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Existe-t-il une stratégie géopolitique de l'aide publique au développement de la France au Sahel ?


par François De Block
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Ecole Normale Supérieure - Master 2 Géopolitique 2019
  

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1.4 Le rôle de la direction générale du Trésor dans le dispositif institutionnel de coopération pour le développement

L'architecture actuelle du dispositif français de coopération pour le développement a été fixée par le décret du 4 février 1998. Cela a eu pour conséquence de réformer en profondeur la politique de coopération internationale de la France, en supprimant le ministère de la Coopération et en créant le comité interministériel de la coopération pour le développement (CICID). Présidée par le Premier ministre, cette instance réunit l'ensemble des ministères participant à la politique transversale de l'aide publique au développement. Le CICID définit les orientations géographiques et sectorielles de la politique de développement française, et veille à sa cohérence des moyens mis en oeuvre, au regard des objectifs fixés. Le décret a de plus acté la transformation de la Caisse française de développement en « Agence française de développement », opérateur-pivot de la politique de coopération, chargée de la grande partie son exécution financière.

Le décret a également créé une direction générale pour la coopération sous l'autorité d'un secrétariat d'État placé sous tutelle du ministère des Affaires étrangères. En outre, ce décret a renforcé progressivement l'AFD, qui est ainsi devenu « l'opérateur pivot « de la coopération française sous une double tutelle du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l'Économie et des finances.  La suppression du ministère de la Coopération, a créé une dichotomie du pilotage de l'aide publique au développement de la France, qui est toujours d'actualité.

Enfin, un cadre de dialogue formel avec la société civile avait été mis en place au travers du Haut Conseil à la coopération internationale (HCCI), placé également auprès du Premier ministre et regroupant l'ensemble des acteurs de la société civile et du monde académique. En addition à cela, une Commission coopération au développement (CoDev) réunissant de façon paritaire le ministère des Affaires étrangères et les ONG permettait de traiter de l'ensemble des sujets sectoriels et opérationnels relevant de leur partenariat. Ces deux structures, très appréciées de la société civile, ont permis d'instaurer un dialogue structuré et formel entre le ministère des Affaires étrangères et les Organisations de la société civile (OSC) et d'affermir la position de celles-ci.

De fait, ce système a globalement fonctionné jusqu'en 2007, date à laquelle HCCI et CoDev ont été supprimés dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et un conseil stratégique créé auprès du ministre des Affaires étrangères en remplacement. Cette instance ne s'est réuni que deux fois sur toute la durée du quinquennat 2007-2012, et le CICID une seule fois en 2009. Enfin, l'AFD s'est vu transférer par le ministère des Affaires étrangères le cofinancement des OSC à partir de 2009. L'année 2007 marque également la fin d'une longue tradition française où l'aide au développement était incarnée par un engagement personnel au sommet de l'État.

Le système français de coopération se caractérise par une organisation complexe avec des responsabilités éclatées. Elle comprend les deux ministères compétents en matière de politique de développement que sont le Ministère des affaires étrangères et le Ministère des finances, des instances d'orientations, et les agences de l'Etat.

Figure 6 - Architecture institutionnelle de la politique de coopération de la France

Source : Rapport du conseil économique, social et environnemental (CESE)

Au niveau ministériel, le pilotage de la politique de coopération est co-assuré par la Direction générale de la mondialisation (DGM) du MEAE et la Direction générale du Trésor de Bercy. La DGM est chargée de mettre en oeuvre et de suivre le programme 209 «  solidarité à l'égard des pays en développement », qui engage des fonds sous formes de dons et d'aide-projets sur le canal bilatéral. L'action de la DG Trésor en matière d'aide au développement, et les crédits de son programme 110, sont articulés selon trois actions :

· L'aide économique et financière multilatérale regroupe les contributions de la France aux institutions multilatérales d'aide au développement, banques et fonds sectoriels (action 1);

· L'aide économique et financière bilatérale finance principalement les interventions d'aide bilatérales de l'AFD (action 2);

· Le traitement de la dette des pays pauvres recouvre les annulations de dettes décidées dans le cadre du club de Paris et impliquant une indemnisation des operateurs (action 3)

Cette responsabilité administrative et budgétaire est principalement partagée entre les ministères des Finances et des Affaires étrangères. Cette pratique historique est la cause d'une répartition à la logique contestable, fondée sur la nature de l'aide. Ainsi, la conduite de l'aide multilatérale entre le Trésor (représentation de l'État auprès des institutions financières multilatérales) et les Affaires étrangères (représentation devant les institutions onusiennes) traduisent une complexité organisationnelle et pose les questions de l'efficacité de cette politique publique. Si le Ministère des affaires étrangères a récupéré l'exercice de la cotutelle de l'AFD depuis 1998, la relation institutionnelle entre le Trésor et l'AFD est plus ancienne et plus solide en raison des liens historiques qui unissent ces deux structures. Héritière de la caisse centrale de la France libre, devenue Caisse centrale des outre-mer en 1944 puis Caisse centrale de la coopération économique en 1958, celle-ci avait, en plus de sa mission d'assistance financière, une mission d'essence monétaire avec l'émission et la gestion de la monnaie des outre-mer. Ces attributions étaient déjà supervisées par le Ministère de l'économie, dont la stratégie africaine était articulée avec celle de l'agence de coopération. La Direction générale du Trésor est ainsi le « ministère superviseur historique » de l'institution chargée de la coopération économique, la nature financière intrinsèque de ses activités étant incluses dans le champ de compétences et de supervision du Trésor.

En outre, la Direction du Trésor avait la responsabilitéì de la zone franc et de l'aide fournie au titre de l'ajustement structurel, alors que sa Direction du Commerce s'attachait aÌ maximiser les opportunités commerciales liées aÌ l'APD, en particulier durant les premières décennies postcoloniales. Le Ministère de l'Economie administrait une fraction particulièrement importante du budget de l'aide (représentant environ 40 % en 2002), soit bien plus que pour n'importe quel autre pays donateur du CAD. Les relations structurelles et historiques entre le Trésor et l'AFD, ainsi que leur culture politique et économique commune, font du Trésor un élément influent de l'architecture institutionnelle de la coopération française.

Lors de la refonte du dispositif de coopération français en 1998, qui a vu la création de l'AFD et la disparition du Ministère de la coopération, la Direction du Trésor s'est vu conférer la cotutelle de l'AFD avec le Ministère des affaires étrangères. Ce double contrôle, et l'émergence du MEAE comme un ministère partenaire du Trésor, a surtout renforcé la complexité du dispositif de coopération. La position du Trésor dans ce dispositif, si elle reste essentielle, a été toutefois érodée par la montée en puissance relative du MEAE sur les questions de développement, après absorption des équipes du Ministère de la coopération. Le MEAE utilise notamment son réseau d'ambassadeurs afin de coordonner les actions et projets de l'AFD sur le terrain. En dépit d'un retrait relatif sur le plan opérationnel, le Trésor conserve toutefois solidement sa compétence de représentation de la France dans les instances multilatérales de développement et peut s'appuyer sur son réseau international de services économiques régionaux pour connaître la situation économique et financière des pays en développement et leurs besoins en matière d'assistance technique. Le pilotage de la politique d'aide au développement se fait désormais dans le cadre d'instance de concertations (CICID, CNDSI) avec le Ministère des affaires étrangères et l'ensemble des acteurs concernés.

L'AFD a tiré profit de la disparition du ministère de la Coopération pour s'affirmer comme l'institution la plus compétente, techniquement, en matière de développement. Sous tutelle conjointe des ministères des Affaires étrangères et des Finances est devenue l'« opérateur pivot » de mise en oeuvre de l'aide française au développement. A l'instar des autres agences de coopération européennes, elle est imprégnée, d'un référentiel libéral d'efficacité et de sélectivité de l'aide, elle promeut une coopération mêlant prêts et dons, élargie aux biens publics mondiaux et aux pays émergents, qui dépassent le cadre des priorités stratégiques historiques de l'aide française, traditionnellement tournée vers l'Afrique et la Méditerranée.

Depuis 2012, des efforts ont été engagés au sommet de l'Etat pour mettre à jour la politique française de développement, la rendre plus démocratique et plus visible au travers de la loi d'orientation de 2014, recréer un cadre de dialogue multi-acteur, renforcer l'AFD et simplifier un partie de son schéma relatif à la coopération technique et à l'expertise.

Le 7 Juillet 2014 a été votée la première loid'orientation et de programmation relative aÌ la politique de développement et de solidarité internationale (LOPDSI - Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014).

Cette loi permet de renforcer le contrôle démocratique et d'améliorer l'évaluation de l'aide au développement : elle octroie au Parlement la possibilité de débattre des critères d'attribution des aides ou de ses destinataires, ce qui relevait auparavant du domaine réservé de l'exécutif (jusqu'ici, le Parlement ne faisait que voter le budget des ministères).

L'adoption de la LOP-DSI et les réformes engagées, si elles ont apporté de la modernité sur le fond et relativement amélioré les conditions de la transparence de la politique de développement, ne se sont pas pour autant attaquées au coeur du schéma institutionnel français et n'ont pas permis de le simplifier. Celui-ci se caractérise toujours à la fois par une volonté théorique (parce que le CICID se tient de façon épisodique, ce qui témoigne de la lourdeur du dispositif actuel) de mobilisation interministérielle renforcée et cohérente de ce point de vue avec l'esprit des ODD, mais par une complexité réelle due à une dispersion des lieux de décision et à un affaiblissement effectif et continu des capacités de pilotage et des moyens du secrétariat d'État au Développement.

Dans les faits, l'autonomie acquise par l'AFD vis-à-vis de ses tutelles a réduit la fluidité des relations entre le Trésor et l'Agence. Si le Ministère de l'économie est toujours présent afin d'orienter les grandes décisions stratégiques de la politique de développement, l'AFD dispose de sa propre stratégie interne et d'une logique financière autonome, qui l'amène à étendre son champ d'action au delà des géographies et secteurs définis par la coordination interministérielle. La complexité du pilotage de la politique d'aide au développement est accentuée par la bicéphalie du dispositif. Le poids qu'occupe le ministère des finances dans ce dispositif rend peu probable la création d'un ministère de la coopération de plein droit, comme le suggère la Cour des comptes dans son rapport d'évaluation de 2012 sur la politique d'aide au développement. La DG Trésor, de par son expertise économique et financière, son réseau décentralisé, sa proximité historique avec l'AFD et sa capacité à transfuser régulièrement certains de ses agents et cadres vers l'agence, reste un maillon central de la politique d'aide au développement de la France.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo