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Do not disturb: étude observationnelle des interruptions de tàches dans la pratique des infirmiers anesthésistes au bloc opératoire.


par Christopher Jean-Baptiste
Institut Régional de formation des infirmiers anesthésistes diplômé d'Etat (IRIADE, La Réunion 974)) - Infirmier Anesthésiste 2019
  

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1 INTRODUCTION

Ce travail de fin d'étude s'effectue dans le cadre d'une formation universitaire de deux ans visant à l'obtention d'un diplôme grade master d'Infirmier-Anesthésiste Diplômé d'État (IADE). A l'issu de ce cursus, l'étudiant doit fournir/élaborer/réfléchir à un travail de recherche au bout duquel, il doit se questionner sur un thème en lien avec les soins infirmiers anesthésiques et son projet professionnel et/ou vécu en tant que stagiaire EIA.

Le thème que j'ai décidé de vous présenter est celui des interruptions de tâche (IT). C'est un sujet peu aborder dans l'univers des blocs opératoires (BO) qui touche tous les professionnels de santé et notamment les IADEs. Concerné par ce phénomène et ayant pu le rencontrer sur le terrain, lors d'un stage de première année, il m'a été aisé de chercher à en connaître les fondements.

Dans un premier temps, je vous décrirais, dans la situation d'appel, comment j'ai été interpellé par ce thème et la question que je me suis posé pour préparer mon plan de recherche.

Puis dans un second temps, je développerais en première partie, les concepts de gestion des risques, de facteur et d'erreur humaine avant de m'intéresser en deuxième partie, à la description technique et neurocognitive des interruptions de tâche. Dans la troisième partie, qui constitue la fin de mon cadre conceptuel, je renseignerais sur le rôle de l'IADE, son activité au sein du bloc opératoire ainsi que les tâches qu'ils effectuent.

Enfin, dans un troisième temps, je tâcherais, après avoir mené mon enquête et procéder à l'analyse des résultats, d'interpréter les données qui ressortent de mes observations, pour ensuite les discuter, en dégager des perspectives avant de conclure.

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2 SITUATION D'APPEL

Lors d'un stage effectué à l'hôpital Georges-Pompidou à Paris, en spécialité chirurgie plastique et réparatrice, j'ai vécu une situation au cours de laquelle un évènement indésirable est survenu. Celle-ci m'a amené à me questionner sur la gestion des risques au bloc opératoire et plus précisément sur les interruptions de tâche dans la pratique de l'Infirmier Anesthésiste Diplômé d'État (IADE). Une patiente opérée en chirurgie ambulatoire pour mastectomie sans reconstruction a vomi lors du transfert de la table d'opération sur le brancard. Après reconsultation du dossier d'anesthésie par le Médecin Anesthésiste Réanimateur (MAR) et moi-même, nous trouvons un antécédent (ATCD) chirurgical (By-pass pratiqué en 2014) qui est un critère de recherche important pour la prise en charge (PEC) des patients estomac plein. Cet élément n'a pas été pris en compte dans la stratégie d'anesthésie à l'induction, car nous avions décidé de faire une anesthésie générale (AG) au masque laryngé. A contrario, nous aurions dû pratiquer une anesthésie à séquence rapide avec intubation pour protéger les voies aériennes supérieures. Comment cette information a-t-elle échappé à notre vigilance ?

Après avoir validé l'ouverture du site opératoire, via la check-list d'ouverture de salle par l'ensemble de l'équipe d'anesthésie présente dans la salle (IADE, MAR et moi-même en tant qu'étudiant infirmier-anesthésiste en première année), nous prenons connaissance de la consultation d'anesthésie pour la première patiente qui n'est pas encore installée en salle. Il s'agit d'une dame programmée en ambulatoire pour une mastectomie, sans reconstruction, sous AG. Cette opération nécessite 45 minutes d'intervention. Concentrés sur la feuille d'anesthésie, nous détaillons un à un les éléments afin de proposer une prise en charge adaptée. Nous identifions donc que la patiente :

· est âgée de 50 ans

· présente un BMI < 25kg/m2

· est classée ASA 1

· présente un score d'APFEL à 2

· ne présente aucune allergie

La posture chirurgicale doit être en décubitus dorsal avec les bras le long du corps. Nous poursuivons notre analyse avec la recherche des critères d'intubation et de ventilation difficile :

· bonne ouverture de bouche > 35mm

· Distance Thyro-Mentonnière (DTM) > 60mm

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§ Mallampati 1

§ ne faisant suspecter aucun critère à risque de ventilation difficile

Nous continuons progressivement à prendre connaissance des éléments figurant sur la feuille d'anesthésie, lorsqu'en pleine exécution de cette tâche, nous sommes interrompus par l'Infirmière de Bloc Opératoire Diplômée d'État (IBODE) qui souhaite nous informer que la patiente a une hémoglobine à 7g/dl et qu'elle vient d'arriver en salle d'accueil. Cette information est capitale pour la stratégie transfusionnelle. Aussi, captivée par cette information, nous stoppons la lecture de la feuille d'anesthésie pour nous y intéresser.

Je m'occupe de poser la perfusion pendant que le MAR et l'IADE contrôle la carte de groupe, les RAI et appelle l'Établissement Français du Sang (EFS) de l'hôpital. Puis nous débutons l'induction selon la stratégie anesthésique qui est une AG. La pré-oxygénation est débutée. L'induction est pratiquée par le MAR, j'introduis le masque laryngé et la check-list Haute Autorité de Santé est citée avant l'incision. L'intervention se déroule sans problème particulier. Au bout d'une heure, après la fermeture cutanée et la réalisation des pansements par l'IBODE, nous décidons de la réveiller en vue d'un transfert en Salle de Soin Post-Interventionnelle (SSPI). Une fois la patiente mise sur le brancard par l'équipe d'anesthésie, elle se met à avoir des remontées gastriques qui rendent son réveil inconfortable et menacent ses voies aériennes supérieures puisqu'elle n'est pas totalement éveillée. Elle est installée d'urgence en position latérale de sécurité, aspirée soigneusement puis conduite rapidement vers la salle de réveil pour évaluation de son état général. Le MAR décide alors de prescrire un antiémétique et consulte de nouveau la feuille d'anesthésie. Il nous fait la remarque que sur cette consultation est mentionnée: BY-PASS, ce que nous n'avons pas conscience au moment de l'induction n'ayant pas poursuivi la lecture de la feuille d'anesthésie. Cet incident m'a particulièrement marqué. Suite à ça, je me suis beaucoup questionné sur l'interruption de tâche dans notre pratique professionnelle d'IADE.

La Haute Autorité de Santé définit l'interruption de tâche comme étant:

« L'IT (Interruption de Tâche) est définie par l'arrêt inopiné, provisoire ou définitif d'une activité humaine. La raison est propre à l'opérateur, ou, au contraire, lui est externe. L'IT induit une rupture dans le déroulement de l'activité, une perturbation de la concentration de l'opérateur et une altération de la performance de l'acte. La réalisation éventuelle d'activités secondaires achève de contrarier la bonne marche de l'activité initiale. » Elle poursuit:

« Les interruptions de tâche sont socialement perçues comme un fonctionnement normal auquel les professionnels se sont habitués. Les sources d'IT sont multiples (appels téléphoniques, discussion, bruit, activité multitâche, etc...), souvent de courte durée et le plus souvent induites par des membres de l'équipe. Elles affectent

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l'attention, peuvent générer du stress, ainsi que des erreurs. Leur gravité augmente avec la fréquence des interruptions de tâche. (...) Réduire les interruptions de tâche constitue un enjeu de sécurisation de la prise en charge du patient, même si certaines interruptions sont reconnues comme pouvant être justifiées1 ».

En nous appuyant sur cette définition et l'ayant observé lors de mon stage, nous pouvons dire qu'il s'agit bien là d'une interruption de tâche. En effet, des professionnels de santé (IADE, MAR et étudiant) sont en train d'effectuer une tâche qui est la lecture de la consultation d'anesthésie à la recherche d'éléments de Prise En Charge (PEC) anesthésique spécifique. Ils sont interrompus en pleine action par un intervenant de l'équipe chirurgicale qui est l'IBODE. Cette interruption est justifiée (information importante dans le cadre de la stratégie transfusionnelle), mais elle altère la concentration de l'équipe d'anesthésie qui ne revient pas sur son activité initiale pour poursuivre la lecture de la feuille d'anesthésie à la recherche de critères d'estomac plein. L'équipe d'anesthésie (IADE, MAR et étudiant) s'intéresse à une autre tâche qui devient prioritaire pour nous. Nous nous concentrons alors sur le risque hémorragique majeur et la stratégie transfusionnelle à mettre en place (vérification de la présence dans le dossier d'anesthésie de la carte de groupe sanguin et de la validité des Recherches d'Agglutinines Irrégulières (RAI) par l'IADE et l'étudiant + appel de l'EFS par le MAR). Aucun d'entre nous n'a par la suite pensé à poursuivre la tâche interrompue. Cela a entrainé le fait qu'il y a eu un risque de syndrome de Mendelson, lors de la phase de réveil, qui n'a pas pu être identifié et prévenu pour cette patiente. Cette situation aurait pu se compliquer. L'incident n'a heureusement pas eu de conséquences graves puisque la patiente n'a pas inhalé.

Suite à cette analyse, je me pose donc la question suivante : Les interruptions de tâche sont-elles fréquentes au bloc opératoire et de quelles manières se manifestent-elles dans la pratique IADE de l'ouverture de salle jusqu'à l'incision ? Pour précision, par ouverture de salle, nous entendons la période d'ouverture avant la première intervention et toutes celles comprises entre chaque patient opéré car la PEC est individualisée.

1 Haute Autorité de Santé (HAS) - Outils de sécurisation et d'auto-évaluation de l'administration des médicaments: l'interruption de tâche lors de l'administration des médicaments - HAS, janvier 2016.

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