer aucun doute quant à la manifestation des convictions religieuses des agents publics qui doit être prohibée ipso facto, de même que le port de tout signe religieux. Et ce, que les agents soient ou non en contact avec les usagers, ajoute la CNCDH, qui ne doivent en aucun cas douter de leur neutralité.

Par ailleurs, une charte de la laïcité34, précisée par la circulaire n°5209/SG du 13 avril 2007, rappelle aussi bien aux agents qu'aux usagers des services publics leurs droits et devoirs à l'égard du principe de laïcité.

32 Cons. Const. 18 septembre 1986, n°86-217 DC, JO du 19 septembre 1986

33 CNCDH 26 septembre 2013, JORF du 9 octobre 2013

34 Cf. Annexe 1 (charte de la laïcité dans les services publics)

17

§2 La prohibition pour les agents de services publics de manifester leurs croyances

Il conviendra dans ce paragraphe d'étudier la portée générale de ce principe, à savoir que les agents bénéficient d'une liberté d'opinion, religieuse notamment, mais que celle-ci ne s'oppose pas non plus à ce qu'en soit prohibée la manifestation (A.). Il appartient ainsi au juge d'apprécier le manquement qui résulterait de la violation de ce principe (B.).

A. La liberté religieuse des agents publics ne s'oppose pas à ce qu'en soit prohibée la manifestation

Si des agents publics ne peuvent faire l'objet de discrimination au regard de leurs convictions religieuses, cette garantie ne doit pas pour autant leur permettre de manifester publiquement leurs croyances. L'arrêt Marteaux35, rendu le 3 mai 2000 par le Conseil d'Etat, dispose en ce sens :

« Si les agents du service de l'enseignement public bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l'accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ; il n'y a pas lieu d'établir une distinction entre les agents de ce service public selon qu'ils sont ou non chargés de fonctions d'enseignement ».

Cet arrêt est fondamental en ce sens qu'il précise le champ d'application de la laïcité, qui doit s'étendre à l'ensemble des agents publics et non pas seulement aux enseignants. Car il s'agit bien de la manifestation des croyances religieuses des agents qui semblerait contraire au fonctionnement du service, et non pas ces croyances en tant que telles qui, nous le rappelons encore, sont garanties par la loi.

35 CE 3 mai 2000, n°217017

18

Un autre arrêt, rendu cette fois par la chambre sociale de la Cour de cassation le 19 mars 2013, l'arrêt CPAM Seine Saint-Denis36, illustre parfaitement ce principe. Il faut rappeler ici les faits d'espèce, où une technicienne prestations maladie avait été embauchée par la CPAM de Seine Saint-Denis. Un règlement intérieur complété par une note de service indiquait que « le port de vêtements ou d'accessoires positionnant clairement un agent comme représentant un groupe, une ethnie, une religion, une obédience politique ou quelque croyance que ce soit »37, et notamment « le port d'un voile islamique, même sous forme de bonnet »38, étaient prohibés. La technicienne a ainsi été licenciée pour cause réelle et sérieuse le 29 juin 2004, au motif qu'elle portait « un foulard islamique en forme de bonnet »39. Elle a donc saisi la juridiction prud'homale pour faire valoir la nullité de son licenciement, car fondé sur des motifs discriminatoires. Le Conseil de Prud'hommes fait droit à la demande de l'appelante, mais la Cour d'appel de Paris, puis la Cour de cassation, se positionneront différemment. Cette dernière décide en effet de confirmer la décision de la Cour d'appel, laquelle avait jugé conforme le licenciement de la technicienne en retenant que « les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé »40. Bien que le Code du travail ait en principe vocation à s'appliquer aux agents des caisses primaires d'assurance maladie, ils n'en demeurent pas moins « soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires »41. Dans cet arrêt, la Cour de cassation ne retient pas le fait que « la salariée soit ou non directement en contact avec le public »42 ; dès lors qu'elle est employée par une caisse dont l'activité revêt le caractère de service public, la restriction instaurée par le règlement intérieur de cette dernière est justifiée par la mise en oeuvre du principe de laïcité, lequel permet de garantir aux yeux des usagers la neutralité du service public.

36 Cass. Soc. 19 mars 2013, n°12-11690

37 Ibid.

38 Ibid.

39 Ibid.

40 Ibid.

41 Ibid.

42 Ibid.

19

La portée de cet arrêt s'inscrit donc dans la continuité de l'arrêt Marteaux susmentionné, lesquels ne font pas obstacle à la liberté de croyances religieuses mais bel et bien à la manifestation de celles-ci. L'arrêt CPAM Seine Saint-Denis en particulier nous montre à quel point peut être ardue la tâche des juges, qui ont à faire ici avec un droit « hybride » se situant à la charnière du droit privé et administratif. Tout l'intérêt du travail de la Cour de cassation sera donc d'articuler les composantes de ces différents droits, afin de parvenir à l'équilibre le plus juste possible.

B. Appréciation souveraine du juge en cas de violation de la neutralité du service public

De fait, tout agissement de l'agent public qui contreviendrait à ce principe sera considéré comme un manquement à l'obligation de réserve dont il est tenu. Cette obligation se rapporte aussi bien à l'expression écrite qu'orale de ses opinions personnelles, que pendant et hors du temps de service43.

Dans l'arrêt Marteaux susmentionné, le Conseil d'Etat précise que « les suites à donner à ce manquement, notamment sur le plan disciplinaire, doivent être appréciées par l'administration sous le contrôle du juge, compte tenu de la nature et du degré de caractère ostentatoire de ce signe, comme des autres circonstances dans lesquelles le manquement est constaté »44.

Il revient ainsi au juge de sanctionner ce manquement, mais son appréciation pourra être plus ou moins souple selon les cas. Cela fait l'objet d'une jurisprudence constante, en témoigne l'arrêt Demoiselle Weiss45 rendu par le Conseil d'Etat le 28 avril 1938. Dans ce cas d'espèce, une institutrice stagiaire s'était vue refuser la titularisation au motif qu'elle avait « violé le principe de la neutralité scolaire » en conviant un élève-maître à venir assister à des conférences à caractère religieux. Le Conseil d'Etat a censuré la décision, estimant que l'institutrice stagiaire ne pouvait faire l'objet d'une

43 https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F530 (consulté le 8 avril 2016)

44 CE 3 mai 2000, n°217017

45 CE 28 avril 1938, n°59.548 et n°59.549

sanction disciplinaire dès lors qu'elle avait invité l'élève-maître par l'intermédiaire d'une lettre privée et dans le cadre des vacances scolaires.

De manière générale, la manifestation de croyances religieuses pour un agent public, lorsqu'elle intervient sur le lieu et pendant le temps de travail, est considérée comme une faute. Celle-ci peut donc faire l'objet d'une sanction disciplinaire ; mais dans un souci de proportionnalité, « la nature et le degré du caractère ostentatoire ou provocateur du signe religieux porté par l'agent concerné »46 seront également pris en compte pour apprécier la rupture de l'obligation de neutralité. Néanmoins des exceptions à ce principe sont à relever, comme le cas de certains établissements de nature confessionnelle associés ou participant au service public.

Enfin, une circulaire du 10 février 201247 permet désormais aux agents publics de bénéficier d'autorisations d'absence pour les principales fêtes religieuses intervenant à l'occasion d'un jour travaillé. Cependant, si de tels aménagements sont permis au nom de la liberté religieuse, ils ne doivent pas pour autant entraver le fonctionnement normal du service public.

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46 http://eternautes.free.fr/decouv/04soc.doc (consulté le 4 avril 2016)

47 Circ. du 10 février 2012, NOR:MFPF1202144C

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Chapitre II. Laïcité et entreprises privées

Au sens large, « l'entreprise est une unité économique et juridique produisant des biens et des services pour les vendre sur un marché afin de réaliser un bénéfice »48. Mais en matière de relations entre employeur et salariés, c'est à la lumière du droit du travail qu'il conviendra d'étudier la chose. Cependant, en ce qui concerne le thème de ce mémoire, il n'existe pas à ce jour de référence explicite à la laïcité dans le Code du travail. La question était alors restée en suspens, jusqu'au récent projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs présenté le 9 mars 2016 en Conseil des ministres par Mme la ministre du Travail Myriam El Khomri. En effet, son article 6 dispose que :

« La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ».

C'est d'ailleurs la formulation qu'avait retenu la commission Badinter dans son rapport remis au gouvernement le 25 janvier 201649. Il s'agissait ainsi d'introduire pour la première fois la question du fait religieux dans le Code du travail - qui jusqu'à présent traite bien des libertés individuelles et collectives mais élude les convictions religieuses des salariés - afin de formaliser la jurisprudence française et européenne existante à ce sujet.

Cette proposition n'a pas été sans soulever de nombreux débats dans la sphère politico-médiatique, houleux pour la plupart. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette mesure a finalement été abandonnée le 5 avril 201650.

48 CAPUL Jean-Yves, GARNIER Olivier, Dictionnaire d'économie et de sciences sociales, Paris, Hatier, juin 2005, 576 pp.

49 Cf. Annexe 2 (rapport Badinter)

50 http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/04/06/projet-de-loi-travail-les-deputes-suppriment-une-mesure-controversee-sur-les-libertes-religieuses-en-entreprise_4896704_823448.html (consulté le 29 avril 2016)

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A défaut de loi, le principe est que la laïcité n'a pas lieu de s'appliquer au sein des entreprises privées (§1). Le Code du travail admet néanmoins une entorse à ce principe, dès lors que les restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives seraient justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (§2).

§1 Principe de non-application de la laïcité

S'il n'est pas fait mention à proprement parler de la laïcité dans le Code du travail, son livre premier consacre plusieurs articles prohibant toute discrimination des salariés en raison notamment de leurs convictions religieuses. L'article L.1132 dispose en ce sens qu' « aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte [...], en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation « ou identité » sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ».

Le domaine d'application de ce principe semble a priori très large, puisqu'il s'étend même aux stages et périodes de formation dans l'entreprise. Et, si la liberté religieuse et notamment celle de la manifester n'est pas explicitement mentionnée, l'interdiction de discrimination en raison de celle-ci est clairement établie. Mieux, l'article L.1132-1 ne fait pas de distinction entre une mesure discriminatoire directe ou indirecte. La loi du 27 mai 200851 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a permis d'identifier ces deux cas de figure :

51 Loi n°2008-496 du 27 mai 2008, JORF du 28 mai 2008

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- La discrimination directe est celle qui, en raison notamment de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, d'un individu à une ethnie, ou encore du fait de sa religion, de ses convictions, de son âge, de son handicap, de son orientation ou de son identité sexuelle, entre autres, fait en sorte qu'il est traité « de manière moins favorable qu'une autre [personne] ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable »52 ;

- La discrimination indirecte est, quant à elle, « une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés »53.

Aussi, c'est en vertu de ce principe d'interdiction de mesures discriminatoires à l'encontre des salariés qu'un certain nombre d'arrêts abondent en ce sens (A.). Cependant, il convient d'évoquer le cas particulier des entreprises dites « de tendance », pour lesquelles il semble admis qu'elles puissent faire une entorse à ce principe (B.).

A. Contentieux judiciaire

Un contentieux relativement important existe en matière de discriminations religieuses, ce qui a contribué ainsi à mieux cerner les cas visés en l'absence de texte législatif clair à ce sujet :

Dans un jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 17 décembre 200254, le licenciement d'une salariée qui refusait de se conformer à l'interdiction qui lui avait été faite au moment de sa mutation au siège social de porter un voile islamique a pu être considéré comme nul, dans la mesure où elle était déjà en contact avec la clientèle avant sa mutation tout en étant voilée. De plus, cette mesure discriminatoire était fondée sur les convictions religieuses de la salariée et constituait ipso facto un

52 Ibid.

53 Ibid.

54 CPH Paris 17 décembre 2002, n°02/03547

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trouble manifestement illicite ; dès lors que l'employeur était incapable de fournir des éléments objectifs étrangers à cette discrimination tenant à justifier sa décision de licencier la salariée, le juge des référés a pu ordonner à bon droit la réintégration de celle-ci à l'entreprise.

Dans un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 19 juin 200355, il en est de même pour une salariée qui s'était vue notifier par son employeur une lettre de rupture de son contrat de travail, laquelle faisait expressément référence au refus de celle-ci de renoncer au port du voile islamique. Le juge a ainsi ordonné la poursuite du contrat de la salariée, dès lors que le port du voile islamique ne soulevait aucun problème particulier dans ses contacts avec la clientèle.

Dans un arrêt rendu cette fois par la chambre sociale de la Cour de cassation le 19 mars 201356, une salariée qui occupait les fonctions de directrice adjointe au sein d'une crèche gérée par une association avait été licenciée du fait qu'elle refusait de renoncer au port du voile islamique à son retour de congé parental. Elle avait d'abord fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire avant d'être licenciée pour faute grave, au motif « qu'elle avait contrevenu aux dispositions du règlement intérieur de l'association en portant un voile islamique »57. La Cour de cassation, dans le premier épisode du feuilleton Baby-Loup, a estimé que la clause litigieuse58 du règlement intérieur instaurait « une restriction générale et imprécise »59, ne répondant pas ainsi « aux exigences de l'article L.1321-3 du Code du travail et que le licenciement, prononcé pour un motif discriminatoire, était nul »60.

Enfin, dans un arrêt rendu le 15 janvier 2013 par la Cour européenne des droits de l'Homme61, l'interdiction qui avait été faite à une salariée de porter une croix de

55 CA Paris 19 juin 2003, n°03-30212

56 Cass. Soc. 19 mars 2013, n°11-28.845

57 Ibid.

58 « Le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche »

59 Cass. Soc. 19 mars 2013, n°11-28.845

60 Ibid.

61 CEDH 15 janvier 2013, arrêt Eweida et a. c/ Royaume-Uni

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manière visible sur son lieu de travail, alors que d'autres salariés de l'entreprise avaient été autorisés auparavant à porter des vêtements à connotation religieuse, tels que le turban ou le voile, sans que cela n'ait d'impact négatif sur l'image de l'entreprise, a pu être jugée comme discriminatoire.

Ce florilège de décisions fait ainsi montre du souci des juges à l'égard de la liberté religieuse des salariés, et qu'ils peuvent être de ce fait particulièrement sévères en matière de discrimination religieuse.

B. Cas particulier des entreprises dites « de tendance »

Il est néanmoins admis que certaines entreprises, en raison de leur nature particulière, puissent sanctionner leurs salariés du fait de leurs opinions dès lors que celles-ci divergent avec celles de l'employeur. Il s'agit des entreprises dites « de tendance », lesquelles se définissent comme « des entreprises identitaires dans lesquelles une idéologie, une morale, une philosophie ou une politique est expressément prônée, où l'objet de l'activité de ces entreprises et la défense sont la promotion d'une doctrine ou d'une éthique »62. A titre d'exemple, nous pouvons citer les partis politiques, les organisations syndicales, les écoles catholiques, etc.

La directive européenne du 27 novembre 200063 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail prévoit ainsi un assouplissement du principe de non-discrimination. En effet, son article 4 dispose que « la présente directive est sans préjudice [...] du droit des églises et des autres organisations publiques ou privées dont l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions, agissant en conformité avec les dispositions constitutionnelles et législatives nationales, de requérir des personnes travaillant pour elles une attitude de bonne foi et de loyauté envers l'éthique de l'organisation »64. Bien que cette partie n'ait pas été transposée en droit français, la notion d'entreprise de tendance est

62 https://www.cfdt.fr/portail/theme/vie-au-travail/liberte-religieuse-en-entreprise-etat-de-la-

jurisprudence-en-france-prod_145337 (consulté le 11 avril 2016)

63 Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000

64 Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000

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désormais connue de la jurisprudence et a permis notamment de justifier certaines atteintes à la liberté religieuse. Tel est le cas par exemple d'une enseignante d'un établissement catholique, licenciée au motif qu'elle s'était remariée après son divorce65.

§2 Exception faite lorsque les restrictions sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et à la condition d'être proportionnées au but recherché

Aux termes de l'article L.1121-1 du Code du travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». A contrario, il est possible d'en déduire qu'il peut être fait exception au principe de non-application de la laïcité au sein des entreprises privées dès lors que la nature de la tâche à accomplir justifie ces restrictions (A.). Cependant, celles-ci doivent être nécessairement proportionnées au but recherché (B.).

A. Nature de la tâche

L'article susvisé L.1121-1 a une portée beaucoup plus large que celle de la simple liberté religieuse, dès lors qu'il vise toutes les « libertés individuelles et collectives ». La jurisprudence admet néanmoins des exceptions à l'application de cet article, notamment lorsque les restrictions imposées par l'employeur sont liées à des raisons de santé et de sécurité au travail, à l'image de marque de l'entreprise ou encore à la décence.

Le refus du salarié de se conformer aux directives de l'employeur pourra alors s'analyser en une faute, passible de sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.

Il en est de même en matière de port de signes religieux ostentatoires qui peut, dans une certaine mesure, impacter l'image de marque de l'entreprise. Effectivement dans un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 16 mars 200166, une salariée qui occupait les fonctions de vendeuse au sein du centre commercial de La Défense a été

65 Cass. ass. plén. 19 mai 1978, n°76-41.211

66 CA Paris 16 mars 2001, n°1999/31302

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licenciée au motif qu'elle s'obstinait à vouloir porter un voile islamique de façon ostentatoire alors qu'elle était amenée à être en contact avec la clientèle. Son employeur s'était alors opposé, « en raison des répercussions sur la clientèle et les autres salariés »67, à une « tenue de travail non conforme à celle pratiquée dans l'entreprise qui avait selon son règlement intérieur adopté une tenue uniforme »68. La Cour d'appel avait également retenu que le centre commercial de La Défense, « dont la conception destinée à un large public aux convictions variées, [imposait] en conséquence à ceux qui y travaillent la neutralité ou à défaut la discrétion dans l'expression des opinions personnelles »69 en matière de religion. Dès lors que l'employeur ne s'était pas opposé au port d'un « foulard noué en bonnet », la restriction à la liberté individuelle de la salariée - qui ne constituait pas une faute dans l'exercice de son pouvoir de direction - était légitime. Par conséquent, le refus de la salariée d'obtempérer constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Par ailleurs, n'est pas illégal non plus le règlement intérieur qui prévoirait une clause obligeant « le personnel en contact avec la clientèle d'avoir une présentation correcte et soignée adaptée à l'image de marque du magasin »70.

Enfin, il faut rappeler l'arrêt Baby-Loup71 qui est fondamental en matière de restriction aux libertés individuelles justifiée en raison de la nature de la tâche à accomplir. Pour rappel, la première Cour de cassation avait tranché en faveur de la salariée discriminée puis renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Paris. Mais au lieu de suivre la décision des juges du droit, la Cour d'appel décide de faire de la résistance en estimant que le règlement intérieur de la crèche était suffisamment précis et que celle-ci pouvait même, au sens de la directive européenne du 27 novembre 2000, constituer une « entreprise de conviction ». La seconde Cour de cassation, dans son arrêt en date du 25 juin 2014, rejette cette dernière assertion. En revanche, elle revire sa position de manière tout à fait remarquable, en tenant compte notamment de la taille de la structure : elle admet finalement que « la restriction à la liberté de manifester sa

67 Ibid.

68 Ibid.

69 Ibid.

70 Circ. DRT no 1991/17 du 10 septembre 1991

71 Cf. §1 du présent chapitre pour les faits de l'espèce

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religion édictée par le règlement intérieur ne présentait pas un caractère général, mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de l'association et proportionnée au but recherché »72. La Cour de cassation retient ainsi le raisonnement de la Cour d'appel de Paris, selon lequel la volonté de « protéger la liberté de pensée, de conscience et de religion à construire pour chaque enfant »73 et de « transcender le multiculturalisme des personnes auxquelles s'adresse [la crèche] »74 est de nature à justifier la restriction posée par son règlement intérieur, sans préjudice des articles L.1121-1 et L.1321-3 du Code du travail. Le licenciement de la salariée est ainsi confirmé, au terme d'un long feuilleton judiciaire.

Néanmoins, il est à se demander si ce revirement jurisprudentiel ne serait pas dû également à la ferveur politico-médiatique qui avait entouré l'affaire Baby-Loup à l'époque. Il faut se rappeler notamment de l'engagement surprenant de Mme Jeannette Bougrab, alors présidente de l'ex-HALDE75, aux côtés de la directrice de la crèche, ou encore du soutien inconditionnel de la philosophe Mme Elisabeth Badinter, connue pour ses positions féministes. M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur de l'époque, n'avait pas non plus hésité à faire part de sa volonté de « [sortir] quelques secondes de [ses] fonctions »76 pour protester contre la décision de la première Cour de cassation, qui était, selon ses termes, une « mise en cause la laïcité »77.

B. Proportion au but recherché

L'article L.1121-1 pose également le principe de proportionnalité au but recherché, lequel est aussi repris dans l'article L.1321-3 du Code du travail. De manière générale, la notion de proportionnalité en droit se veut être un principe d'adéquation des moyens à un but recherché.

72 Cass. Soc. 25 juin 2014, n°13-28369

73 Ibid.

74 Ibid.

75 « Défenseur des droits » depuis le 1er mai 2011

76 http://www.lepoint.fr/politique/creche-baby-loup-manuel-valls-regrette-une-mise-en-cause-de-la-
laicite-19-03-2013-1642968_20.php (consulté le 11 avril 2016)

77 Ibid.

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En matière de liberté religieuse, une restriction imposée par l'employeur ne peut être admise que si elle est - en plus d'être justifiée par la nature de la tâche à accomplir - proportionnée au but recherché. La jurisprudence nous en donne deux illustrations :

Dans l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 16 mars 200178, dont il est fait mention dans les pages précédentes, le licenciement de la salariée avait été rendu possible du fait que l'interdiction du port de signes religieux dans l'entreprise n'était pas absolue ; en effet, l'employeur autorisait en l'espèce le port d'un « foulard noué en bonnet », la seule restriction étant qu'il ne devait pas être porté de manière ostentatoire.

Dans un autre arrêt, rendu cette fois par la chambre sociale de la Cour de cassation le 3 juin 200979, des salariés qui refusaient de porter un uniforme ont été licenciés pour faute grave. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société qui avait été condamnée en appel, au motif que la restriction vestimentaire résultant d'une convention collective ne pouvait concerner que les salariés en contact avec la clientèle. Même s'il n'est pas question ici de restriction en matière religieuse, la portée de cet arrêt peut aisément s'y prêter.

La notion de proportionnalité est cependant très délicate, en ce sens que son appréciation peut être fort relative. Tel est le cas par exemple de quatre salariés licenciés en raison de leur barbe, considérée comme « non conforme »80 par leur employeur. La question peut paraître risible, voire même sans fondement aucun, mais elle a pourtant été posée au Conseil de Prud'hommes de Bobigny qui aura à la trancher le 17 juin 2016 prochain.

78 CA Paris 16 mars 2001, n°1999/31302

79 Cass. Soc. 3 juin 2009, n°08-40.346

80 http://www.leparisien.fr/economie/les-barbus-non-conformes-de-l-aeroport-d-orly-attaquent-aux-prud-hommes-09-04-2016-5700375.php#xtref=https%3A%2F%2Fwww.google.fr%2F (consulté le 9 avril 2016)

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Titre II. L'encadrement pratique des questions religieuses au travail

Nous avons vu dans le titre premier de ce mémoire, notamment, à quel point il peut être parfois difficile de concilier liberté religieuse avec les impératifs liés à la bonne marche de l'entreprise. Ce choix cornélien soulève la question d'un nécessaire équilibre entre liberté de l'employeur (chapitre I) et liberté fondamentale du salarié (chapitre II).

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Chapitre I. Principe de la liberté de l'employeur

Traditionnellement, la vision libérale affirme le caractère prépondérant de la liberté individuelle dans les domaines économique et politique81. En d'autres termes, il s'agit de la liberté de commerce et d'industrie issue du décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, aux termes duquel « il [est] libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon, mais elle [est] tenue de se pourvoir auparavant d'une patente, d'en acquitter le prix d'après les taux ci-après déterminés et de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 janvier 198282, en fait alors un principe à valeur constitutionnelle. Dans le même temps il consacre la liberté d'entreprendre, entendue au sens de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 comme « la liberté [qui] consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui [..] ».

Ainsi, il apparaît en vertu de ces principes généraux que le chef d'entreprise, au sens large, dispose d'une liberté étendue et notamment celle d'organiser son activité comme bon lui semble. Pour autant, il ne doit pas non plus se heurter à des dispositions d'ordre public.

Or en dehors de ce qui a été mentionné dans le titre premier de ce mémoire, il n'existe à ce jour aucun texte encadrant la laïcité dans les entreprises privées. Partant de ce postulat, nous verrons dans quelle mesure il est possible d'envisager une extension du principe de laïcité aux entreprises privées par analogie aux services publics (§1). A contrario, certains employeurs, même s'ils sont conscients que la question religieuse peut fâcher, encouragent le dialogue afin de mieux prendre en compte les requêtes religieuses de leurs salariés (§2).

81 CAPUL Jean-Yves, GARNIER Olivier, Dictionnaire d'économie et de sciences sociales, Paris, Hatier, juin 2005, 576 pp.

82 Cons. Const. 16 janvier 1982, n°81-132 DC, JO du 17 janvier 1982

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§1 Extension du principe de laïcité par analogie aux services publics

L'employeur dispose effectivement d'instruments juridiques, qui peuvent lui permettre dans une certaine mesure d' « étendre » le principe de laïcité à son organisation : le contrat de travail (A.) et le règlement intérieur (B.).

A. Par le biais du contrat de travail

Par définition, le contrat de travail est une « convention par laquelle une personne, le salarié, s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre personne, l'employeur, moyennant une rémunération, le salaire »83. Le contrat de travail peut prévoir un certain nombre de clauses, cependant les convictions religieuses du salarié n'entrent pas dans le cadre de celui-ci. De ce fait, l'employeur qui demande au salarié d'exécuter une tâche pour laquelle il a été embauché ne commet aucune faute, dès lors que cette tâche ne contrevient pas à des dispositions d'ordre public. La Cour de cassation avait statué dans ce sens, dans un arrêt rendu par la chambre sociale le 24 mars 199884. Dans ce cas d'espèce, un boucher a cessé de travailler après avoir été avisé qu'il était en contact avec de la viande de porc, incompatible avec sa confession musulmane. Il avait alors demandé à être muté dans un autre service par son employeur, ce qui lui a été refusé par ce dernier. La Cour de cassation a ainsi admis la cause réelle et sérieuse du licenciement de ce salarié.

De la même façon, un salarié de confession musulmane en état de jeûne qui refuse d'assister à des réunions d'équipe comprenant un déjeuner - même en ayant la possibilité de ne pas manger - ou encore un salarié de confession juive qui se borne à ne pas répondre au téléphone un vendredi après-midi, en raison de ses convictions religieuses, peuvent tous deux encourir une sanction disciplinaire85.

83 GRANDGUILLOT Dominique, Social 2016 : les points clé du droit du travail et de la protection sociale, Issy-les-Moulineaux, Gualino, Lextenso éditions, janvier 2016, 50 pp.

84 Cass. Soc. 24 mars 1998, n°95-44.738

85 Diaporama Powerpoint « le fait religieux en entreprise : mieux comprendre pour mieux agir » de BENAISSA Hicham, mai 2015

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Par ailleurs, concernant la question du jeûne, force est de constater qu'il s'agit là d'une problématique assez récurrente en entreprise. D'autant plus que cette pratique est commune aux trois religions monothéistes86 ; elle est néanmoins plus « contraignante » pour les musulmans, qui doivent s'abstenir de boire et de manger pendant tout le mois de Ramadan. Or ces dernières années, le jeûne de ce mois coïncide avec les journées les plus longues et les plus chaudes. Et, si le salarié devait être victime - du fait de son état de santé plus fragile - d'un accident de travail, on pourra penser que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat87. De ce fait, il serait légitime de s'interroger sur la validité d'une clause obligeant les salariés à s'alimenter et à s'hydrater insérée dans leur contrat de travail. En 2012, la mairie de Gennevilliers avait provoqué un tollé après avoir licencié quatre moniteurs d'une colonie de vacances suite à leur refus de respecter une telle clause88 ; « pour permettre un bon déroulement des journées et des activités, [l'animateur] veille à ce que lui-même ainsi que les enfants participant à la vie en centre de vacances se restaurent et s'hydratent convenablement en particulier durant les repas. La mise en oeuvre d'un centre de vacances nécessite des équipes éducatives une implication permanente sur les terrains durant les séjours. Elle implique que chaque animateur, soit, pour toute la durée du séjour, en pleine possession de ses moyens physiques, adhère aux valeurs éducatives de la ville de Gennevilliers, respecte et mette en oeuvre le principe de laïcité ». La clause litigieuse avait été insérée dans les nouveaux contrats de travail suite au malaise d'une animatrice à jeun survenu trois ans auparavant, alors qu'elle était au volant d'un minibus qui transportait cinq adolescents dont un fut grièvement blessé. Cette clause fut néanmoins retirée par la mairie de Gennevilliers, qui a finalement réintégré les moniteurs à leur poste face à l'indignation soulevée par leur licenciement89.

Cependant, il aurait été intéressant que la question soit traitée juridiquement afin de donner un cadre légal aux employeurs. Fort heureusement pour ces derniers, la Cour

86 http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20150619.OBS1167/ramadan-yom-kippour-careme-d-ou-vient-la-tradition-du-jeune-dans-les-religions.html (consulté le 18 avril 2016)

87 Art. L.4121-1 du Code du travail : « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs »

88 http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/07/30/97001-20120730FILWWW00513-suspendus-pour-avoir-jeune.php (consulté le 19 avril 2016)

89 http://www.liberation.fr/societe/2012/07/31/quatre-moniteurs-de-colonie-de-vacances-suspendus-a-
gennevilliers-en-raison-du-ramadan_836690 (consulté le 19 avril 2016)

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de cassation a récemment infléchi sa position sur l'obligation de sécurité de résultat qui leur incombait jusque là. Elle a en effet considéré dans un attendu de principe, dans un arrêt rendu par la chambre sociale le 25 novembre 201590, que « ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail ». Désormais, l'obligation de moyens renforcée prévaut sur celle de sécurité de résultat même si elle n'a pas encore été transposée dans tous les domaines, notamment en matière de harcèlement. Ainsi, à défaut d'avoir pu légiférer sur la question de la compatibilité du jeûne avec une activité professionnelle - et notamment sur la validité d'une clause insérée dans un contrat de travail contraignant les salariés à s'alimenter et à s'hydrater correctement - la seule obligation pour l'employeur est de mettre « à la disposition des travailleurs de l'eau potable et fraîche pour la boisson », telle qu'elle résulte des termes de l'article R.4225-2 du Code du travail.

B. Par le biais du règlement intérieur

Le Code du travail impose l'établissement d'un règlement intérieur pour les entreprises dont l'effectif est au moins égal à vingt salariés. Il s'agit d'un document écrit, par lequel l'employeur fixe exclusivement « les mesures d'application de la règlementation en matière de santé et de sécurité »91, « les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer [...] au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu'elles apparaîtraient compromises »92 et « les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur »93. De par sa nature d'acte règlementaire, il s'applique ipso facto à tout le personnel ainsi qu'au chef d'entreprise.

90 Cass. Soc. 25 novembre 2015, n°14-24.444

91 Al. 1 art. L.1321-1 du Code du travail

92 Ibid. v. al. 2

93 Ibid. v. al. 3

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Mais l'employeur est-il en droit de mentionner dans le règlement intérieur l'interdiction de toute manifestation religieuse ?

L'entreprise de recyclage PAPREC, installée en Seine-Saint-Denis, est la pionnière en la matière94. En effet, elle a adopté en 2014 - après l'approbation de ses salariés - une charte de la laïcité qui prohibe tout signe religieux dans ses locaux. Même si aucun contentieux n'existe à ce jour, il est à se demander si une telle charte est valable au regard de l'article L.1121-1 du Code du travail ; que ce soit le critère de la nature de la tâche à accomplir ou celui de la proportion au but recherché, il est évident que ni l'un ni l'autre ne semblent justifier la décision de l'entreprise PAPREC.

Par ailleurs, l'ancien haut conseil à l'intégration (HCI) avait préconisé, dans son avis en date du 1er septembre 201195, que soit inséré dans le Code du travail un « article autorisant les entreprises à intégrer dans leur règlement intérieur des dispositions relatives aux tenues vestimentaires, au port de signes religieux et aux pratiques religieuses dans l'entreprise (prières, restauration collective...) au nom d'impératifs tenant à la sécurité, au contact avec la clientèle ou la paix sociale interne ». Mais la législation actuelle n'admet rien de tel, ce qui limite donc la marge de manoeuvre des entreprises.

§2 Favorisation d'un dialogue face aux requêtes religieuses des salariés

Afin de trouver un compromis, mais aussi pour éviter certaines situations de blocage, certaines entreprises privilégient la prévention (A.). D'autres à l'inverse n'hésitent pas à aller au-delà de leurs obligations, en offrant à leurs salariés un cadre leur permettant de mieux s'épanouir tant sur le plan professionnel que spirituel (B.).

94 http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/02/10/le-recycleur-paprec-adopte-une-charte-de-la-

laicite_4363230_3224.html (consulté le 19 avril 2016)

95 Avis du HCI, Expression religieuse et laïcité dans l'entreprise, 1er septembre 2011

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A. La prévention comme solution à certaines situations de blocage

D'après une enquête réalisée par le cabinet d'études First&42nd en 201096, les

situations relatives à la religion susceptibles de créer un conflit au travail sont les

suivantes (par ordre d'acceptation) :

- Le jeûne du mois de Ramadan ;

- Les habitudes alimentaires ;

- Les congés pour fêtes religieuses ;

- Le port du voile islamique ;

- Les salles de prière ;

- Le sexisme dans les rapports hommes/femmes.

Pour éviter la réalisation de ces conflits, et pour pallier l'absence de jurisprudence claire à ce sujet, certaines entreprises ont décidé de prendre les devants en privilégiant la prévention.

Avec notamment, la réalisation de guides destinés aux managers et responsables des ressources humaines. A l'instar d'EDF, qui a réalisé un document de « repères sur le fait religieux dans l'entreprise »97 ayant vocation à « traiter des demandes concrètes de salariés ou de prestataires, en protégeant les intérêts industriels et commerciaux de l'entreprise, dans le respect de la loi et des recommandations de la HALDE, dans le respect des personnes et de leur droits fondamentaux ». Ce guide pratique et pédagogique, en ce qu'il propose plusieurs illustrations concrètes, permet ainsi d'aider les managers et responsables des ressources humaines à mieux appréhender la question du fait religieux en entreprise.

D'autres entreprises, comme AREVA ou encore ORANGE, ont fait le choix d'avoir des approches très pragmatiques en élaborant des « questions-réponses »98. Celles-ci sont récapitulées dans un document, toujours destiné aux managers et responsables des ressources humaines. Néanmoins, certaines situations sont à traiter au

96 Ibid. v. Annexe A.

97 Cf. Annexe 3 (guide d'EDF)

98 Cf. Annexe 4 (guide d'ORANGE)

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cas par cas car plus sensibles que d'autres, notamment celle du jeûne du mois de Ramadan pour les ouvriers de chantier. M. Laurent Depond, directeur diversité d'Orange, avait alors admis à l'occasion d'une table ronde - lors de la 23ème édition du Congrès HR', qui s'était tenue le 3 avril 2012 - qu'il « est difficile d'avoir une personne fragilisée sur un chantier : lui faire remarquer, c'est de la discrimination, mais s'il lui arrive quelque chose, l'entreprise peut être mise en cause dans le cadre de son obligation de santé et de sécurité »99. Pour répondre à cette problématique, M. Laurent Depond « responsabilise les salariés : c'est à eux de s'assurer qu'ils sont en état de travailler sur leur lieu de travail »100. En revanche, d'autres situations ne sont pas « négociables »101 chez ORANGE, notamment la question des rapports entre hommes et femmes qui peut appeler à « des sanctions managériales si les comportements ne sont pas identiques pour les hommes et pour les femmes »102.

En outre, d'autres pratiques récentes sont à observer dans les entreprises, comme l'intervention de formateurs spécialisés sur la question du fait religieux103 et les opérations de team building. Cet anglicisme désigne en réalité la mise en place d'ateliers visant à la « construction d'équipe », ce qui peut ainsi permettre de « mieux connaître ses collègues »104, « renforcer les liens au sein du groupe »105 et « apaiser les conflits »106. Enfin, ce peut être une excellente initiative pour tenter de remédier en amont à des incompréhensions, voire des tensions, liées à la pratique religieuse de certains salariés. Les rencontres informelles peuvent être également un moyen de prévenir certains conflits, en privilégiant le dialogue avec le salarié directement concerné.

99 http://www.cefrelco.com/SITE_URL/les_entreprises_face_a_la_diversite_religieuse (consulté le 20 avril 2016)

100 Ibid.

101 Ibid.

102 Ibid.

103 Cf. note bas de page 84

104 http://www.teambuilding-entreprise.com/definitions/quest-ce-quun-teambuilding-2 (consulté le 20

avril 2016)

105 Ibid.

106 Ibid.

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B. Pouvoir d'appréciation laissé à l'employeur

L'employeur peut en effet décider d' « accommoder » ses salariés, en accédant à certaines requêtes religieuses pour peu qu'elles n'entravent pas le fonctionnement de l'entreprise. Aucune disposition légale ne l'y contraint, mais la volonté d'avoir des salariés plus épanouis, et donc plus productifs, peut le motiver.

En matière de restauration collective notamment, le Code du travail impose aux entreprises d'au moins vingt-cinq salariés de mettre à leur disposition « un local de restauration [...] pourvu de sièges et de tables en nombres suffisant et [comportant] un robinet d'eau potable, fraîche et chaude, pour dix usagers. Il est doté d'un moyen de conservation ou de réfrigération des aliments et des boissons et d'une installation permettant de réchauffer les plats »107. A défaut d'obligation conventionnelle ou règlementaire pour l'employeur de mettre en place ou gérer un service de restauration du personnel, une cantine par exemple, le comité d'entreprise, s'il en existe, peut en revendiquer la gestion au titre des activités sociales et culturelles mentionnées à l'article R.2323-20 du Code du travail108. Cela étant, rien n'est précisé quant à la teneur des menus offerts aux salariés. L'employeur, dans un souci d'équité et de volonté de prendre en considération les habitudes alimentaires de tous ses salariés, peut ainsi proposer des menus adaptés aux différents régimes : halal, casher, végétarien, vegan, etc. Cependant cela peut s'avérer être un véritable casse-tête, d'où le recours à des restaurateurs prestataires « passés maîtres dans l'art du compromis »109. Mais ce service implique nécessairement des moyens financiers suffisants, sans compter les tarifs de certaines viandes rituelles qui peuvent varier « de 8 à 10% »110. Les PME auront ainsi tendance à privilégier plutôt des plats de substitution à la viande, comme le poisson, pour tenter de satisfaire le plus grand nombre de salariés.

De la même façon, aucune disposition légale n'oblige l'employeur à mettre à la disposition de ses salariés un local pour la prière. Il peut néanmoins y consentir, tout

107 Art. R.4228-22 du Code du travail

108 DENIAU Marianne, étude n°320, in Le Lamy droit des comités d'entreprises (tome 2)

109 http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/restaurant-dentreprise-vegetarien-halal-bio-ou-casher-11886/ (consulté le 21 avril 2016)

110 http://www.slate.fr/story/27441/halal-casher-prix-differents (consulté le 21 avril2016)

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dépend de son degré d'ouverture et d'autres facteurs, notamment matériels. La phase préalable de dialogue et de négociation111 entre le salarié et l'employeur est essentielle, afin de prévenir certains conflits. A la manière de ce salarié qui s'était fait licencier au motif d'avoir été « pris en flagrant délit de prière musulmane sur le lieu de travail devant [ses] collègues en bande organisée, dans le restaurant et pendant [ses] horaires contractuels ». Le Conseil de Prud'hommes de Paris, qui était alors en charge de cette affaire, avait prononcé la nullité du licenciement car fondé sur des motifs discriminatoires. Il avait en outre considéré, dans son jugement en date du 3 novembre 2011, que « l'employeur avait fait preuve d'un manque de discernement blâmable quant à ses termes utilisés dans la lettre de licenciement »112. Pour rappel, dès lors que les impératifs d'hygiène, de santé et de sécurité sont respectés, l'article L.1121-1 du Code du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié puisse prier durant ses temps de pause, sans tomber pour autant dans la démonstration et le prosélytisme. D'autant plus qu'une jurisprudence constante113 précise que les salariés sont libres de vaquer à leurs occupations personnelles durant leur temps de pause, « sans avoir à rendre de comptes à leur employeur quant à l'emploi qu'ils font de ce temps libre »114.

111 http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1357662-religion-au-travail-dans-mon-entreprise-il-y-a-un-espace-de-priere-la-laicite-est-sauve.html#reagir (consulté le 21 avril 2016)

112 CPH Paris 3 novembre 2011, n°F10/16025

113 Cass. Soc. 18 décembre 2001, n°01-41036

114 Ibid.

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Chapitre II. Principe de liberté fondamentale des salariés

Au sens du Conseil d'Etat, la notion de liberté fondamentale - ou de droits fondamentaux, puisqu'une d'une liberté s'accompagne nécessairement un droit de l'exercer - s'entend de façon très large et emploie généralement l'expression de « droits et libertés constitutionnellement garantis » pour la désigner. De fait, les libertés fondamentales sont des libertés protégées par des textes constitutionnels et internationaux, dont « la valeur est supérieure à celle de la loi dans la hiérarchie des normes »115. Ainsi, aucun texte législatif ne pourrait transgresser ces libertés sans encourir l'inopposabilité.

La liberté religieuse, qui s'imbrique dans la liberté de conscience, est considérée ipso facto comme une liberté fondamentale. Elle comporte néanmoins deux aspects, qu'il convient ici de distinguer : d'une part, la liberté d'opinion, qui ne peut souffrir d'aucune limite en ce sens qu'elle relève du for intérieur de la personne ; on parle alors de liberté négative116. D'autre part, elle comprend la liberté d'expression de ses opinions religieuses, qui demeure toutefois subordonnée au respect de l'ordre public ; il ne sera pas possible d'en outrepasser les règles, nonobstant le droit d'exercer cette liberté, qu'on qualifiera alors de liberté positive117.

L'une et l'autre sont le corollaire de la liberté religieuse, et à ce titre elles doivent être protégées et permettre au salarié de croire et manifester ses croyances religieuses librement (§1). Mais pour garantir un juste équilibre avec la liberté de l'employeur, évoquée dans le précédent chapitre, la liberté d'expression religieuse du salarié peut, dans une certaine mesure, être limitée (§2).

115 BARBE Vanessa, L'essentiel du droit des libertés fondamentales, 3ème édition, Paris, Gualino,

Lextenso éditions, 2012, 146 pp.

116 BERLIN Isaiah, Éloge de la liberté (1969), trad. CARNAUD Jacqueline et LAHANA Jacqueline,

Paris, Presses Pocket, 1990, 282 pp.

117 Ibid.

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§1 Protection de la liberté religieuse du salarié

La liberté religieuse, en tant que liberté fondamentale, fait aussi bien l'objet d'une protection générale en droit international et européen (A.) que spécifique au salarié en droit interne (B.).

A. En droit international et européen

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 garantit à toute personne le droit « à la liberté de pensée, de conscience et de religion, [qui] implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement »118. Les seules restrictions qu'il admet à cette liberté doivent être prévues par la loi et « nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui »119. Il prohibe enfin toute discrimination qui serait fondée, entre autres critères, sur la religion, et garantit à tous les individus l'égalité devant la loi.

A l'échelle européenne, l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales reprend en des termes très similaires les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques susmentionné. Elles ont également été intégrées dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, à laquelle le traité de Lisbonne120 a consacré la même valeur juridique que les traités.

Enfin, la directive européenne du 27 novembre 2000121 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail a contribué à définir plus précisément le concept de discrimination122, qu'elle entend

118 Al. 1 art. 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966

119 Ibid. v. al. 3

120 Décret n°2009-1466 du 1er décembre 2009, JORF du 2 décembre 2009

121 Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000

122 Cf. §1, chap. II, titre I

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lutter en posant le principe d'égalité de traitement des travailleurs. Cette directive a par ailleurs été presque entièrement transposée dans notre droit français.

B. En droit interne

En France, la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ainsi que le préambule de la Constitution de 1946 fondent la liberté de conscience en général, de religion en particulier. De fait, on retrouve dans le Code du travail deux articles qui confortent ces deux normes supérieures :

L'article L.1121-1 : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Et l'article L.1321-3, lequel précise en son deuxième alinéa les dispositions que ne peut contenir le règlement intérieur d'une entreprise : « le règlement intérieur ne peut contenir : [...] 2° des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Par ailleurs, l'article L.2313-2 du Code du travail relatif au droit d'alerte du délégué du personnel permet à ce dernier d'interpeller l'employeur en cas d'atteinte « aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché ». En cas de carence de l'employeur, le délégué du personnel peut saisir le Conseil de Prud'hommes en référé ; il s'agit en effet de faire cesser un trouble manifestement illicite au sein de l'entreprise.

Dans la pratique, la Cour de cassation se montre particulièrement sévère à cet égard, dès lors que tout licenciement par l'employeur en violation d'une liberté fondamentale est frappé de nullité absolue. Encore faut-il que la liberté en question soit appréciée comme telle par le juge, mais cela ne fait aucun doute en la matière religieuse.

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La Cour de cassation a ainsi posé pour la première fois le principe de nullité dans l'arrêt Clavaud123, rendu le 28 avril 1988 par la chambre sociale. S'il n'est pas question ici de liberté religieuse - en l'espèce, c'est la liberté d'expression d'un salarié qui était visée - cette décision est tout à fait surprenante en ce sens qu'elle revêt un caractère prétorien. En effet, aucun texte ne pouvait fonder une telle nullité, hormis l'article civiliste L.1131 qui dispose que « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ». L'arrêt susmentionné, pour fonder une telle sanction à l'encontre de l'employeur, s'est donc reporté au visa des articles 6 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : « en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d'une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d'un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur ». Ainsi, c'est l'atteinte même à la liberté fondamentale qui est sanctionnée et qui emporte ipso facto nullité du licenciement.

Dans un autre arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation, en date du 13 mars 2001124, il est précisé encore qu'un licenciement ne peut être annulé « en l'absence de disposition le prévoyant expressément et à défaut de violation d'une liberté fondamentale ». Cela suggère que, dès lors qu'une liberté fondamentale a été violée, il convient de prononcer la nullité du licenciement même si aucun texte législatif ne le prévoit expressément.

Enfin, un arrêt plus récent125 fait porter la charge de la preuve à l'employeur ; « lorsque la rupture illicite d'un contrat à durée déterminée avant l'échéance du terme comme intervenue en dehors des cas prévus par l'article L.1243-1 du Code du travail, fait suite à l'action en justice engagée par le salarié contre son employeur, il appartient à ce dernier d'établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit d'agir en justice ».

123 Cass. Soc. 28 avril 1988, n°87-41804

124 Cass. Soc. 13 mars 2001, n°99-45735

125 Cass. Soc. 6 février 2013, n°11-11740

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De fait, cela prouve que la Cour de cassation est particulièrement attentive en matière de libertés fondamentales des salariés, notamment religieuse, qu'elle veille à protéger jalousement. Néanmoins, la question peut se poser quant à l'articulation de celles-ci avec la liberté de l'employeur, mentionnée dans le précédent chapitre. D'où la nécessité d'instaurer un juste équilibre, afin de garantir le maintien d'une cohésion sociale dans l'entreprise.

§2 Nécessaire équilibre avec le principe de liberté de l'employeur

Afin de garantir un certain équilibre entre liberté de l'employeur et liberté fondamentale des salariés, la jurisprudence a, au fil de ses arrêts, admis le caractère relatif de certaines libertés du salarié en matière de religion (A.). Cela étant, la question du prosélytisme religieux en entreprise ne fait, quant à elle, aucun doute ; il doit être prohibé dès lors qu'il porte atteinte à la liberté de conscience des autres salariés (B.).

A. Caractère relatif de certaines libertés religieuses du salarié

La liberté religieuse en tant que liberté fondamentale n'est pas remise en question, en revanche il n'en est pas de même pour ses différentes manifestations en entreprise qui peuvent être relativisées selon les cas.

1- Tenue vestimentaire

Au sens de la Cour de cassation, la liberté vestimentaire en entreprise ne constitue pas une liberté fondamentale. Elle a ainsi pu confirmer le licenciement d'un salarié qui s'obstinait à venir travailler en bermuda, en considérant dans un attendu de principe que « la liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu du travail n'entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales »126. Mais lorsque le vêtement en question est directement attaché à la pratique d'une religion, il fait l'objet d'une protection plus renforcée dans la mesure où il découle d'une liberté fondamentale. L'employeur pourra y apporter certaines restrictions, mais à condition de prouver qu'elles tiennent à des

126 Cass. Soc. 28 mai 2003, n°02-40273

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règles d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise - comme cette salariée de maison de retraite licenciée pour faute grave, qui s'obstinait à garder son voile islamique en cuisine alors que les règles d'hygiène imposaient le port d'une charlotte exclusivement127 - ou encore à son image de marque128.

En tout état de cause, les restrictions à la liberté vestimentaire du salarié doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, au sens de l'article L.1121-1 du Code du travail.

2. Pratiques alimentaires

De la même façon, les pratiques alimentaires inhérentes à la religion du salarié n'impliquent pas pour autant un traitement de faveur.

Ainsi, un salarié ne peut prétendre à l'indemnisation de ses repas non pris, dès lors que le choix de jeûner lui appartenait129. A l'inverse, un employeur n'est pas non plus en droit d'imposer à ses salariés un régime particulier en opposition avec leurs convictions religieuses130.

3. Fêtes religieuses

Enfin, il ressort de la jurisprudence que l'employeur peut refuser d'accorder des congés pour fête religieuse aux salariés - à l'exception de certaines fêtes qui peuvent être des jours fériés chômés dans l'entreprise131 - en raison « des impératifs liés à la bonne marche de l'entreprise »132. De fait, de telles demandes émanant des salariés ne relèvent pas du champ des libertés fondamentales.

127 Délib. HALDE n°2009-311 du 14 septembre 2009

128 Cf. A., §2, chap. II, titre I

129 Cass. Soc. 30 janvier 2002, n°00-40805

130 Délib. HALDE n°2008-10 du 14 janvier 2008

131 https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2405 (consulté le 26 avril 2016)

132 Cf. Annexe 5 (guide sur « La gestion du fait religieux dans l'entreprise privée »)

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Toutefois, si l'employeur décide d'octroyer des congés spécifiques à ses salariés il ne peut pas favoriser une confession au détriment d'autres, auquel cas cette différence de traitement constituerait une discrimination au sens de l'article L.1132-1 du Code du travail. C'est ainsi que l'ex-HALDE a épinglé une entreprise qui accordait des autorisations d'absences pour ses salariés de confession juive, à l'occasion de la fête du Kippour, mais qui refusait d'en accorder pour ses salariés de confession musulmane, à l'occasion de la fête de l'Aïd133.

B. Prohibition du prosélytisme religieux en entreprise

Le prosélytisme religieux peut être défini comme étant le « zèle déployé pour répandre sa foi et recruter des adeptes »134, qui peut apparaître de prime abord comme la continuité logique de la liberté religieuse des individus. D'autant que certaines religions comme le christianisme et l'islam incitent leurs fidèles respectivement à l'apostolat et à la « dawah »135.

Le prosélytisme religieux peut néanmoins se trouver limité, ce qui peut se comprendre dans un état de droit qui accorde la primauté à la liberté de conscience. Ou encore, lorsqu'il contrevient à l'ordre public.

Mais en entreprise plus particulièrement, il convient de se demander dans quelle mesure l'attitude d'un salarié peut-elle être considérée comme prosélyte ?

En ce qui concerne le banal port d'un signe religieux - une kippa, une croix ou un voile islamique par exemple - le Conseil d'Etat tout comme l'ex-HALDE ont rejoint la CEDH sur ce point136, en affirmant qu'il ne peut caractériser en tant que tel une attitude prosélyte : « une distinction doit être faite entre le comportement prosélyte du salarié et le seul port d'un vêtement ou d'un insigne. En effet, le port d'un vêtement ou

133 Délib. HALDE n°2007-301 du 13 novembre 2007

134 PLANA Sandrine, Le prosélytisme religieux à l'épreuve du droit privé, Paris, L'Harmattan, 2006, 588 pp.

135 Orthographié aussi « dawa », terme arabe désignant « l'invitation au non musulman à écouter le message de l'islam » (définition tirée de Wikipédia)

136 CEDH 10 novembre 2005, arrêt Sahin c/ Turquie

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d'un insigne répondant à une pratique religieuse ou manifestant l'appartenance à une religion, à un parti politique ou à un mouvement philosophique ne constitue pas en soi un acte de prosélytisme »137. De la même façon, le Conseil d'Etat a censuré les dispositions du règlement intérieur d'une entreprise qui prohibaient « les seules discussions politiques ou religieuses, ou d'une manière plus générale toutes les conversations étrangères au service »138 dès lors qu'elles portaient atteinte aux droits de la personne.

En revanche, le licenciement d'un salarié qui multipliait les « digressions ostentatoires orales sur la religion »139 a pu être jugé légitime par la Cour d'appel de Basse-Terre dans sa décision du 6 novembre 2006, dans la mesure où il s'agissait d'un acte de prosélytisme portant atteinte à la liberté de conscience de ses collègues.

Ainsi, il convient de distinguer d'une part l'attitude prosélyte « passive » d'un salarié - comme le fait de porter un signe religieux ou de simples discussions entre collègues - de l'attitude prosélyte « active » d'autre part, c'est-à-dire lorsque le salarié va faire montre d'un zèle exacerbé pour tenter de convaincre ses collègues à adhérer à ses convictions religieuses. C'est cette seconde attitude qui est, en l'espèce, prohibée. Par conséquent, l'employeur a l'obligation de prendre toutes « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » aux termes de l'article L.4121-1 du Code du travail. L'article L.1152-4 précise en outre qu'il « prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ». Cela prouve à quel point les actes de prosélytisme « actif » en entreprise peuvent être dangereux, et qu'il incombe de ce fait à l'employeur de protéger la santé mentale de ses salariés. Au demeurant, cette forme de prosélytisme est plus largement sanctionnée en société, notamment en matière de dérives sectaires140.

137 Délib. HALDE n°2009-117 du 6 avril 2009

138 CE 25 janvier 1989, n°64296

139 CA Basse-Terre 6 novembre 2006, n°06/00095

140 Loi n°2001-504 du 12 juin 2001, JORF du 13 juin 2001

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Conclusion

« Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis » Antoine de Saint-Exupéry.

A titre de conclusion de ce mémoire, force est de constater que la réponse à la question du fait religieux en entreprise n'est pas des plus simples, ou tout du moins, qu'elle n'est pas unique.

Alors que dans les services publics le principe de neutralité prévaut, aussi bien pour les fonctionnaires et contractuels que les usagers, il ne trouve pas son équivalent en entreprise. La jurisprudence a pu, au fil de ses arrêts, dégager le principe selon lequel la laïcité n'a pas lieu de s'appliquer dans les entreprises privées. Un principe conforté tant par les normes internationales et communautaires qu'en droit interne, qui placent de fait la liberté religieuse au rang des libertés fondamentales. Mais comme à chaque principe, il existe une, voire, plusieurs exceptions. Et c'est là toute la subtilité du droit, cette matière vivante et évolutive que certains considèrent, à tort, comme figée dans le temps.

Loin de méconnaître la liberté propre à l'employeur, notamment dans l'organisation de son activité, la jurisprudence a, en même temps qu'elle consacre le principe de liberté religieuse du salarié, admis certaines limites à celle-ci fondées sur l'article L.1121-1 du Code du travail. Ainsi, l'employeur peut restreindre certaines libertés religieuses du salarié dès lors qu'elles portent atteinte à des règles d'hygiène et de sécurité, ou encore, à l'image de marque de l'entreprise. Cependant, la frontière peut-être mince quelques fois.

Et, s'il existe en la matière assez peu de contentieux, il arrive que certaines affaires soient portées jusqu'à la Cour de cassation. A l'instar du feuilleton épisodique de la crèche Baby-Loup, qui a également marqué un tournant sur la question du fait religieux en entreprise. La Haute juridiction avait en effet admis, au terme d'une longue bataille judiciaire très médiatisée, qu'une personne morale de droit privé - une crèche en l'espèce - pouvait exiger la neutralité de ses salariées eu égard à sa mission d'accueil

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de jeunes enfants. Insidieusement, cela revient à envisager une extension de la laïcité dans un espace, par définition, privé. Et plutôt que de simplifier la tâche aux juges, la portée de cette décision n'en a ajouté, en définitive, que davantage de complexité. D'autant que la couverture surmédiatisée de cette affaire n'y est certainement pas étrangère, car ce qui n'était censé être à la base qu'un simple cas d'espèce opposant un employeur à sa salariée a donné naissance à une véritable vindicte nationale. Preuve en est avec les nombreux soutiens - politiques, médiatiques - apportés à la directrice de la crèche, érigée en une « héroïne de la laïcité » face à « l'obscurantisme de l'islam » cristallisé par le voile islamique que portait la salariée.

La question du fait religieux de façon générale, mais en entreprise plus particulièrement, divise plus qu'elle ne fait l'unanimité. De fait, la doctrine s'accorde à dire majoritairement qu'il convient de privilégier la voie conventionnelle plutôt que de légiférer en la matière, qui ne serait pas pertinent. A l'instar du conseiller à la Cour de cassation M. Philippe Waquet, qui affirmait : « on voit mal pourquoi le législateur dépasserait le niveau des règles de sécurité et de salubrité qu'il peut imposer aux entreprises, pour règlementer la manière dont les salariés doivent être vêtus ou des signes qu'ils peuvent porter »141. En effet, l'entreprise dispose d'un certain nombre d'instruments juridiques qui doivent lui permettre, en principe, de trouver un équilibre satisfaisant.

Et face à la recrudescence du religieux en France ces dernières décennies, on peut se demander si la solution ne serait pas finalement d'adopter la même position que certains pays de l'Union Européenne. Comme le Royaume-Uni à titre d'exemple, qui prône la neutralité vis-à-vis des religions ; autrement dit, chacune d'elles peut s'exprimer librement tant qu'elle ne nuit pas aux autres. Evidemment, il ne s'agit pas non plus de remettre en question le modèle français de laïcité, mais de l'appliquer à l'Etat seulement - comme c'était censé être le cas à l'origine de son instauration - plutôt que d'envisager son extension à l'espace privé.

141 WAQUET Philippe, « Convient-il d'interdire le port de signes religieux dans l'entreprise ? », in Dalloz Revue de droit du travail, Rev. trav. 2009, 485 pp.

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Malheureusement, la laïcité fait régulièrement l'objet de récupérations politiques de tous bords, entretenant ainsi l'amalgame dans l'esprit des uns et des autres. Et dans un climat « post-Charlie » particulièrement hostile à l'expression du fait religieux de façon générale, mais musulman plus spécifiquement, il convient de rappeler à tout un chacun la quintessence même de la laïcité. A savoir, la garantie du vivre-ensemble dans le respect de toutes les croyances et non-croyances de l'ensemble des individus en France.

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Bibliographie

? Ouvrages :

BARBE Vanessa, L'essentiel du droit des libertés fondamentales, 3ème édition, Paris, Gualino, Lextenso éditions, 2012, 146 pp.

BERLIN Isaiah, Éloge de la liberté (1969), trad. CARNAUD Jacqueline et LAHANA Jacqueline, Paris, Presses Pocket, 1990, 282 pp.

CAPUL Jean-Yves, GARNIER Olivier, Dictionnaire d'économie et de sciences sociales, Paris, Hatier, juin 2005, 576 pp.

CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 10ème édition, Paris, PUF, 2014, 1136 pp., coll. « Quadrige »

GRANDGUILLOT Dominique, Social 2016 : les points clé du droit du travail et de la protection sociale, Issy-les-Moulineaux, Gualino, Lextenso éditions, janvier 2016, 50 pp.

HENNETTE-VAUCHEZ Stéphanie, VALENTIN Vincent, L'affaire Baby-Loup ou la nouvelle laïcité, Issy-les-Moulineaux, LGDJ, Lextenso éditions, février 2015, 113 pp.

PLANA Sandrine, Le prosélytisme religieux à l'épreuve du droit privé, Paris, L'Harmattan, 2006, 588 pp.

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- CNCDH 26 septembre 2013, JORF du 9 octobre 2013

? Articles et notes de jurisprudence :

- WAQUET Philippe, « Convient-il d'interdire le port de signes religieux dans l'entreprise ? », in Dalloz Revue de droit du travail, Rev. trav. 2009, 485 pp.

- DENIAU Marianne, étude n°320, in Le Lamy droit des comités d'entreprises (tome 2)

? Décisions de jurisprudence :

Conseil de Prud'hommes :

- CPH Paris 17 décembre 2002, n°02/03547 - CPH Paris 3 novembre 2011, n°F10/16025

Cour d'appel :

- CA Paris 16 mars 2001, n°1999/31302

- CA Paris 19 juin 2003, n°03-30212

- CA Basse-Terre 6 novembre 2006, n°06/00095

Cour de cassation :

- Cass. ass. plén. 19 mai 1978, n°76-41.211 - Cass. Soc. 28 avril 1988, n°87-41804 - Cass. Soc. 24 mars 1998, n°95-44.738 - Cass. Soc. 13 mars 2001, n°99-45735

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- Cass. Soc. 18 décembre 2001, n°01-41036

- Cass. Soc. 30 janvier 2002, n°00-40805

- Cass. Soc. 28 mai 2003, n°02-40273

- Cass. Soc. 3 juin 2009, n°08-40.346

- Cass. Soc. 6 février 2013, n°11-11740

- Cass. Soc. 19 mars 2013, n°11-28.845

- Cass. Soc. 19 mars 2013, n°12-11690

- Cass. Soc. 25 juin 2014, n°13-28369

- Cass. Soc. 25 novembre 2015, n°14-24.444

Conseil d'Etat :

- CE 31 juillet 1912, n°30701

- CE 28 avril 1938, n°59.548 et n°59.549

- CE 13 mai 1938, n°57302

- CE 20 avril 1956, n°33961

- CE 20 avril 1956, n°98637

- CE 25 janvier 1989, n°64296

- CE 3 mai 2000, n°217017

- CE 22 février 2007, n°264541

- CE 4 mars 2010, n°29373

Conseil constitutionnel :

- Cons. Const. 16 janvier 1982, n°81-132 DC, JO du 17 janvier 1982

- Cons. Const. 18 septembre 1986, n°86-217 DC, JO du 19 septembre 1986

Tribunal des conflits :

- Tribunal des conflits 8 février 1873, n°00012

- Tribunal des conflits 22 janvier 1921, n°00706 - Tribunal des conflits 28 mars 1955, n°01525

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CEDH :

- CEDH 10 novembre 2005, arrêt Sahin c/ Turquie

- CEDH 15 janvier 2013, arrêt Eweida et a. c/ Royaume-Uni

HALDE :

- Délib. HALDE n°2007-301 du 13 novembre 2007 - Délib. HALDE n°2008-10 du 14 janvier 2008 - Délib. HALDE n°2009-117 du 6 avril 2009

- Délib. HALDE n°2009-311 du 14 septembre 2009

? Sites internet :

- cefrelco.com

- centredeformationjuridique.com

- cfdt.fr

- eternautes.free.fr

- hrconsultancypartners.fr

- ina.fr

- lefigaro.fr

- lemonde.fr

- lenouveleconomiste.fr

- lentreprise.lexpress.fr

- leparisien.fr

- leplus.nouvelobs.com

- lepoint.fr

- lexpansion.lexpress.fr

- liberation.fr

- sciencesetavenir.fr

- senat.fr

- service-public.fr

55

- slate.fr

- teambulding-entreprise.com

- Diaporama Powerpoint « le fait religieux en entreprise : mieux comprendre pour mieux agir » de BENAISSA Hicham, mai 2015

56

Annexes






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