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La prime pour l'emploi (PPE) un outil de politique publique à  fonctions multiples, un sujet permanent de réforme et de redéfinition.

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par Thierry GATINES
UPMF Grenoble 2  - Master 2 Evaluation et management des politiques sociales 2015
  

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CHAPITRE I - Présentation du dispositif
de la Prime pour l'emploi (PPE)

L'objet du premier chapitre est de présenter le dispositif de la PPE. L'objectif est de comprendre cet outil de politique publique en partant de sa genèse : le besoin social du début des années 2000 (dans un contexte d'interpénétration croissante de l'assistance et de l'emploi précaire) (Martin, Paugam, 2009), le contexte politique de l'époque, les exemples étrangers à disposition (notamment britannique et américain). L'objectif est également de comprendre les principales applications du dispositif : la redistribution des revenus et l'incitation à l'emploi, ce dernier exprimant un nouveau régime de mise au travail (Martin, Paugam, 2009). Enfin, l'examen de ses évolutions (réformes et revalorisations) est un moyen de comprendre les directions que le dispositif a pu prendre au fil du temps.

Au-delà de l'incitation au travail et de sa mécanique redistributive, la PPE contribue aussi à réduire la pauvreté, les inégalités, et l'exclusion sociale.

Il peut être affirmé que « désormais activité et pauvreté font bon ménage » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 1).

« Selon l'Observatoire de la pauvreté, il y avait en 2001, 3,6 millions de personnes dont le niveau de vie était inférieur au seuil de pauvreté défini à 50 % du niveau de vie médian11. Un million d'entre elles travaillaient » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 1). En 2006, en France, il y avait 1,3 à 1,4 millions de travailleurs pauvres à 50 % du revenu médian, et 2,4 à 2,5 millions de travailleurs pauvres à 60 % du revenu médian (Foyer Notre Dame des Sans Abris (FNDSA), 2008).

Quelle équation sociale permettrait de lutter contre la pauvreté par l'activité, quand des travailleurs restent dans la pauvreté12, quand un emploi précaire n'est plus forcément un tremplin vers un emploi stable ? (Allègre, Périvier, 2005 - 1)

L'étude de la PPE, tant dans sa genèse que dans les modifications qui ont pu être apportée au dispositif originel, permet de comprendre l'enjeu et la difficulté du combat contre la pauvreté (laborieuse), les inégalités, l'exclusion, mais aussi, sur un plan plus

11 « Le seuil de pauvreté généralement utilisé en France correspond à 50 % du revenu médian, cependant la majorité des pays européens utilise un seuil de pauvreté correspondant à 60 % de ce revenu. Néanmoins, les ménages dont les revenus se situent juste au-dessus de ces seuils, définis arbitrairement, ne sont pas riches pour autant. Nous parlons donc de pauvreté au sens statistique » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 1).

12 « La définition généralement retenue du travailleur pauvre est celle d'un individu qui a un emploi, mais dont les revenus du foyer auquel il appartient ne dépassent pas le seuil de pauvreté. Selon cette définition, un travailleur à bas salaire n'est pas considéré comme pauvre s'il appartient à un ménage dont les revenus sont supérieurs à ce seuil » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 2).

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technique, contre les trappes à inactivité pouvant être créées par le système socio-fiscal13, ou tout simplement par des aspects pratiques de la vie14 (Périvier, 2003 ; Portail des Sciences Economiques et Sociales, 2008).

A - La Genèse du dispositif

« À la fin des années 1990 émerge en France un débat important sur les thèmes de l'incitation au travail des titulaires de minima sociaux et de la pauvreté de certains travailleurs. Ce débat conduit notamment en 1998 au renforcement du mécanisme d'intéressement des minima sociaux (RMI, API). Plus largement, une réflexion s'engage sur l'opportunité d'instaurer, comme en Grande-Bretagne ou aux États-Unis15, un dispositif à la fois destiné à encourager l'emploi et à réduire la pauvreté des travailleurs. Une Prime pour l'emploi (PPE) est finalement créée en 2001, « afin d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité16 » en complétant les revenus des travailleurs faiblement rémunérés » (Bonnefoy et al., 2009 : p. 87). Sa création s'est inscrite en 2001 dans un ensemble de réformes portant tant sur l'allocation-logement, que sur la taxe d'habitation ou l'impôt sur le revenu (Stancanelli, Sterdyniak, 2004).

Plus dans le détail, une réflexion avait été conduite afin de mettre en évidence certains des effets pervers du système français de prélèvements et de transferts, en particulier l'existence de «trappes à inactivité17 », c'est-à-dire de situations dans lesquelles l'emploi est, d'un point de vue strictement financier, moins attractif que le non emploi, en raison notamment du niveau très élevé des taux marginaux de prélèvement effectif en bas de l'échelle des revenus18. De plus, « l'idée qu'il existerait des « trappes à inactivité » se

13 Ce phénomène pouvait d'ailleurs être aggravé également par la perte au niveau local d'un ensemble de prestations sociales (aides au transport, prise en charge de factures d'eau ou d'électricité, etc.) à la reprise d'un emploi comme l'ont montré les travaux d'Anne et L'Horty en 2002.

14 « Les allocataires de minima sociaux ne seraient pas incités financièrement à prendre un emploi : les revenus issus de l'activité, diminués des coûts qu'elle engendre (transport, habillement, frais de garde des enfants...) seraient insuffisants pour rendre l'emploi attractif au regard du niveau des transferts sociaux (financiers et en nature) dont disposent les individus lorsqu'ils ne travaillent pas » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 1).

15 L'utilisation à cette fin de la fiscalité, et plus précisément du crédit d'impôt, n'est pas nouvelle. Les États-Unis ont développé massivement, à partir du milieu des années 1990, l'Earned Income Tax Credit (EITC) dans cette optique d'incitation à l'emploi. De même, à la fin des années 1990, le Royaume-Uni a suivi cette voie avec le Working Family Tax Credit, (WFTC) (Périvier, 2003).

16 Code général des impôts (CGI), article 200 sexies.

17 Déjà largement évoquées en 1999, trois ans avant le lancement de la PPE (Laroque, Salanié, 1999).

18 Une enquête de mars 1997 identifie trois groupes de chômeurs : le non-emploi volontaire (57 % du panel), le non-emploi classique (20 % du panel), et 23 % de « chômage réel ». Le premier groupe est intéressant car il englobe des personnes qui n'ont pas intérêt à travailler du fait d'un jeu complexe de prélèvements sociaux et de transferts sociaux (Laroque, Salanié, 2000). « Le trop faible écart entre les plus bas salaires et les minima sociaux créeraient des «trappes à inactivité », des désincitations au travail » (Palier, 2008 : p 164). « Aujourd'hui, les personnes qui retrouvent un emploi à temps partiel peu qualifié subissent un taux d'imposition de leur revenu parfois supérieur à 100 %. Ainsi, un allocataire du RMI qui retrouve un emploi à mi-temps payé sur la base du Smic ne gagne en réalité que 260 francs de plus par mois, voire moins, compte tenu de la perte de certaines allocations qu'entraîne la reprise d'activité. En améliorant la rémunération nette du travail, le crédit d'impôt vise à corriger cette distorsion » (Raulin, 2001 - 2), (lecture : Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC)).

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trouve accréditée par le nombre croissant de personnes qui bénéficient des mesures d'intéressement permettant de cumuler prestations et salaires » (Palier, 2008 : p. 165). Pour pallier à ces défauts, plusieurs réformes de la législation sociale et fiscale ont été mises en oeuvre dès 1998, concernant notamment les aides au logement, les dégrèvements de taxe d'habitation, le barème de l'impôt sur le revenu pour les contribuables modestes, et la possibilité de cumuler temporairement un minimum social et des revenus d'activité. La création de la Prime pour l'emploi a en fait représenté une étape supplémentaire dans cette démarche globale de correction des trappes à inactivité (Cour des comptes, 2006 ; Portail des Sciences Economiques et Sociales, 2008).

Il n'était pas dans les intentions premières du Gouvernement de rattacher ce dispositif à l'impôt sur le revenu. Au début, la Prime pour l'emploi devait prendre la forme d'une réduction de Contribution sociale généralisée (CSG) et de Contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) accordées aux personnes disposant de revenus d'activité, salariée ou non salariée, d'un montant inférieur à un plafond correspondant à 1,4 salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Le Conseil constitutionnel avait censuré ce mécanisme de « ristourne dégressive » de CSG et de CRDS, prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2001, car il n'était pas conforme au principe d'égalité des contribuables devant l'impôt. La solution retenue - en urgence - a consisté à le convertir en un droit à récupération fiscale sur l'Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) (Cour des comptes, 2006) représentant une prime liée à l'exercice d'une activité professionnelle (51 heures minimum par mois sur la base d'une rémunération au SMIC) (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001 ; Hagneré, Trannoy, 2001). Il peut être également souligné que la PPE, étant à la fois une mesure sociale et fiscale, était tributaire d'un mode de décision publique réduit 19 (Doligé, 2008).

« Le dispositif poursuit simultanément deux objectifs : encourager l'exercice d'une activité professionnelle et redistribuer du pouvoir d'achat aux travailleurs à bas revenus » (Cour des comptes, 2006 : p. 284). La PPE consiste en une allocation dégressive dont le taux plein, pour les inactifs, décroît au fur-et-à-mesure que les revenus de l'individu augmentent : on doit à l'économiste néo-classique Milton Friedmann20 les origines de ce mécanisme. Pour que le mécanisme de la PPE soit incitatif, le taux de baisse du crédit d'impôt est moins élevé que celui de la hausse des revenus, ce qui va dans le sens de

19 « Dans ce cas, il s'agissait des scènes politico-administratives que sont le commissariat général au Plan (CGP), le Conseil d'analyse économique (CAE) ou le cabinet du Premier ministre » (Colomb, 2012-1 : p. 33).

20 Milton Friedman est un économiste américain né le 31 juillet 1912 à New York et mort le 16 novembre 2006 à San Francisco, considéré comme l'un des économistes les plus influents du XX? siècle.

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l'unique article de la loi du 30 mai 200121 : la poursuite de l'objectif d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité (Colomb, 2012 - 1).

« L'histoire des politiques de l'emploi se caractérise par une tendance cognitive majeure : par couches successives se sont rajoutés des instruments aux fondements normatifs pluriels et contradictoires. Entre la genèse en 1963 de la catégorie « politiques de l'emploi » avec le Fonds national de l'emploi et la réduction permanente des cotisations sociales sur les bas salaires en 1993, en passant par la mise en place massive de contrats aidés au cours des années 1980, se sont succédés des programmes défendant chacun une définition spécifique des politiques de l'emploi. Au-delà de cette diversité, se dessine une tendance significative : les acteurs à l'origine des politiques de l'emploi valorisent - avec des nuances - le retour à l'emploi salarié et défendent l'absence de responsabilité des chômeurs dans leur situation. Ils considèrent que le marché du travail doit être régulé de manière distincte des autres marchés. C'est en ce sens que la PPE marque une rupture cognitive. Plus que l'ajout d'une nouvelle couche aux dispositifs en vigueur à la fin des années 1990 (réduction du temps de travail, contrats emploi jeunes, exonération de cotisations sociales), ce mécanisme signifie une contestation des anciennes logiques donnant lieu à une remise en cause des principes fondamentaux sur lesquels reposaient les politiques de l'emploi depuis plus de quarante ans » (Colomb 2012 - 1 : p. 32).

Le processus de construction de la Prime pour l'emploi à la fin des années 199022, par la création d'un crédit d'impôt, est significatif d'un tournant cognitif au sein des politiques de l'emploi. L'arrivée de nouveaux profils d'acteurs décisifs au sein de ce secteur a conduit à l'époque à favoriser une orientation libérale, d'autant plus qu'une série de rapports administratifs et de productions d'experts a donné du crédit scientifique et politique à une mesure en contradiction avec les orientations socialistes du moment. Ce processus a produit une définition originale des politiques de l'emploi : le chômeur est compris comme responsable de sa situation, et l'emploi est plutôt conçu comme une activité que comme un statut. Ce tournant majeur signe l'arrivée de la thématique du «making work pay23 » : les incitations financières ont, d'une part, acquis une place

21 La loi du 30 mai 2008 précise : « Afin d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité, il est institué un droit à récupération fiscale, dénommé Prime pour l'emploi, au profit des personnes physiques domiciliées en France » (Arnaud et al., 2008).

22 Les années 1990 ont donné lieu à un « tournant néolibéral » dans les politiques publiques (Jobert, 1994).

23 L'expression est traduite par « valoriser le travail ». Sa logique peut être décomposée en trois temps : -le chômage est dû non pas à un manque d'emploi mais aux comportements de ceux qui le proposent ; -de ce fait, il faut corriger leur comportement en envoyant des signaux mettant l'accent sur le gain financier au retour à l'emploi ;

-les signaux doivent être lisibles et donc pérennes pour être efficaces. Le « Making work pay » peut être mis en place en passant par une pluralité d'instruments, tels que la baisse des allocations chômage, des avantages en nature ou l'augmentation des salaires. Ces outils sont présidés par une même représentation de l'individu : le chômeur peut arbitrer en fonction de ses gains potentiels.

L'efficacité de cette série causale de propositions repose sur le couple simplicité/ pérennité du dispositif. Sans ces caractéristiques, les « anticipations des agents » ne peuvent se faire que de manière biaisée (Colomb, 2012-1).

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prépondérante dans l'orientation des politiques de l'emploi en France et ont, d'autre part, produit une nouvelle compréhension de ces politiques (Colomb, 2012 - 1).

En conclusion, et en expression des référentiels de l'époque, l'emploi est désormais considéré comme une activité et non comme un statut, et le chômeur est perçu comme étant responsable de sa situation. La création de la PPE, découlant de ces nouvelles considérations, représente davantage que la création d'un nouvel instrument, puisque on y observe une véritable rupture cognitive, remettant en cause le coeur des politiques de l'emploi menées depuis plus de 40 ans en France (Colomb, 2012 - 1). Elle a été votée et appliquée en 200124, faisant obstacle aux propositions alternatives telle que la ristourne de CSG/CRDS (votée à l'automne 2000 mais censurée par le Conseil constitutionnel) ou l'Allocation compensatrice de revenu (ACR), proposition alternative formulée par Roger Godino en 199925 (Arnaud et al., 2008 ).

« La prime se classe dans la catégorie des instruments visant à majorer le taux de salaire net sans accroître le coût salarial ; son montant est d'autant plus élevé que l'emploi est à temps plein et payé au voisinage du SMIC. En cela, la Prime pour l'emploi ne diffère pas fondamentalement de la ristourne de CSG et de CRDS. Elle ne cherche pas, en revanche, à compenser l'insuffisance de revenu liée à des faibles durées de travail annuel. La présentation qui en est faite par le gouvernement insiste d'ailleurs sur ce point, en soulignant le fait que la troncature à 0,3 SMIC, introduite dans la prime (et qui n'existait pas pour la CSG), vise à favoriser les sorties de situations d'activité réduite et à ne pas inciter au temps très partiel » (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001 : p. 88). La PPE fonctionne par le biais d'un crédit d'impôt, un impôt négatif lié au revenu d'activité tel que le représente le schéma 1 et le tableau 1.

24 Loi du 30 mai 2001.

25 « Le principe d'une prestation dégressive a été proposé dès la fin des années quatre-vingt-dix par Godino (1999). Il lui a alors été préféré la mise en place d'une prestation positivement liée au revenu d'activité : la Prime pour l'emploi (PPE). Cette logique dégressive est celle du Revenu de solidarité active (RSA) » (Cahuc et al., 2008 : p.59).

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Schéma 1 : Un impôt négatif lié au revenu d'activité

Source : Cahuc et al., 2008 : p. 62.

Tableau 1 : Les effets des dispositifs d'impôt négatifs

Source : Cahuc et al., 2008 : p. 62.

« Moins souvent mis en avant que l'objectif incitatif - comme l'atteste d'ailleurs la dénomination de la Prime pour l'emploi - l'objectif redistributif de la PPE n'en est pas moins central » (Cour des comptes, 2006 : p. 285). L'aspect redistributif du dispositif PPE vise à redistribuer les revenus afin de contribuer à la réduction des inégalités, d'aider les bas salaires, et de lutter contre la pauvreté et la précarité26 (par opposition à son aspect incitatif qui lui vise la pauvreté laborieuse, les trappes à inactivité, et l'exclusion sociale qui peut découler du choix de ne pas travailler).

26 « La précarité est l'absence d'une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l'emploi, permettant aux personnes et familles d'assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L'insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté, quand elle affecte plusieurs domaines de l'existence, qu'elle devient persistante, qu'elle compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible » (Wresinski, 1987 : p. 6).

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Encadré 1 :

Conditions d'éligibilité à la Prime pour l'emploi au titre des revenus de 2001

La Prime pour l'emploi ne s'adresse qu'aux foyers fiscaux dont le revenu est inférieur à un plafond variable, en fonction de la composition du foyer, et dans lesquels une personne au moins a exercé une activité au cours de l'année civile (annexe 5). La PPE est attribuée à chaque personne du foyer fiscal qui remplit les conditions suivantes pour le revenu d'activité et le revenu de référence du foyer. Eligibilité individuelle et condition d'activité professionnelle : exercice d'une activité professionnelle dans l'année de référence.

Le revenu annuel d'activité professionnelle doit être au-dessus de 0,3 fois le SMIC annuel (3 186 euros pour 2001). Par ailleurs, le revenu d'activité, calculé en équivalent temps plein sur l'année, doit être inférieur à 1,4 fois le SMIC annuel (14 872 euros pour 2001). Ainsi, un célibataire ayant travaillé 6 mois pour un salaire égal à 2 fois le SMIC (ayant donc un revenu total annuel inférieur à 1,4 fois le SMIC annuel, mais un salaire en équivalent temps plein égal à 2 fois le Smic) ne pourra pas être destinataire de la PPE. Cette limite supérieure est portée à 2,13 fois le SMIC (soit 22 654 euros en 2001) pour les couples mono-actifs et les personnes isolées assumant seules la charge d'un ou plusieurs enfants. L'éligibilité se fait au niveau du foyer fiscal et le revenu fiscal de référence du foyer doit se situer en dessous d'un seuil de 11 772 euros pour les personnes seules, et de 23 185 euros pour les deux parts des couples soumis à une imposition commune (avec une majoration de 3 253 euros pour chaque personne à charge) (Arnaud et al., 2008 ; Conseil de l'emploi, des revenus, et de la cohésion sociale, 2006 ; La finance pour tous.com, 2009 ).

L'ensemble de ces aspects demandent à être abordés plus en détail. a - Pauvreté laborieuse, trappes à inactivité, et exclusion sociale

La pauvreté laborieuse est présente en France, touchant tant les salariés que les travailleurs indépendants (notamment les agriculteurs). En 2008, on comptait

1,5 millions de travailleurs pauvres (Hirsch, 2008). Il existe de plus des situations familiales susceptibles d'améliorer ou d'aggraver la situation des travailleurs pauvres. A ce niveau, le poids des prestations sociales dans le revenu des ménages pauvres représente une nécessité absolue (Lagarenne, Legendre, 2000).

Les trappes à inactivité représentent des situations dans lesquelles l'emploi, sur le plan strictement financier, est moins attractif que le non emploi, en raison notamment du niveau très élevé des taux marginaux de prélèvement effectif en bas de l'échelle des revenus (Cour des comptes, 2006 ; Margolis, Starzec, 2005).

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Le chômage, la pauvreté laborieuse, les trappes à inactivité, peuvent contribuer, en tout ou partie, à des situations d'exclusion sociale et/ou de marginalisation (Foyer Notre Dame des Sans Abris (FNDSA), 2008). Dans cette perspective, l'emploi se positionne comme une source principale d'inclusion sociale (OCDE, 2007).

Ces sujets, qui méritent d'être abordés plus en détail, font partie du thème général de « la lutte contre la pauvreté, les inégalités, et l'exclusion ». Ils seront toutefois abordés ici sous l'angle unique de l'emploi.

1 - La pauvreté laborieuse

« L'emploi n'est pas un rempart absolu contre la pauvreté, 33 % des personnes vivant dans des ménages pauvres (et même 41 % si l'on se limite aux personnes de moins de 65 ans) étaient des actifs occupés en 2004, ce qui représentait 5 % de la population. La France se situe dans une situation moyenne par rapport aux autres pays de l'OCDE en termes de pauvreté au travail et par rapport à la moyenne des pays de l'Europe... » (OCDE, 2007 :

p. 54).

La répartition des pauvres varie notamment selon leur activité, tel que le démontre le tableau 2.

Tableau 2 - Répartition des personnes pauvres selon leur activité
Seuil de 60 % du revenu médian, 2004

Source : INSEE-DGI27, enquête Revenus fiscaux in OCDE, 2007 : p. 55.

La répartition des pauvres varie également selon le statut de l'emploi, tel que le démontre, pour l'année 2004 à titre d'exemple, le tableau 3.

27 Direction générale des impôts (DGI).

Tableau 3 - Composition des actifs pauvres selon le statut d'emploi
dominant dans l'année 2004

(en pourcentage)

Source : Rapport de l'ONPES28 (2006) in OCDE, 2007 : p. 55.

Quelle équation sociale pour lutter contre la pauvreté grâce à l'activité ? La lutte contre la pauvreté est-elle possible par l'emploi sans générer de pauvreté laborieuse ? La redistribution suffit-elle à réduire le nombre de pauvres ? (Allègre, Périvier, 2005 - 1). Comment éviter une « France des travailleurs pauvre », entre petits boulots, contrats à durée déterminée (CDD), intérim, et bien souvent grande précarité (Clerc, 2008) ?

L'examen des problèmes posés par la Prime pour l'emploi, met en lumière la question de la cible visée dans les politiques de soutien aux bas revenus : veut-on soutenir le pouvoir d'achat des bas salaires ou veut-on soutenir le niveau de vie des ménages des travailleurs pauvres ? Les deux projets ne sont pas incompatibles (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001). Cependant, par construction, la PPE ne bénéficie pas aux ménages les plus pauvres, mais aux déciles 2 à 5 de la population (Stancanelli, Sterdyniak, 2004).

L'équation principale à résoudre, tant face au problème de pauvreté laborieuse qu'à celui des trappes à inactivité ou de l'exclusion sociale qu'elles génèrent, réside dans le fait d'accroître les gains financiers de l'emploi, et de fait accroître l'emploi. La pauvreté gagne du terrain au fil du temps chez les actifs, tant en situation d'emploi qu'en situation de chômage, comme le démontre le graphique 1.

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28 Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES).

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Graphique 1 : Répartition par statut des personnes pauvres

Lecture : les salariés représentaient 12,6 % des personnes pauvres en 1984 et 20 % en 1995. Champ : individus de 17 ans et plus à l'exclusion de ceux qui appartiennent à un ménage dont la personne de référence est étudiante.

Source : Insee, enquêtes budget des familles in Conseil de l'emploi,
des revenus et de la cohésion sociale, 2001 : p. 57.

La PPE se positionne alors parmi les instruments de soutien aux bas salaires, visant notamment à accroître les gains financiers de l'emploi (sans alourdir le coût du travail). Pour lutter avec plus d'efficacité contre la pauvreté, la PPE, le SMIC et les allégements de cotisations sociales doivent être utilisés de façon cohérente. A cet égard, il peut être affirmé que la PPE représente une meilleure solution que des hausses de SMIC combinées à de nouveaux allégements de cotisations sociales. Le SMIC devrait progresser plus lentement que le salaire médian ce qui réduirait le coût relatif du travail peu qualifié et réduirait mécaniquement le poids des allégements de cotisations sociales, qui sont proportionnels au SMIC, dans le Produit intérieur brut (PIB). Selon ce courant de pensée, une partie des ressources disponibles pourrait être mobilisée pour accroître la Prime pour l'emploi et celle-ci pourrait être mieux ciblée sur les publics les plus exposés aux « trappes à bas salaires » et aux situations de pauvreté (OCDE, 2007).

Encadré 2 :

Les instruments de soutien des bas taux de salaires

Dans les débats récents, on a souvent présenté deux autres possibilités de relever les bas salaires sans affecter le coût du travail et donc sans risque de réduire la demande de travail peu qualifié par les entreprises :

- l'augmentation du SMIC brut compensée par un allègement correspondant des cotisations patronales (par exemple jusqu'à 1,4 SMIC) ;

- le maintien du niveau du SMIC et la réduction des prélèvements sociaux à son niveau, mesure dégressive jusqu'à 1,4 SMIC (dont la ristourne de CSG et de CRDS).

Ces mesures ne sont pourtant pas tout à fait équivalentes (notamment à l'époque de la mise en place de la réduction du temps de travail). Une augmentation du SMIC a tendance à se diffuser sur les salaires immédiatement supérieurs, mais l'effet s'épuise

progressivement. On a pu estimer que la diffusion s'éteignait vers 1,4 SMIC. Selon cette hypothèse, la phase dégressive des allègements de cotisations patronales compense l'effet de l'augmentation du Smic et la distribution des coûts salariaux reste inchangée. Il est alors assez indifférent d'agir sur les cotisations patronales ou salariales, cependant, un allègement des cotisations salariales ou des cotisations patronales donnent souvent lieu à des perceptions et opinions variées.

A l'époque de la période de mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, et compte tenu du jeu de la garantie mensuelle de salaires pour les salariés payés au SMIC, le relèvement du salaire minimum aurait eu des effets particuliers (extinction plus rapide du complément de salaire et choc salarial plus important dans la période finale). Un relèvement du SMIC, même s'il est compensé par un allègement de charges, rendrait également plus difficile la reprise souhaitable de la politique de relèvement des minima salariaux conventionnels de branche. Il est d'autre part difficile de baisser les taux de cotisations affectant les revenus de remplacement (retraites), même en compensant leur réduction par un transfert budgétaire, alors même que l'équilibre à terme des régimes de retraite n'est pas assuré. Ceci serait un signal assez peu compréhensible ; de même, affecter les taux de cotisations de chômage pouvait prêter lieu à débat après les discussions ayant eu lieu autour de la nouvelle convention UNEDIC29 de l'époque.

Pour finir, imputer la réduction à la Contribution sociale généralisée (CSG) posait d'autres questions relatives à la nature de ce prélèvement qui constitue un impôt direct sur les revenus, et aussi marquait un retour en arrière par rapport au mouvement qui avait conduit à introduire un impôt universel pour financer partiellement la protection sociale. La solution de la Prime pour l'emploi s'inscrit donc dans cette gamme d'instruments, en cherchant à éviter certains de leurs écueils (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001).

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La Prime pour l'emploi fait partie des instruments de soutien nationaux aux bas revenus, comme le démontre le tableau 4.

Tableau 4 : Décomposition des instruments de soutien aux bas revenus en 2001

Lecture : en grisé figure le champ couvert par les études antérieures. On entend ici par « aides locales » des aides dont le montant est variable selon la localisation des bénéficiaires, indépendamment de toutes autres caractéristiques personnelles ou familiales. Electricité de France - Gaz de France (EDF-GDF).

Source : Anne, L'Horty, 2012 : p. 50.

29 Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).

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La Prime pour l'emploi va ainsi majorer les revenus faibles d'activité compris entre

0,3 et 1,4 SMIC, du fait de la troncature à 0,3 SMIC introduite dans la prime et visant à favoriser les sorties de situations d'activité réduite et à ne pas inciter au temps très partiel. Selon les estimations de 2001, un peu moins de 30 % de l'ensemble des ménages bénéficiait de la Prime pour l'emploi. Parmi les bénéficiaires, un ménage sur dix (1/10) était dans le premier décile de niveau de vie (les 10 % les plus faibles des niveaux de vie) et six sur dix (6/10) se répartissaient de manière a peu près identique entre le deuxième et le cinquième décile de niveau de vie (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001).

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway