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Politique, pauvreté et stabilité. le Sénégal peut-il basculer dans des violences sociales

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par Vivien MANEL
Institut français de géopolitique - Université Paris 8 - Master I géopolitique 2008
  

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TROISIEME PARTIE :

PAUVRETE ET INEGALITES SOCIALES FACE

AUX POLITIQUES ADOPTEES PAR LES

AUTORITES PUBLIQUES : QUELLES

CONSEQUENCES SUR LA STABILITE DU

SENEGAL?

80

Définir et mesurer la pauvreté reste une tâche plutôt délicate. Car si de prime abord elle désigne la faiblesse, l'absence, le manque de moyen, d'argent, bref le dénuement, elle n'en demeure pas moins une réalité bien plus complexe. Mais dans le cas qui nous concerne, ici, l'objet n'est pas d'étudier la pauvreté au travers de toutes les dimensions utilisées pour en expliquer la complexité. Bien entendu, elles pourraient être utilisées seules ou combinée pour décrire et illustrer des situations bien déterminées. La question qui me préoccupe, c'est plutôt de savoir comment la pauvreté vécue par les populations dans un territoire donné, Dakar et Tambacounda pour ce qui nous concerne, peut-elle influer, positivement ou négativement, sur les comportements qu'elles sont amenées à adopter. En d'autres termes, estce que l'état de pauvreté actuel, dans ces deux régions, peut être à l'origine de troubles sociaux, de soulèvement populaire, d'émeutes... ? Avant de répondre à cette interrogation, il me semble indispensable de faire l'état des lieux de ce phénomène. Car, s'il est établi que le Sénégal est un pays où la majorité de la population est très pauvre, il fait partie, depuis 2000, des cinquante pays les moins avancés du monde d'après un classement établi par la CNUCED, il reste que les manifestations de la pauvreté sont inégalement ressenties selon les régions. C'est pourquoi, les régions de Dakar et de Tambacounda serviront de support territorial pour mieux cerner, et partant, faire des comparaisons quant aux mesures et stratégies mises en oeuvre pour endiguer ce phénomène, ou tout au moins en réduire les manifestations. Ceci à travers l'exemple de la santé et de l'agriculture par le biais, plus précisément, de la dépendance alimentaire.

Malgré une croissance économique affichant, par exemple, une progression annuelle de l'ordre de 5 % entre 1994 et 2002 avant d'atteindre les 6 % en 2005 après une légère baisse, et quelle qu'ait été la pertinence des mesures sociales mises en oeuvre, la majorité de la population reste affectée par une importante perte de son pouvoir d'achat. Une situation qui conduit selon le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) à un creusement des inégalités sociales, les 20 % de la population les plus riches réalisant plus de 41% des dépenses annuelles totales contre 8,1% pour les

20%47 les plus pauvres. Autant que l'inégalité des revenus entre les pauvres et les riches, le déséquilibre structurel entre la capitale et les autres régions du Sénégal s'est fortement accru du fait de l'incapacité des différents régimes qui se sont succédés à la tête de l'Etat à ne pas concentrer les investissements uniquement à Dakar. Voyons à travers la relation entre santé et pauvreté dans les deux régions, comment se traduisent ces inégalités et ce déséquilibre.

A - Santé et pauvreté dans la région de Dakar : est-ce mieux dans la capitale ?

Malgré la progression de la part du budget allouée aux dépenses de santé (9,5 % en 2003 et 12 % en 2007), les dépenses de fonctionnement restent plus importantes que celles consacrées à l'investissement. Elles sont respectivement de 7 % et de 5 %. En 2006, le budget, consacré à la santé était, au niveau national, de 82 637 309 034 F Cfa (environ 126 millions d'euros). La région de Dakar avec 17 717 435 00048 F CFA (environ 27 millions d'euros) concentrait à elle seule 20 % de toutes les dépenses de santé. Elle paraît de prime abord bien dotée en infrastructure et personnel de santé.

La région de Dakar, qui occupe 0,3 % du territoire national et abrite 25 % de la population, est subdivisée en huit districts de santé et concentre : tous les établissements publics sanitaires de niveau 3 (EPS 3), 90 % des cabinets de spécialistes, 61 % des cabinets de médecins généralistes, 60 % des cliniques privées, 39 % des Postes de Santé (PS) privés sans maternité, 25 % des postes de santé complets privés, 84 % des médecins privés, 75 % des médecins généralistes, 92 % des spécialistes, 59% des pharmacies privées, 35 % des consultants, 30 % des accouchements des centres de santé, 35 % des accouchements des postes de santé, 25 % des consultations prénatales 1, 29 % des consultations prénatales 3.

47 - Source : Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP 2)

48 - Source : Situation économique et sociale de la région de Dakar, 2006, SRSD Dakar 2007

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POURCENTAGE DE LA DISPONIBILITE DE L'OFFRE DE SANTE A DAKAR
PAR RAPPORT AU NIVEAU NATIONAL (PERSONNEL HAUTEMENT
QUALIFIE ET STRUCTURES DE PREMIER ORDRE)

100

40

90

80

70

60

50

30

20

10

0

Dakar Sénégal

Sources : Situation économique et sociale de la région de Dakar en 2006, octobre 2007

La région de Dakar concentre ainsi, le meilleur en termes d'offre de personnel structures sanitaires et d'équipement en technologie de dernière génération. S'il reste vrai que la concentration de près du quart de la

population sur un très étroit territoire (0,3 %), peut justifier la nécessitéd'une couverture sanitaire appropriée et de qualité, il n'en demeure pas

moins que le déséquilibre avec les autres régions, Tambacounda notamment comme nous le verrons, est très important. Ce sont donc des taux de morbidité très inégaux que l'on constate entre la capitale et les autres régions.

Pourtant, malgré cette disponibilité de personnel et d'infrastructures de qualité, la région de Dakar connaît d'énormes problèmes sanitaires. Ils sont liés principalement à l'insalubrité, à la promiscuité et au dénuement de

certaines franges de la population qui, pour se loger à moindres frais, sont obligées d'habiter des zones inondables. Ce qui crée une situation favorable à la prolifération de pathologie comme le paludisme et le choléra.

Sources : SudQuotidien, PressAfrik, le Matin, photos des inondations à Pikine et Guédiawaye (banlieue de Dakar) en 2007

Le paludisme constitue le premier problème de santé publique au Sénégal. Il est la première cause de morbidité et de mortalité générale, surtout chez les enfants de moins de 5 ans. Plus de 50% de la demande des services de santé au niveau du pays tout au long de l'année, est lié au paludisme. En 2008 un total de 722 décès liés au paludisme a été noté au Sénégal. La région de Dakar comme le montre la carte ci-dessous est la plus affectée malgré qu'elle reste de loin la plus dotée en infrastructure et personnel de santé. Les fortes densités, la multiplication des zones inondables en saison de pluie particulièrement, l'inexistence d'un réseau adéquat d'évacuation des eaux usées et de pluie qui facilite la formation de flaques d'eau favorables à la prolifération des moustiques (anophèles) sont sans doute les raisons qui justifient ces statistiques.

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Quant au choléra, la carte ci-dessous montre combien la région de Dakar a été particulièrement touchée, après que l'épidémie soit partie de Diourbel. 9755 cas ont été relevés par les autorités sanitaires dans l'ensemble du pays. Causée par le manque d'hygiène, cette maladie peut survenir dans des endroits où les règles élémentaires d'hygiène ne sont pas respectées. Mais, en septembre 2005 et 2006, une nouvelle vague avait frappé durement les quartiers pauvres de la banlieue où les inondations sont devenues un problème récurrent. 23 325 cas, dont 303 mortels, avaient été alors signalés. La négligence des populations plus préoccupées par des questions de survie, cumulée à l'incapacité des autorités étatiques à endiguer cette pandémie constitue encore des terreaux fertiles à la survenue de cette pathologie.

Cas cumulés de choléra notifiés au Sénégal d'octobre 2004 au 12 avril
2005

Sources : ministère de la Santé et de la Prévention, Sénégal et Institut Pasteur Dakar

Au total, il ne suffit pas seulement que les infrastructures et le personnel sanitaire soient en nombre et en qualité suffisants, encore faut-il que le fonctionnement soit approprié et que les populations puissent avoir

les moyens financiers de se payer les soins dont elles ont besoin. En effet, si les nantis peuvent se rendre dans des cabinets et cliniques privés où le prix de la consultation s'élève, en moyenne, à 16 000 F Cfa (environ 25 €) et celui d'une échographie par exemple à 39 000 F Cfa (environ 60 €), la grande majorité de la population dont ces sommes représentent le total des gains en un mois, se bouscule dans les établissements publics. L'accès aux soins est ainsi freiné, pour la grande majorité de la population, par les difficultés économiques auxquelles elles sont confrontées.

Les établissements publics, du fait de la faiblesse de leurs budgets, se heurtent à de nombreuses contraintes tant au niveau de la gestion des établissements (infrastructures et personnel) que de la qualité des soins délivrés. C'est le cas de l'hôpital Abass Ndao à Dakar. Selon le Docteur Amadou Ndiaye, chef de service du laboratoire « Le seul problème qui gangrène Abass Ndao est le manque de moyens : nous ne disposons que de 650 millions (990 920 €) de subvention de l'Etat. Les charges du personnel (salaires et avantages compris) s'élèvent à 1 milliard 210 millions de F Cfa (environ 1 844 635 €), alors que la subvention associée aux recettes (600 millions F Cfa, [914 695 €] l'année) nous donne un total de 1 milliard 250 millions [1 905 615 €] ». Et il ajoute : « Nous sommes souvent obligés d'agir par ordre de priorité : soit nous payons le personnel et sacrifions les fournisseurs, soit nous faisons le contraire »49. Dans les deux cas, les populations déjà très affectées par leurs propres difficultés économiques, se retrouvent en position de victimes. Car si les fournisseurs ne sont pas payés, le matériel dont ne peut se passer l'hôpital dans son fonctionnement n'est pas livré, et si le personnel n'est pas payé, les grèves se multiplient et là on ne parle plus de qualité de soins mais d'inexistence de soins. Par ailleurs, vue la faiblesse des rémunérations dans le secteur public (entre 122 et 366 euros/mois), le personnel de santé n'hésite pas, dans sa grande majorité, à travailler parallèlement dans les structures privées pour des revenus additionnels. L'expression utilisée en wolof pour désigner ce genre de pratique au Sénégal c'est : « xar matt » (littéralement, fendre du bois).

49 - tiré d'un dossier réalisé par Dié BA intitulé : « avoir des soins médicaux à Dakar : les coûts et les coûts du système ! », le 13 avril 2009, dans www.Ferloo.com

On comprend ainsi pourquoi, comme le montre l'Annuaire de la santé (MSP 2008) plus de 50 % de la population se tourne d'abord vers les guérisseurs et la médecine traditionnelle pour se soigner. En effet, en dépit du nombre des infrastructures de santé dans la région de Dakar, les problèmes que connaît le système sanitaire et les coûts prohibitifs rendent l'accès aux soins de qualité très difficile pour les nombreux démunis de la région qui restent le plus souvent livrés à eux-mêmes.

En outre, étant donné que seuls 15 % de la population (les fonctionnaires principalement) bénéficient de dispositifs formels de protection et de couverture médicale, l'inexistence de système de sécurité sociale et de système de gestion et de prévention de risques pour les populations les plus pauvres participe, d'une part à créer de nouveaux pauvres, d'autre part à maintenir ceux qui l'étaient déjà dans une situation encore plus précaire face à la maladie. En effet, même si des stratégies sont mises en oeuvre pour essayer d'organiser paysans et acteurs du secteur informel principalement, dans des mutuelles de santé où les cotisations mensuelles s'élèvent entre 100 et 200 F Cfa (0,15 et 0,30 €), le problème n'est pas réglé pour autant. Car, s'il y en a qui rechigne à verser ces cotisations, d'autres part contre n'en disposent tout simplement pas. Par ailleurs, il faut reconnaître que l'Etat a mis en place la gratuité des soins pour les personnes du troisième âge qui constituent 3 % de la population nationale et pour les femmes enceintes qui doivent par exemple subir des césariennes. Mais l'application de ces mesures reste difficile surtout lorsque les hôpitaux, centres et postes de santé sont souvent confrontés à des problèmes de matériels médicaux, à des coupures d'électricité et des grèves du personnel ou encore aux absences répétitives du personnel.

Par ailleurs, l'accès à l'eau potable et à un système adéquat d'assainissement joue un rôle déterminant dans l'état de santé de la population. Méme si les pouvoirs publics ont consenti beaucoup d'effort dans la mise à disposition auprès des populations d'une eau de qualité et en quantité suffisante, une analyse récente (MSP 2004) ayant montré qu'en milieu urbain, le taux d'accès à l'eau potable a connu des progrès sensibles,

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passant de 78% en 2000 à 90%, il subsiste encore de sérieuses disparités d'accès selon les usagers et les régions. D'une part, un fort écart de taux de branchements particuliers subsiste entre la région de Dakar (75,7% en 2004) et les autres centres urbains (57,1% en 2004). D'autre part, 20% des ménages urbains et périurbains, les plus modestes, dépendent des bornes fontaines et payent l'eau au litre (environ 0,03 € les 5 litres) alors que les ménages disposant d'un branchement domiciliaire la payent au mètre cube (0,56 €). La consommation spécifique dans les quartiers pauvres de Dakar ne dépasse pas 30 l/j/pers., soit la moitié de la consommation spécifique moyenne de Dakar. En outre les populations de la banlieue se plaignent de sa qualité et de sa disponibilité : «L'eau qu'on boit ici est vraiment spéciale. Parfois, elle ne sort même pas du robinet ou quand elle apparaît, c'est avec une couleur rouge et une saveur vraiment pas agréable, mais on fait avec » (Adigbli, 2009), du coup beaucoup d'entre elles se tournent vers les puits malgré ce qu'elles en pensent : «Je sais que l'eau de puits est impropre à la consommation sans un traitement préalable, mais on n'y peut rien, puisqu'on ne dispose même pas de robinet » (Adigbli, 2009).

Il est important, pour rester dans la comparaison et pour faire ressortir le déséquilibre entre Dakar et Tambacounda, de nous pencher d'abord sur la relation entre santé et pauvreté dans cette dernière région.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King