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Musiques actuelles en milieu rural - le cas du gà¢tinais sud seine-et-marnais


par Bilitis DELALANDRE
Université Paris-Est Marne-la-vallée - Département histoire - Master 2 Professionnel « Développement Culturel Territorial » 2016
  

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1.2. Jeunesse et pratiques culturelles, quelles contraintes en milieu rural?

Nées de l'intérêt des politiques publiques pour les pratiques culturelles des «jeunes», les musiques actuelles ont initialement été investies lors d'une démarche plus large de légitimation et de construction d'une certaine catégorie de publics. Philippe Teillet106 nous expose la manière dont s'est construit l'intérêt des pouvoirs publics dans le domaine des musiques actuelles, davantage soucieux de cibler des publics que d'exiger une certaine qualité artistique : « s'est constitué au coeur de l'intervention culturelle publique un secteur dont la légitimité reposait moins sur la valeur attribuée aux productions artistiques (...) que sur le souci

106 Maître de conférences en sciences politiques. Responsable des masters professionnels "Direction de projets culturels" à l'Institut d'Études Politiques de Grenoble et "Direction d'équipements et de projets dans le secteur des musiques actuelles et amplifiées" à l'Université d'Angers. Les travaux de Philippe Teillet s'articulent autour de la question des politiques culturelles, plus particulièrement dans le champ des musiques actuelles.

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des publics identifiés comme étant majoritairement ceux de ces productions. »107 Ce secteur résulte de l'attention que portaient les politiques publiques sur des catégories de publics alors peu ou pas considérées : les publics dit « jeunes » de 16 à 25 ans, les publics des quartiers défavorisés, les publics des banlieues. Il est d'ailleurs curieux de noter qu'ici, on parle de pratiques à la fois « jeunes » et « urbaines », une association de termes qui omet ce qu'on serait alors tenté de qualifier de pratiques « jeunes et rurales ». La jeunesse rurale ne serait-elle que le réceptacle après-coup de ce qui se construit en ville ? D'ailleurs, qui dit jeunesse en difficulté sous-entend jeunes des banlieues, la « culture jeune » semble fortement entretenue dans une vision assez stéréotypée et caricaturale de la jeunesse populaire banlieusarde représentée par les rappeurs, les punks et autres blousons noirs. C'est ce que suggère Nicolas Renahy : « Les jeunes ruraux, lorsqu'ils sont pris en considération (et qu'ils ne sont pas seulement perçus comme des « ploucs »), apparaissent comme le négatif de leurs homologues urbains : moins formés, moins cultivés... »108

La Seine-et-Marne est un département particulièrement jeune. La part des 0-19 ans est de 28,3%109, le plaçant comme le troisième département le plus jeune de France. Bien que leur répartition soit, elle aussi, hétérogène, la présence forte de jeunes sur l'ensemble du territoire est effective. Variant de 22% à plus de 28% sur le Gâtinais, les jeunes représentent plus de deux seine-et-marnais sur dix en zone rurale ou périurbaine. Aussi, l'opposition entre les jeunes ruraux et urbains, au même titre que leur population entière, n'a plus de sens au regard de leur modes de vie, leurs valeurs et leurs pratiques qui s'homogénéisent autour d'un standard urbain110. Ce n'est donc pas le lieu de résidence qui modifie l'intérêt commun pour les activités culturelles et musicales, ni « pour les pratiques de sociabilité entre pairs qui constituent en quelque sorte le ciment des cultures adolescentes. »111 Les variations qui ont pu être observées entre les pratiques des urbains et des ruraux semblent, en partie, produites par les caractéristiques et configurations spatiales dans lesquelles ils évoluent, même s'ils ne sont

107 Teillet Philippe, « Publics et politiques publiques des musiques actuelles », O. Donnat, P. Tolila, Le(s) public(s) de la culture, Paris, Presses de Sciences Po, 2003, p.155

108 Renahy Nicolas, Les Gars du coin, Paris, La Découverte, p.19

109 Voir en annexe n°10, la répartition des moins de 20 ans sur le département de Seine-et-Marne

110 Olivier David, « Le temps libre des jeunes ruraux : des pratiques contraintes par l'offre de services et d'activités de loisirs », Territoires en mouvements, Revue de géographie et aménagement, n°22, 2014

111 Olivier David, op.cit, p.85

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« jamais des facteurs déterminants »112. En effet, ces tendances à l'uniformisation ne gomment pas pour autant toute influence de la variable territoriale.

L'étude de 2007 sur les jeunes dans les espaces de faible densité113 a permis de mettre en évidence différents profils, types de rapports et de modes de vie des jeunes au sein de leur territoire. Pour certains ruraux, ou périurbains, « les espaces de faible densité, représentés comme des espaces fermés, jouent un rôle de piège »114. Leur espace de vie se caractérise par des termes peu mélioratifs, notamment chez certains jeunes du Gâtinais115 : « Ça bouge pas assez, enfin dans le 77 y'a rien ! », « C'est trop tranquille, il faut casser la routine, faut bouger un peu quoi. », « Bah je trouve que ça bouge pas assez », « On est trop isolé en Seine-et-Marne en fait ». Ils reprochent surtout à ces territoires de manquer de modernité et d'activité. La ruralité fantasmée, perçue comme un paradis naturel, se heurte ici aux réalités locales, à savoir la monotonie et l'isolement. Un décalage qui renforce le sentiment d'être piégé. Comme le souligne les auteurs, « il y a comme une peur de la ligne droite toute tracée, de la routine qui se projetterait sur l'espace de vie ». Toutefois, le territoire peut aussi représenter pour ces jeunes « un rempart contre les problèmes, un gage de qualité de vie. »116 Même s'ils reconnaissent qu'il n'est pas toujours aisé de vivre à la campagne, ils s'accommodent au quotidien, font preuve de débrouillardise et élaborent leurs propres tactiques. Le territoire fonctionne pour eux comme un refuge, une enceinte loin des dangers de la ville, bien qu'ils n'y soient pas imperméables. D'ailleurs, ils regrettent les stigmates des adultes ou des politiques locales sur le caractère problématique de la jeunesse. Une situation qui renforce par ailleurs, le besoin d'autonomie et d'indépendance d'un dernier groupe de jeunes identifié par l'étude. Pour eux, ces espaces sont sources d'épanouissement et ils s'en disent fiers. Il s'agit du seul groupe identifié où s'affirme le sentiment de devoir animer ces territoires, de s'impliquer dans la vie locale par le biais d'associations. Les territoires représentent un espace des possibles, dans lequel la mobilité est adaptée, et est moins appréhendée comme une source de difficultés.

112 Escaffre Fabrice, Gambino Mélanie, Rougé Lionel, « Les jeunes dans les espaces de faible densité : d'une expérience de l'autonomie au risque de la captivité », Société et jeunesse en difficulté, n°41, 2007,

p.5

113 Ibid.

114 Ibid. p.8

115 Propos recueillis d'après l'interview réalisé par l'association Musiqafon dans le cadre du projet « La

culture, le 77 et moi » initié par le projet Place Aux Jeunes par le Service Jeunesse de Seine-et-Marne. Les jeunes répondants sont des lycéens de Nemours et Fontainebleau.

116 Escaffre Fabrice, Gambino Mélanie, Rougé Lionel, Op. Cit. p.9

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe