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Le Droit applicable aux joint-ventures

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par Tongkin HUOY
Université Jean Moulin Lyon 3 - DEA 2006
  

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Section 2. Les conséquences des clauses d'electio juris dans l'ensemble contractuel du joint-venture

On a précédemment compris que se trouvant dans un système des contrats groupés, les composantes du joint-venture conservent pour chacun son autonomie et son existence propre. Pourtant, l'économie générale de ce complexe contractuel exige des relations interdépendantes entre eux. En présence, au moins, d'un choix de loi applicable par les parties, la détermination, par le juge ou par les arbitres, du droit applicable au joint-venture serait différente selon que les parties ont choisi ou non le(s) droit(s) applicable(s) aux contrats d'application. On envisage donc, dans un côté, la détermination du droit applicable au joint-venture en cas du silence des parties sur le droit applicable aux contrats d'application (§1), et dans l'autre, l'hypothèse inverse (§2).

§1. La détermination du droit applicable en cas du silence des parties sur le droit applicable aux contrats d'application

Dans l'hypothèse où les parties ont expressément ou implicitement choisi une loi applicable au contrat de base, mais ont été silencieuses sur la ou les lois applicables aux contrats dérivés, il est possible, voire nécessaire dans certains cas245(*), de faire étendre la loi du contrat de base aux contrats d'application (A). Malgré cette reconnaissance, par l'application actuelle de la Convention de Rome, sur la loi applicable aux obligations contractuelles, on est dans le doute sur l'opportunité de la reconnaissance de la « clause cadre d'electio juris » pour les contrats de joint-venture, comme pour les contrats cadres (B).

A. L'extension de la loi applicable au contrat de base aux contrats d'application

Le fondement de l'extension de la loi du contrat de base aux accords satellites n'est pas inconnu dans la Convention de Rome de 1980. En vertu de l'article 3, paragraphe 1 de la Convention, « le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause». Il est d'abord certain que les parties sont autorisées à insérer une clause prévoyant telle ou telle loi applicable au sein du contrat de base. En se basant sur la dépendance unilatérale du joint-venture, l'économie du contrat et les circonstances de la cause paraissent désigner la loi du contrat de joint-venture pour chacun des contrats d'application246(*). À vrai dire, il est évident que la clause d'electio juris convenue au contrat de joint-venture a un fort pouvoir de déterminer ou de fixer le droit applicable aux contrats d'applications à venir247(*).

On trouve des explications similaires dans le rapport des commentateurs officiels de la Convention de Rome. C'est ainsi il est soulevé que « la convention admet la possibilité que le juge puisse, en considération de l'ensemble des circonstances de la cause, constater que les parties ont fait un véritable choix de la loi encore qu'il ne soit pas expressément déclaré dans le contrat. Le fait qu'un contrat antérieur entre les parties au contrat contenait un choix exprès de la loi peut permettre au juge de n'avoir aucun doute que le contrat sera régi par la même loi précédemment choisie, même si la clause de choix de la loi a été omise dans des circonstances qui ne font pas apparaître un changement d'attitude entre les parties »248(*). Cette position paraît suivie par tant les juridictions que le tribunal arbitral.

Dans son arrêt Sté Carrefour c/ Marchi249(*), la première Chambre civile de la Cour de cassation condamne pour défaut de base légale une décision de la Cour d'appel qui « n'avait pas procédé à l'examen d'ensemble des relations ni pris en considération le lien existant entre les deux contrats en question ». La Cour suprême déclare en l'espèce qu'il y a lieu de tenir compte des liens unissant plusieurs contrats pour leur appliquer une seul et même loi. De même, dans une sentence de CCI, en étendant une clause qui désigne le droit français aux autres contrats du groupe, le tribunal retient que « l'intention des parties peut se dégager de deux circonstances suivantes : a) le contrat...déclare expressément prolonger et compléter en tant que de besoin tous accords antérieurs entre les parties relatifs à la circonstance de l'usine.... b). le contrat... est d'autre part prolongé à son tour par celui du..., malgré son objet plus particulier...»250(*).

Par le biais de ces décisions, on constate que l'extension de la loi du contrat de base aux contrats satellites n'est retenue qu'en appliquant strictement l'article 3, paragrapge1, de la Convention de Rome. En effet, l'extension de la loi du contrat de base aux contrats d'application sera accordée dès que le juge ou l'arbitre trouvent, après avoir examiné les circonstances de la cause, qu'il est certain que les parties choisissent ou réfèrent implicitement à la loi du contrat de base pour appliquer aux contrats dérivés. Autrement dit, la loi du contrat de base pourrait être concrètement étendue sur le fondement d'un choix certain ou implicite du droit applicable aux contrats d'application.

Dans le joint-venture, ce choix certain résulte notamment de la référence faite à une loi dans le contrat, sans que cette loi soit expressément désignée251(*). De même, le choix est certain par le fait que les parties prévoient dans le contrat d'application une clause de jonction permettant de maintenir les contrats d'application dans la dépendance du contrat de joint-venture252(*). Il est de même lorsque le contrat d'application est annexé au contrat de joint-venture et/ou qu'il manifeste son allégeance au contrat de joint-venture. Il s'agit ainsi de l'hypothèse où les parties ont, dans le préambule ou dans les clauses finales du contrat de base, manifesté de façon certaine leur volonté de soumettre ce contrat au droit applicable au contrat de joint-venture253(*). Par ailleurs, cette extension peut être également justifiée par le fait que les parties prévoient dans le contrat d'application une clause de jonction permettant de maintenir les contrats d'application dans la dépendance du contrat de joint-venture254(*). Dans l'hypothèse où les conventions sont liées entre eux, mais leurs natures sont distinctes, il est difficile de conclure le choix certain de la loi du contrat de base pour appliquer aux contrats d'application255(*).

En conséquence, si le choix certain du droit applicable aux contrats d'applications n'est pas identifié, il est remarquable que le juge et les arbitres recourent à la théorie de la localisation objective de chaque contrat256(*). Il est donc que la notion de la clause cadre d'electio juris donnée par la doctrine n'aurait pas de chance d'être retenue en droit international privé.

B. L'opportunité de la reconnaissance de la clause cadre d'electio juris ?

Dans le développement du commerce international actuel, le contrat cadre est de plus en plus utilisé par des opérateurs économiques. Le phénomène de l'expansion du contrat cadre s'expliquerait par son caractère souple qui correspond bien aux projets complexes dont l'exécution se déroule en plusieurs étapes. Le caractère souple du contrat cadre provient grandement de l'utilisation de la « clause cadre » qui permet de fixer certaines règles auxquelles seront soumise les accords à intervenir257(*).

En droit international privé, ce phénomène déploierait la confrontation, en termes de méthode, du contrat cadre au droit international privé258(*). En effet, l'utilisation de cette clause cadre incite les internationalistes à rechercher l'opportunité des clauses cadres en droit international privé : la clause cadre d'élection de for, la clause cadre d'arbitrage et la clause cadre d'electio juris.

Depuis plus d'une décennie, la clause cadre d'arbitrage est implicitement reconnue par la jurisprudence française, qui a consacré le principe de l'extension de la clause compromissoire, figurant dans le contrat de base, au sein de l'ensemble contractuel à dépendance unilatérale. Dans son arrêt du 29 novembre 1991259(*), la Cour d'appel de Paris s'est fondée sur la notion de complémentarité au sein de l'ensemble contractuel composé d'un accord de base et de plusieurs contrats de location-gérance considérés comme des contrats-effets260(*). De surcroît, la Cour de cassation privilégierait de faire en sorte que soient soumis à l'arbitrage tous les litiges nés directement ou indirectement du contrat initial comportant une clause compromissoire261(*).

Quant à la clause cadre d'electio juris, son objectif est de rechercher l'unité du droit applicable à l'ensemble contractuel. Cette clause présente certains avantages. En effet, le trait essentiel du contrat cadre donne de toute façon la naissance à un ensemble. Cet ensemble devrait donc être traité de façon homogène en droit international privé262(*). De même, certes étroitement liés, ces différents contrats n'en restent pas moins juridiquement distincts. Cela peut conduire à émietter un contentieux que l'on souhaiterait unique, et à menacer un désir compréhensible d'homogénéité en termes de droit applicable. C'est pour cette raison que la promotion de la clause cadre d'electio juris paraît concevable en droit international privé de contrats.

Dans le sens favorable à cette clause, certains auteurs constatent que l'application de l'article 3.1 de la Convention de Rome ne paraît pas y avoir un obstacle à l'existence d'une clause cadre d'electio juris263(*). En effet, par la reconnaissance de la faculté de choix implicite de droit applicable, l'article 3, paragraphe 1, de la Convention permettrait de rayonner le droit applicable au contrat de base sur l'ensemble des conventions groupées264(*). Plus que d'étendre éventuellement le droit applicable du contrat de base aux contrats d'application, la reconnaissance de la clause cadre, en termes de méthode, conduit à adopter une présomption simple : « à l'exception qu'il est soulevé qu'une convention ultérieure est venue modifier le contrat de joint-venture, seule la loi du contrat de base a vocation à rayonner à l'ensemble contractuel »265(*). Cette présomption est de nature à exprimer a priori « le choix résultant des contrats d'application ou de façon certaine des exigences de la cause »266(*).

Mais, le problème peut, d'abord, être posé à propos du domaine assigné à la clause cadre d'electio juris267(*). Il n'y a pas de difficulté si le contrat cadre et les contrats d'exécution comportent le caractère international. En revanche, si l'un de ces contrats ne possède pas le caractère international, il est douteux que l'extranéité de l'un d'entre eux puisse donner une dimension internationale à l'ensemble, et justifier l'extension d'une clause d'electio juris du contrat international vers le contrat interne268(*). Ensuite, on se demande si la clause cadre d'electio juris assure vraiment la prévisibilité et l'uniformatisation du droit applicable. En pratique, il est incontestable d'affirmer qu'à défaut de bien rédiger, la clause cadre d'electio juris risque de réserver des imprévus, tirés de la nécessité du respect de la souveraineté législative (loi de police)269(*). Cette difficulté sera plus grande lorsqu'on accepte la clause cadre d'electio juris dans le montage de joint-venture. En effet, à la différence de simple contrat cadre (distribution/vente), le joint-venture se compose souvent des contrats de nature très diverse. De plus, les engagements, surtout ceux contenant dans les contrats d'application, sont normalement très techniques et stratégiques. Choisir, avant même la conclusion des contrats d'application, une loi pour l'ensemble contractuel suppose la méconnaissance de la réalité du montage de joint-venture ; c'est cela que ne souhaitent pas les parties.

En bref, quelque soit la méthode pouvant être adoptée, l'application de la clause cadre d'electio juris n'est que d'alourdir des difficultés. En définitive, il n'est que de maintenir la solution actuelle, c'est-à-dire d'appliquer le principe posé à l'article 3, paragraphe1, et la réserve retenue à l'article 4, paragraphe1, concernant la localisation objective du contrat. De ce fait, le juge ou l'arbitre pourrait soumettre l'accord de base à la règle générale de conflit de lois (Convention de Rome) tout en réservant aux contrats d'application le jeu de la règle de conflit spécifique selon leur nature propre, s'il en existe. Ainsi, dans l'arrêt Optelec270(*) et l'arrêt Sté Ammann271(*), la Cour de cassation confiaient l'accord cadre (de base) à la Convention de Rome du 19 juin 1980, tandis que les ventes d'application continuaient à relever de la Convention de La Haye du 15 juin 1955, sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels. De toute façon, le juge, dans l'application de l'article 4, paragraphe 1, de la Convention de Rome, doit, sans être négligeable, tenir compte la réalité de l'ensemble contractuel du joint-venture.

On se demande quelle sera la loi déterminée en cas de présence du choix dans le(s) contrat(s) d'application.

* 245 Ibid.

* 246 Valérie Pironon, Les joint ventures..., thèse préc., no 768, p.386.

* 247 Frédéric LECLERC, « Le contrat cadre... », op. cit., p.13.

* 248 M. Giuliano et P. Lagarde, « Rapport concernant la Convention... » préc.

* 249 Civ. 1ère du 12 janvier 1994, Sté Carrefour c/ Marchi, JDI.1995, p.134, note S. Dion-Loye ; Rev. Crit. DIP. 1994, p.92 note H. Muir-Watt.

* 250 Sentence de CCI dans affaire no 1434 de 1975, JDI 1976, p.978, spéc. p.981, obs. Y. Derains.

* 251 Valérie Pironon, Les joint ventures..., thèse préc., p.385, no 766 et 767.

* 252 Ibid, no, 272, p.133.

* 253 Mario Giuliano, Paul Lagarde, « Rapport concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles », JOCE, 31 octobre 1980, no C282, spéc. p.17.

* 254 Valérie Pironon, thèse préc., no, 272, p.133.

* 255 Ibid., p.386, no 768.

* 256 Article 4.1 de la Convention de Rome de 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

* 257 Le terme « clause cadre » est introduit par Mme le professeur Béhar-Touchais, (M. Behar-Touchais et G, Virassamy, Les contrats de la distribution, in Traité des contrats, LGDJ, 1999, cité par Frédéric LECLERC, « Le contrat cadre ... », op. cit., p.7).

* 258 Frédéric LECLERC, préc., p.3 et 4.

* 259 : « L'analyse du protocole et des contrats de location-gérance fait ressortir que ces derniers ont constitué l'instrument juridique et économique permettant de réaliser l'objectif défini en commun par les parties dans le protocole », CA Paris du 29 novembre 1991, Rev.arb. 1993, p. 617, note L. Aynès. Cet arrêt fut confirmé par la première chambre civile de la Cour de cassation du 11 juin 1991, Rev. arb.1991, p.453, note P. Mayer.

* 260 Gaby CHAHINE,  La joint venture sociétaire..., Thèse préc., no172 p.86.

* 261 Civ.1ère du 5 janvier 1999, Rev. Crit. DIP, 1999, p.547.

* 262 TCFDIP, p.16

* 263 Frédéric LECLERC, « Le contrat cadre... », op. cit., p.13.

* 264 Valérie Pironon, Les joint ventures..., thèse préc., no 765, p.385.

* 265 Valérie Pironon, thèse préc., no 768, p.386.

* 266 Frédéric LECLERC, préc., p.14.

* 267 Ibid.

* 268 Frédéric LECLERC, préc., p.15.

* 269 Ibid.

* 270 Cass. civ. 1ère du 15 mai 2001, Optelec, Rev. Crit. DIP, 2001, p.89.

* 271 Cass. civ. 1ère du 25 novembre 2003, Sté Ammann-Yanmar, Contrats-conc.-conso Février 2004, no 17, obs. Leveneur. (cité par Frédéric LECLERC, Le contrat cadre en droit international privé, in Travaux du comité français de droit international privé 2002-2004, p.3 )

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus