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L'impact de la décentralisation sur la corruption: Etude théorique et validation empirique

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par Mouhamed Issam Kasraoui
Université de Tunis - Mastère de recherche en économie de développement régional 0000
  

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INTRODUCTION

L'impact de la décentralisation sur la corruption fait l'objet d'un grand débat. Les études théoriques et empiriques donnent des résultats mitigés. Prud'homme (1995), dans son article intitulé les dangers de la décentralisation, trouve que la décentralisation est fortement associée à une plus grande corruption. en revanche Weingast (1995) observe que la décentralisation via la compétition entre différents niveaux du gouvernement augmente l'efficience et l'honnêteté du gouvernement et contribue par conséquent à diminuer la corruption. Ce chapitre a pour objectif d'apporter des réponses à cette controverse. On va présenter,dansla première section, une revue de la littérature théorique en exposant les différents canaux de transmission par lesquels la décentralisation affecte la corruption et la deuxième section sera réservée à présenter une revue de la littérature empirique.

SECTION 1) REVUE DE LA LITTÉRATURE THÉORIQUE

1.1) Définitions

1.1.1) La décentralisation

La décentralisation n'a de sens que si on la place dans sa liaison avec la centralisation. Cette dernière a un seul sens, il s'agit d'un système d'administration dans lequel tous les pouvoirs de décision sont concentrés au niveau de l'administration centrale. Cependant,la décentralisation a une pluralité des définitions dans la littérature au point que la notion semble polysémique.

Selon le dictionnaire Larousse, deux définitions ont été proposées. Premièrement, La décentralisation est « un système d'organisation des structures administratives de l'État dans lequel l'autorité publique est divisée et le pouvoir de décision est transféré à des unités autonomes locales ». Deuxièment, la décentralisation est définie comme est « un ensemble des méthodes d'organisation et de gestionqui consiste à transférer le pouvoir de décision aux niveaux hiérarchiques inférieurs. »

Pour la banque mondiale (2015), la décentralisation est « un  transfert d'autorité et de responsabilité des fonctions de l'administration vers les autorités intermédiaires ou locales ou vers des organismes gouvernementaux ou vers le secteur privé. »

MacLean (2003) définit la décentralisation comme étant « un mouvement de reforme politique et administrative permettant de transférer des fonctions, des ressources, des pouvoirs politiques et budgétaires à des échelons inférieurs de l'Etat qui peuvent être des régions, des districts, des municipalités ».

La décentralisation peut être politique, administrativeout fiscale. La décentralisation politique  est un processus qui vise à donner aux représentants élus un ensemble des pouvoirs de décision en matière d'élaboration des politiques et des législations. Le pouvoir transféré à ces acteurs est imputable devant la population dans leurs régions. Cette forme de décentralisation repose sur l'élection et tend à favoriser la participation populaire dans la prise de décisions au niveau local Ainsi, la décentralisation politique fait bénéficier les gouvernements locaux d'une autorité de prise de décision mais donne à la population locale un contre pouvoir leur permettant d'équilibrer leurs actions arbitraires et de les faire adapter à leurs préférences. Donc, on peut dire que la décentralisation politique est régie à une logique de responsabilité devant la population locale.

La décentralisation administrative  est un processus visant à répartir les responsabilités, les pouvoirs et les ressources de financement entre différentes paliers de gouvernement. Les acteurs qui bénéficient des pouvoirs transférés sont responsables vis à vis du gouvernement central puisqu'ils sont nommés. Notons aussi que, contrairement à la décentralisation politique qui s'exerce dans une logique de responsabilité devant la population locale, la décentralisation administrative s'opère dans une logique de redevabilité verticale devant le pouvoir central.

La décentralisation fiscale est le fait d'attribuer une certaine autonomie aux collectivités locales pourla gestion de leurs recettes et leurs dépenses discrétionnaires. Elle augmente l'autonomie des collectivités locales et leur accorde le pouvoir d'agir indépendamment du gouvernement central dans le but d'élaborer et de mettre en oeuvre des politiques relatives aux revenus et aux dépenses (Agrawal et Ribot , 1999)

Parallèlement, la décentralisation peut prendre trois modalités à savoir la déconcentration, la délégation et la dévolution. La déconcentration est reconnue souvent dans les Etats unitaires, en ce sens l'Etat garde la maitrise des responsabilités et des compétences mais sous l'égide de leurs bureaux d'administration situés en dehors de la capitale. En Tunisie par exemple, la déconcentration peut se traduire par la mise en place des gouvernorats ainsi que des directions régionales des ministères localisées dans tous les territoires du pays. Ces circonscriptions administratives n'ont pas de la personnalité juridiqueet assurent les mêmes missions que l'Etat central. En outre, les responsables qui se chargent de la gestion dans ces circonscriptions sont nommés par le gouvernement central et ne sont jamais élus, ils détiennent uniquement un pouvoir d'exécution. Toutefois, L'administration centrale reste le seul organisme qui détermine l'orientation générale des politiques publiques, la coordination et contrôle les organes déconcentrés.

La délégation se définit comme un transfert de pouvoir ou de responsabilité à une autorité locale en matière d'élaboration des politiques publiques et d'administration pour des tâches spécialisées. L'autorité locale reste indépendante du gouvernement central ou sous un contrôle indirect. Il est à signaler que la prestation et l'administration des services délégués sont effectués par des personnes ayant des orientations différentes que celles qui gèrent l'Etat central et sont responsables vis à vis de la population locale dans la gestion des services.

La dévolution est un transfert de compétences1(*) de l'Etat central aux collectivités locales qui sont totalement responsables de la définition et de l'implémentation des politiques. De façon générale, la dévolution s'opère par le transfert des responsabilités aux municipalités. Dans ce mode de transfert, l'Etat central perd toutes ses autorités et les collectivités locales assurent toutes ces fonctions de façon autonome. La responsabilité des collectivités locales ne réside pas devant le pouvoir central mais également devant la population de la région en question ( Rosenbaum, 1998).

Après avoir identifié les trois modalités de la décentralisation, il est nécessaire de présenter un essai de comparaison entre lesdites modalités

Tableau 1 : Comparaison entre les modalités de la décentralisation

Modalités

Responsables politiques

Responsables de l'exécution

Responsables de financement

Déconcentration

Les élus à l'échelle nationale

Les fonctionnaires de l'Etat central

Budget de l'Etat

Délégation

Les élus à l'échelle nationale et les élus à l'échelle locale

Les agents du gouvernement local

Contrôlés par les fonctionnaires de l'Etat central

Budget local

dévolution

les élus à l'échelle locale

Les agents du gouvernement local

Budget local et les transferts de l'Etat

Source : Auteur

1.1.2) La corruption

La corruption est un phénomène complexe et multidimensionnel. La littérature qui a traité ce phénomène dégage une diversité d'approches.Concernant l'approche juridique, Nye (1967) a défini la corruption comme « un comportement qui s'éloigne des obligations formelles inhérentes à une fonction publique pour en tirer un avantage privé ». Pour Mény (1997), la corruption est « un ensemble des déviations par les fonctionnaires de l'Etat par rapport à des normes ou des règles régissant leurs comportements ».Concernant l'approche économique, Van Klaveren (1990) affirme que la corruption considére la fonction publique d'un fonctionnaire comme un « commerce dont il va chercher à percevoir un revenu élevé ». Quant à l'approche morale, Johnston (1996) souligne que la  corruption est « une destruction de l'intégrité, des normes juridiques et sociales et de façon générale de la santé morale de la société dans son ensemble ».

Pour les organismes internationaux, les définitions élaborées sont très génériques et généralistes. International Transparency (1999) considère la corruption comme « un l'abus de fonctions publiques ou privées pour son bénéfice personnel ». l'OCDE (2008) définit la corruption comme « l'abus de responsabilité conférée pour s'enrichir personnellement ». Pour labanque mondiale (1997) la corruption est l'acte « d'utiliser sa position de responsabilité d'un service public à son bénéfice personnel ». Il existe une pluralité des définitions qui varient selon les facteurs culturels, sociaux, économique et démographiques

Sur un autre plan on distingue la grande corruption de la petite corruption. Les experts et les organisations qui travaillent sur la grande corruption s'accordent à affirmer que ce terme diffère de la corruption ordinaire. Cette différence est marquée non seulement par son étendue mais également par sa nature et ses effets. Généralement la grande corruption englobe les cas suivants :

* Acte commis par un haut fonctionnaire de l'Etat qui fait détourner l'action publique afin de permettre aux dirigeants de s'enrichir au détriment de l'intérêt général.

* Acte commis par un haut cadre du secteur privé pour détourner l'action publique.

* Des actes de corruptions qui exigent des montants trop élevés.

* Des dommages remarquables sur l'économie et la population d'un pays pouvant affecter les droits fondamentaux des citoyens.

La grande corruption constitue un fléau reconnu dans tous les pays du monde. Il s'agit d'un phénomène dont l'ampleur représente une raison légitime d'inquiétude pour les pays à cause de ses effets flagrants et globaux. La grande corruption comme le souligne IT devrait être traitée comme un crime international.

S'agissant de la petite corruption, elle s'agit d'un phénomène quotidien ou ordinaire qui s'observe dans le contexte de pot de vin. Elle est plus répandue et acquiert une dimension collective. La petite corruption peut avoir plusieurs formes, elle peut s'agir par exemple des paiements pour obtenir un simple formulaire de demande ou une simple signature ou pour obtenir un service.

La petite corruption se diffère de la grande corruption au niveau du nombre des personnes concernées. La première touche un grand nombre de personnes alors la seconde est très restreinte. D'autres différences peuvent être dégagées et sont récapitulées dans le tableau suivant :

Tableau 2 : Différences entre la grande corruption et la petite corruption

Critères

Grande corruption

Petite corruption

La dimension

Dimension publique ou politique

Dimension privée ou technique

La planification

Organisée

Non organisée

Les personnes concernées

Hautes cadres

Personnels

La réglementation

Elaboration des lois

Application des lois

L'ampleur

Grande ampleur

Petite et moyenne ampleur

Les bénéficiaires

Résultat pour beaucoup ou pour tous

Résultat pour certains

Dimension géographique

Comprend des aspects nationaux

ou internationaux

Comprend des aspects régionaux et / ou locaux

Source : auteur

Ainsi, la corruption peut prendre plusieurs formes comme le versement des pots vins, le détournement du fond, la manipulation des informations, formulation des politiques et des législations au profit des décideurs politiques, le favoritisme, le népotisme et l'extorsion

1.2) Les études théoriques

Plusieurs arguments théoriques ont été développés pour étudier la question de l'impact de la décentralisation sur la corruption. Ces études n'ont pas fourni des résultats concluants. Les chercheurs s'appuient sur des mécanismes différents. Certains affirment que la décentralisation permet de réduire la corruption alors que d'autresaffirment le cas inverse.

1.2.1) La décentralisation réduit la corruption

Tiebout (1956) trouve que la décentralisation permet de réduire la corruption grâce à la concurrence interjuridictionnelle. Cet argument est basé sous certaines hypothèses comme la mobilité parfaite des agents économiques, l'absence d'économie d'échelle2(*) et l'absence d'effet de débordement3(*) . Dans cette situation la décentralisation répond efficacement aux préférences de la population locale et puisque le taux d'imposition est variable selon les juridictions, les citoyens vont voter avec leurs pieds c'est à dire passer d'une juridiction à l'autre pour maximiser leurs utilités. Si les décideurs et les bureaucrates adoptent un comportement corrompu (vole, gaspillage des ressources), ils vont pousser les entreprises et les résidents à s'installer dans d'autres juridictions et contribuent par la suite à la réduction des ressources fiscales. Cette concurrence inter-juridictionnelle permet donc de discipliner les gouvernements locaux et leur amènent à adopter des politiques. Ces dernières se traduisent par une fourniture plus efficace de biens publics. De même, la compétition interjuridictionnelle peut avoir des avantages à la population même en absence de mobilité des facteurs. En effet la population peut comparer les performances de leurs autorités locales avec celles des autres juridictions, cette situation amènent les décideurs politiques à améliorer l'efficacité de leurs politiques et à adopter un bon comportement pour ne pas être sanctionnés lors des prochaines élections (Salmon, 1987). Ce mécanisme est désigné par le terme compétition par comparaison.

Quant à Fan et al (2009), la décentralisation permet de rapprocher les décideurs locaux aux citoyens, elle augmente leur responsabilité et réduit par conséquent la corruption. Elle pourrait réduire les asymétries d'information entre eux. Cette proximité permet aux décideurs locaux de connaitre mieux les préférences des citoyens de leur région et d'encourager leurs participations et aussi la redevabilité . Dans ce cas, les institutions locales, sous la pression des citoyens, sont obligées de fournir efficacement les biens et services publics. De plus, la proximité permet aux citoyens d'obtenir plus facilement des informations sur les comportements des décideurs locaux et peuvent parfois sanctionner ceux qui adoptent des mauvais comportements. Kolstad et al (2014) soulignent que la proximité au niveau local pourrait également rendre plus facile la sanction des décideurs corrompus à travers les élections et les protestations. Notons à cet égard que ce mécanisme nécessite un ensemble des conditions qui garantissent sa réussite comme l'existence d'une démocratie locale, un niveau d'alphabétisation assez avancé et l'absence des conflits (Bardhan et Mookherjee, 2006).

Weingast (1995) obtient que la compétition entre différents niveaux du gouvernement diminuer la corruption ainsi à augmenter l'efficience et l'honnêteté du gouvernement. L'auteur a développé un modèle où un gouvernement central (A) et deux groupes de citoyens (B, C) se livrent à un jeu dit de « transgression». Le modèle est basé sur deux hypothèses concernant la relation entre le gouvernement central et ses citoyens :

- Premièrement, le gouvernement ne doit pas violer les droits des citoyens. En contrepartie, les citoyens voteront en sa faveur le temps des élections.

- Deuxièmement, le gouvernement doit conserver le vote de suffisamment de citoyens pour demeurer au pouvoir.

Le jeu se déroule comme suit : A agit en premier lieu, il a le choix de transgresser les droits des deux groupes, du groupe A, du groupe B ou de ne pas transgresser. Ensuite B et C jouent simultanément. Ces derniers ont le choix d'acquiescer ou de contesterla décision prise par A. Cependant, contester le gouvernement est onéreux pour les citoyens. Chaque combinaison de stratégie donne un paiement à A, B et C. Pour demeurer au pouvoir, A doit avoir le soutien de B ou de C. Dans un jeu sans répétition, A perd le pouvoir seulement si B et C contestent l'action. Weingast (1995) trouve que l'optimum de Pareto pour la société est le cas où A ne transgresse ni B, ni C, et que les deux groupes de citoyens ne contestent pas A. Lorsque le jeu est répété, B et C sont en mesure de punir A dans la deuxième séquence du jeu. Pour cette situation, même si l'optimum de Pareto résulte quand B et C contestent A, il existe plusieurs équilibres. Les deux jeux suggèrent que A, en supposant que les deux groupes ne partagent pas les mêmes opinions sur les limites des actions gouvernementales, peut violer les droits d'un groupe tout en maintenant le soutien de l'autre. En d'autres termes, un tel gouvernement est propice à la formation de coalition entre différentes unions de citoyens. Ainsi, la compétition parmi les gouvernements locaux restreint le comportement de recherche de rente et contribue à augmenter l'honnêteté du gouvernement en défavorisant la formation de groupe d'intérêt.

Grâce à la décentralisation, Persson et Tabellini (2003) affirment que chaque politicien est responsable d'une tâche spécifique au sein de sa juridiction. En revanche, dans un système centralisé, les agents sont responsables d'une multitude de tâches affectant de nombreuses juridictions. Donc, la responsabilisation directe impliquée par la décentralisation améliore les performances des politiciens et réduit ainsi les comportements corrompus.

Carbonara (1999) étudie l'effet de la décentralisation sur la corruption dans un système hiérarchique où la décentralisation est définie comme la délégation de pouvoir du contrôle du niveau supérieur aux niveaux inférieurs. Dans ce système, les agents de niveaux inférieurs détiennent un pouvoir discrétionnaire et sont plus libres de s'engager dans des pratiques de corruption sans aucune crainte de la part des supérieurs. Grâce à la décentralisation, les supérieurs pourraient être plus incités à surveiller le comportement des agents inférieurs . Si les supérieurs sont eux-mêmes corrompus dans ce cas la décentralisation fait augmenter réellement la corruption. En revanche, si les supérieurs profitent davantage de déceler les cas de corruption, La décentralisation peut améliorer ses incitations à surveiller les agents corrompus et la décentralisation va augmenter la probabilité de capturer les agents corrompus.

Sheifer et Vishny (1993) prouve que les hauts fonctionnaires du gouvernement central peuvent utiliser leur pouvoir juridique et leur immunité pour obtenir des pots-de-vin auprès d'entreprises ou de citoyens. Mais si le taux de pot-de-vin est élevé, cela peur décourager les entreprises ou / et les citoyens de produire de la richesse, ce qui risque de réduire le montant des recettes fiscales à collecter. D'où l'obligation de réduire les pots de vins. Cependant, s'il existe plusieurs agents locaux non coordonnés appartenant à des niveaux hiérarchiques inférieurs, ils peuvent fixer un taux de corruption total plus élevé. La corruption globale est susceptible d'augmenter avec le nombre de niveaux.

L'effet de la décentralisation sur la corruption a été évoqué dans la théorie du principal - agent (Bardhan et Mookherjee,2006) en raison de l'existence des asymétries d'information entre les citoyens (principal) et les politiciens locaux (agent) . La décentralisation constitue un moyen pour les citoyens d'évaluer efficacement la performance des fonctionnaires et de décider qui doit être réélu (aspect moral). D'un autre coté la fonction objective des politiciens locaux (agent) diffère du celle du principal. Plus le pouvoir de décisions des collectivités locales est élevé plus les politiciens sont incités à s'engager dans des actes de corruption (sélection adverse). D'un point de vue théorique, l'effet global de la décentralisation sur la corruption dépend de l'importance relative de ces deux problèmes. L'auteur montre qu'un degré de décentralisation intermédiaire peut atténuer le niveau de corruption car les citoyens sont proches des politiciens en conservant leur possibilité de les surveiller et au même temps le pouvoir des politiciens n'est pas élevé.

Finalement, Breton (1996) concluentque les gouvernements démocratiques sont composés de nombreux centres de pouvoir autonomes ou quasi-autonomes (départements, ministères...) et ces centres se concurrencent entre eux dans la fourniture des biens et services collectifs revendiqués par la population. Dans son analyse, l'asymétrie d'information peut créer un environnement favorable aux comportements de recherche de rente et de corruption. Une des conditions pour ce genre de comportementest liée au nombre des centres de pouvoir. En effet, selon les prédictions théoriques, la corruption semble plus facile quand le nombre de centres est petit car il est plus facile pour un petit nombre de se regrouper et d'escroquer la population. Ainsi, la concurrence entre plusieurs centres de pouvoir réduit la corruption dans la fourniture de biens publics pour lesquels un fonctionnaire peut demander un pot-de-vin

1.2.2) La décentralisation augmente la corruption

Cai et Treizman (2004) soulignent que la décentralisation peut encourager la corruption par le biais de la concurrence interjuridictionnelle. En effet, la peur de perdre des facteurs mobiles pourrait conduire les décideurs de différentes juridictions d'adopter une concurrence destructive. Celle-ci se traduit par la protection des entreprises installées dans la région en contre partie des violations des lois imposées par le gouvernement central.

Tanzi (1995) montre que la décentralisation amène les fonctionnaires à être trop proche des citoyens ce qui permet d'encourager le favoritisme et le népotisme.Prud'homme (1995), dans son article intitulé les dangers de la décentralisation, trouve que la décentralisation est fortement associée à une plus grande corruption. L'auteur montre que la probabilité de corrompre les bureaucrates est plus élevée au niveau local car ces derniers sont susceptibles à subir les pressions des groupes d'intérêts.

Oskar (2007) développe un modèle théorique sur la relation entre la décentralisation et la corruption et montre que la décentralisation réduit la corruption uniquement dans les pays développés alors que dans les pays en développement, l'effet est contraire. L'auteur prouve que, dans les PED, la présence d'élites locales puissantes constitue l'un des aspects qui réduit la responsabilité politique et encourage donc la corruption. De plus l'auteur affirme que l'accentuation des inégalités entre les juridictions dans les PED fait intensifier le transfert dans les régions ce qui ouvre la porte au favoritisme.

Bardhan et Mookherjee (2006) souligne que l'absence d'une concurrence électorale entre les partis en raison de l'existence d'un parti dominant ainsi un niveau limité de connaissance de la part des électeurs, peut entrainer une plus grande coordination entre les groupes d'intérêt et peut favoriser la corruption à l'échelle locale.

En somme, l'impact de la décentralisation sur la corruption peut être analysé à travers plusieurs canaux de transmission. C'est pour cette raison que les études théoriques aboutissent à des résultats non concluants. Le tableau suivant synthétise l'ensemble des canaux de transmission par lesquels la décentralisation peut avoir un impact sur la décentralisation.

Tableau 3 : Récapitulation des principaux résultats théoriques

Canaux de transmission

Résultats théoriques

la proximité

La décentralisation rapproche les collectivités locales des citoyens, cette proximité augmente la responsabilité des décideurs locaux et réduit par conséquent la corruption. Cependant, la décentralisation amène les fonctionnaires à être trop proche des citoyens ce qui permet d'encourager le favoritisme et le népotisme.

La concurrence interrégionale

La décentralisation via la compétition entre différents niveaux du gouvernement augmente l'efficience et l'honnêteté du gouvernement et contribue par conséquent à réduire la corruption. En revanche, la décentralisation peut encourager les décideurs de différentes juridictions d'adopter une concurrence destructive pour éviter la perte des facteurs mobiles.

La concurrence verticale

Le passage d'une structure centralisée à une structure décentralisée pourrait entrainer une baisse de la corruption à cause de la concurrence verticale entre les différents niveaux de gouvernements car chaque niveau veut conserver les entreprises dans sa juridiction. Sur un autre plan, dans un gouvernement centralisé Le responsable central (haut fonctionnaire) et grâce à l'immunité dont il jouit, coordonne la collecte de pots-de-vin conduisant ainsi à une baisse du pot-de-vin. En revanche, la décentralisation ne fait que rendre le responsable central un autre collectionneur de pots-de-vin à coté des bureaucrates locaux qui sont eux-mêmes non coordonnés conduisant ainsi à des pots-de-vin plus importants.

La responsabilité électorale

La décentralisation pourrait également rendre plus facile la sanction des décideurs corrompus à travers les élections et les protestations car les citoyens sont mieux informés sur leurs comportements.

Les incitations fiscales

Plus la corruption est grande, moins les entreprises seront motivées à produire. Compte tenu de cette argumentation, si les responsables locaux accordent un grand intérêt personnel dans l'activité économique locale, il doit se comporter honnêtement afin d'encourager les entreprises à s'installer dans la région et de bénéficier des recettes fiscales importantes.

Source : Auteur

* 1Les compétences peuvent être des compétences décisionnelles, financières.

* 2 L'économie d'échelle existe lorsque l'augmentation de la production d'un bien public entrainera une réduction de cout moyen.

* 3 L'absence d'effet de débordement signifie l'absence d'externalité interrégionale.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard