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Dématérialisation du service public. étude du lien entre médiation numérique et l’action sociale.


par Lauriane DEBAQUE
Université Toulouse Jean Jaurès - Master 1 Sciences de l'Education et de la Formation 2019
  

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6.3. Analyse des classes 4 et 5 : médiation numérique, politique de territoire et partenariat

Quelques formes significatives Classe 4 :

Chi2

Mots

Chi2

Mots

 
 
 
 

86.26

Question

38.32

-8_politique

75.21

Politique

35.31

Souhait

54.49

Conscience

25.94

Frein

42.31

Argent

24.11

Illettrisme

41.42

Réalité

23,51

Eloigner

Au même titre que la classe 2, la présence moins importante de la classe 4 (14,3%) s'explique car elle évoque une thématique précise qui est -*8_politique. L'aspect politique semble être un frein à l'essaimage de la médiation numérique qui peut néanmoins se transformer en réel levier.

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« Là je vais parler des freins politiques c'est qu'en général vous allez dans une municipalité, vous n'avez pas d'élus au numérique, vous n'avez personne, vous n'avez pas d'interlocuteur officiel à qui vous adresser. [...] Quand on nous disait quel était le public prioritaire on avait dit mais faut commencer par les élus parce que c'est eux qui décident des politiques publiques qu'ils vont mettre sur leurs territoires. » (Médiateur numérique)

« Le principal levier et le principal écueil c'est le soutien politique ou non. » (Animatrice de réseau)

Cette thématique -*8_politique interrogeait les interviewés sur leur avis concernant le souhait de l'Etat, émit dans la loi numérique du 7 octobre 2016, de dynamiser l'empowerment des citoyens en dématérialisant le service public avec le programme Action Public 2022. La majorité des acteurs s'accordent à penser que ce souhait n'est pas en adéquation avec la réalité du terrain.

« Aux grand mots, grandes ambitions, grandes volonté qui sont très louables mais qui sont aussi très visibles politiquement, ça fait bien mais [...] il y a aussi des effets, des effets d'annonce des effets de discours je pense. » (Animatrice de réseau)

« Le souhait : il est joli. C'est un très beau souhait après entre le souhait et la réalisation c'est... non, je pense qu'il y a un gros gap à franchir entre les deux... Oui c'est très important de vouloir que les personnes on va dire deviennent de plus en plus autonomes, [...] le problème c'est qu'ils ont tous lancé mais ils ont pas du tout prévu l'accompagnement nécessaire, pas du tout. » (Médiateur numérique)

L'empowerment apparait dans ces échanges comme étant un effet de communication, cela laisse à penser qu'il s'agit d'une stratégie politique d'enjoliver la réalité de l'injonction au numérique. L'Etat vise « l'empowerment au sens employé par la Commission européenne, c'est-à-dire avant tout axé sur l'acquisition de compétences numériques de base fluidifiant l'employabilité et l'expansion des recours à l'e-administration et à l'e-commerce. » (Turet & Oulahbib, 2017).

« C'est dix-sept millions de personnes qui se considère éloignée du numérique ou pas à l'aise dans les démarches, l'empowerment c'est quand même un stade au-dessus, c'est comment le citoyen peut intervenir sur la politique publique. » (Chargé de projet)

« Enfin il y a plusieurs niveaux dans l'empowerment en fonction du public auquel on s'adresse maintenant tant qu'on pourra faire gagner en autonomie [...] n'importe quel public ça sera déjà un pas mais je pense qu'effectivement le numérique c'est un moyen de faciliter tout ça. » (Animatrice de réseau)

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L'empowerment, bien qu'étant vu comme un objectif présomptueux de l'Etat, semble malgré tout perçu comme objectif à poursuivre par les professionnels. En effet, ils se considèrent, comme acteurs favorisant l'empowerment. Ils précisent agir en ce sens et pour cet objectif bien qu'ils soient soumis à divers contraintes de terrain.

« Je pense en effet que ma place est très ancrée dans l'empowerment par le numérique. On forme des gens qui vont former ou accompagner d'autres gens donc là-dessus oui oui j'en suis convaincu. » (Médiateur numérique)

« L'empowerment c'est super quand les personnes ont envie d'apprendre [...]. Après le problème justement avec cette dématérialisation [...], c'est qu'aujourd'hui on veut faire entrer dans des processus d'apprentissage des personnes qui n'ont pas forcément envie d'apprendre, qui n'ont pas forcément envie d'être outillés. » (Animatrice de réseau)

Cette dernière citation fait écho au caractère injonctif de la dématérialisation du service public. Cette injonction n'est pas en adéquation avec la volonté de favoriser l'empowerment car elle renvoie à une démarche contrainte et non consentie. Comme nous l'avons vu, la motivation à agir est un des piliers de l'empowerement.

Quelques formes significatives de la classe 5 :

Chi2

Mots

Chi2

Mots

 
 
 
 

91.4

Territoire

33.1

Association

78.21

Réseau

29.68

Partenariat

62.48

MSAP

29.06

*bac_p3

54.45

Appel_projet

27.06

Collectivité

41.2

Hub

23,17

Territorial

Enfin, pour la classe 5, il est important de souligner que le vocabulaire utilisé fait référence à la question de territoire ainsi qu'au réseau de proximité telle que les MSAP. La médiation numérique est une problématique de territoire qui se construit grâce notamment au montage de projet et à la structuration du réseau partenarial.

Le partenariat est abordé avec les opérateurs de service public tel que la CAF, la CPAM, les impôts, Pôle Emploi, la MSA ... Les Hub, nouvellement arrivés, ont pour objectif de structurer le réseau territorial et développer le partenariat.

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Néanmoins, le partenariat avec le travail social, la mise en réseau avec les travailleurs sociaux ne ressort pas spécifiquement lors de cette analyse. Il en va peut-être de la remise en cause de ma grille d'entretien semble-t-il pas assez élaborée autour de cette question. De plus, l'ensemble des personnes interviewées ont pu consulter mon profil professionnel en ligne et il va de soi que ma profession de travailleur social a pu être un frein dans leur appropriation de cette question. Néanmoins, cette thématique a pu être abordée et voici quelques citations sur le sujet :

« Souvent c'est plus des accords tacites on va dire non officiels avec les structures d'accompagnement. » (Animateur multimédia)

« Sur notre territoire ça ne fonctionne pas très bien ça. C'est qu'on a des travailleurs sociaux de territoire et un service de territoire avec qui on arrive pas du tout à se coordonner, [...] on n'arrive pas à communiquer. » (Animatrice MSAP)

« Nous ce qu'on souhaite leur apporter à la fois des compétences [...], leur faire comprendre qu'ils ne sont pas seuls, qu'il y a un écosystème sur les territoires sur lequel ils peuvent renvoyer. [...] Mais sans rentrer dans l'effet ping-pong où l'on perd les gens en cours de route quoi. » (Animatrice de réseau)

« Pour ce qui est des travailleurs sociaux, seul l'IRTS PACA, Corse PACA [...] a mis en place un module autour [du numérique] mais pour l'instant c'est la seule, c'est un peu limite, un peu juste. » (Animatrice de réseau)

Le partenariat entre les acteurs de la médiation numérique et les acteurs sociaux, bien qu'il apparaisse comme essentiel, semble avoir des difficultés à se mettre en place. Cette recherche a cependant pu me permettre d'établir des pistes de réponse quant à l'impact positif d'une relation entre la médiation numérique et l'action sociale sur l'empowerment des citoyens.

Les territoires présentant des prémices de questionnements et de partenariats sont les départements possédant un Hub, une tête de réseau de la médiation numérique. Ces dispositifs semblent agir en faveur de l'empowerment dans le sens où ils permettent de favoriser le maillage territorial et la coordination partenariale.

De plus, la région PACA, comme précédemment citée, a inclus un module de médiation numérique à ces formations de travailleurs sociaux. L'acculturation de chacun apparait comme étant une porte d'entrée à l'évolution des pratiques.

Il semblerait donc que les professionnels de l'action sociale aient besoin d'être sensibilisés voire formés à la médiation numérique et que les professionnels de la médiation numérique soient accompagnés, guidés dans la construction d'un réseau partenarial territoriale.

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Conclusion de la partie 3

Il s'agissait dans cette partie de mettre en place une méthodologie de recherche nous permettant de recueillir et d'analyser des éléments, ici empiriques, dans l'objectif de faire évoluer notre réflexion.

Le choix de l'entretien comme recueil de données s'est fait assez naturellement. Néanmoins, il convient de revenir sur la méthodologie liée à ce choix. Il n'a pas toujours été facile de maintenir la distance attendue par cet exercice. Bien qu'ayant conscience de mon implication personnelle et professionnelle pour ce sujet, la construction de la grille d'entretien et la conduite d'entretien se sont avérés être de réels exercices au sein d'un processus d'apprentissage ne se faisant pas à court terme. La neutralité recherchée permettant aux personnes interviewées d'être le moins influencées possible a été difficile à maintenir tout au long de ce travail. En effet, le paradoxe pouvant être présenté par la formulation de questions assez précises pour cibler l'objet de recherche mais pas trop précises pour ne pas orienter les réponses n'a pas été facilement apprivoisable. Là aussi, je pense qu'il convient d'être assez expérimenté pour maintenir le niveau de neutralité attendu. En effet, le repérage des non-dits, des sous-entendus, les invitations à leur verbalisation ou reformulation est un exercice qui demande une prise de recul et une maitrise certaine pour éviter de projeter ses propres interprétations.

Bien qu'étant apprentie chercheuse, je pense que ma profession de travailleur social a pu être un biais à la conduite de cette recherche. J'ai pu rencontrer et interviewer des professionnels engagés professionnellement qui se sont questionner à leur tour sur mon intérêt pour leur secteur d'activité, la majorité d'entre eux ayant vu sur les réseaux ma profession.

Néanmoins, les échanges ont pu se faire et il apparait que nous en sommes globalement tous ressortis satisfaits et grandis. Afin de vivre pleinement cette exercice et d'en comprendre d'avantage les rouages : les éléments récoltés, bien que leur recueil puisse être discutables, ont été analysés à l'aide du logiciel IRaMUteQ.

Il s'agissait, tout au long de ce travail de recherche, de s'interroger sur une possible relation entre l'action sociale et la médiation numérique et son intérêt en faveur de l'empowerment. Nous avons pu voir, dans un premier temps, que l'analyse des classes 1 et 2 venait confirmer les difficultés mis en évidence par la dématérialisation du service public : difficultés dans les usages, difficultés sociales mais également les difficultés rencontrées par les professionnels et mis en exergue par le contexte de crise sanitaire et le déploiement du télétravail. Les difficultés

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mise en avant marquent la nécessité d'accompagner l'empowerment numérique de chaque citoyen. L'analyse de ces classes et plus précisément la classe 2 nous évoque le besoin d'apprentissage engendré par la transition numérique.

L'analyse de la classe 3 quant à elle, renvoie à la question de la formation des acteurs de la médiation numérique. Une offre de formation structurée permet une professionnalisation du métier. Cette dernière ne semble pas encore très claire, néanmoins elle apparait comme indispensable au développement de cette activité. En effet, il s'agirait de clarifier le rôle des médiateurs numériques, de leur permettre une légitimité notamment auprès de l'action sociale ; mais aussi de définir leurs pratiques et leur cadre d'intervention permettant à chacun d'identifier leur place. D'autant plus qu'en considérant qu'en s'appropriant la définition de Bru (2001), sur les pratiques enseignantes : « mettre en place des situations didactiques, pédagogiques, matérielles, temporelles, relationnelles, affectives... susceptibles de favoriser l'apprentissage », nous remarquons que les pratiques du travail social et de la médiation numérique sont étroitement liées.

L'analyse des classes 4 et 5, pour finir, évoquent les contraintes politiques et l'aspect territorial du sujet. Le souhait de l'Etat de dynamiser l'empowerment est vu comme présomptueux. Les questions politiques, notamment auprès des élus locaux, territoriaux semblent être un frein au développement de la médiation numérique et donc un frein à l'empowerment. La question territoriale est également abordée en lien avec le partenariat qui semble indispensable pour dynamiser l'empowerment. Les pouvoirs publics répondent à cela en déployant des dispositifs tels que les MSAP ou les France Services. Au sein de ces dispositifs, un partenariat avec les opérateurs de services publics est présent mais beaucoup moins avec le travail social.

Les éléments d'analyse révèlent qu'effectivement, une relation médiation numérique / action sociale peut apporter une dynamique en faveur de l'empowerment mais sous certaines conditions. Ces dernières font écho aux trois aspects de l'empowerment (Haut Conseil du Travail Social, 2018) :

- Le pouvoir sur, pouvant être considéré comme le niveau macro de l'empowerment : chaque citoyens peut participer à la transformation sociale. Le maillage territorial et le partenariat permettent d'agir en ce sens ;

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- Le pouvoir avec, au niveau méso, il s'agit d'avoir la capacité à agir avec les autres, et sur son environnement. La formation des professionnels, l'acculturation et l'interconnaissance apparaissent comme des enjeux majeurs de ce niveau ;

- Le pouvoir de, au niveau micro, renvoie au développement individuel des compétences personnelles qui est l'objectif encouru par l'accompagnement des acteurs.

Au niveau macro, bien que la question de la relation entre l'action sociale et la médiation numérique n'ait été que peu abordée pour diverses raisons : grille d'entretien peu dirigée sur la question, relation peu existante, biais présent de par ma fonction de travailleur social... ; celle-ci semble être essentielle à la dynamique d'empowerment. Elle offrirait la possibilité d'une transformation sociale.

En effet, nous avons mis en évidence les difficultés rencontrées par les travailleurs sociaux qui reconnaissent être en manque de compétences numériques ; de plus, nous avons remarqué que les acteurs de la médiation numérique pouvaient se retrouver en difficulté et avoir besoin de faire appel aux compétences des travailleurs sociaux. Ces besoins laissent à penser qu'une relation de complémentarité entre ces deux entités permettrait de favoriser l'empowerment des citoyens accompagnés. L'interconnaissance des acteurs de territoire permet de pouvoir réorienter et ainsi agit en faveur de l'empowerment des citoyens qui peuvent être informés. Le déploiement des MSAP et prochainement des France Services va permettre de faire évoluer ce maillage territorial notamment pour les services publics. De plus, les Hub Territoriaux ont pour missions de structurer le réseau de médiation numérique et d'établir un réseau partenarial. Le maillage territorial apparait comme essentiel à l'empowerment.

Au niveau méso, la question de la formation des médiateurs numériques semble cruciale. Plus les acteurs seront formés, moins ils se retrouveront dans des situations de difficulté, moins ils seront tentés par l'assistance et plus l'empowerment pourra être favorisé. En effet, des pratiques définie, une légitimité accordée par un rôle détaillé permettraient aux médiateurs numériques de clarifier leur place et ainsi d'agir sur leur environnement. La reconnaissance de leur métier, sa professionnalisation est importante. Comme la professionnalisation de l'action sociale qui s'est faite au cours de la révolution industrielle et dans un contexte d'après-guerre, nous pouvons nous laisser croire que la professionnalisation de la médiation numérique verra le jour, pourquoi pas dans un contexte de post crise sanitaire ?

Au niveau micro, il convient de favoriser la confiance en soi, l'estime de soi des citoyens afin de leur permettre d'entrer dans un processus d'apprentissage leur offrant la possibilité de

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développer leurs compétences en l'occurrence numérique. Il est à noter que le développement de compétences numériques permet le développement d'autres compétences.

Nous concluons cette partie en nous rappelant que « l'empowerment désigne un processus socio-politique qui articule une dynamique individuelle d'estime de soi et de développement de ses compétences [micro] avec un engagement collectif [méso] et une action sociale transformative [macro]. (Bacqué & Biewener, 2015) Une relation entre l'action sociale et la médiation numérique permettrait de développer une action sociale transformative. Celle-ci dépend d'un engagement collectif ne serait-ce que pour une interconnaissance de ces deux entités. Interconnaissance qui pourrait aboutir à une structuration de l'offre d'accompagnement proposer aux usagers. Accompagnement dont l'objectif est la montée en compétences individuelles de chaque citoyen.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld