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Musiques actuelles en milieu rural - le cas du gà¢tinais sud seine-et-marnais


par Bilitis DELALANDRE
Université Paris-Est Marne-la-vallée - Département histoire - Master 2 Professionnel « Développement Culturel Territorial » 2016
  

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PARTIE 1

Musiques actuelles et ruralité : état des lieux.

De l'Île-de-France au Gâtinais.

28

I. Ruralité et musiques actuelles : le contexte francilien

1.1. Campagnes et métropole.

De prime abord, difficile d'entrevoir la région Île-de-France uniquement sous sa dimension rurale. L'espace francilien est en effet marqué par la présence des plus grandes agglomérations urbaines européennes. Toutefois, une part importante de la population a le sentiment d'habiter encore à la campagne69. Et pour cause, l'Île-de-France est composée de près de 80 % d'espaces ruraux, agricoles et forestiers. Environ 60 % des communes franciliennes rassemblent moins de 2000 habitants et 46 % ont même moins de 1000 habitants, ce qui représente 839 communes rurales et plus d'un million d'habitants. Ainsi malgré ses 11 millions d'habitants, ses grandes infrastructures, son envergure de véritable métropole, l'Île-de-France peut encore être associée aux campagnes.

Le phénomène de métropolisation s'étend mais la ruralité semble malgré tout préservée, notamment dès que l'on se fonde sur l'appréciation et le sentiment des habitants face à leur territoire : la ruralité est présente, ressentie et visible. Elle est perçue et vécue par les habitants, au delà des représentations collectives. Si l'Île-de-France présente effectivement de véritables territoires ruraux, bien distincts des espaces urbains et périurbains, avec des superficies agricoles et forestières importantes, les caractéristiques mêmes du rural ont toutefois évolué. L'agriculture ne fait plus le rural. Bien qu'elle reste dominante en termes d'occupation du sol, elle n'est en effet plus le principal moteur économique de la région, et en termes de représentations, à peine 10% des Français associent aujourd'hui l'espace rural à l'agriculture ou au travail agricole70. Le développement continu et disparate des bourgs et villages franciliens, en ceinture verte et dans la couronne rurale, exprime une certaine attractivité et aspiration vers le «vivre à la campagne et travailler à la ville». À la fois espaces de vie, de travail et de loisirs, l'espace francilien, tout comme le territoire national, se compose d'espaces combinés, où la forte mobilité géographique des individus rend la distinction entre deux catégories de populations (urbaines ou rurales) caduque. Le sentiment de vivre en zone rurale ne correspond

69Atlas rural et agricole de l'Île-de-France (2004) réalisé par la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Agriculture et de la Forêt (DRIAF) et l'Institut de la Région d'Île-de-France (IAURIF) page 7.

70 D'après l'enquête du CREDOC et INRA réalisée en 2001 pour le groupe de Prospective sur les Espaces Naturels et ruraux de la DATAR.

29

donc pas forcément aux critères statistiques qui définissent le rural, fondés notamment sur les modes de vie (migrations pendulaires...).

En matière d'emploi, deux visions simplificatrices doivent d'emblée être écartées, l'une réduisant les actifs ruraux à des exploitants agricoles, l'autre à des « migrants pendulaires »71. L'espace rural francilien n'a pas échappé aux tendances lourdes qui affectent, depuis plusieurs décennies, la géographie de l'emploi : métropolisation, effondrement de l'emploi agricole, tertiarisation de l'économie. Même si la grande couronne connaît depuis quelques années un dynamisme lié au desserrement des activités du coeur de l'agglomération, les communes rurales restent largement à l'écart de ce mouvement. Influences extérieures et mutations propres déterminent donc la structuration actuelle de l'emploi rural francilien. Celui-ci se caractérise par un marché du travail restreint, n'abritant que 6% de l'emploi francilien et 10% de la population totale de la région. Les communes rurales se caractérisent également par une sur-représentation des ouvriers et artisans en écho à une sous-représentation des cadres. L'essentiel de la population active est composé, comme dans l'espace urbain, par des professions intermédiaires et des employés72.

Quelques comparaisons avec leurs homologues franciliens urbains permettent de distinguer les caractéristiques des ménages et leurs installations dans ces espaces ruraux. En 1999, les populations franciliennes rurales sont représentées majoritairement par des familles avec enfants (la moitié des ménages). L'autre moitié des ménages résidant en milieu rural est surtout composée de couples sans enfant (26,7 % contre 21,6 %) et plus rarement qu'ailleurs, de personnes vivant seules (21,6 % contre 35,9 %). Ces personnes seules sont plutôt âgées : la moitié a dépassé la soixantaine (49,6 %), contre un peu plus du tiers dans le reste de la région (35,6 %). La moitié des emménagés récents résidait déjà dans le rural ou vivait dans en milieu périurbain : 18 % ont simplement changé de logement au sein de la même commune, 21 % résidaient en 1990 dans une autre commune rurale et 10 % dans le périurbain. Les autres proviennent pour l'essentiel du coeur de l'agglomération (34 %) ou de province (14 %). Il faut noter, que ces campagnes restent sous l'influence majeure de la capitale et de son agglomération. Bien que les Franciliens n'aient pas l'impression d'appartenir à l'agglomération parisienne (72 %), ils se sentent sous l'influence de Paris (52%). Une proximité qui semble généralement bien vécue, la

71 Liée à l'étalement urbain et au phénomène de périurbanisation, la migration pendulaire désigne les individus se déplaçant quotidiennement de leur domicile à leur travail.

72 Les chiffres sont issus du recensement de la population française de 1999, INSEE.

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majorité des Franciliens s'y rendant pour des raisons culturelles73. Enfin, l'installation dans le rural francilien est souvent motivée par la recherche d'un cadre et d'une qualité de vie privilégiée, quoique l'accès à la propriété et les exigences professionnelles demeurent des critères dominants, devant l'attrait pour le prix des loyers ou encore pour les conditions de vie et d'éducation des enfants. 74

1.2. État des lieux des musiques actuelles en Île-de-France75

Région capitale, l'Île-de-France concentre une part décisive de la vie musicale du pays. La plupart des maisons de disques, des revues de presse spécialisées, des tourneurs y sont installés. De nombreux artistes ont choisi d'y vivre. Une pléthore d'amateurs y pratique la musique. Chaque semaine, on compte plus d'une centaine de concerts programmés. Cette diversité est surtout le fait d'un tissu associatif militant vivace et d'une forte concentration des professionnels du secteur privé commercial - à Paris par exemple, plus des trois quarts des

8%

8%

7%

2% 2%

5%

12% 24%

1%

Typologie des structures selon leur fonction principale

2%

29%

conservatoires, écoles de musiques, organismes de formation : 8%

producteurs de spectacles, management d'artistes : 7%

services culturels : 5% collectifs d'artistes : 2% radios : 2% labels : 1% autres : 2%

lieux de diffusion musiques actuelles : 29 % lieux pluridisciplinaires dont MJC, centres culturels : 24% studios de répétition et studios d'enregistrement : 12% organisateurs sans lieux (dont festivals) : 8%

73 D'après l'Enquête sur la perception de l'espace rural par les habitants de l'espace rural francilien, IAURIF, 2003.

74 CREDOC. Les Français et l'espace rural, mars 2001 et Enquête sur la perception de l'espace rural par les habitants de l'espace rural francilien, IAURIF

75 Essentiellement basé sur l'état des lieux des structures adhérentes établis par le RIF en 2012

31

studios de répétition sont privés. Le RIF (Confédération régionale des réseaux de musiques actuelles d'Île-de-France), recense près de 213 structures dédiées aux musiques actuelles adhérentes aux 8 réseaux départementaux76 qui composent la région francilienne. Au regard des formes juridiques de ces structures, c'est le modèle associatif qui est majoritaire (60% en 2011), et ce, historiquement, depuis le développement des réseaux musiques actuelles. Plus spécifique à la région francilienne, les structures municipales en régie directes représentent 26% des structures. La part de sociétés commerciales s'est accrue depuis l'entrée du MAP, le réseau parisien des musiques actuelles, au sein du RIF et représente 12% des structures. Enfin, les établissements publics, les sociétés coopératives et les autres formes juridiques représentent 2% des adhérents. La typologie des structures établie par le RIF, selon leur fonction principale, dresse un profil particulièrement diversifié des activités de l'ensemble des structures. Il faut préciser que la grande majorité des structures couvrent plusieurs activités : 74% des répondants déclarent développer au moins deux activités, et près de 20% d'entre eux proposent au moins 5 activités différentes.

Répartition des activités en % sur les 170 structures
répondantes

51% 51% 48% 44% 44% 41%

34% 34%

22%

12% 7% 6% 4%

88%

Au-delà de l'activité de diffusion, prégnante pour l'ensemble des établissements, on constate une part prépondérante des activités dédiées à l'accompagnement des pratiques des

76 Les 8 réseaux départementaux sont : le Combo 95, le réseau du Val d'Oise ; le MAAD93, lé réseau de Seine-St-Denis ; REZONNE, le réseau de l'Essonne ; le Réseau Musiques 94, le réseau du Val-de-Marne ; Réseau 92, le réseau des Hauts-de-Seine, Le CRY, le réseau des Yvelines ; le MAP, le réseau de Paris et le Pince Oreilles, le réseau de Seine-et-Marne.

32

musiciens, en proposant pour la plupart un soutien en matière de répétition, d'enregistrement, d'accompagnement artistique, d'information ressource, de répétition sur scène, d'accueil en résidence et d'enseignement musical. Enjeu fondamental au maintien de l'équilibre de l'écosystème musiques actuelles francilien, l'accompagnement des pratiques musicales répond au besoin croissant des groupes et musiciens amateurs ou semi-professionnels en quête d'un soutien à la fois artistique, logistique, administratif et scénique. Le RIF estime que plus de 15 000 groupes, de tous styles et de tous niveaux, résident et pratiquent en Île-de-France, ce qui représente plusieurs milliers de musiciens répartis sur l'ensemble de la région. Beaucoup gravitent autour des structures, qui tentent, via un panel toujours plus large de propositions, de répondre à leurs attentes.

Toutefois, les disparités d'implantation des équipements posent question. En 2007, le RIF constatait en effet dans son état des lieux des structures adhérentes que « la quasi totalité des structures agissent au sein des pôles urbains (91,8%) et seules deux structures sont implantées dans des communes rurales ». La dimension rurale est donc quasiment inexistante sur l'ensemble de la région en matière de développement des musiques actuelles. Un constat partagé par le réseau national, la Fédération des Lieux de Musiques Actuelles, qui en 2014, dans le cadre de son étude77 sur l'action culturelle au sein de ses structures adhérentes, a également mis en évidence une forte concentration des lieux dédiés en milieu urbain. Cette répartition par type de territoire a fait apparaître que le milieu rural ainsi que les petites villes ou villes périurbaines ne sont représentées qu'à hauteur de 18%. Au niveau du nombre moyen de représentations annuelles, les communes rurales et les petites villes ont, là encore, un total moyen nettement inférieur, à raison de 27 représentations dans le milieu rural contre 42 dans les villes moyennes, et 55 dans le milieu urbain.

1.3. Culture et pratiques musicales en Île-de-France.

Si la région francilienne est caractérisée par une forte concentration de structures et d'acteurs musiques actuelles, il convient d'élargir brièvement notre regard, et de saisir dans quel cadre « culturel » plus global les activités musiques actuelles s'inscrivent sur ce territoire. La vie culturelle en Île-de-France est particulièrement marquée par une offre foisonnante et

77 FEDELIMA, OPALE, Actions culturelles et musiques actuelles, Éditions Mélanie Seteun, (Coll. Musique et environnement professionnel), 2014

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diversifiée, mais également très concentrée à l'échelle du pays, en témoigne les indicateurs établis par le Ministère de la Culture, qui dévoilent que la région concentre :

· 27 % des compagnies dramatiques

· 13% des scènes nationales

· 31 % des compagnies de danse

· 22 % des écoles de musiques et de danse, 22 % des enseignants et 20% des élèves

· 18 % des salles de cinéma

· 52 % des salariés du régime de l'intermittence du spectacle et 22% de la filière culturelle des collectivités territoriales

· 33 % des architectes inscrits à l'ordre des architectes et 43 % des élèves architectes

Le ministère joue d'ailleurs un rôle historique sur cette partie du territoire national, grâce à un nombre important d'équipements sous sa tutelle, on citera : la Bibliothèque Nationale de France, l'Opéra National de Paris, 4 des 5 théâtres nationaux, 11% des musées de France, 9% des monuments inscrits et classés en France (et qui reçoivent 40% des entrées payantes), 13 établissements d'enseignement supérieur, etc. À noter l'implantation des services de l'administration centrale à Paris, tels la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) ou encore les huit STAP (Services Territoriaux de l'Architecture et du Patrimoine). Sous l'influence accrue de l'attrait pour le patrimoine culturel de Paris et d'une centralité historique, la région Île-de-France est l'héritière d'un imposant ensemble d'institutions culturelles, anciennes et contemporaines, qui, naturellement, la positionne comme la première région touristique de France78.

« En moyenne plus jeunes, plus diplômés et disposant de revenus plus élevés, les Franciliens pratiquent davantage d'activités culturelles que leurs homologues de province » nous indique le rapport de l'IAURF (l'Institut d'Aménagement d'Urbanisme de la Région d'Île-de-France), Les Franciliens et la culture, réalisé en 2006. L'étude met en avant une spécificité parisienne pour expliquer l'intensité des pratiques dans la capitale. Paris étant un vivier en matière de diffusion et de création, elle attire une grande diversité de populations « non seulement aptes â multiplier les consommations mais aussi susceptibles de montrer l'exemple ». Toujours selon cette étude, la facilité d'accès aux équipements et la diversité de l'offre faciliterait la pratique, et serait renforcée par les réseaux relationnels resserrés, entretenus par des logiques d'imitation (lire, écouter, voir ce que tout le monde a lu, écouté, vu) et de

78 INSEE, CCI, L'Île-de-France, la première région touristique de France, Insee Analyses, n°20 2015

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domination (avoir une pratique jugée plus valorisante...). De plus, l'habitat parisien, moins spacieux qu'ailleurs, tendrait à favoriser la vie sociale à l'extérieur, et peut en partie expliquer l'intensité des pratiques culturelles parisiennes.

Plus d'un Francilien sur deux cumule au moins six activités culturelles 79 contre un tiers des provinciaux, la pratique artistique en amateur, qui concerne un tiers des Franciliens, est particulièrement liée au cumul d'autres types d'activités : 62% de ceux qui pratiquent des activités en amateur cumulent également d'autres activités. Une activité culturelle en appelle donc souvent une autre, en Île-de-France. La pratique instrumentale par exemple manifeste généralement un goût prononcé pour la musique et donc l'écoute musicale, chez soi ou en concert. Ceux qui cumulent le plus ont une pratique assidue et régulière et sont majoritairement jeunes (étudiants, actifs sans enfant). Le cumul croît avec le niveau d'études et de revenus ainsi qu'avec la proximité de l'offre culturelle, les Parisiens étant les plus concernés. A contrario, ceux qui cumulent moins de quatre activités, sont ceux qui passent le plus de temps devant la télévision, à raison de plus de trois heures par jour. En matière de musique, 80% des Franciliens déclarent écouter de la musique régulièrement, et 82% de ceux qui écoutent la radio préfèrent les émissions musicales aux informations. Ils sont également 27% à avoir assisté à un concert, le profil étant le même qu'en Province, à savoir plutôt des jeunes, diplômés, avec des revenus élevés. Les festivals, notamment musicaux, sont visités par au moins 8% des Franciliens, mais moins que par les provinciaux (11%). Ils semblent également plus fréquentés par les plus jeunes (11% ont entre 15 et 34 ans) et par les Parisiens (14%).

Paradoxalement, ni la forte proposition culturelle, ni la concentration d'équipements et d'offres culturelles ne garantissent à tous les Franciliens un accès équitable à la culture. En effet, selon le ministère de la Culture, la moyenne d'équipements culturels par Franciliens est inférieure à la moyenne nationale (1.51 équipements pour 10 000 habitants contre 1.66 en moyenne nationale, plaçant l'Île-de-France au 14ème rang des régions). La coexistence de zone de foisonnement culturel et de zones qui en sont dépourvues renvoie à la question des disparités territoriales en Île-de-France qui peuvent participer au renforcement des inégalités de pratiques.

79 Ces activités sont regroupées en 7 catégories de pratiquants : les téléspectateurs, les auditeurs (de radio ou de musique), les lecteurs (presse, livres et bandes dessinées), les amateurs de sorties (visites, spectacles autres que le cinéma), les amateurs de cinéma, les personnes pratiquant des activités artistiques en amateur.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway