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Accès à  la terre et conflit au tchad: cas du <> (XXe au XXIe siècle).


par Dieudonné Kingué Kampété
Université de Maroua - Master II en Histoire Politique et des Relations Internationales  2016
  

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1- La médiation des ainés

La diplomatie dans l'Afrique précoloniale joua un rôle important dans les relations intercommunautaires. Les entités sociopolitiques de l'Afrique précoloniale, selon Daniel Abwa, ont toujours pratiqué la diplomatie dans leur rapport intercommunautaire (Abwa, 1989 cité par Sambo, 2012:203). Il faut comprendre que cette diplomatie entre les autorités traditionnelles avait d'abord pour objectif la sauvegarde des relations de bon voisinage (Sambo, 2012:203).

C'est ainsi que dans le souci de normalisation et de résolution des conflits en pays massa, les hommes ont accordé une importance capitale aux procédures de négociation. L'objectif de la négociation est de parvenir à un accord entre les parties antagonistes. Ce qui suppose l'existence, au sein des parties concernées, d'une réelle motivation à parvenir à un accord et d'éviter une escalade de la violence qui conduit des situations non négociables. Nous savons que les négociations requièrent des connaissances techniques fondées sur la culture du groupe, sur une bonne maîtrise de l'histoire communautaire et aussi sur une longue pratique qui procure des stratagèmes imparables. Ainsi, le rôle des vieillards est très important, car l'on suppose qu'ils maîtrisent bien l'histoire du pays et qu'au-dessus de tout, le respect leur revient. Il

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convient de rappeler que la tradition massa n'autorise guère de porter la main sur les hommes âgés bien que ceux-ci font quelquefois objet de bastonnade en cas de conflit78. Tout cela parce qu'il faut en effet que, pendant un conflit il reste quelque confiance en la disposition de l'ennemi, sans quoi l'on ne pourrait d'ailleurs conclure aucune paix et les hostilités dégénéreraient en une batail d'extermination.

La gestion des conflits directement entre les parties concernées ou tout au moins au niveau du village semble être la méthode la plus efficace, car elle se fait sans des perturbations majeures dans les relations sociales et surtout elle n'engage pas beaucoup de moyens financiers. Ainsi, les agriculteurs, les éleveurs et pasteurs qui, sont plus impliqués sont les principaux responsables de l'élaboration d'un système efficace de gestion des conflits liés à l'accès à la terre.

Dans les conflits inter-claniques du canton Koumi par exemple, les vieillards jouent un rôle important. En effet lors de la résolution des conflits entre les deux camps antagonistes, notamment les biliam I et les rigaza, l'on fait appel aux hommes âgés afin de jouer la médiation. Ce sont eux qui, devant la Brigade soit la justice tracent le mieux l'historique des conflits parce que l'on suppose qu'ils sont sages. Ici, les chefs de villages ou blama n'ont pas de rôle à jouer en ce qui concerne la médiation ou résolution. Ils sont dépourvus de toutes responsabilités y compris les Moulla79 ou chefs de Canton, représentant de l'État. Les protagonistes pensent qu'en tranchant l'affaire auprès de ces derniers, ils seraient tentés de prendre position derrière un camp.

Dans ce contexte donc, les compromis sont trouvés par la médiation de ces vieillards. En 2015, par exemple, tous les vieillards dans le canton Koumi, qu'ils soient de Biliam-oursi I ou de Rigaza, ont fait l'objet d'emprisonnement de 6 mois environ dans le pénitencier de koro-toro, prison située à près de 2000 km de la capitale tchadienne, dans le désert80. Le gouvernement tchadien pense que ces derniers seraient

78 Entretien avec Dom Djaldi le jeudi 23 juin 2017 à biliam-oursi I.

79 Le Moulla est le nom des chefs des cantons en langue massa. Le Moulla est respecté par les massa et joue un rôle important dans la société massa.

80 Entretien avec Malamsou le vendredi 24 juin 2017 à Biliam-oursi I.

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des « complices » et qu'ils auraient joué le rôle « d'instigateur » dans le conflit meurtrier opposant les biliam aux rigaza, en 201581.

Il convient aussi de signaler que dans le cadre des conflits latents, la présence des vieillards n'est pas ignorée. Dans le cadre de leur régulation, les blama sont tentés quelquefois de faire appel à eux82. Étant des jeunes pour la plupart, les blama accordent de l'importance à ces derniers au regard de leur ancienneté et de la maîtrise de certaines questions sociales.

Généralement pour ce qui est de la négociation, ces vieillards essayent de retracer l'histoire du peuple en clarifiant la dynamique entre les différents groupes avant l'arrivée des blancs jusqu'à l'ère actuelle. Cette méthode qui consiste à remonter le temps revient à faire comprendre aux jeunes générations qu'elles sont issues d'un seul ancêtre et que, dans le passé, il n'y avait pas des conflits à l'intérieur de la communauté83. Les conflits sont selon les sages des phénomènes récents, avec comme cause, l'égoïsme de certains qui ont des ambitions démesurées. En écoutant donc les paroles des vieillards, les protagonistes sont souvent apaisés.

Pour ce qui est de l'opposition agriculteurs-éleveurs les deux parties ont chacune un représentant. Du côté des éleveurs, c'est généralement le Sark sano qui vient pour l'arrangement auprès du représentant des villageois agriculteurs, le chef du village.

2- Le rôle des Chefs traditionnels dans la résolution des conflits

Dans le cadre de la résolution des conflits dans la société massa, il est important de souligner que les conflits sont tranchés devant les autorités en fonction de leur gravité et des enjeux. Certains conflits se limitent au niveau des blamana et d'autres, du point de vue de leurs complexités sont tranchés chez les mallah/chefs de canton.

81 Entretien avec malamsou le vendredi 24 juin 2017 à Biliam-oursi I.

82 Entretien avec le chef de canton de Bongor, SammaTordina le lundi 26 juin 2017 à Bongor.

83 Entretien avec Issa Kampété, blama de Baiga kouhlou, le vendredi 23 juin 2017 à Baiga.

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a- Les blamana ou chefs de village dans la résolution des conflits

Traditionnellement les conflits liés à l'accès ou à l'utilisation de la terre sont tranchés par les chefs de village. Ces différends sont tranchés selon la tradition et la coutume locale bien qu'ils soient nommés par le pouvoir moderne84. Compte tenu du fait que les blamana sont les représentants des chefs de canton auprès des villages, ils sont respectés quand il s'agit d'une gestion de conflits.

Dans les cas de dommages faits aux cultures par exemple, les animaux ayant causé les dégâts sont quelquefois saisis par les propriétaires du champ dévasté et les propriétaires des animaux en sont informés. De cette situation, s'il n'y a pas de compromis entre les deux camps, l'affaire est portée dans un premier temps devant les chefs de village . Dans ce cas, le chef de village convoque les deux parties et leur donne la parole tour à tour afin d'établir les faits. Généralement, les éleveurs peulh sont représentés par le Sark-nano85. Les jugements sont tranchés généralement à l'entrée de la concession du chef, toute la population peut assister et donner sa version de fait. Après explication venant des deux parties, la cour du chef donne son avis sur la question. Si le propriétaire des animaux reconnaît les faits, il est demandé à l'agriculteur de fixer la compensation et sa nature qui est couramment en argent. Dans certains villages, pour ce qui est d'évaluation, c'est l'ANADER86 qui s'en occupe. Quand l'agriculteur fixe le montant; il est demandé à l'éleveur son avis. Si ce dernier juge la compensation trop élevée par rapport aux dégâts, il propose un prix à son tour où il peut demander l'évaluation des dommages par une tierce personne, en général un des conseillers du chef. Après l'évaluation un prix est fixé et l'éleveur est sommé de s'exécuter et un délai lui est accordé. S'il refuse encore d'obtempérer après épuisement du délai, le chef de village peut transférer le jugement chef à la brigade de gendarmerie soit chez le chef de canton. Aussi, l'éleveur a le libre choix de demander que l'affaire soit transférée à la justice parce qu'il juge incompétente la décision prise par les chefs

84Entretien avec Issa Kampété, blama de Baiga kouhlou, le vendredi 23 juin 2017 à Baiga 85 Le nom donné au représentant des peuls éleveurs. Ils sont les porte-paroles du groupe. 86L'ANADER est l'agence nationale de développement rural installé dans presque toutes les régions du Tchad. Elle axe ses activités dans le domaine de l'agriculture.

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traditionnels. Il faut cependant signaler qu'après jugement, les deux parties sont appelées à verser une somme au chef conformément aux règles établies et en fonction du jugement.

À Bongor par exemple nombre de conflits qui opposent les agriculteurs aux éleveurs sont tranchés soit à la justice, soit à la brigade de recherche de Bongor. Comme nous l'avons signalé dans les chapitres précédents, avec la nouvelle forme d' »élevage des hauts cadres », les bouviers préfèrent, dans une situation conflictuelle régler leurs différends à la brigade. Les chefs traditionnels sont quelquefois négligés et mal vus.

Dans le cas des litiges fonciers sur des terres agricoles entre deux individus du même village, les deux parties sont convoquées par le chef de village. Elles se font aussi accompagnées de leurs témoins. Le jour de l'audience les deux parties prennent tour à tour la parole. Après les avoir entendus le chef et son conseil interrogent tour à tour les témoins des deux parties. Le témoignage n'est valable que si le témoin a assisté à un fait ou si les faits lui ont été rapportés par un proche parent (frère, père). Les témoins de retour dans leurs familles respectives informent leurs proches du témoignage qu'ils ont fait pour que ceux-ci à leur tour puissent continuer le témoignage s'il leur arrive un accident. Après avoir écouté toutes les versions, le chef de village tranche le litige en fonction des traditions locales. Dans ce contexte, si l'une des parties s'estime lésée par le verdict rendu par le chef et les sages, il peut recourir à la justice sinon demander que l'affaire soit transférée chez le moullah.

b- Les chefs de canton dans la gestion des conflits

Chez les massa, les moullah sont les chefs suprêmes. Ils sont très craints et respectés par la population87 surtout qu'ils sont nommés par le pouvoir moderne. Dans l'histoire des massa, il faut, noter que les moullah en tant que chef de canton n'ont pas toujours existé. Avant la colonisation, les hommes ne parlaient pas d'eux parce qu'il n'y avait pas le système cantonal. Toutefois, il est important de préciser que le mot en

87Entretien avec Voundina Pièrre, le samedi 23 septembre 2017 à N'djaména.

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lui-même existait parce que l'on considérait les chefs des familles comme les seuls chefs et donc moullah. C'est une création occidentale issue de la colonisation. À leur arrivée, les blancs ont « trouvé » que les massa vivaient d'une manière désorganisée et ont jugé utile d'instaurer la chefferie. C'est dans ce contexte que va naître le premier canton dans la zone de koumi.

De ce qui sont des litiges fonciers, les différends sont aussi tranchés chez les chefs de canton lorsque que deux, trois familles issues de différents villages entrent en conflit. Ici, le problème n'est pas de la compétence des chefs de village. Ce sont les chefs de canton qui s'en occupent. La partie lésée saisie le chef de canton. Le jugement se fait généralement à l'entrée de la concession du chef. Assisté de ses notables appelés goumiéna88 en massa, le moullah donne la porale en premier à ses notables qui sont d'avance informés sur la question. Après compte rendu, les parties antagonistes peuvent prendre la parole. Il convient de préciser que le jugement se fait en public et la population peut donner son point de vue sur la situation.

De même, les conflits qui opposent le chef de village à la population sont tranchés chez les chefs de canton. L'exemple d'une résolution de conflit à Nollaye chez le chef de canton a retenu notre attention. Un différend entre le chef de village et une famille suite à une parcelle de terre fut tranché chez le chef de canton avec presque toute la population qui y était présente. La parcelle faisant l'objet de dispute ou de revendication par le chef est en effet un terrain de près deux hectares et était exploité pendant des décennies par une famille dudit village. Sans doute en raison de sa fertilité, le chef de village a convoité cette parcelle arguant qu'elle appartenait à son grand-père. L'affaire fut portée devant le chef de canton à Nollaye, village résidentiel situé vers le nord, à peu près à 40km de Bongor. De nombreuses personnes, y compris nous, assistèrent à l'audience. Au terme des délibérations, après que les participants aient donné leurs avis, il est apparu que la parcelle avait été « prêtée » à la famille et qu'elle pouvait en jouir, sans pour autant pouvoir la vendre. Étant usufruitière, elle n'en serait dépossédée qu'une fois qu'elle quitterait le village. Le verdict a été rendu

88Goumiéna en massa veut dire notable. Les notables des chefs sont appelés ainsi dans la société massa.

en accord avec la coutume locale qui stipule que le bénéficiaire d'une cession de terre peut l'exploiter à sa guise, mais pas la vendre. Le véritable propriétaire, en l'occurrence le chef de village, ne peut récupérer sa parcelle que si les usufruitiers quittent le village.

C'est en effet le principe établi dans le cadre de la propriété ancestrale. Elle est la première quand il est question de régime foncier traditionnel et la plus ancienne forme de propriété. Elle est fondée sur des droits de premiers occupants ou ancêtres auxquels les nouveaux venus demandent des terres à exploiter. Ces terres cédées n'étaient pas achetées et ne font l'objet d'aucune compensation. Des permis d'occupation individuelle ou collective sont encore requis auprès des propriétaires ancestraux, bien que le droit foncier traditionnel ne soit pas reconnu d'une manière légale par le gouvernement tchadien. Les villages massa sont reconnus comme les tenants de cette forme de propriété des terres depuis fort longtemps89. Toutefois, il est important de signaler que le prêt ou la vente existe et cette forme de pratique est bien différente de l'ancienne90.

90

89 Entretien avec le chef de canton de Bongor, Samma Tordina le lundi 26 juin 2017 à Bongor.

90 Ibid..

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Photo 9 : Jugement d'une querelle domaniale entre le blama et une famille

Cliché : Kampété Dieudonné Kingue à Noloy, le vendredi 23 juin 2017.

Ci-haut sur cette photo, c'est le cas du jugement d'un conflit qui oppose le chef de village à une famille dont l'affaire fut transférée chez le chef de Canton à Noloy91. Après le verdict, le chef de village s'est estimé lésé et a recouru à la justice. Ici, la parcelle faisant objet de litige est mise en défens jusqu'à ce que la justice soit rendue. À la fin, les antagonistes doivent chacun verser une somme au chef de canton pour le jugement rendu. Cette somme est obligatoire sauf pour les cas de conflits ouverts et violents.

91 Village dans lequel se trouve la résidence du chef de canton, situé à près de 40 km de Bongor.

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Pour le cas des conflits qui opposent les éleveurs aux agriculteurs, dans le canton Bongor et Moulkou, c'est une situation qui semble complexe et révèle que les chefs de canton sont confrontés à un problème de leadership. Ils ne sont pas capables de gérer les litiges sur leur territoire92. Dans le précédent chapitre, nous avons fait mention qu'au cours des deux dernières décennies, la région du Mayo-kebbi, a vu émerger une nouvelle forme d'élevage. Un élevage qui influença progressivement sur les sociétés massa parce qu'il est l'exclusive activité des commerçants, des généraux et colonels, en complicité avec les chefs de canton.

Le chef de canton en charge d'une zone concernée par un conflit de type agriculteur-éleveur, ayant peur de subir des représailles, cherche à régler le problème à l'amiable. De cette résolution, souvent les agriculteurs ne sont pas satisfaits parce que le chef de canton résout le problème en faveur de l'éleveur dont il est parfois l'obligé93. Cette situation se justifie par le fait que souvent les chefs de canton sont détenteur d'un troupeau dont la gestion est confiée quelquefois aux éleveurs.

Le Vendredi 13 octobre 2017 à Witchiwitchi, village situé dans la sous-préfecture de Nguelendeng, un troupeau de boeuf, conduit par deux enfants94 massa, dévaste un champ de haricot appartenant à un certain Chanzoumka Laaba. Il semble que le troupeau appartient au chef du village qui, lui aussi est frère d'un chef de canton95. Ici, le propriétaire du champ sachant d'avance que l'affaire ne sera tranchée avec équité, a préféré donner un avertissement au proches du chef afin qu'ils sachent que la prochaine fois il saisira la justice.

92Entretien avec Djonyang Laurent, chef de secteur de l'ANADER de Bongor, le lundi 07 août 2017 à Bongor. 93 Ibid.

94C'est enfants sont de la localité, un répond au nom de Yaya âgé de 14 et Abdoulay 12 ans.

95 Entretien avec Chanzoumka Laaba, le fils du propriétaire du champ dévasté à Witchiwitchi le vendredi 13 octobre 2017.

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Leur pouvoir est partial à cause des intérêts96. Le problème vient du fait que ces chefs de cantons ont, eux aussi, des troupeaux qu'ils confient aux éleveurs mais surtout leur collusion avec les généraux et commerçant de la région97.

3- Les associations locales de résolution des conflits.

Dans la société massa, il n'existe quasiment pas d'associations en charge de régulation des conflits98. Toutefois, il est à noter que les tensions violentes dans le canton koumi, ont suscité la volonté des uns à vouloir créer une association au nom de tous les massa. C'est ainsi qu'en 2015, lors du dernier conflit meurtrier qui a opposé le village biliam-oursi I au village biliam-oursi II, qu'une association sera mise sur pied par, les massa vivant à N'djaména issu de différents villages99. C'est une association qui vise la paix et le développement local mis sur papier mais jusqu'à présent pas officielle parce que le ministère de l'intérieur n'a pas jusque-là, donné l'ordre de fonctionnement100. Selon le membre101 de ladite association, le rôle principal de ce groupement est de parvenir à instaurer la paix entre les deux grandes familles, c'est-à-dire, Biliam-Oursi I et Biliam-Oursi II. De ce constant, il ressort que l'association se limite dans le canton Koumi.

Dans les autres cantons, il n'existe pas d'association et pour ce qui est de régulation des conflits, celle-ci est soit tranchée par le chef de village, soit à la brigade. Dans les zones où l'on enregistre le plus des conflits opposants les éleveurs aux agriculteurs, il n'y a quasiment pas de groupement du côté massa. Lors du jugement par exemple, les éleveurs sont représentés par un membre de leur association appelé en arabe local moulamma, Sark-sano102. C'est lui qui, lors d'une résolution, défend leur communauté.

96 Entretien avec Djonyang Laurent, chef de secteur de l'ANADER de Bongor, le lundi 07 août 2017 à Bongor.

97 Ibid..

98Entretien avec le chef de canton de Bongor, Samma Tordina le lundi 26 juin 2017.

99Entretien avec Voundina Pièrre, membre de ladite association le samedi 23 septembre 2017 à N'djaména.

100 Ibid.

101 Ibid.

102Entretien avec Oumarou, éleveur nomade le mardi 27 juin à Djarabou.

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II- LES DISPOSITIFS MODERNES DE RÉGULATION DES CONFLITS

Aux côtés de ces modes de résolution endogènes des conflits liés à la gestion ou à l'exploitation des terres, il existe un cadre législatif et institutionnel constitué de lois portant sur le code domanial, foncier et la charte pastorale. La gestion administrative des conflits liés à l'accès à la terre date de la période coloniale et de l'introduction de l'état moderne.

Le recours aux autorités administratives locales intervient dans la plupart des cas quand les tentatives de gestion des conflits au niveau du village échouent surtout dans les cas de conflit violent entre les acteurs des terres. Les structures administratives impliquées sont les préfectures, les brigades et la justice de Bongor, chef-lieu de la région de Mayo-kebbi Est. Cette implication des autorités administratives se fait suite à une plainte introduite par une des parties en litige ou par le chef de village/canton.

1- Les forces de l'ordre dans la résolution des conflits et la justice

Pour ce qui est des conflits ouverts et souvent violents au pays massa, les forces de l'ordre sont les premiers à effectuer une descente sur le terrain afin de mettre de l'ordre puis viendra le jugement103. Ces forces de dissuasion ont chacune un local de fonctionnement dans chaque sous-préfecture. Elles établissent leur autorité sur les cantons sous leur commandement, avec des effectifs plus ou moins médiocres, souvent confrontés à des sérieux problèmes quant à la gestion d'un conflit.

103 Entretien avec le commandant de brigade da la sous-préfecture de Rigaza, Perssou Dalbé, vendredi 23 juin 2017 à Biliam-oursi I.

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Photo 11 : Bâtiment de la Brigade de recherche de Bongor

Cliché : Kampété Dieudonné Kinguéle lundi 26 juin 2017 à Bongor.

Les brigades installées dans la région jouent, un rôle important au pays massa. Sans elles, l'on pourrait enregistrer dans certaines localités un nombre pléthorique de morts suite aux violents conflits qui survient presque chaque année104. Pour le cas des conflits violent dans le canton Koumi par exemple, les premiers à intervenir sont les forces de l'ordre. Arrivées sur le terrain, quelques balles sont tirées en l'air afin d'effrayer les parties en conflit105. Les protagonistes sont saisis et conduit à la brigade de Bongor parce qu'il est non seulement le chef-lieu de la région du Mayo-kebbi Est, mais surtout la ville la mieux dotée en arsenal militaire et aussi le siège des autorités

104 Entretien avec le commandant de brigade de Bongor, Paul Hawana, le lundi 26 juin 2017 à Bongor.

105 Entretien avec le commandant de brigade da la sous-préfecture de Rigaza, Perssou Dalbé, vendredi 23 juin 2017.

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compétentes pour le jugement106. Si un compromis n'est pas trouvé, l'affaire est transférée devant la justice.

Les jugements ont lieu après non-satisfaction à la justice107. Les brigades sont en relation avec la justice. En cas de complication, la justice avec pour base Bongor, se saisi de l'affaire. Elle peut dans une situation litigieuse lancer une enquête si besoin est nécessaire afin de trancher le jugement avec équité108. Cette implication de la justice se fait souvent suite à une plainte introduite par une des parties en litige ou par le chef de village.

Les deux parties comparaissent devant le juge, chacun produisant ces témoins. Les autorités villageoises sont convoquées et leurs versions des faits sont recueillies. La parcelle litigieuse est toujours mise en défens. C'est après l'instruction du dossier qu'une date est fixée pour le jugement. Le jugement est rendu en présence des deux parties en conflit ou présence de leurs représentants. Après le verdict un huissier est chargé de la délimitation de la parcelle109. La partie qui s'estime lésée peut interjeter appel auprès de la cour d'appel voire la cour suprême qui est le dernier recours.

Dans les cas de dommages sur des cultures dans le canton Koumi, Moulkou, les parties concernées entrent en conflit ouvert et souvent violent. Dès lors, les forces de l'ordre sont habilitées à instaurer le calme. L'affaire est soit réglée à l'amiable soit transférée à la justice. Dans ce contexte, les agents de l'ANADER, ex-ONDR110 sont chargés de faire le constat, afin d'évaluer les dégâts causés par les animaux. Cette structure fut créée par l'ordonnance n° 26 du 23 juillet 1965111. C'est un établissement public doté d'une personnalité civile jouissant de l'autonomie de gestion foncière. Il est l'instrument du gouvernement dans son action de développement rural. Son

106 Entretien avec le commandant de brigade de Bongor, Paul Hawana, le lundi 26 juin 2017 à Bongor.

107 Ibid.

108 Ibid.

109 Entretien avec Jean Pabangou, huissier à la justice de Bongor, le mardi 27 juin 2017 à Bongor.

110 L'ONDR est l'office de développement rural installé au Tchad et axe ses actions dans les zones rurales. Il s'intéresse beaucoup plus à l'agriculture.

111 Entretien avec Mounouna Soudi, ingénieur agronome le jeudi 12 octobre 2017 à N'djaména.

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fonctionnement est régi par le décret n° 129/PR du 23 juillet 1965. Il a pour mandat d'apporter des acquis aux producteurs ruraux en vue d'améliorer leur situation matérielle et morale.

C'est ainsi que dans le cadre du développement rural, la région du Mayo-kebbi a bénéficié d'un siège, installé à Bongor. Il joue un rôle important en ce qui concerne la gestion des conflits dans la région du Mayo-kebbi en général. Il intervient beaucoup quand il s'agit d'un conflit de type agriculteur-éleveur. Les conflits qui opposent les acteurs de même usage semble l'écarter parce qu'il n'a pas de rôle à jouer. L'ANADER a pour tâche l'évaluation des dégâts causés par les animaux et il prodigue des conseils aux protagonistes.

Photo 12 : Bâtiment de l'ANADER, ex ONDR (office national de développement rural) de Bongor.

Cliché :Kampété Dieudonné Kingué le lundi 07 août 2017.

Un agent de l'agriculture et des agents des forces de l'ordre plus un agent de L'ANADER sont mobilisés pour se rendre sur les lieux et constater les dommages. Après constat, ses agents fournissent à l'autorité administrative mandataire un procès-verbal de constat. C'est sur la base de ces constats que le commandant de brigades se

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fonde pour fixer les amendes et les sanctions qui s'imposent. Dans la majorité des cas les dépenses engagées par la procédure sont aux frais de la partie plaignante et ce jusqu'à ce qu'un jugement soit rendu. Après le jugement le coupable est condamné.

En pays massa, la sous-préfecture joue aussi un rôle non négligeable dans la résolution des conflits. Lors d'une résolution d'un conflit à la brigade par exemple, si le commandant de brigades estime qu'il est incompétent, il transfère le jugement chez le sous-préfet.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault