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Dématérialisation du service public. étude du lien entre médiation numérique et l’action sociale.


par Lauriane DEBAQUE
Université Toulouse Jean Jaurès - Master 1 Sciences de l'Education et de la Formation 2019
  

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4.2. Médiateur numérique : un champ professionnel en construction ?

Nous avons pu voir que suite à la révolution numérique et en raison de ses impacts, un nouveau métier se manifeste : celui de médiateur numérique. Bien que pas toujours nommé comme tel, en raison d'un probable manque de reconnaissance vis-à-vis du métier, qui, somme toutes, est assez récent ; les actions de médiation numérique pratiquées par les divers professionnels sont assez semblables : accompagner citoyens dans l'usages des TIC.

Comme l'action sociale d'avant-guerre, la médiation numérique est pratiquée par des bénévoles, des emplois précaires... En effet, si le recrutement d' « emplois-jeunes » avaient pu déjà se faire pour les EPN il y a quelques années, il s'agit, aujourd'hui encore, d'un secteur au sein duquel il n'est pas surprenant de rencontrer des bénévoles, des jeunes en services civiques ou bien encore des employés en contrat à durée déterminée. Le caractère précaire des emplois proposés au sein de ce champ professionnel laisse à penser que ce dernier n'est pas encore reconnu.

La précarité des contrats, et les dispositifs qui les portent : emploi-jeune, service-civique... questionnent également sur l'existence d'une offre de formation en lien avec la réalisation des missions spécifiques liées à la médiation numérique. En effet, il apparait de premier aborde que la formation de médiateur numérique n'existe pas spécifiquement en tant que telle. Il s'agirait

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de formations courtes (emplois-jeunes), de formation sur le terrain à partir d'appétences ou de curiosité (services-civiques et professionnels autodidactes). De plus, concernant la mise en place des dispositifs précités : MSAP et France Services, la formation est abordée comme étant une formation continue auprès des opérateurs de services publics, il s'agirait donc d'une formation essentiellement technique.

Un médiateur numérique a pour mission l'accompagnement aux usages des TIC dans un objectif d'autonomisation, d'empowerment. Il s'agit alors, comme nous l'avons vu précédemment, d'être à côté de l'Autre, d'éveiller ses capacités et l'émergence du désir, moteur actif de la démarche à entreprendre, afin de lui permettre de trouver des moyens de réaliser ses objectifs. (Fuster & Jeanne, 2004). Chatel (2002) définit l'enseignement comme le fait de « tenter de faire apprendre quelque chose à autrui », en ce sens l'accompagnement mis en place par les médiateurs numériques se rapprochent des pratiques d'enseignement.

Néanmoins, l'accompagnement proposé par les médiateurs numérique peut avoir certaines

limites. Dans son article, Gervais (2017, p. 25) évoque une situation que nous pouvons prendre

comme exemple de limites rencontrées :

Magda est polonaise, logée dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale pour femmes (CHRS) [et] suivie par un travailleur social. Quand Magda vient, on lui procure un accès à internet. Si elle désire faire une démarche administrative, nous l'accompagnons. [...] Mais, de plus en plus, les démarches se complexifient et l'accompagnement de l'usager relève davantage des missions du travailleur social que de celles du spécialiste des usages numériques. Expliquer comment envoyer un courriel est une chose. Envoyer un courriel à la Banque de France à propos d'un dossier de surendettement que l'on souhaite voir réexaminé, ce n'est plus de l'ordre de la médiation numérique.

Cet exemple nous permet de mettre en lumière la nécessité d'un partenariat entre les acteurs de l'action sociale et ceux de la médiation numérique. Effectivement, bien des partenariats soit obligatoires avec les opérateurs de l'Etat, ils ne sont pas suffisants pour l'analyse et l'accompagnement d'un besoin social dans sa globalité et sa complexité. Les médiateurs numériques peuvent se retrouver en difficulté face à une situation sociale complexe tout comme les travailleurs sociaux se retrouvent en difficultés quant à l'usage des technologies de l'information et de la communication.

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Un maillage territorial semble nécessaire pour la réalisation des missions de chacun dans une cohérence qui semble-t-il ne peut être que bénéfique aux usagers. Lors de la mise en place des dispositifs tels que les France Services, l'Etat sembler laisser au territoire la liberté de s'organiser, de coordonner ses acteurs ; mais qu'en est-il réellement ? Un partenariat s'établit-il avec les structures de l'action sociale ? Les structures sociales sollicitent-elles ces nouveaux dispositifs ? Il conviendra dans la suite de cette recherche d'étudier cette relation.

Synthèse du chapitre 4

La médiation numérique, ou autrement dit, l'accès et l'acquisition de compétences numérique de base, se pratique depuis l'apparition des TIC. Ayant connu, dans un premier temps, des difficultés d'accès : matériel complexe, équipement trop onéreux, connexion à Internet impossible (zones-blanches), limitée ou trop onéreuse, ... les citoyens sont aujourd'hui plus confrontés à des difficultés d'usages, de pratiques. Les Espaces Publics Numériques deviennent Espace de Pratique Numérique.

En parallèle, l'Etat, visant à réduire les guichets uniques de services publics en unifiant les opérateurs au sein d'un lieu unique, met en place les MSAP. Il s'agit, de surcroit, de dispositifs avant tout pensés pour les territoires ruraux, l'objectif étant de faciliter l'accès aux services publics. Les MSAP ont la mission d'accompagner les citoyens aux usages numériques et aux démarches administratives en ligne. Ce dispositif peut se présenter comme une réponse à la dématérialisation du service public et à la fracture numérique que cette dernière peut accroitre.

Néanmoins, la formation des professionnels reste à questionner. Celle-ci n'est pas réellement identifiable. De plus, les médiateurs numériques ne semblent pas formés à l'accompagnement de personnes en difficultés sociales diverses. Ils peuvent se retrouver en difficulté dans l'accompagnement d'une situation complexe nécessitant une orientation vers un professionnel de l'action sociale.

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Conclusion de la partie 2

Nous nous demandions précédemment si la dématérialisation du service public pouvait inaugurer d'une évolution positive en faveur de l'empowerment des citoyens ou préfigurer d'un retour à une logique d'assistance. L'apport d'éléments théoriques a permis de problématiser cette question de départ.

Nous avons vu qu'au même titre que l'injonction à l'autonomie mis en place au travers de dispositifs tel que le contrat RMI (maintenant appelé RSA), la dématérialisation du service public laissait place à une injonction au numérique. Cette dernière est cachée derrière un communication positive en faveur de l'empowerment. Mis en avant par le programme Action Publique 2022 et le déploiement de dispositifs tels que les MSAP et France Services, l'empowerment est plus que recherché : c'est un but à atteindre. La médiation numérique permettrait d'atteindre cette objectif. La dématérialisation du service public se présente, à première vue, comme étant en faveur de l'empowerment. Néanmoins, l'injonction au numérique provoquée par cette dématérialisation est à questionner. Les citoyens ayant acquis un certain pouvoir d'agir n'auraient-ils pas le droit, le pouvoir de refuser le développement des TIC dans leurs vies ? Le libre-choix en serait-il pas vecteur d'empowerment ?

La fracture numérique est prégnante au sein de la population française. En effet, l'illectronisme touche 17% de la population (INSEE). Cette fracture s'avère être un frein à l'empowerment des citoyens qui, se retrouvant en difficulté, peuvent renoncer à leurs droits ou solliciter les dispositifs existants. Il est alors question de solliciter les dispositifs de l'action sociale ou bien, lorsque qu'ils sont connus et repérés, les dispositifs de médiation numérique.

Dans le premier cas, les professionnels de l'action sociale peuvent être en difficulté face à ces nouvelles demandes. Nous avons vu qu'ils pouvaient, eux aussi, se trouver fracture numérique. Les encombres qu'ils rencontrent risquent donc de les encourager à retourner à une posture d'assistance et ainsi de ne pas favoriser l'empowerment des citoyens.

Dans le second cas, les acteurs de la médiation numérique, peu voire pas formés aux problématiques sociales, peuvent se retrouver en difficulté avec des personnes parfois très éloignées du numérique, qui n'ont pas forcément l'envie d'apprendre. Ils peuvent donc répondent aux besoins exprimés, par l'assistance, afin de rassurer la personnes quant aux usages du numérique et dans l'objectif que celle-ci ne renonce pas à ses droits.

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Dans les deux premiers cas, la dématérialisation du service public préfigure d'un retour à l'assistance. Celle-ci renvoie à des pratiques non professionnalisées et met en avant un risque d'accroissement de la dépendance des citoyens, ce qui est en inadéquation avec le souhait de dynamiser l'empowerment.

Cependant, ces deux entités, que sont la médiation numérique et le travail social, ont pour objectif commun d'agir en faveur de l'empowerment. Elles ont pour mission d'accompagner à l'autonomie. De plus, les difficultés que chacune rencontre apparaissent comme pouvant être réduites par l'autre. Une complémentarité entre le travail social et la médiation numérique se dessine.

Les éléments de cette recherche nous amènent à problématiser la question de départ et à nous demander : en quoi une relation entre la médiation numérique et l'action sociale réduirait le risque de retour à l'assistance et agirait en faveur de l'empowerment des citoyens ?

Une première hypothèse consisterait à essayer de réduire le risque de non-recours aux droits. Il conviendrait, comme le préconise diverses études, de maintenir une possibilité de réaliser les démarches administratives en version matérialisée. De plus, les professionnels de l'action sociale, souvent premiers acteurs sollicités, pourraient accompagner les citoyens les plus éloignés à « aller vers » les lieux de médiation numérique.

Une deuxième hypothèse serait de construire le réseau médiation numérique ainsi que la formation. La reconnaissance du métier, sa professionnalisation, la mise en place de formation pourrait offrir, en plus d'un certaine légitimité, la possibilité aux médiateurs numériques d'être formés à l'accompagnement de publics divers.

Enfin une troisième hypothèse, liée aux précédentes, serait de structurer le partenariat entre les acteurs de l'action sociale et ceux de la médiation numérique par territoire. Les professionnels de l'action sociale pourraient agir en complémentarité lorsque les médiateurs numériques se retrouvent en difficulté avec situation sociale complexe et inversement les médiateurs numériques seraient un soutien aux travailleurs sociaux quand ils sont en difficulté avec l'utilisation du numérique.

Une collaboration entre ces deux entités serait favorable à l'empowerment des citoyens dans la mesure où les freins rencontrés par ces derniers seraient réduits.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille