WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Accès à  la terre et conflit au tchad: cas du <> (XXe au XXIe siècle).


par Dieudonné Kingué Kampété
Université de Maroua - Master II en Histoire Politique et des Relations Internationales  2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1- La conception exogène du foncier

Tout le territoire qui allait devenir le Tchad a connu dès le début du XXe siècle la colonisation. Celle-ci impact toutes les sociétés et le pays massa n'y échappe pas. L'avènement de la colonisation a introduit dans la société massa des éléments nouveaux, exogènes et dominateurs, susceptibles qui ont entraîné des modifications et des distorsions dans les équilibres internes. Avec la colonisation, c'est l'avènement d'une conception du foncier basée sur des principes et des valeurs qui n'ont rien de commun avec ceux des sociétés traditionnelles (Coquerey-Vidrovitch, 1985:145).

Alors que les terres sont considérées comme un patrimoine communautaire légué par les ancêtres et de ce fait inaliénable, la colonisation en fit un objet dont l'appropriation individuelle était possible, accordant par-là même une valeur marchande (Armi, 2005:39). Ainsi, en voulant avoir le contrôle des terres, l'on assiste à la vulgarisation de la procédure de l'immatriculation comme principale marque (Ibid).

46

Pour avoir la mainmise sur ces terres, les notions de terres vacantes sont évoquées pour justifier la politique coloniale. Ainsi des grands espaces font l'objet d'appropriation par les puissances colonisatrices qui pensent que la propriété foncière indigène se limitait à leur habitat et aux alentours. L'exemple patent de ce type d'appropriation peut dans une certaine mesure être le cas en pays Massa où plus de 700 hectares ont fait l'objet d'accaparement sur l'ensemble des dix Canton. La société française installée dans le village de biliam-oursi I en 1953 comme nous le confirme Fanga Augustin27, avait à elle seule plus de 450ha, espace qui servait pour la culture du coton et quelques années après pour le riz. Cette société avait à elle seule occupée un grand espace.

Dans cette perspective, plusieurs lois relatives aux grandes orientations foncières furent promulguées, parmi lesquelles nous avons :

- Décret du 28 mars 1899, modifié en décembre 1920 fixant le régime de la propriété foncière ;

- décret du 20 juillet 1900 et le décret du 24 juillet 1906 créant le système de l'immatriculation et l'introduction des livres fonciers dans le cadre d'une politique d'organisation de la propriété foncière ;

- décret du 08 octobre 1925 consolidant les droits coutumiers en permettant aux détenteurs de faire constater leur propriété et délivrant un livret foncier coutumier (Armi, 2005:39-40).

Ces textes sont établis pour permettre à la puissance colonisatrice de mener à bien ses activités économiques dans l'ensemble du territoire tchadien. Cette forme de régime foncier exogène est sous-tendue par une volonté d'abolir toute forme d'organisation interne, de hiérarchie au sein des sociétés traditionnelles en général. D'où la tendance à qualifier ces sociétés de sociétés acéphales et anarchique. Pour ce qui est du pays Massa, un rapport administratif de 1913 qualifie les Massa comme « un peuple à demi-sauvage vivant dans l'anarchie » (Dumas-Champion, 1983:30). La politique coloniale en matière foncière consistait, dans presque toutes les sociétés à considérer que les terres étaient vacantes et ensuite en prendre possession.

27Entretien avec Fanga Augustin, le vendredi 23 juin 2017 à Bilam-Oursi I.

47

Dans ce contexte de domination, le boum nagata, maître de la terre est démis et méconnu dans ses fonctions par le pouvoir nouvellement instauré. Ce qui fait que sa prépondérance en matière foncière décline et ses prérogatives passent aux mains des chefs traditionnels créés et instrumentalisés par l'administration coloniale pour les besoins de la cause. Il est désormais, un simple officiant des rites ancestraux, ses services sont de moins sollicites pour disposer de la terre. La terre devient ainsi un bien dont l'appropriation individuelle et la vente sont possible.

Devenu maître et propriétaire des terres, les colonisateurs les mettent en valeur cela s'explique par l'implantation de la culture cotonnière dans toute la région du Mayo-kebbi. Pour le cas de notre zone d'étude, plus de 700ha ont fait l'objet d'appropriation par la puissance colonisatrice à travers la société française dénommée SEMAB, dont la fonction dura jusqu'à l'indépendance. Son principal rôle était la culture du coton et du riz et ses fonctions s'étendaient dans les cantons Koumi, Télémé, Toura et Magao.

2- Les textes en matière foncière après l'indépendance et la tentative de leur adaptation

Après plus d'un demi-siècle de domination coloniale, le Tchad accède à l'indépendance le 11 août 1960. Dans un contexte d'autonomie interne, le Tchad n'a fait que reprendre la législation foncière datant de la période coloniale. Le principe de prééminence de l'État sur toutes les terres et sur les autres ressources naturelles, est maintenu et sert d'argument à l'état dans sa volonté manifeste d'accaparement des terres au nom du développement économique28. De même, le caractère aliénable de la terre est maintenu et l'appropriation individuelle durable, voire définitive, reconnue et matérialisée par l'immatriculation. C'est dire que dans l'immédiat, aucune initiative, aucune réflexion allant dans le sens de l'adaptation ou de la réhabilitation du régime foncier coutumier ne fut ébauchée par les dirigeants de ce pays (Armi, 2005:47). Il se trouve que l'État tchadien ne se démarqua en rien de la politique coloniale en matière foncière sept ans après l'indépendance. Tout se passe comme si celui-ci s'était

28Elina Yarandi cité par Armi lors d'un entretien le 25 avril 2003 à Pala.

48

substitué à l'état colonial pour poursuivre les mêmes objectifs en usant des mêmes moyens. Dans plusieurs pays d'Afrique centrale, l'accession à la propriété privée passe par une procédure héritée de la période coloniale, l'immatriculation. Quelques lois et décrets méritent d'être cités dans le cadre de cette étude. Il s'agit de :

-la loi N° 24 du 22 juillet 1967 sur le régime de la propriété foncière et des droits coutumiers, suivie du décret n° 186/PR du 1er août 1967 sur le régime de la propriété foncière et des droits coutumiers ;

- la loi N° 25 du 22 juillet 1967 sur la limitation des droits fonciers29 définit les procédures d'expropriation et définit le principe de l'indemnisation dans ses articles 2 et 5, fixée par la voix de conciliation. On rappelle qu'en principe, toute terre rurale faisant objet d'un titre de propriété et dont l'exploitation abandonnée pendant plus de cinq (5) ans compte tenu de mode de culture, peut être expropriée. A l'instar des lois de juillet 1967 portant sur le régime foncier au Tchad et sur les modalités de gestion, le nouveau code foncier énonce que :

Les droits coutumiers, exercés de manière collective ou individuelle, peuvent être transformés en droits de propriété dès lors qu'ils comportent une emprise permanente et évidente sur le sol. Cette emprise se traduit par les constructions et/ou par une mise en valeur régulière du terrain, y compris les interruptions justifiées par les modes de cultures30.

-La loi n°14/PR/98 du 17 Août 1998 définissant les principes généraux de la protection de l'environnement31. L'objectif de la loi est d'établir les principes pour la gestion durable de l'environnement et sa protection contre toutes les formes de dégradation. Au sens large, l'environnement prend en compte : le sol, le sous-sol, la faune, la flore, la zone humide, l'atmosphère et les aires protégées. L'article 29 vise à protéger les forêts contre les pratiques préjudiciables telles que le surpâturage, la

29CEFOD, 2004, Recueil des textes sur le droit foncier au Tchad, Banque Tchadienne des Données Juridiques.

30 International Grisis Group, 2014, « Afrique centrale : les défis sécuritaires du pastoralisme », Rapport Afrique N°215, p. 11.

31La loi n°14/PR/98 du 17 Août 1998 définissant les principes généraux de la protection de l'environnement.

49

surexploitation, les incendies, les brulis. Les aires protégées ne peuvent être parcourues par les éleveurs ni exploitées par les agriculteurs ni attribuées.

Or en pays massa, les zones protégées font l'objet, pas de vente mais de pratiques culturales par les familles en manque de terre. Aussi, les éleveurs aussi en font usage en saison sèche bien que les couloirs de transhumance soient définis. Ceci impact sur certaines plantes, avec comme conséquence la dégradation de l'environnement. Cette situation est contraire à ces dispositions juridiques en ce qui concerne la protection du foncier dans le canton Bongor.

La loi n° 4 du 31 octobre 1959 portant règlementation du nomadisme sur le territoire de la république du Tchad32. Article 1er : le nomadisme est règlementé sur toute l'étendue du territoire de la République du Tchad, tant au point de vu de circulation des bétails qu'au point de vue de stationnement.

Article 2 : Sont déclarés « nomades » les citoyens éleveurs des bovidés, de chameaux ou de moutons, n'exerçant habituellement aucune autre profession ou activité, n'ayant pas de domicile certain, et transhumant chaque année en famille avec leurs troupeaux sur le territoire de plusieurs circonscriptions administratives (districts).

Article 4 : sont assimilés aux nomades définis aux articles ci-dessus tous regroupements de personnes ayant domicile certain et exerçant habituellement la profession de cultivateurs mais qui, propriétaires de troupeaux se déplacent avec ces derniers hors des limites admises de leur district de recensement.

Article 7 : les mouvements des éleveurs transhumants doivent obligatoirement suivre les itinéraires fixés par une commission composée d'éleveurs, des notables et des élus de la circonscription.

Article 9 : les sédentaires doivent laisser libre passage aux nomades sur les itinéraires de transhumance visés à l'article 7 du présent acte.

32 La loi n° 4 du 31 octobre 1959 portant règlementation du nomadisme sur le territoire de la république du Tchad.

50

De tous ces articles, il convient de rappeler que l'exécution cause un problème. Les éleveurs comme les agriculteurs sont souvent confrontés à un problème d'interprétation qui, souvent laisse comprendre que les deux groupes ignorent les textes règlementaires. En considérant les mutations autour de la réforme foncière de 1967 et le contenu de cette réforme, il se pose la question de son adaptation au contexte actuel à cause des facteurs (anthropiques et naturels) qui sont survenus. L'examen de ces différents facteurs s'avère nécessaires pour saisir la dynamique interactive qui existe entre les groupes sociaux et le foncier. À travers ces lois, on voit bien que la nouvelle politique en matière foncière prête à confusion et la règlementation moderne est mal connue, peu diffusée et dont la compréhension échappe aux usagers.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore