WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso


par Abdoul Rachid ABDOU BOKAR ABDOU
Université Thomas SANKARA - Master 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

A. Une absence d'examen de la recevabilité de la requête

Sur la recevabilité de l'exception devant le juge ordinaire, la législation burkinabè brille par son silence. En effet, au Burkina Faso, les conditions de recevabilité de la procédure de l'exception d'inconstitutionnalité ne sont ni prévues par la Constitution ni par la loi organique sur le Conseil constitutionnel. Il s'agit là d'une « erreur digne d'un profane du droit qui a été commise par le législateur »268. Toutefois, cette omission, soit-elle intentionnelle ou pas, profite tout de même aux justiciables. Ainsi, à défaut de toute précision sur la question, la requête en exception d'inconstitutionnalité n'est soumise à aucune condition autre que celle de l'existence d'un procès encore moins à un contrôle préalable de la part du juge du fond.

Par contre, en droit comparé français, le juge ordinaire opère un contrôle de pertinence sur la requête en inconstitutionnalité269. Il s'agit d'un double filtrage tendant à la vérification de la recevabilité de la requête dont une première vérification par le juge du fond et une

265 Alessandro PIZZORUSSO, « Un point de vue comparatiste sur la réforme de la justice constitutionnelle française », RFDC, n°4-1990, pp. 659-671.

266 A la seule et unique condition de répondre à la qualité de juridiction. V°. Infra., pp. 39-40.

267 Augustin LOADA, Avis et Décisions commentés de la justice constitutionnelle burkinabè de 1960 à nos jours, Op.cit., p. 122.

268 Ibrahim David SALAMI et Diane O. Melone GANDONOU, Droit constitutionnel et institutions du Bénin, Op.cit., p. 380.

269 Ibidem.

36

deuxième par la juridiction suprême de l'ordre concerné. Ainsi, pour le premier filtrage, pour que la QPC soit recevable, il faut que la disposition législative contestée ait un lien avec le litige270. Cela est une condition sine qua non pour sa recevabilité devant le juge ordinaire. Il faut que la décision au fond soit différente selon que la loi est inconstitutionnelle ou non271. Le recours sera donc déclaré irrecevable lorsque la norme contestée n'est pas applicable en l'espèce et si le demandeur à l'instance principale ne puisse pas obtenir satisfaction même en cas d'inconstitutionnalité de la norme contestée272. Dès lors, seule une QPC soulevée contre une loi directement applicable au litige273 demeure recevable devant le juge du fond. Celui-ci doit vérifier si la disposition contestée commande l'issue du procès274. A cet effet, Thierry Serge RENOUX écrivait que « Le moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une disposition législative ne peut être soulevée que lorsque la disposition contestée commande l'issue du litige, la validité de la procédure ou constitue le fondement des poursuites... »275. C'est seulement lorsque cette condition est remplie que le juge du fond pourra transmettre la question au juge suprême qui opèrera alors un second filtrage. La juridiction suprême elle, vérifiera si la question est nouvelle276 ou si elle présente un caractère sérieux277.

Il est clair qu'il existe, au regard de la procédure, une très grande différence entre le mécanisme burkinabè et celui français. Par ailleurs, ce refus d'accorder au juge ordinaire burkinabè la possibilité d'avoir un regard sur la recevabilité de la requête en exception d'inconstitutionnalité nous paraît appréciable au moins sur un double point de vue. D'abord, cela nous semble judicieux parce qu'il permet de garantir la célérité de la procédure278. En effet,

270 Article 23-2 de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution française.

271 Christian AUTEXIER, « L'exception d'inconstitutionnalité en droit allemand », RFDC, n°04-1990, pp. 672675.

272 Ibidem.

273 Philippe ARDANT et Mathieu BERTRAND, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 2013, 25ème édition, p. 94.

274 Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Montchrestien, 2010, 9ème édition, p. 44.

275 Thierry Serge RENOUX, « L'exception telle est la question », Op.cit., pp. 651-658. Voir aussi la décision du Conseil constitutionnel français, DCC n°2010-1, QPC du 28 mai 2010.

276 Une question déjà tranchée par le juge constitutionnel ne saurait être recevable à moins qu'il y ait eu un changement de circonstances. V°. Conseil constitutionnel français, DCC n°2009-595 du 3 décembre 2009 sur l'application de l'article 61-1 de la Constitution. Voir aussi Mathieu BERTRAND et Michel VERPEAUX (dir.), L'autorité des décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 2010, p. 25.

277 Article 23-4 de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à la QPC. Sur le caractère sérieux de la question, lire Christian AUTEXIER, « l'exception d'inconstitutionnalité en droit allemand », Op.cit., pp. 672-675.

278 Tandis qu'au Burkina Faso, lorsqu'une exception d'inconstitutionnalité est soulevée, le juge du fond doit effectuer sans attendre le renvoi au Conseil constitutionnel qui doit statuer dans un délai d'un (1) mois, en France, une QPC peut prendre plus de six (6) mois pour être vidée : trois (3) mois pour la juridiction suprême et trois (3)

37

la requête passera du juge ordinaire au juge constitutionnel en moins de temps que s'il y avait un contrôle préalable de la requête comme c'est le cas en France. Ensuite, cela permettrait d'éviter que le juge ordinaire se substitue au juge constitutionnel parce qu'en procédant à un examen de la recevabilité de la requête, le juge ordinaire pourrait indirectement s'adonner à un véritable contrôle de constitutionnalité279. Comme l'a si bien expliqué Thierry SANTOLINI, il serait difficile pour les juges ordinaires de ne pas aborder « le fond » de la question d'inconstitutionnalité et d'empiéter aussi sur la compétence exclusive du juge constitutionnel280. Ainsi, le constitutionnalisme281 gagnerait mieux à maintenir cette procédure remarquablement simplifiée qui ne donne au juge ordinaire nul autre choix que de surseoir à statuer et d'effectuer le renvoi préjudiciel au Conseil constitutionnel.

B. Une obligation immédiate de renvoi préjudiciel

L'article 157, alinéa 2 de la Constitution du Burkina Faso dispose en des termes clairs « En outre, tout citoyen peut saisir le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l'exception d'inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction. Celle-ci doit surseoir à statuer jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel qui doit intervenir dans un délai maximum de trente jours à compter de sa saisine ». Pour sa part, la loi organique relative au Conseil constitutionnel282 à son article 25 emploie l'expression « celle-ci est tenue de surseoir à statuer... ». Il ressort de ces deux dispositions que dès l'instant où une exception d'inconstitutionnalité aura été soulevée devant une juridiction, celle-ci doit immédiatement surseoir à statuer et saisir le Conseil constitutionnel. Le juge ordinaire se trouve dès lors en situation de compétence liée aussi bien pour le sursis à statuer que pour le renvoi283. Ainsi, on remarque qu'au Burkina Faso,

mois pour le Conseil constitutionnel (annoter que le juge du fond a 8 jours pour transmettre la QPC à la juridiction suprême). Cf., les articles 23-4 et 23-10 de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution française.

279 Thierry SANTOLINI, « La question prioritaire de constitutionnalité au regard du droit comparé », Revue Française de Droit Constitutionnel, n°93, 2013/1, pp. 83-105.

280 Ibidem.

281 Le constitutionnalisme est une théorie du droit qui insiste sur le rôle et la fonction de la Constitution dans la

hiérarchie des normes ainsi que sur le contrôle de constitutionnalité. Voir dans ce sens Théodore HOLO, « Emergence de la justice constitutionnelle », Revue Pouvoirs, n°129, 2009/2, pp. 101-114.

282 Loi organique n°011-2000/AN du 27 avril 2000 sur le Conseil constitutionnel.

283 Relwendé Louis Martial ZONGO, « L'accès de l'individu au juge constitutionnel burkinabè », Op.cit., pp. 139164.

38

l'introduction d'un moyen d'inconstitutionnalité oblige le juge du fond à surseoir sans condition et à effectuer le renvoi préjudiciel.

Toutefois, on pourrait voir un certain manque de rigueur dans la formulation de la loi organique sur le Conseil constitutionnel qui s'est simplement limitée à disposer que la juridiction du fond « est tenue de surseoir à statuer ». En effet, le législateur organique, afin qu'il ne subsiste aucune ambigüité, aurait pu se montrer beaucoup plus rigoureux à l'image des législateurs organiques nigérien et béninois. A ce titre, la loi organique sur la Cour constitutionnelle du Niger dispose à son article 26 que « La juridiction devant laquelle l'exception d'inconstitutionnalité a été soulevée transmet immédiatement à la Cour constitutionnelle l'expédition ou, à défaut, l'attestation du jugement avant-dire-droit. Dans les cinq (5) jours, la personne qui a soulevé l'exception d'inconstitutionnalité saisit la Cour constitutionnelle par requête adressée à son président »284. Pour sa part, la loi organique sur la Cour constitutionnelle du Bénin précise que la juridiction devant laquelle l'exception d'inconstitutionnalité a été soulevée « doit saisir immédiatement et au plus tard dans les huit jours la Cour constitutionnelle et surseoir à statuer jusqu'à la décision de la Cour »285.

A l'évidence, les législateurs organiques nigérien et béninois se sont montrés beaucoup plus rigoureux que celui burkinabè sur l'obligation faite au juge ordinaire d'effectuer illico presto286 le renvoi préjudiciel dès qu'une exception d'inconstitutionnalité aura été soulevée devant lui. Mais, quoi qu'il en soit, cette obligation de renvoyer immédiatement la question au juge constitutionnel est aussi sous-entendue dans la formule consacrée par la loi organique sur le Conseil constitutionnel burkinabè. En effet, selon notre analyse, lorsque le législateur organique affirme que la juridiction « est tenue de surseoir » sans autre condition, il l'oblige par là même à s'exécuter immédiatement. C'est donc à tort que la Cour de cassation burkinabè s'était adonnée à un contrôle du caractère sérieux de la requête en exception d'inconstitutionnalité introduite dans l'affaire EROH287. La Cour affirmait que « l'exception soulevée l'est à des fins purement dilatoires et que le moyen tiré de ce chef n'a pas un caractère sérieux...et que le juge doit écarter tout moyen dilatoire »288. Sauf qu'il ne lui revenait pas

284 Loi organique n°2012-35 du 19 juin 2012 déterminant l'organisation, le fonctionnement de la Cour constitutionnelle du Niger et la procédure suivie devant elle.

285 Article 24 al.2 de la loi organique n°91-009 du 4 mars 1991 sur la Cour constitutionnelle du Bénin.

286 Expression tirée du latin illico et de l'italien presto qui signifie « immédiatement ».

287 V°. Conseil constitutionnel, DCC n°2007-04/CC du 29 août 2007 sur l'exception d'inconstitutionnalité de la Société EROH.

288 V°. Ordonnance de référé n°11/2007/G.C/C.ASS du 05 juillet 2007.

39

d'exercer un tel contrôle. Les conditions de recevabilité de la question sont laissées à la seule discrétion du Conseil constitutionnel.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera