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Le Droit applicable aux joint-ventures

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par Tongkin HUOY
Université Jean Moulin Lyon 3 - DEA 2006
  

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§2. Les rôles de la lex mercatoria devant l'arbitre international et devant le juge étatique

Dans le développement actuel du commerce international, la fonction positive de la lex mercatoria est constatée, dans un côté, par la consécration de la lex mercatoria par les règlements des arbitrages commerciaux internationaux, et, dans un autre, par le fait que les États renoncent à contrôler les règles applicables par les arbitres au fond du litige. Ainsi, en droit français, l'article 1496 du nouveau code de procédure civile admet l'arbitre à appliquer les règles appropriées à la situation litigieuse345(*). De plus, la réception de la lex mercatoria serait confortée par la jurisprudence de la Cour de cassation qui déclare que l'application des règles transnationales par les arbitres ne fait pas obstacle à la reconnaissance et à l'exécution de la sentence rendue346(*).

Par l'observation des sentences arbitrales, certains rôles de la lex mercatoria pourraient être identifiés dans le cas où l'affaire est soumise à un ou plusieurs arbitres (A). Mais, on est dans une position incertaine sur le rôle de celle-ci, en tant que source de droit, lorsque l'affaire est soumise au juge étatique (B).

A. Les rôles de la lex mercatoria devant l'arbitre international

Tout le monde est d'accord sur ce qu'il n'y a pas de for de l'arbitre. Ce dernier n'est en principe lié par aucune règle de conflit de lois. En l'absence du choix de la loi à laquelle soumise le contrat, rien n'empêche les arbitres de référer aux règles transnationales pour trancher le litige347(*). Ces règles ont normalement un rôle subsidiaire (1) et correcteur (2) aux règles de droits nationaux.

1. Le rôle subsidiaire de la lex mercatoria

Le rôle subsidiaire de la lex mercatoria est, selon les arbitres, basé sur les difficultés considérables de localiser aux droits étatiques certaines opérations du commerce international. Ces difficultés poussent souvent les arbitres à éviter la recherche de la loi applicable afin de procéder à l'examen de la situation conflictuelle à la lex mercatoria. Cela n'est pas en dehors de toute logique. Il est recevable qu'une doctrine assimile la vocation subsidiaire de la loi du for devant les juridictions étatiques à la vocation subsidiaire du droit transnational devant les arbitres du commerce international348(*). Trois sentences arbitrales sont susceptibles d'être servies pour illustrer le rôle subsidiaire de la lex mercatoria.

Premièrement, dans la sentence de la CCI no 5587, le tribunal arbitral applique la lex mercatoria au litige entre partenaires d'un joint-venture en l'absence de clause d'electio juris. En l'espèce, l'arbitre unique relève en règle générale que « le choix de la lex mercatoria est principalement fondé sur la difficulté, parfois insurmontable, de justifier la compétence d'un droit national plutôt qu'un autre »349(*). De plus, en concluant qu'il s'agissait de la situation typique dans laquelle les principes de droit transnational doivent s'appliquer, l'arbitre a déclaré que la plupart des questions litigieuses seront tranchées au moyen du principe pacta sunt servanda et du principe de bonne foi.

Deuxièmement, dans l'affaire célèbre dite Norsolor350(*), le Tribunal arbitral, après avoir eu examiné la question de droit applicable au contrat litigieux, constatait « la difficulté de choisir la loi nationale qui s'impose avec suffisamment de force ». Dans le travail du commentaire sur cette affaire, le savant commentateur, B. Goldman, constate que dans cette affaire « le recours à la lex mercatoria n'intervient que subsidiairement à l'application d'une loi étatique, qui l'eût emportée si sa désignation avait pu s'imposer »351(*). Il précise encore que la lex mercatoria, qui était règle de droit, comprenait des principes généraux de droit, qui peuvent être appliqués s'ils ne violent pas les dispositions impératives des lois nationales352(*).

Troisièmement, dans l'affaire no 8594, le joint-venture a été créé par une entreprise publique et un partenaire étranger, et exécuté dans le pays de ce dernier. En l'absence de clause d'electio juris, le Tribunal arbitral a décidé d'appliquer les règles communes aux systèmes juridiques principalement intéressés par le litige353(*).

Il convient de noter que ce rôle subsidiaire concerne uniquement l'hypothèse dans laquelle la localisation du contrat ne peut être déterminée, et non celle d'une lacune du droit national compétent354(*). L'application de la lex mercatoria à titre subsidiaire présente certaines difficultés. Tout d'abord, ces difficultés concernent le contenu même de la lex mercatoria. En effet, face au contenu imprécis et l'efficacité incertaine de celle-ci, on n'est pas claire sur la méthode utilisée par les arbitres pour constater telle ou telle règle appartenant à la lex mercatoria. On trouve que dans l'affaire Norsolor et l'affaire no 8594, les arbitres ont référé à des principes communs ou des règles communes aux systèmes juridiques intéressés par le litige. Pour certains, la réception de ces règles communes aux différents systèmes juridiques concernés par le litige pourrait déconcerter si on retient que la lex mercatoria est un instrument de rejet du droit des États355(*). Ensuite, le rôle subsidiaire de la lex mercatoria rencontre des réserves. Ces réserves portent principalement sur l'absence de véritable sanction susceptible de garantir le respect des prétendues règles de la lex mercatoria. Cela rend la lex mercatoria inapte à s'imposer au juge ou à l'arbitre356(*).

2. Le rôle correcteur de la lex mercatoria

On a déjà noté que dans le cadre de joint-venture, il était rare que les arbitres abandonnaient toute référence aux règles de droit national. Pourtant, comme les accords de joint-venture sont des instruments typiques du droit de commerce international357(*), le rôle correcteur de la lex mercatoria est susceptible de jouer lorsque le droit étatique compétent paraît inadapté pour régir l'opération du joint-venture. Il s'agit ici de l'hypothèse dans laquelle les arbitres, après avoir déterminé la localisation du contrat de joint-venture vers le droit étatique quelconque, donne la compétence du droit applicable à un droit national. En même temps, ils font également référence aux règles de droit transnational pour corriger les dispositions inadaptées de ce droit national compétent ou combler les lacunes de ce dernier. Ainsi, il a été conclu au rôle correcteur du droit transnational lorsque l'application du droit de l'État d'accueil de l'investissement risque de créer un déséquilibre au détriment des partenaires étrangers358(*) ; en de hors de cette hypothèse de l'inadaptation et de la lacune des règles de droit national, le droit transnational est le plus souvent invoqué pour conforter la solution qui résulte d'un droit national359(*).

En réalité, ce rôle correcteur de la lex mercatoria est largement accepté tant par la partie de doctrine que par les arbitrages commerciaux internationaux. Dans le côté de la doctrine, particulièrement pour la part de B. Goldman qui est favorable au développement du droit coutumier de joint-venture, ces règles coutumières appelées à remplacer les dispositions supplétives du droit (national) normalement applicables ne peuvent évincer les règles impératives de celui-ci360(*). Cette position est confortée par un autre partisan de la lex mercatoria ; c'est F. Osman qui précise que l'arbitre n'est en mesure d'évincer que les seules normes nationales supplétives de la volonté des contractants. Il fait en principe appliquer des lois de police nationales ayant vocation à appréhender le litige361(*).

Quant aux arbitrages commerciaux internationaux, on trouve en premier lieu que, devant la CIRDI, l'intervention des principes du droit transnational n'est admise que pour corriger l'application subsidiaire du droit de l'État partie362(*). Par conséquent, elle ne paraît pas reconnaître le rôle subsidiaire de la lex mercatoria. En second lieu, dans plusieurs sentences rendues sous l'égide de la CCI, la référence aux principes généraux a également été faite alors que le droit de l'État d'accueil de l'investissement était déclaré applicable. Ce qui est plus remarquable c'est que, dans le modèle des contrats-types de la CCI pour les joint-ventures, la référence est faite non seulement au droit étatique, mais également aux principes généraux, tels que la bonne foi, et aux usages du commerce international, surtout aux principes d'Unidroit relatifs aux contrats du commerce international363(*). De la même manière de ce que affirme la doctrine, le respect des règles impératives est affirmé solennellement par les arbitres. Ainsi, dans une sentence de la CCI rendue dans l'affaire no 8873, les arbitres ne conservent que les dispositions du droit espagnol qui est désigné comme applicable au contrat litigieux364(*).

On songe ensuite au rôle de la lex mercatoria aux yeux des juges français.

B. Le rôle de la lex mercatoria devant le juge français

Certes, la jurisprudence et la doctrine sont presque unanimes d'affirmer la qualité de règle de droit de la lex mercatoria365(*), mais la réalité montre que le bilan de l'application par le juge français de la lex mercatoria en tant qu'ordre juridique réellement international reste encore très maigre366(*). Il existe une double difficulté qui entrave le développement de cet ordre juridique transnational. C'est d'abord que le système de conflit de lois du for français interdisant au juge de dégager de son propre chef des principes généraux du commerce international impose à celui-ci de déterminer une loi étatique applicable à la relation litigieuse367(*). Dans ce cas, il est plus difficile d'admettre que les principes généraux du commerce international puissent faire l'objet d'une application directe par le juge français sans médiation de la lex contractus368(*). Ensuite, il s'agit de l'imprécision de la méthode même de la réception de l'ordre public transnational : ou bien, intervient-il cet ordre sous forme d'exception d'ordre public classique ? Ou bien, constitue-il des règles matérielles internationales nécessairement applicables en matière du commerce international ? 369(*).

Bien que l'application directe de la lex mercatoria au fond des relations litigieuses soit difficilement acceptable par le juge, mais le rôle la lex mercatoria dans l'interprétation des contrats dans le domaine du commerce international est incontestable. L'interprétation (judiciaire) désigne « l'activité du juge tenant, d'une part, à déterminer la portée d'un texte ambigu ou obscur, et, d'autre part, à élaborer une solution lorsque le texte présente une lacune »370(*). On s'aperçoit que les juges étatiques, dans la recherche de la commune intention des parties à un contrat international, seront amenés de temps en temps à tenir compte des usages reconnus dans les différentes catégories de contrats ou dans certains secteurs pour définir les obligations des parties à un contrat lacunaire371(*). On trouve également que les juges tiendront compte, dans son interprétation, des règles du commerce international élaborées par la pratique ou les institutions du commerce international. Encore, tiendront-ils compte des usages du commerce international dès lors que ces usages vont constituer une source de droit reconnue par les juges nationaux.

Concernant ce rôle d'interprétation du droit transnational, F. Osman soulève que les codes de conduite, apparaissant sur le plan formel comme des textes de caractère incitatif, peuvent progressivement acquérir un caractère obligatoire, notamment en remplissant les fonctions de standard, permettent aux juges étatiques d'apprécier le comportement des opérateurs du commerce international372(*). Cet auteur ajoute que leur efficacité résultera alors de leur large diffusion au sein de la profession et de la conviction de celle-ci qu'ils ont un caractère contraignant.

Les usages du commerce international vont permettre ainsi de compléter le contrat, même en l'absence de la désignation expresse des parties à ces usages. Une telle acceptation du rôle des usages du commerce international ou de la coutume implique la coexistence dans l'ordre juridique, désigné à s'appliquer au contrat, des règles supplétives applicables aux contrats internes et des règles spécifiques au contrat international373(*).

* 345 L'article 1496 NCPC « L'arbitre tranche le litige conformément aux règles de droits que les parties ont choisies ; à défaut d'un tel choix, conformément à celles qu'il juge appropriées. Il tient compte, dans tous les cas, des usages du commerce ».

* 346 Civ.1ere du 22 octobre 1991 `Comp. Valenciana', Rev. arb.1992, p.457, note P. Lagarde ; JDI 1992, p.177, note B. Goldman.

* 347 « En l'absence de volonté exprimée par les parties pour ou contre l'application de la lex mercatoria, un arbitre peut décider d'appliquer celle-ci sans que l'on puisse lui reprocher de ne pas avoir situé en droit ». Cass. Civ. du 9 déc. 1981, Rev. crit. DIP. 1990. 305.

* 348 Valérie Pironon, Les joint ventures ..., thèse préc., no 726, p.362.

* 349 Sentence de la CCI, affaire 5587, précitée.

* 350 Sentence CCI, affaire no 3131 `Norsolor' du 26 octobre 1979 (citée par B. Goldman, Une bataille judiciaire autour de la lex mercatoria, l'affaire Norsolor, Rev. arb.1983, p.379-409).

* 351 B. Goldman, « Une bataille judiciaire ... », préc., p.396.

* 352 B. Goldman, « Une bataille judiciaire ... », préc., p.399.

* 353 Sentence CCI, affaire no 8594 en 1999.

* 354 Ibid.

* 355 E. Loquin, « Où en est la lex mercatoria ? », in Mélanges en l'honneur de Philippe Kahn, Litec, 2000, vol.20, p. 37.

* 356 B. Goldman, « La lex mercatoria dans les contrats et de l'arbitrage internationaux : réalité et perspectives », JDI, 1979, p. 475-505, spéc. p.498.

* 357 Sentence arbitrale ad hoc rendue à Lausanne, 18 novembre 1983 (Benteker et autre c/ État belge), Rev. arb. 1983. p. 339 note D. Hascher.

* 358 Valérie Pironon, thèse préc., p.370.

* 359 Ibid.

* 360 B. Goldman, « Cours de droit du commerce international », 1972-1973, p.252-253.

* 361 Filali Osman « Les principes généraux de la Lex Mercatoria, contribution à l'étude d'une ordre juridique anational », thèse Bourgogne, L.G.D.J., 1992, p.385.

* 362 Article 42 de la Convention de Washington du 18 juin 1965 « le Tribunal statue sur le différend conformément aux règles de droit adoptées par les parties. Faute d'accord entre les parties, le Tribunal applique le droit de l'État contractant partie au différend - y compris les règles relatives au conflit de lois - ainsi que les principes de droit international en la matière ».

* 363 Article 31 du Contrats-types du CCI pour les joint ventures contractuelles, CCI. CNUCED/OMC, Genève 2004.

* 364 Sentence de la CCI, affaire no 8873 en 1997 (citée par Francis Mergerlin, « Ordre public transnational et arbitrage international de droit privé - essai critique sur la méthode - », thèse 1999, p.264).

* 365 B. Goldman, « Une bataille judiciaire... », préc., p.401 ; concernant l'appréciation de la qualité de règles de droit, voire le même article, p.406.

* 366 « Ordre public transnational », J.CL. Civil Code, Fasc.42, 1992.

* 367 E. Loquin, « Où en est la lex mercatoria ? », préc., p.46.

* 368 « Contrats international », J.CL Civil Code, fasc.20, 1998.

* 369 « Ordre public transnational », J.CL. Civil Code, Fasc.42, 1992.

* 370 Sur la notion de l'interprétation, Voire F. Osman, thèse préc., p.310, et la référence par cet auteur.

* 371 F. Osman, thèse préc., p.313 et s.

* 372 F. Osman, thèse préc., p.286-287.

* 373 « Interprétation du contrat », JCL. Civil code, art.1134 et 1135, fasc.70 du 01 décembre 1998.

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