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Le trafic international de faux documents d'identité


par Jean-Michel HAZIZA
Université de Pau et des Pays de l'Adour - M2 Police et sécurité intérieure  2019
  

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2. Un système d'information sur les visas actuellement non abouti dans la surveillance des agents diplomatiques situés dans certains pays tiers à l'Union européenne

478. Création du système VIS. Le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne ont adopté un Règlement le 9 juillet 2008 concernant le système VIS et l'échange de données entre les Etats membres sur les visas de court séjour, surnommé le Règlement VIS521. C'est la décision 2004/512/CE du conseil du 8 juin 2008 qui a créé le VIS « en tant que système d'échange de données sur les visas entre Etats membres » selon le point 2 du préambule du Règlement VIS.

479. Commentaires des articles du Règlement VIS : défaillance du contrôle sur les Etats tiers. « Afin d'assurer une vérification et une identification fiables des demandeurs de visas, il est nécessaire de traiter des données biométriques dans le VIS » selon le point 10 du préambule du Règlement VIS. Il y a donc une surveillance sur l'identité civile et biométrique d'un individu résidant dans un pays tiers à l'Union européenne à travers l'application de ce Règlement. Selon l'article 2 de ce même Règlement, « le VIS a pour objet d'améliorer la mise en oeuvre de la politique commune en matière de visas » uniquement entre Etats membres. En effet, « les données traitées

519 Ibid., p. 130.

520 Ibid.

521 Règlement (CE) n° 767/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008, vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 62§2, point b) ii), et son article 66, vu la proposition de la Commission, statuant conformément à la procédure visée à l'article 251du TFUE.

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dans le VIS ne peuvent être communiquées à un pays tiers ou à une organisation internationale, ni être mises à leurs dispositions » selon l'article 31 du Règlement VIS. C'est donc une limite considérable pour qu'un contrôle soit exercé sur la probité des agents consulaires situés à l'étranger, délivrant des visas Schengen. C'est un système de contrôle qui s'exerce uniquement entre les Etats membres expliquant le caractère non abouti du système VIS car le contrôle sur les Etats tiers est défaillant.

480. Extension récente du système VIS insuffisante. Ce n'est qu'à partir de l'adoption du Règlement du 14 novembre 2018 par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne concernant « la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats Membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation »522 que le système VIS s'est étendu. En pratique, le visa Schengen sera délivré lorsque le ressortissant d'un pays tiers souhaitera séjourner sur le territoire d'un Etat Membre pour trois mois au maximum. Or, le point 3 du préambule du Règlement du 14 novembre 2018 dispose que celui-ci s'applique uniquement « pour des séjours dont la durée n'excède pas 90 jours sur toute période de 180 jours », ce qui correspond implicitement aux visas Schengen court séjour. « Le présent Règlement détermine les pays tiers dont les ressortissants soumis à l'obligation de visa ou en sont exemptés, sur la base d'une évaluation au cas par cas de divers critères relatifs, entre autres, à l'immigration clandestine, à l'ordre public et à la sécurité, aux avantages économiques, ainsi qu'aux relations extérieures de l'Union avec les pays tiers concernés » selon l'article premier du Règlement de 2018.

481. Selon l'annexe I du Règlement, seulement soixante-dix-huit pays tiers sont soumis à l'obligation de délivrance de visas à leurs ressortissants pour franchir les frontières extérieures de l'Union européenne. En pratique, « la mise en place du VIS impose que toute autorité saisie d'une demande de visa crée un dossier ad hoc, doté d'un numéro propre et renfermant les divers éléments d'identification de la personne concernée »523, ressortissante d'un pays tiers. Ce système de contrôle ne concerne que la demande de visas Schengen d'un étranger ayant sa résidence dans le ressort du siège de l'ambassade ou du consulat du pays tiers.

522 Règlement (UE)2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018.

523 MARMISSE-D'ABBADIE D'ARRAST (A.), « Espace de liberté, de sécurité et de justice », Rép.europ., 2010, n° 99.

482.

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Selon l'annexe II du Règlement, quatre-vingt-neuf pays tiers sont exemptés de l'obligation de délivrance de visas à leurs ressortissants lors de franchissement des frontières extérieures de l'Union européenne pour des séjours dont la durée n'excède pas 90 jours sur toute période de 180 jours, c'est-à-dire pour des visas Schengen court séjour.

483. Grâce à ses résultats factuels présentés dans le Règlement du 14 mai 2018, on constate que la mise en place d'une « frontière administrative » policière sur la surveillance des visas en provenance de pays tiers n'est pas effective puisque de nombreux ressortissants de pays tiers sont autorisés à voyager sans visas. Ainsi, le risque de la corruption des agents diplomatiques dans ces pays-là est nécessairement plus élevée que dans les pays où ils sont dans l'obligation de délivrer un visa à un ressortissant. Mais les failles du système VIS se retrouvent aussi bien dans les pays tiers obligés de délivrer un visa que dans ceux qui en sont exempts.

484. Exemple d'un consul corrompu dans un pays tiers autorisé à délivrer un visa Schengen. Le 5 avril 2018, un réseau de trafic de faux visas Schengen a été démantelé au Maroc524. Dix individus ont été arrêtés, dont huit d'entre eux sont directement impliqués dans le réseau. Les deux derniers étaient soupçonnés d'être des candidats à l'immigration irrégulière. Les membres de ce réseau trichaient sur les documents nécessaires aux dossiers d'obtention du visa Schengen à l'aide d'un employé d'un consulat européen accrédité à Rabat qui émettait de vrais visas en s'appuyant sur de faux documents en contrepartie d'importantes sommes d'argent525. Le réseau était structuré comme suit : l'instigateur principal du trafic, les complices spécialisés dans la falsification des documents, et des intermédiaires dans les opérations d'immigration irrégulières. Des dossiers falsifiés, des passeports, des copies des pièces d'identités et d'actes de naissance, des équipements électroniques, de l'argent, ont été saisis par la police.

485. Portée de cette affaire : inefficacité du système de contrôle VIS. A partir de cette affaire, un réseau indépendant de trafiquants de faux documents s'est mis en lien avec un agent diplomatique faisant partie d'un consulat pour obtenir de faux visas Schengen. Ce pays de transit aux portes des Etats membres de l'Union européenne

524 https://www.bladi.net/trafic-visas-schengen-maroc,51393.html

525 Ibid.

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délivrant des visas Schengen représente parfaitement l'inefficacité du système de contrôle VIS. En pratique, l'Etat membre de destination mentionné sur le faux visas Schengen a dû recevoir de l'agent consulaire corrompu marocain une demande d'autorisation de séjourner sur son territoire de la part d'un citoyen ayant la nationalité et/ou sa résidence au Maroc. La faille réside dans le fait qu'aucun contrôle n'a été effectué sur l'agent diplomatique. Aujourd'hui, l'Etat Partie concernée ne contrôle que l'identité du voyageur clandestin souhaitant rentrer en Europe.

486. Transition vers une refonte nécessaire. C'est une perméabilité criante du système VIS, qui ne contrôle aucunement l'action des agents diplomatiques corrompus. Or, les trafiquants utilisent cette faille pour entrer dans l'Union européenne. C'est pourquoi, une refonte du système VIS vers une police de surveillance plus approfondie sur les agents diplomatiques corrompus est nécessaire.

B) Vers une refonte nécessaire du système VIS : un élargissement de son champ d'application sur les agents diplomatiques corrompus ?

487. Elargissement. Pour combler les failles actuelles du système VIS, deux tentatives de surveillances policières sont proposées le cas échéant : l'extension nécessaire du champ d'application du VIS sur la facilité de la fraude documentaire exercée directement par les agents diplomatiques dans les pays tiers (1), et un l'élargissement de son champ d'application aux pays tiers actuellement exemptés de la délivrance de visas en vue d'assurer une surveillance policière uniforme des agents diplomatiques (2).

1. Refonte matérielle du VIS : l'extension nécessaire du champ d'application du VIS sur la facilité de la fraude documentaire exercée par les agents diplomatiques dans les pays tiers

488. Silence à propos de la lutte contre la corruption au sein des ambassades et des consulats étrangers. Selon l'article 2 c) et g) du Règlement VIS, « le VIS a pour objet d'améliorer la mise en oeuvre de la politique commune en matière de visas, la coopération consulaire et la consultation des autorités consulaires centrales chargées des visas en facilitant l'échange de données entre les Etats membres sur les demandes de visas et les décisions relatives, dans le but de : faciliter la lutte contre la

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fraude et contribuer à la prévention des menaces pesant sur la sécurité intérieure ». Or, le champ d'application du Règlement VIS se limite qu'au signalement de personnes voyageant avec un faux visas Schengen. Pour le reste, le Règlement VIS reste muet vis-à-vis de la lutte contre la corruption qui sévit au sein des ambassades et des consulats étrangers.

489. Urgence d'un consortium politique entre les Etats membres. L'affaire retentissante de la corruption d'un consul au Maroc, pays tiers ayant l'obligation de délivrer un visa Schengen, est une aubaine pour que les Etats membres de l'Union européenne prennent conscience collectivement des menaces existantes au sein des ambassades et des consulats étrangers. Une coopération policière de lutte contre la corruption commise dans les ambassades et les consulats étrangers doit arriver en premier lieu avant de pouvoir penser à une réelle « coopération consulaire et une consultation des autorités consulaires centrales chargées des visas ». Un consortium politique doit être urgemment entrepris par les Etats membres pour essayer de remédier à cette faille très convoitée par les complices, agents diplomatiques, faisant partie d'un réseau international de faux documents d'identité.

490. OCDE, source d'inspiration pour les Etats membres. Pour cela les Etats membres de l'Union européenne doivent s'inspirer de ce qui existe au sein de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Par exemple, la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales issue de l'OCDE526, publiée en 2011 doit servir d'exemple aux Etats membres de l'Union européenne. Selon l'article 1.1 de la Convention, chaque pays membre doit prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la corruption des agents publics étrangers allant à l'encontre des règles du commerce international.

526 http://www.oecd.org/fr/apropos/membresetpartenaires/ : « Aujourd'hui, l'OCDE compte 36 pays Membres à travers le monde, de l'Amérique du Nord et du Sud à l'Europe et l'Asie-Pacifique. En font partie beaucoup des pays les plus avancés, mais aussi des pays émergents comme le Mexique, le Chili et la Turquie ». Parmi les trente-six pays membres de l'OCDE, dix-neuf sur vingt-huit Etats membres de l'Union européenne sont pays Membre de l'OCDE. Parmi les autres pays membres de l'OCDE, il y a la Turquie qui se situe aux portes de l'Union européenne, pays qui peut représenter un potentiel danger pour la sécurité publique des frontières de l'Union européenne avec la présence d'agents diplomatiques corrompus.

491.

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En l'occurrence, les agents diplomatiques agissant au nom et pour le compte d'un faussaire par exemple participent activement à un commerce illicite de marchandises. Cette convention définit les « agents publics étrangers » comme « toute personne qui détient un mandat législatif, administratif ou judiciaire dans un pays étranger, qu'elle ait été nommée ou élue, toute personne exerçant une fonction publique pour un pays étranger, y compris pour une entreprise ou un organisme public et tout fonctionnaire ou agent d'une organisation internationale publique », en vertu de l'article 1.4. Cette définition intègre sans aucune doute les agents diplomatiques présents dans les ambassades et les consulats.

492. La poursuite pénale des agents diplomatiques corruptibles se fonde sur une « responsabilité des personnes morales », puisque « chaque partie prend les mesures nécessaires, conformément à ses principes juridiques, pour établir la responsabilité des personnes morales en cas de corruption d'un agent public étranger » selon l'article 2.

493. Ainsi, lorsqu'une corruption sera commise par un agent diplomatique, le pays membre de l'OCDE dont l'agent diplomatique a la nationalité pourra être poursuivi par les instances judiciaires. Pour assurer le suivi d'une surveillance policière, « chaque partie prend les mesures nécessaires pour assurer que l'instrument et les produits de la corruption d'un agent public étranger ou des avoirs d'une valeur équivalente à celle de ces produits puissent faire l'objet d'une saisie et d'une confiscation ou que des sanctions pécuniaires d'un effet comparable soient prévues » selon l'article 3.3.

494. En pratique, l'argent issu du pacte de corruption entre le demandeur du faux visa et l'agent diplomatique pourra être saisi par les autorités policières présentes sur le pays membre où l'infraction de corruption a été commise par l'agent diplomatique selon l'article 4.1, ou si le pays membre dispose d'une compétence personnelle extraterritoriale, de la possibilité de juger le ressortissant diplomatique ayant commis une infraction à l'étranger, selon l'article 4.2. La présente convention prévoit une coopération judiciaire entre les pays membres régie à l'article 8, notamment par l'utilisation du mécanisme de l'extradition.

495.

170

En vertu de l'article 12 de la présente convention, les pays membres assurent une « surveillance et un suivi systématique » des actes de corruptions diplomatiques grâce au groupe de travail de l'OCDE spécialisé dans le domaine des « transactions commerciales ».

496. Ainsi, une surveillance policière plus efficace est déjà entreprise par les pays membres de l'OCDE qui organisent une coopération policière intéressante à l'encontre des agents diplomatiques, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui du système VIS, applicable au niveau de l'Union européenne. L'espace de liberté, sécurité et justice organisé par les Etats membres de l'Union européenne devrait donc s'inspirer dans la mise en place de cette politique de lutte contre la corruption des agents diplomatiques étrangers, déjà réprimés par l'OCDE.

497. Après la nécessaire refonte matérielle du système VIS, il convient aussi de repenser le champ d'application géographique de ce dernier.

2. Refonte géographique : l'élargissement nécessaire du champ d'application du VIS dans les pays tiers corrompus actuellement exempts de la délivrance de visas Schengen

498. Intérêt. Pour mettre à l'écart les trafiquants étrangers de faux documents et les agents consulaires corrompus, le visa doit devenir « une condition de la mobilité légitime »527 pour tous les Etats tiers à l'Union européenne.

499. Surveillance policière administrative électronique à distance. Effectivement, la politique commune de visas envers tous les pays tiers de l'Union européenne, élargie à ceux qui en sont exempts actuellement, permettrait de mettre en place une surveillance policière administrative électronique à distance dans une nécessité de sécurité intérieure de l'espace Schengen, afin de créer une « standardisation des échanges d'informations relatifs à la circulation des ressortissants des pays tiers »528.

527 DUEZ (D.), L'Union européenne et l'immigration clandestine, De la sécurité intérieure à la construction de la communauté politique, préc., p. 123.

528 Ibid.

500.

171

Elargissement nécessaire de l'identification des groupes cibles aux agents diplomatiques délivrant des documents de voyages. Certes, « l'identification de groupes cibles et les techniques de contrôles de visas à distance » étaient déjà prévues par l'article 62 du Traité de la Communauté européenne. La philosophie de cet article a été reprise dans le Règlement du 14 novembre 2018 établissant la liste des pays tiers obligés ou exempts de délivrer des visas Schengen d'une durée trois mois maximum. L'uniformisation d'une politique de visas commune à tous les Etats tiers se heurte au principe de souveraineté en droit international.

501. « Identifiant des groupes cibles, les instructions consulaires soulignent qu'il convient d'exercer une vigilance particulière sur les populations à risque, chômeurs, personnes démunies de ressources stables etc. avant de préciser qu'en cas de doute portant, notamment, sur l'authenticité des documents et la réalité des justificatifs présentés, la représentation diplomatique ou consulaire s'abstiendra de délivra le visa »529.

502. Il en ressort que l'identification des groupes cibles ne concerne que les voyageurs, et non pas les personnes délivrant les documents de voyages. Pourtant les agents consulaires font partie de groupes cibles qu'il est nécessaire de surveiller à distance, puisqu'ils peuvent être en mesure d'enrayer le filtre administratif de sécurisation de la délivrance de visas Schengen. Ce peut être le cas de la Turquie qui est un pays tiers exempt de visas, point stratégique pour les trafiquants puisque c'est un Etat tiers limitrophe de l'Union européenne.

529 Ibid., p. 124 : instructions consulaires communes adressées aux représentations diplomatiques et consulaires de carrières, JO, n° C 326, 22 décembre 2005, p. 10.

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