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Le Droit applicable aux joint-ventures

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par Tongkin HUOY
Université Jean Moulin Lyon 3 - DEA 2006
  

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Section 2. La délicate classification juridique du joint-venture

La question de la qualification du joint-venture est essentiellement de savoir si, dans le statut d'acte juridique, et pas l'autre, le joint-venture est sous-qualifié dans une sous-catégorie sociétaire ou dans une sous-catégorie contractuelle. Constitue un montage originaire de la pratique américaine, qui n'entraîne pas la création d'une nouvelle entité juridique95(*), le joint-venture désigne une relation purement contractuelle (§1). Par contre, l'étude sur les caractères propres du joint-venture ne nous permet pas de la classifier dans une des catégories des contrats nommés en droit français. D'où une tendance de classifier ce type de contrat comme un contrat sui generis (§2).

§1. La nature contractuelle du joint-venture

Dans l'étude sur le joint-venture, la doctrine majoritaire est favorable à la nature contractuelle de celle-ci96(*). La logique de notre étude voudrait que la recherche permettant de dire que le joint-venture n'est pas une société soit suffisant pour prouver la nature purement contractuelle de celui-ci. D'où deux considérations à la fois théoriques et pratiques nécessitent à être envisagées pour dégager la nature juridique du joint-venture. La première concerne l'opération même du joint-venture (A). La deuxième qui parait la plus importante porte sur l'intention des parties de créer un joint-venture, et non une société quelconque (B).

A. L'opération du joint-venture

Il arrive souvent que le caractère limité de l'opération de joint-venture soit utilisé pour distinguer le joint-venture du contrat de société. Traditionnellement, la société ne peut résulter d'une opération unique. C'est l'accomplissement d'une série de transactions en vue d'un même profit qui manifeste l'esprit des hommes d'affaires97(*). L'objet social des sociétés (commerciales) est souvent une énumération longue des opérations que peut accomplir la société. Cette énumération se termine par une formule telle que « et généralement toutes opérations financières, industrielles ou commerciales se rattachant directement ou indirectement à l'objet ci-dessus spécifié »98(*).

Dans le joint-venture, au contraire, son objet implique la réalisation d'opérations identifiées99(*). On trouve que ce critère de distinction est souvent utilisé pour identifier le joint-venture. Ainsi, pour distinguer le joint-venture du partnership, la doctrine définit le joint-venture comme « un partnership limité confié à une affaire [...] où les associés occultes ou connus n'utilisent pas une dénomination sociale et n'ont pas de responsabilités hors des limites de l'opération »100(*). De la même façon, dans l'arrêt Hathaway v. Porter Royalty Pool 101(*), on entend comme joint-venture « une association destinée à la recherche d'un profit à travers d'une activité unique...». D'ailleurs, dans l'arrêt Ruskin v. Rodgers, en qualifiant le cas d'espèce comme un joint-venture, il est conclu que « la seule distinction entre le joint-venture et le partnership est que le premier a trait à une entreprise ou transaction unique et spécifique, alors que le second a trait à un business général d'une nature particulière » 102(*).

Par ailleurs, dans l'esprit même du joint-venture ou de la joint-adventure, l'opération limitée présente souvent un caractère incertain et dangereux. C'est cette considération de la dangerosité qui amène les parties à créer un joint-venture permettant de partager éventuellement des risques qui en découlent. De ce fait, l'idée de la prospérité et du développement de l'entreprise commune créée n'existe vraiment pas entre les partenaires. Cela est contraire à l'esprit des associés dans la société. Pour cette raison qu'à propos de l'utilisation de la traduction du terme, BERMOND DE VAULX a indiqué que « la traduction proposée en français de joint-venture, entreprise conjointe ou entreprise commune est certes exacte, mais ne rend cependant pas compte de l'idée d'aléa inclue dans l'expression anglaise : an undertaking whose issue is uncertain or dangerous »103(*).

En tout état de cause, le critère de distinction concernant l'activité faisant l'objet du joint-venture n'est pas absolu. Un autre critère qui parait décisif est celui qui porte sur l'intention réelle des partenaires lors de la création du joint-venture.

B. Le critère intentionnel

On peut généralement trouver que les trois éléments caractéristiques du contrat de société sont souvent présentés dans le joint-venture104(*). L'obligation de contribution à l'entreprise commune pourra être analysée comme un apport ; le but économique recherché dans la coopération sera souvent perçu comme la poursuite du profit ou d'une simple économie ; la volonté de coopérer sur un pied d'égalité sera ensuite facilement assimilée à l'affectio societatis dans le contrat de société. Toutefois, l'analyse portant sur l'intention des joint-venturers ne nous permet qualifier le joint-venture en société, malgré l'existence des éléments constitutifs du contrat de société.

Tout d'abord, l'apport en société constitue des biens mis en commun par les associés lors de la constitution d'une société105(*). En revanche, certes, la coopération entre les joint-venturers implique la mise en oeuvre des moyens qui demeurent personnels, mais ces moyens ne s'analysent forcément pas comme des apports en société. En effet, les participants n'ont pas voulu donner naissance à une société et ne confèrent pas au groupement qu'ils créent la personnalité morale106(*). À vrai dire, il est en dehors du concept du joint-venture, l'idée de constituer une société de patrimoine, car les partenaires n'ont pas voulu assembler un patrimoine commun. À cet égard, pour certains, la nature de l'engagement des partenaires du joint-venture est différente de celle de l'engagement d'affectation dans le contrat de société107(*). Lorsqu'un partenaire s'engage envers les autres à consentir un prêt ou une licence à une société commune, cet engagement pourrait s'analyser en une stipulation pour autrui. C'est la stipulation pour la société commune, ou s'il n'existe pas, pour la société accueillant la mission du chef de file de la coopération. En effet, ces engagements envers les partenaires doivent être concrétisés par la conclusion d'un contrat séparé avec la société commune ou le chef de file. De plus, ces engagements peuvent être analysés comme une promesse de contracter si la société commune est partie de cet engagement.

Ensuite, la participation aux résultats de l'exploitation est une condition nécessaire pour la validité de toute société108(*). Par contre, pour le joint-venture, les partenaires aux accords de coopération créent entre eux un « pool de risque » et non nécessairement « un pool de résultat »109(*). Elle a en effet pour but principal de partager les risques110(*).

Enfin, dans le contrat de société, l'affectio societatis désigne le désire d'une collaboration active, une volonté d'union et d'affectation des biens à l'entreprise commune. Plus exactement, c'est « une volonté de se conduire en associés »111(*). Au regard d'une jurisprudence de la Cour de cassation, l'affectio societatis constitue « la volonté de chaque associé de collaborer à l'exploitation du fonds dans un intérêt commun et sur pied d'égalité avec les autres associés »112(*). Pour sa part, le contrat de joint-venture constitue un contrat d'intérêt commun qui suppose de la part des contractants un sentiment très proche de l'affectio societatis113(*). L'intuitus personae dans le contrat de joint-venture résulte de la coopération jus fraternitatis librement consentie par les partenaires114(*). On trouve que ce rapprochement a été retenu par une sentence arbitrale de la CCI qui affirme que, dans une opération d'intérêt commun de longue durée, « les partenaires sont tenus de sauvegarder les intérêts des autres parties et de manifester ce qu'on appelle l'affectio societatis. Ils doivent s'abstenir de toute activité qui pourrait mettre en danger le but commun et l'intérêts des autres associés dans une telle opération »115(*).

Par contre, comme soulignent certains auteurs, l'affectio societatis ferait défaut dans le joint-venture, puisque les parties à un accord de coopération n'ont ni des intérêts divergents, ni des intérêts totalement convergents116(*). De même, à l'instar de Pironon, étant perçu comme instrument de coopération utilisé dans la pratique internationale, le joint-venture ne saurait « être ou ne pas être » une société117(*). Ce qui permettrait de distinguer le joint-venture du contrat de société est l'animus cooperandi. Ce dernier, résultant des clauses de coopération fréquemment insérées dans le contrat de coopération, désigne la bonne foi renforcée qui constitue une conduite des relations entre les joint-venturers. L'animus cooperandi présenterait un degré de confiance réciproque plus forte que celui de l'affectio societatis dans le contrat de société. Cette distinction est affirmée par une sentence arbitrale qui a sanctionné des partenaires du joint-venture pour la violation de l'obligation de bonne foi renforcée118(*). En l'espèce, le tribunal arbitral a conclu que « les décisions prises au sein des organes de la société commune par le partenaire majoritaire ne constituent pas un abus de majorité en vertu du droit français applicable à la société, mais qu'elles traduisent en revanche une violation de l'obligation de bonne foi renforcée assumée dans le contrat de joint-venture ».

En droit français, les formes les plus proches au joint-venture sont la société en participation et la société créée de fait, car elles n'ont pas la personnalité morale ; aucune forme, aucune publicité n'étant requise. Il n'y a pas de signature sociale, de raison sociale119(*). De ce fait, il risque que le juge français requalifie le joint-venture en société.

En tout cas, la Cour de cassation a, dans son arrêt de 2001120(*), clairement précisé qu'« un groupement momentané d'entreprises constitue, sauf stipulation contraire, une société en participation ». C'est donc que l'intention explicite des parties de ne pas se présenter comme associé ou de ne pas créer une société parait ici un critère fondateur pour distinguer le joint-venture de la société.

* 95 Pierre-Alain Grourion, Georges Peyrard, Droit du commerce international, L.G.D.J, 2e éd., 1997, p.77

* 96 M. Fleuriet, « Les filiales communes : le choix d'une forme juridique », JCP, 1978, éd. CI., II, 12745, p.309.

* 97 «A partnership involves the concept of business - an entity, in a mercantile sense at least, separate and distinct form the individual affairs of the members. Such an entity con not be created by the doing of a single act. It is a performance of a series of acts, all done for the same ultimate purpose of profit under the joint agreement so as to be bound together into a unit, that underlines the conception in the mind of mercantile men of an entity quite distinct from their individual affaires; and this entity the law recognizes to a certain extent and to it attaches certain incidents. But if the joint agreement is such that it does not contemplate the creation of such an entity, there is no need of turning to the complex law of partnership for a guide, but each problem arising there under can be solved by the ordinary law of contract», note anonyme, Harv. L. Rev.1920, p.852, cité par V. Pironon, thèse précitée.

* 98 Ripert G., Roblot R., « Traité de droit commercial », T.1, vol.2, Les société commerciales. 15 éd., LGDJ 2002, p.40.

* 99 J. Béguin, M. Menjucq, Traité du commerce international, éd., Litec 2005, p.301.

* 100 Michel Vivant, « Le joint venture », cahiers de droit de l'entreprise, no 5 (spécial), du 1979, p.1 

* 101 296 Mich.90, N.W. 571, 576, amended 296 Mich. 733; 299 N.W. 451 (1941).

* 102 399 N. E. 2d. 323.

* 103 Jean-Marie de BERMOND DE VAULX, JCP, « La notion d'apport dans les joint international ventures », JCP, 1982, 13757, p. 201.

* 104 Michel Vivant, « Le joint venture », cahiers de droit de l'entreprise, no 5 (spécial), du 1979, p.4.

* 105 Raymond Guillien et Jean Vincent, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 15e éd., 2005.

* 106 Projet de loi relatif au contrat de groupement momentané d'entreprises du 29 juin 1976, J.O., Doc. Parl. A.N., 2432.

* 107 Valérie Pironon, thèse préc., no 106, p.57.

* 108 Mémento pratique Francis Lefebvre, « Sociétés commerciales », Francis Lefebvre, 2005, p.1334.

* 109 Valérie Pironon, thèse préc., p. 30, no 58.

* 110 Giovanna M. Cinelli, «Biotechnological research and development: The joint venture as a viable corporate entity in a high risk industry», Journal of Corporation Law, winter, 1988, no 557: (joint ventures will increase "as businesses seek to share risks, bring together complementary skills and achieve scale economies in production, marketing, and research).

* 111 Cite par Sayagh Y., p.112.

* 112 Cass. Com. du 3 juin 1986, Bull. civ. IV no 116 ; CA Paris du 25 avril 1984 Bull. Joly 1984, p.1004.

* 113 Valérie Pironon, thèse préc., p.79.

* 114 Daniel DESURVIRE, « Les Joint Ventures pour gagner et enfoncer les barrières de l'économie », Droit et procédure, 1988, p. 535.

* 115 Sentence CCI, affaire no 4095 du 21 février 1984, Yearbook, (VI) 1986, p.149 (citée par V. Pironon, thèse préc., p.380)

* 116 Ph. Marchandise, « la coopération entre sociétés commerciales à la recherche d'une structure », Bruxelles, 1989, p.388, cité par V. Pironon, thèse préc., p.31.

* 117 Valérie Pironon, thèse préc., no 59, p.31.

* 118 Sentence CCI, affaire no 7570, en 1994 : Ainsi un manquement à la bonne foi contractuelle ne traduit pas forcément la disparition de l'affectio societatis, ni d'ailleurs la violation d'une obligation d'associés. D'où une différence de degré déduite du régime attaché à ces notions.

* 119 Pierre Lalive, Les entreprises conjointes internationales dans les pays en voie de développement, Genève 1972, p.63.

* 120 Cass. com. 20-11-2001, no 1909, RJDA 3/2 no 269.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon